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20/12/2016 | FRANCE | N°15VE00709

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 20 décembre 2016, 15VE00709


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SOCIÉTÉ SCOR SE a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la santé en date du 15 novembre 2011 par laquelle il a confirmé la décision de l'inspectrice du travail en date du 27 juin 2011 lui refusant l'autorisation de procéder au licenciement de M.C..., ainsi que la décision de l'inspecteur du travail en date du 27 juin 2011 ;

Par un jugement n° 1200374 du 29 janvier 2015, le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoi

se a rejeté cette requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SOCIÉTÉ SCOR SE a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la santé en date du 15 novembre 2011 par laquelle il a confirmé la décision de l'inspectrice du travail en date du 27 juin 2011 lui refusant l'autorisation de procéder au licenciement de M.C..., ainsi que la décision de l'inspecteur du travail en date du 27 juin 2011 ;

Par un jugement n° 1200374 du 29 janvier 2015, le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a rejeté cette requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 4 mars 2015, la SOCIÉTÉ SCOR SE, représentée par Me Menard, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la santé en date du 15 novembre 2011 ;

3° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de

3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient :

- que les décisions attaquées sont entachées d'une erreur d'appréciation dès lors que la matérialité des faits reprochés à M. C...a été démontrée et que ceux-ci justifient la demande de licenciement pour faute grave ; que, contrairement aux dires de l'administration, il n'existe aucun doute sur la violation de l'obligation de discrétion professionnelle d'un représentant du personnel au comité d'entreprise ; que la divulgation d'informations confidentielles a généré des retards importants dans le projet d'acquisition, porté atteinte à la réputation et à la crédibilité du groupe et lui a fait subir un préjudice financier très significatif, estimé à ce jour à 3 millions d'euros ;

- qu'il n'existe aucun lien entre les faits reprochés à M. C...et les mandats de ce dernier ;

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

-la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;

- vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Margerit,

- les conclusions de Mme Orio, rapporteur public,

- et les observations de Me Menard, pour la SOCIÉTÉ SCOR SE ;

1. Considérant que M. C...a été embauché le 6 avril 1992 par la SOCIÉTÉ SCOR SE, implantée à Paris-la-Défense, où il occupe un poste de chargé d'études accumulations au sein du département rétrocessions, avec le statut de cadre ; qu'il détient les mandats de membre titulaire du comité d'entreprise de l'UES SCOR de Paris-la-Défense, de délégué syndical central CFE-CGC de l'UES SCOR, ancien membre du comité commun des sociétés européennes ; que, le 4 mai 2011, la SOCIÉTÉ SCOR SE a demandé l'autorisation de le licencier pour faute au motif qu'elle lui reprochait la divulgation délibérée, à l'égard d'un tiers au groupe SCOR, d'informations de nature confidentielle et présentées comme telles par la direction lors de la réunion du comité d'entreprise du 7 mars 2011 ayant eu pour objet un projet d'acquisition d'activités de réassurance de la société Transamerica Reinsurance ; que, par une décision du 27 juin 2011, l'inspectrice du travail a refusé l'autorisation de licencier M. C...aux motifs que les griefs invoqués n'étaient pas établis et que, par ailleurs, il existait un lien entre la demande et les mandats exercés par le salarié protégé ; que saisi d'un recours hiérarchique par une lettre en date du 8 juillet 2011, le ministre chargé du travail a confirmé la décision de l'inspectrice du travail par une décision en date du 15 novembre 2011 en retenant uniquement le défaut de matérialité des faits reprochés à M. C...; que la SOCIÉTÉ SCOR SE a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 15 novembre 2011 par laquelle le ministre chargé du travail a confirmé la décision de l'inspectrice du travail en date du 27 juin 2011 lui refusant l'autorisation de procéder au licenciement de M.C..., ainsi que la décision de l'inspectrice du travail en date du 27 juin 2011 ; que, par un jugement en date du 29 janvier 2015, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette requête ; que la SOCIÉTÉ SCOR SE relève régulièrement appel de ce jugement ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un acte ou un comportement du salarié survenu en dehors de l'exécution de son contrat de travail, notamment dans le cadre de l'exercice de ses fonctions représentatives, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits en cause sont établis et de nature, compte tenu de leur répercussion sur le fonctionnement de l'entreprise, à rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, eu égard à la nature de ses fonctions et à l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé ;

3. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 1235-1 du code du travail : " En cas de litige(...), le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles(...). Si un doute subsiste, il profite au salarié " ; qu'en application de ces dispositions, lorsqu'un doute subsiste sur l'exactitude matérielle des griefs ou sur leur imputabilité à un salarié protégé, ce doute doit profiter au salarié ;

4. Considérant que la demande d'autorisation de licenciement pour faute grave formée par la SOCIÉTÉ SCOR SE a pour motif le manquement de M. C...à son obligation de discrétion professionnelle ; que ce manquement aurait consisté à divulguer à un membre de la société Transamerica Reinsurance, le projet d'acquisition de certaines activités de la société Transamerica Reinsurance, à la sortie de la réunion du comité d'entreprise en date du 7 mars 2011, dont il était membre, au cours de laquelle ce projet aurait été présenté ; que cette divulgation aurait été faite depuis son téléphone professionnel ; que la demande d'autorisation de licenciement mentionne que le manquement serait établi de manière irréfragable par plusieurs pièces et notamment par les conclusions des deux audits internes qui ont été réalisés par la société requérante en réponse au mail adressé le 11 mai 2011 par le président directeur général de la société Transamerica Reinsurance au directeur de la SOCIÉTÉ SCOR SE, où il l'informait que la filiale française de Transamerica connaissait une certaine agitation sociale depuis que les salariés avaient appris que le comité d'entreprise la SOCIÉTÉ SCOR SE avait été consulté sur un projet d'acquisition des portefeuilles activités de Transamerica Reinsurance et que se posait la question du devenir du personnel en France et en Espagne après une intégration par la SOCIÉTÉ SCOR SE ; que les audits susmentionnés ont consisté, d'une part, en un traçage des mails et des appels téléphoniques sortants portant sur l'ensemble (NB si on en est surs car cela n'est pas évident) des salariés, et d'autre part, en des entretiens avec grille de question auxquels ont été soumis les seuls membres du Comité d'entreprise ; que la société requérante produit également des attestations de ses salariés établissant selon elle la matérialité des faits reprochés à M. C... ;

