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23/02/2017 | FRANCE | N°16VE03380

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 23 février 2017, 16VE03380


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...D...a demandé au Tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler la décision du 4 juillet 2014 par laquelle le préfet des Yvelines a refusé de lui accorder le bénéfice du regroupement familial au profit de son épouse, Mme C...F..., d'autre part, d'enjoindre au préfet de délivrer un titre de séjour à son épouse et à leur enfant, le jeuneB....

Par un jugement n° 1406168 du 24 mars 2016, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande.

Procédure devant la

Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 novembre 2016, M.D..., représenté par Me Barka...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...D...a demandé au Tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler la décision du 4 juillet 2014 par laquelle le préfet des Yvelines a refusé de lui accorder le bénéfice du regroupement familial au profit de son épouse, Mme C...F..., d'autre part, d'enjoindre au préfet de délivrer un titre de séjour à son épouse et à leur enfant, le jeuneB....

Par un jugement n° 1406168 du 24 mars 2016, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 novembre 2016, M.D..., représenté par Me Barkat, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3° d'enjoindre au préfet des Yvelines de délivrer à son épouse un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4° de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 300 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en estimant que le préfet avait fait une exacte application des dispositions du 3° de l'article L. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors qu'il n'a pas pris en considération le fait que son enfant B...est français en application des dispositions de l'article 19-3 du code civil et qu'en conséquence, son épouse peut prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en application des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le tribunal administratif s'est mépris sur la portée de ces textes ;

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- en ne tenant pas compte de la circonstance que son épouse, en sa qualité de parent d'un enfant français, pouvait bénéficier de la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en application des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation ;

- en estimant que son logement ne présentait pas la superficie minimale requise par la réglementation, le préfet a commis une erreur de fait ;

- en relevant que son emploi ne revêtait pas un caractère stable alors que ses revenus ont un caractère suffisant, le préfet a commis une erreur de droit et une erreur de fait ;

- compte tenu de sa situation familiale, la décision attaquée a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et à l'intérêt supérieur de ses deux enfants.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 décembre 1990 ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Haëm,

- les conclusions de Mme Mégret, rapporteur public,

- et les observations de Me Barkat pour M.D....

1. Considérant que M.D..., ressortissant mauricien, relève appel du jugement du 24 mars 2016 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 4 juillet 2014 du préfet des Yvelines refusant de lui accorder le bénéfice du regroupement familial au profit de son épouse, Mme C...F..., ressortissante mauricienne ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ; qu'il résulte des stipulations du paragraphe 1 de cet article 3, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas contesté en défense, le préfet des Yvelines n'ayant produit aucune observation, que M.D..., qui est né en France le 30 mai 1990 et qui a regagné l'Ile Maurice, avec ses parents, à l'âge de trois ans, est revenu en France au mois de novembre 2009 et y séjourne de façon régulière, depuis le mois de décembre 2011, sous couvert d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " régulièrement renouvelée depuis lors ; qu'en outre, l'ensemble de sa fratrie, à savoir sa soeur Marie Sylvia Jessica, titulaire d'un titre de séjour en qualité de conjointe d'un ressortissant de l'Union européenne, sa soeur Stéphanie, de nationalité française, et son frère Jean-Pierre, ancien légionnaire ayant servi dans l'armée française, notamment en Afghanistan, et titulaire d'une carte de résident, y réside également ; que, par ailleurs, M. D...a épousé en France, le 9 novembre 2013, une compatriote, Mme C...F..., avec laquelle il a eu deux enfants, le jeuneA..., né à l'Ile Maurice le 29 juin 2009, mais qui a vécu en France avec son père, y a été scolarisé et est titulaire d'un document de circulation pour étranger mineur, et le jeuneB..., né en France le 4 juin 2014 ; qu'enfin, le jeuneB..., qui est né à Poissy (Yvelines) d'un parent, M.D..., lui-même né à Versailles (Yvelines), est né français par application des dispositions de l'article 19-3 du code civil aux termes duquel : " Est français l'enfant né en France lorsque l'un de ses parents au moins y est lui-même né. " ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances particulières de l'espèce et alors même que, comme l'a relevé l'autorité préfectorale, M. D...ne disposait ni d'un emploi stable, ni d'un logement conforme aux normes de superficie et d'habitabilité exigées par la réglementation et que son épouse séjournait irrégulièrement sur le territoire français, la décision du 4 juillet 2014 par laquelle le préfet des Yvelines lui a refusé le bénéfice du regroupement familial au profit de son épouse a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport au but en vue duquel elle a été prise et a été prise en méconnaissance de l'intérêt supérieur de ses deux enfants ;

4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par le requérant, que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 4 juillet 2014 ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-3 du même code : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. " ;

6. Considérant qu'eu égard aux motifs énoncés au point 3, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet des Yvelines autorise le regroupement familial au profit de Mme C... F...et délivre à l'intéressée, en application de l'article L. 431-1 et du 1° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'ainsi et en l'absence d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait propres à la présente espèce invoqué par l'autorité préfectorale, il y a lieu d'ordonner au préfet des Yvelines d'autoriser ce regroupement familial et de procéder à la délivrance de ce titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que M. D...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle au taux de 55 % par une décision du bureau d'aide juridictionnelle établi près le Tribunal de grande instance de Versailles en date du 23 septembre 2016 ; qu'il n'allègue pas avoir engagé d'autres frais que ceux partiellement pris en charge à ce titre ; que, d'autre part, l'avocat de M. D... n'a pas demandé la condamnation de l'Etat à lui verser la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait bénéficié de l'aide juridictionnelle ; que, dans ces conditions, il y a donc lieu de condamner l'Etat à rembourser à M. D...la part des frais exposés par lui, non compris dans les dépens et laissés à sa charge par le bureau d'aide juridictionnelle ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1406168 du Tribunal administratif de Versailles en date du 24 mars 2016 et la décision du 4 juillet 2014 du préfet des Yvelines refusant d'accorder à M. D... le bénéfice du regroupement familial au profit de son épouse, Mme C...F..., sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Yvelines d'autoriser le regroupement familial au profit de Mme C... F...et de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat paiera à M. D...la part des frais exposés par lui, non compris dans les dépens et laissés à sa charge par la décision du 23 septembre 2016 du bureau d'aide juridictionnelle établi près le Tribunal de grande instance de Versailles.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D...est rejeté.

2

N° 16VE03380


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE03380
Date de la décision : 23/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme de BOISDEFFRE
Rapporteur ?: M. Rudolph D'HAËM
Rapporteur public ?: Mme MEGRET
Avocat(s) : BARKAT

Origine de la décision
Date de l'import : 07/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-02-23;16ve03380 ?
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