La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/06/2016 | FRANCE | N°15VE00220

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 07 juin 2016, 15VE00220


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

THE CITIGROUP PENSION PLAN a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, à titre principal, de prononcer la restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française, au titre des années 2008 et 2009, à hauteur de 95 082,58 euros, et de lui accorder le bénéfice du versement des intérêts moratoires en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ; à titre subsidiaire, de demander l'avis du Conseil d'Etat sur l'éventuelle contrariété de la retenue

la source prélevée sur les dividendes de source française au titre des années ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

THE CITIGROUP PENSION PLAN a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, à titre principal, de prononcer la restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française, au titre des années 2008 et 2009, à hauteur de 95 082,58 euros, et de lui accorder le bénéfice du versement des intérêts moratoires en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ; à titre subsidiaire, de demander l'avis du Conseil d'Etat sur l'éventuelle contrariété de la retenue à la source prélevée sur les dividendes de source française au titre des années 2006 à 2009 à l'article 56 du Traité instituant la Communauté européenne, et de surseoir à statuer jusqu'à ce que l'avis soit rendu et, à titre plus subsidiaire, de saisir la Cour de Justice de l'Union Européenne d'une question préjudicielle sur l'éventuelle contrariété de la retenue à la source prélevée sur les dividendes de source française au titre des années 2006 à 2009 à l'article 56 du Traité instituant la Communauté européenne, et de surseoir à statuer jusqu'à ce qu'une décision soit rendue.

Par un jugement n° 1309037 du 14 octobre 2014, le Tribunal administratif de Montreuil, faisant partiellement droit à sa demande, a décidé de la restitution des retenues à la source prélevées au titre de l'année 2009, dans la limite du quantum demandé à l'appui de la réclamation préalable et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 20 janvier 2015 et deux mémoires enregistrés les

28 septembre 2015 et 18 février 2016, le fonds CITIGROUP PENSION PLAN, représenté par Me de Waal, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette pour irrecevabilité ses conclusions tendant à la restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française au titre de l'année 2008 ;

2° de prononcer la restitution des montants correspondant aux retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française au titre de l'année 2008 ;

3° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a retenu la fin de non recevoir tirée de la tardiveté de sa réclamation au titre de l'année 2008, dont a fait état le rapporteur public, pour la première fois à l'audience et sans que l'administration fiscale n'en ait fait état dans ses écritures, violant ainsi le principe du contradictoire puisqu'il a dû présenter une note en délibéré afin de contester ces éléments ; pour le même motif, il a également été privé de son droit à un procès équitable ;

- sa réclamation au titre de l'année 2008 était recevable puisqu'elle a été introduite avant la date du 31 décembre 2011 qui correspond à l'expiration du délai nouveau ouvert par la décision Société Stichting Unilever Pensioenfonds Progress rendue par le Conseil d'Etat saisi d'un recours en excès de pouvoir, le 13 février 2009 sous le n° 298108, conformément à l'article L. 190 du livre des procédures fiscales et au c) de l'article R. 196-1 du même livre, dans leur rédaction applicable aux décisions de justice intervenues avant le 1er janvier 2013, pour l'application desquels cette décision constitue un " évènement " ; la décision Société Rallye, ne saurait avoir la portée que lui prête l'administration, dès lors que dans cette décision, le Conseil d'Etat conclut qu'une instruction fiscale qui ajoute illégalement à la loi n'est pas une règle de droit au sens des articles L. 190 du livre des procédures fiscales et R. 196-1 c) du même livre, alors que dans Stichting Unilever, le Conseil d'Etat censure au contraire l'absence d'une position à caractère réglementaire venant corriger une norme déficiente ; les décisions du Conseil d'Etat SA Canal+, 17 avril 2015, n° 373650 et Société Santander Asset Management SGIIC SA et autres, du 23 mai 2011, n° 344678 à 344687, mentionnent certes que " seules les décisions de la CJUE retenant une interprétation du droit de l'Union qui révèle directement une incompatibilité avec ce droit d'une règle applicable en France, sont de nature à constituer le point de départ du délai dans lequel sont recevables les réclamations motivées par la réalisation d'un tel évènement, au sens et pour l'application de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales (...) ", mais que cet adverbe " directement " ne doit pas être compris trop strictement car il serait détourné de son objectif qui est de permettre la pleine application de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ;