5. Considérant, toutefois que, si les conclusions des deux audits permettent, en effet, de constater que le jour même de la réunion du comité d'entreprise le 7 mars 2011 deux appels téléphoniques ont été passés du poste de travail de M. C...à MmeA..., employée et salariée protégée de la société Transamerica, M. C...a indiqué, lors d'un entretien avec sa hiérarchie, que c'était Mme A...qui avait essayé de le contacter en premier pour lui parler d'une salariée de la SOCIÉTÉ SCOR SE en situation de souffrance au travail ; que si, M. C...admet avoir rappelé Mme A...à la fin de la réunion du comité d'entreprise, il affirme que leur conversation n'a, en aucun cas, porté sur les informations abordées au cours de ladite réunion ; qu'en effet, le contenu exact des ces deux appels est inconnu et qu'il ne peut être déduit de leur seule chronologie et de leurs seuls acteurs que leur échange aurait porté sur le projet d'acquisition susmentionné ; que, d'ailleurs, en l'absence de compte-rendu littéral du premier entretien avec M. B...en date du 10 mars, la question exacte posée à M.C..., à laquelle il aurait répondu non, ne peut être regardée mais ayant porté avec certitude sur le fait de savoir s'il aurait appelé un membre de la société Transamerica ; qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport rédigé par la directrice de l'unité territoriale des Hauts-de-Seine de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France du 29 septembre 2011 que MmeA..., qui a été entendue par l'inspectrice du travail dans le cadre de l'enquête contradictoire, a confirmé la version de M. C... et notamment le fait que celui l'aurait rappelée après qu'elle avait essayé de le contacter le jour de la réunion du comité d'entreprise, et que leur discussion n'a porté ni sur l'acquisition d'activités de réassurance de la société Transamérica Reinsurance ni sur les licenciements éventuels auxquels cette opération pourrait conduire ; que la SOCIÉTÉ SCOR SE n'a procédé à aucune investigation pour vérifier les dires de son salarié en analysant notamment les appels entrants sur le poste de M. C...; qu'en outre, les pièces produites par la société requérante dans le cadre de la présente instance ne permettent nullement d'établir de manière irréfragable que Mme A...soit à l'origine des fuites au sein de la société Transamerica ; que, par ailleurs, l'allégation selon laquelle M. C...aurait pour habitude de contacter les journalistes sans en informer l'entreprise, ce qui conduirait à porter naturellement les soupçons sur lui, n'est assortie d'aucun commencement de preuve ;

6. Considérant, de plus, qu'il ressort des termes mêmes de la présentation écrite du projet communiquée à l'instance, dont le contenu est général, que les effectifs en France et en Espagne de la société cible ne devraient pas être impactés ; qu'aucun compte-rendu littéral de la réunion du 7 mars 2011, et notamment des échanges verbaux, n'a été fait par la SOCIÉTÉ SCOR SE ; que la société n'établit pas qu'elle aurait informé les membres de cette réunion de ce que les effectifs en France et en Espagne seraient impactés par l'acquisition projeté de la société Transamerica ; que, dans ces conditions, l'information selon laquelle ces effectifs seraient au contraire impactés par le projet ne peut être regardée comme ayant été apportée, et, partant, divulguée par un des membres de ladite réunion ;

7. Considérant, en outre, qu'il ressort également des pièces du dossier que le 6 mars 2011, le journal californien " San Francisco Chronicles " a publié un article révélant que la SOCIÉTÉ SCOR SE avait entamé des pourparlers avec Transamerica Reinsurance en vue d'une éventuelle reprise ; que, dans cet article, qui a été publié avant la tenue de la séance du comité d'entreprise, le journaliste affirme avoir obtenu ces informations auprès de 4 personnes " proches du dossier" ;

8. Considérant enfin, que dans un article de la revue Argus paru le 13 mai 2011, le président directeur général de la SOCIÉTÉ SCOR SE a reconnu que l'opération de rachat de Transamerica Reinsurance avait mobilisé à certains moments une centaine de personnes ; qu'une telle circonstance n'est d'ailleurs pas contestée ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'un doute subsiste sur l'exactitude matérielle des griefs formulés contre M. C...et que ce doute doit lui profiter ; que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont considéré que le ministre en charge du travail et l'inspectrice du travail étaient en droit pour ce seul motif, et sans qu'il soit besoin d'examiner la question de l'obligation de discrétion professionnelle, de refuser l'autorisation de licencier M. C..., et ont rejeté la requête de la SOCIÉTÉ SCOR SE ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante en l'instance, la somme que la SOCIÉTÉ SCOR SE demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SOCIÉTÉ SCOR SE une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. C...;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SOCIÉTÉ SCOR SE est rejetée.

Article 2 : La SOCIÉTÉ SCOR SE versera à M. C...la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

2

N° 15VE00709


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE00709
Date de la décision : 20/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Diane MARGERIT
Rapporteur public ?: Mme ORIO
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS RACINE

Origine de la décision
Date de l'import : 03/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2016-12-20;15ve00709 ?
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