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21/06/2016 | FRANCE | N°15VE01091

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 21 juin 2016, 15VE01091


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL EURO BAR a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision implicite née le 2 février 2014 rejetant son recours gracieux contre la décision du

13 novembre 2013 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge une somme de 17 200 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et une somme de 2 124 euros au titre de la contribution forfaitaire prévue à l'a

rticle L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL EURO BAR a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision implicite née le 2 février 2014 rejetant son recours gracieux contre la décision du

13 novembre 2013 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge une somme de 17 200 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et une somme de 2 124 euros au titre de la contribution forfaitaire prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un jugement n° 1402075, en date du 5 février 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 avril 2015 et le 10 mai 2016, la SARL EURO BAR, représentée par Me Le Normand, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler la décision implicite de rejet de son recours gracieux, née le 2 février 2014 ;

3° d'annuler la décision du directeur général de l'OFII du 13 novembre 2013 ;

4° à titre subsidiaire, de minorer la contribution spéciale mise à sa charge et de supprimer la contribution forfaitaire ;

5° de mettre à la charge de l'OFII le versement d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SARL EURO BAR soutient que :

- la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure dès lors que la procédure contradictoire n'a pas été respectée ;

- la décision attaquée souffre d'un défaut de motivation ;

- la décision attaquée souffre d'une erreur de fait dans la mesure où elle est fondée sur un procès-verbal d'infraction qui est entaché de nullité.

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Boret,

- les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public ;

- et les observations de Me Le Normand pour la SARL EURO BAR.

1. Considérant que lors d'un contrôle effectué sur réquisition judiciaire le 4 avril 2012 à 22 heures 15 au siège de la SARL EURO BAR, laquelle exerce une activité de café et de brasserie à Saint-Denis, les services de police ont constaté la présence, en situation de travail, d'une ressortissante étrangère dépourvue de titre de séjour et d'autorisation de travail ; que, par une décision du 13 novembre 2013, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à la charge de cette société une contribution spéciale de 17 200 euros sur le fondement de l'article L. 8253-1 du code du travail et une contribution forfaitaire de réacheminement d'un montant de 2 124 euros sur le fondement de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la SARL EURO BAR relève appel du jugement susvisé du Tribunal administratif de Montreuil qui a rejeté sa demande en décharge ou en réduction des dites contributions ;

2. Considérant, en premier lieu, que les articles R. 8253-1 et suivants du code du travail définissant la procédure préalable au prononcé de la sanction n'exigent pas que le procès-verbal d'infraction soit communiqué à la personne poursuivie ; qu'au demeurant, il résulte de l'instruction que l'OFII a, par un courrier du 18 septembre 2013, indiqué à la SARL EURO BAR qu'elle encourait le paiement des contributions spéciale et forfaitaire et qu'elle avait la possibilité de présenter ses observations dans un délai de quinze jours ; qu'ainsi et en tout état de cause, la procédure suivie n'a pas méconnu le principe du contradictoire ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / - infligent une sanction ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;

4. Considérant que la décision attaquée, qui vise notamment les articles L. 8251-1 et L. 8253-1 du code du travail, l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le procès-verbal d'infraction et la lettre en date du 18 septembre 2013, mentionne également les faits qui sont reprochés à la société, susceptibles de donner lieu au paiement d'une contribution spéciale et d'une contribution forfaitaire, ainsi qu'en annexe, le nom du salarié irrégulier concerné ; qu'ainsi, la décision litigieuse comportant les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement, le moyen tiré de son insuffisante motivation manque en fait ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut directement ou indirectement embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 8253-1 du même code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1, acquitte, pour chaque travailleur étranger sans titre de travail, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger sans titre mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égale à 2 000 fois ce même taux. (...) L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de liquider cette contribution (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale au bénéfice de l'Office français de l'immigration et de l'intégration prévue à l'article L. 341-7 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. " ;

6. Considérant que le procès-verbal d'infraction rédigé le 5 avril 2012 relatant des faits constatés le 4 avril 2012, à 22 heures 15, n'est entaché d'aucune erreur matérielle et que ces faits n'ont pas été contredits par le juge pénal ;

7. Considérant que si la SARL EURO BAR soutient, et produit à cet effet des attestations de clients selon lesquelles ils étaient toujours servis par la gérante de la société, que la ressortissante étrangère serait en réalité une cliente de l'établissement, il résulte des énonciations du procès-verbal du 5 avril 2012 que les affaires personnelles de cette dernière étaient rangées derrière le comptoir, qu'elle était elle-même en tenue de travail et qu'elle servait un client au moment du contrôle ; qu'en outre, elle a expressément reconnu, au cours de son audition, et lors d'une confrontation avec la gérante de la société, avoir été employée en tant que serveuse entre le 2 et le 4 avril 2012 ; qu'il est ainsi bien établi que MmeA..., qui se trouvait en situation de séjour irrégulier, et était dépourvue des titres l'autorisant à travailler en France, était employée par la SARL EURO BAR, en violation notamment de l'article L. 8251-1 du code du travail ; que, par suite, le moyen tiré de l'absence de preuve de la matérialité des faits incriminés doit être écarté ;

8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article R. 8253-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'article 1er du décret n° 2013-467 du 4 juin 2013: " I.-Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. II.-Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ; 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7. III.-Dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II, le montant de la contribution spéciale est réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France " ; que l'article R. 8252-6 du même code dispose que : " L'employeur d'un étranger sans titre s'acquitte par tout moyen, dans le délai mentionné à l'article L. 8252-4, des salaires et indemnités déterminés à l'article L. 8252-2. / Il remet au salarié étranger sans titre les bulletins de paie correspondants, un certificat de travail ainsi que le solde de tout compte. Il justifie, auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, par tout moyen, de l'accomplissement de ses obligations légales " ;

9. Considérant qu'il est reproché à la SARL EURO BAR à la fois, d'avoir employé un étranger dépourvu d'autorisation de travail, d'avoir méconnu ses obligations déclaratives, en violation des dispositions des articles L. 8251-1 et L 8221-1 du code du travail, et d'avoir aidé au séjour irrégulier, en violation des dispositions de l'article L 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi la situation de la SARL EURO BAR n'entre dans aucune des dispositions du II ou du III de l'article R. 8253-2 du code du travail, réduisant le quantum de la sanction ; que, par conséquent, c'est à bon droit que le montant de la contribution spéciale a été fixé à 5 000 fois le taux horaire du salaire minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12 du code du travail soit, en l'espèce, à la somme de 17 200 euros, et que la société requérante, a été assujettie au versement d'une contribution forfaitaire de 2 124 euros pour frais de réacheminement, laquelle n'est pas subordonnée au caractère effectif dudit réacheminement ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL EURO BAR n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par suite, ses conclusions présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la SARL EURO BAR le versement à l'Office français de l'immigration et de l'intégration de la somme de 1 500 euros en application de ces mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL EURO BAR est rejetée.

Article 2 : La SARL EURO BAR versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative est rejeté.

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N° 15VE01091


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE01091
Date de la décision : 21/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-06-02-02 Étrangers. Emploi des étrangers. Mesures individuelles. Contribution spéciale due à raison de l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger.


Composition du Tribunal
Président : Mme BORET
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle BORET
Rapporteur public ?: Mme ROLLET-PERRAUD
Avocat(s) : SCHEGIN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2016-06-21;15ve01091 ?
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