- les instructions qui ne sont pas interprétatives et se bornent à rappeler l'état du droit positif entrent dans le champ d'application de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, ainsi que l'a affirmé le Conseil d'Etat dans sa décision Chauderlot du 2 juin 2006, n° 275416 ; or dans la décision Stichting Unilever, l'instruction en cause n'était en aucun cas interprétative et ne faisait que rappeler le principe de la retenue à la source prévu à l'article 119 bis 2 du code général des impôts ;

- sur le fond : les retenues à la source doivent lui être restituées dès lors que sa gestion est désintéressée, qu'il est géré et administré à titre bénévole par des personnes n'ayant aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l'exploitation et, enfin, qu'il n'entretient pas de relation privilégiée avec des entreprises et pas davantage de relations de concurrence ; à cet effet il rappelle le principe de fonctionnement d'un fonds de pension américain, géré par un trustee auquel il est légalement interdit de tirer profit de la gestion des actifs du fonds.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité instituant la Communauté européenne ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la convention fiscale signée le 31 août 1994 entre la France et les Etats-Unis ;

- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne Santander Asset Management SGIIC SA et autres, 10 mai 2012, C-338/11 à 347/11 ;

- les décisions du Conseil d'Etat :

- Stichting Unilever Pensioenfonds Progress et autres, 13 février 2009, n° 298108, A ;

- Société Rallye, 30 décembre 2013, n° 350100, A ;

- Ministre chargé du budget c/ M. et MmeA..., 29 avril 2015, n° 368808 ;

- Ministre du budget c/ SAS Autogrill Aéroports, 31 juillet 2015, n° 368979 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Moulin-Zys,

- les conclusions de M. Coudert, rapporteur public,

- et les observations de Me de Waal, pour le fonds CITIGROUP PENSION PLAN.

Deux notes en délibéré présentées par le fonds CITIGROUP PENSION PLAN ont été enregistrées les 24 et 27 mai 2016.

1. Considérant que le fonds CITIGROUP PENSION PLAN, fonds de pension de droit américain dont le siège social est situé à Stamford, Connecticut (Etats-Unis), a été, en application des dispositions combinées du 2 de l'article 119 bis et de l'article 187 du code général des impôts ainsi que de la convention fiscale franco-américaine, soumis, au titre des années 2008 et 2009, à la retenue à la source sur les dividendes perçus de sociétés françaises, au taux de 15 % ; qu'il relève régulièrement appel du jugement rendu le 14 octobre 2014 par le Tribunal administratif de Montreuil, en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions, tendant à la restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française au titre de l'année 2008 ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou, au Conseil d'Etat, la sous-section chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué " ; qu'il résulte de l'instruction que, s'agissant des conclusions aux fins de restitution des retenues à la source de l'année 2008, la question de la recevabilité de la demande de première instance, au regard de l'expiration du délai de réclamation, en ce que ce délai était expiré du fait que la décision du Conseil d'Etat du 13 février 2009 " Société Stichting Unilever Pensioenfonds Progress et autres " ne constituait pas un " évènement " au sens des dispositions du c) de la première partie de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, a été soulevée, pour la première fois dans le débat contentieux de première instance, par le rapporteur public pendant l'audience, avant d'être retenue par les premiers juges, malgré une note en délibéré du demandeur contestant cette tardiveté ; qu'eu égard aux exigences de la procédure contradictoire, le Tribunal administratif, en se fondant, pour cette partie du litige qui lui était soumis, sur une question sur laquelle les parties n'avaient pas été mises à même de débattre avant la clôture de l'instruction, a entaché son jugement d'irrégularité ; qu'il doit donc être annulé, dans cette mesure ; qu'il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur ce litige ;

Sur la tardiveté de la réclamation au titre des retenues à la source effectuées en 2008 :

3. Considérant, qu'aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Sont instruites et jugées selon les règles du présent chapitre toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition ou à l'exercice de droits à déduction, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure. / Lorsque cette non-conformité a été révélée par une décision juridictionnelle, l'action en restitution des sommes versées ou en paiement des droits à déduction non exercés ou l'action en réparation du préjudice subi ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la troisième année précédant celle où la décision ou l'avis révélant la non-conformité est intervenu (...) / Pour l'application du quatrième alinéa, sont considérés comme des décisions juridictionnelles ou des avis rendus au contentieux les décisions du Conseil d'Etat (...) se prononçant sur un recours en annulation, sur une action en manquement ou sur une question préjudicielle " ; que par ailleurs, aux termes de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : (...) c) de la réalisation de l'événement qui motive la réclamation. / Toutefois, dans les cas suivants, les réclamations doivent être présentées au plus tard le 31 décembre de l'année suivant celle, selon le cas : (...) b) Au cours de laquelle les retenues à la source et les prélèvements ont été opérés s'il s'agit de contestations relatives à l'application de ces retenues (...) " ;

4. Considérant, d'une part, qu'au cas où, comme en l'espèce, une réclamation aux fins de restitution de retenues à la source est tardive en raison de l'expiration du délai de réclamation résultant des dispositions précitées du b) de la seconde partie de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, une telle réclamation peut néanmoins être exercée dans le délai fixé par les dispositions précitées du c) de la première partie du même article du livre des procédures fiscales ;

5. Considérant, d'autre part, que, s'agissant des décisions et avis rendus au contentieux, notamment, par le Conseil d'Etat, seuls ceux qui révèlent directement l'incompatibilité avec une règle de droit supérieure de la règle de droit dont il a été fait application pour fonder l'imposition en litige sont de nature à constituer le point de départ du délai dans lequel sont recevables les réclamations motivées par la réalisation d'un événement au sens du c) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ainsi que de la période sur laquelle l'action en restitution peut s'exercer en application de l'article L. 190 du même livre ; qu'une décision ou un avis qui se borne à retenir une interprétation des dispositions du droit de l'Union ou du droit national dont il a été fait application pour fonder l'imposition contestée différente de celle jusqu'alors formellement admise par l'administration dans ses instructions ne peut constituer le point de départ de ce délai et de cette période, dès lors que l'imposition ne saurait être fondée sur l'interprétation de la loi fiscale que l'administration exprime dans ses instructions ; que, par suite, la décision rendue par le Conseil d'Etat le 13 février 2009 dans l'affaire " Société Stichting Unilever Pensioenfonds Progress et autres " ne saurait constituer la réalisation d'un " évènement " pour l'application des dispositions précitées, dès lors que celle-ci n'a fait que révéler la non-conformité d'instructions, au demeurant applicables aux seuls fonds de pension néerlandais, à une règle de droit supérieure ; que, dès lors, en application des dispositions précitées du b) de la seconde partie de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, le délai de réclamation, s'agissant des retenues à la source litigieuses versées au titre de l'année 2008, expirait au

31 décembre 2010 ; que par suite, la réclamation du fonds requérant a été tardivement introduite le 30 décembre 2011 ; qu'ainsi, les conclusions aux fins de restitution, afférentes à l'année 2008, présentées au juge par le fonds CITIGROUP PENSION PLAN sont irrecevables ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir qui avait été opposée par l'administration devant le Tribunal administratif, que le fonds CITIGROUP PENSION PLAN n'est pas fondé à demander la restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française qu'il a perçus au cours de l'année 2008 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le fonds

CITIGROUP PENSION PLAN demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 14 octobre 2014 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions présentées par le fonds CITIGROUP PENSION PLAN aux fins de restitution des retenues à la source afférentes à l'année 2008.

Article 2 : La demande du fonds CITIGROUP PENSION PLAN présentée devant le Tribunal administratif de Montreuil, aux fins de restitution des retenues à la source afférentes à l'année 2008, et les conclusions qu'il présente devant la Cour sont rejetées.

''

''

''

''

N°15VE00220 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE00220
Date de la décision : 07/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-06-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Cotisations d`IR mises à la charge de personnes morales ou de tiers. Retenues à la source.


Composition du Tribunal
Président : M. BERGERET
Rapporteur ?: Mme Marie-Cécile MOULIN-ZYS
Rapporteur public ?: M. COUDERT
Avocat(s) : PAUL HASTINGS (EUROPE) LLP

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2016-06-07;15ve00220 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award