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15/03/2016 | FRANCE | N°15VE01437

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 15 mars 2016, 15VE01437


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil l'annulation de l'arrêté du 6 octobre 2014 du préfet de la Seine-Saint-Denis refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1410411 du 26 mars 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la

Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 avril 2015 et transmise à la Cour de céans par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil l'annulation de l'arrêté du 6 octobre 2014 du préfet de la Seine-Saint-Denis refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1410411 du 26 mars 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 avril 2015 et transmise à la Cour de céans par la Cour administrative d'appel de Paris en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, et un mémoire ampliatif, enregistré le 12 octobre 2015, MmeB..., représenté par Me Hounkpatin, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3° d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis lui délivrer un titre de séjour en sa qualité de mère d'enfants mineurs ressortissants européens ;

4° de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme B...soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, elle-même et ses quatre enfants ne font pas peser une charge déraisonnable sur les finances publiques ; à cet égard, l'assurance-maladie et les prestations familiales dont la famille bénéficie sont liées à l'activité professionnelle de son époux, qui a toujours travaillé depuis son arrivée en France ;

- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; en effet, sa cellule familiale est établie en France, où est né, en 2012, le dernier de ses enfants, lequel présente des troubles du comportement nécessitant un suivi spécifique ce qui justifie une prise en charge à titre humanitaire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les arrêts de la Cour de justice de l'Union Européenne C-413/99 du 17 septembre 2002, C- 200/02 du 19 octobre 2004, C-34/09 du 8 mars 2011, C-86/12 du 10 octobre 2013 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Huon.

1. Considérant que MmeB..., ressortissante de la République démocratique du Congo, titulaire d'une carte de séjour délivré par les autorités néerlandaises valable jusqu'en mars 2014 est entrée en France en 2011 pour y rejoindre son conjoint, de nationalité néerlandaise, avec leurs trois enfants, nés en 2001, 2004 et 2006, eux aussi de nationalité néerlandaise ; que, le 1er avril 2012, le couple a donné naissance à un quatrième enfant sur le territoire national ; qu'ayant sollicité son admission au séjour en mai 2013, l'intéressée s'est vu opposer, par arrêté du 6 octobre 2014 du préfet de la Seine-Saint-Denis, un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et d'une décision fixant le pays de destination ; que Mme B...fait appel du jugement du 26 mars 2015 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 20 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Il est institué une citoyenneté de l'Union. Est citoyen de l'Union toute personne ayant la nationalité d'un État membre. La citoyenneté de l'Union s'ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas. 2. Les citoyens de l'Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par les traités. Ils ont, entre autres: a) le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres (...) Ces droits s'exercent dans les conditions et limites définies par les traités et par les mesures adoptées en application de ceux-ci " ; qu'aux termes de l'article 7 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, intitulé " Droit de séjour de plus de trois mois " : " 1. Tout citoyen de l'Union a le droit de séjourner sur le territoire d'un autre État membre pour une durée de plus de trois mois : (...) b) s'il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale de l'État membre d'accueil au cours de son séjour, et d'une assurance maladie complète dans l'État membre d'accueil (...) 2. Le droit de séjour prévu au paragraphe 1 s'étend aux membres de la famille n'ayant pas la nationalité d'un État membre lorsqu'ils accompagnent ou rejoignent dans l'État membre d'accueil le citoyen de l'Union, pour autant que ce dernier satisfasse aux conditions énoncées au paragraphe 1, points a), b) ou c) " ; que ces stipulations et dispositions combinées, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, notamment dans les arrêts visés ci-dessus, confèrent au ressortissant mineur d'un État membre, en sa qualité de citoyen de l'Union, ainsi que, par voie de conséquence, au ressortissant d'un État tiers, parent de ce mineur et qui en assume la charge, un droit de séjour dans l'État membre d'accueil à la double condition que cet enfant soit couvert par une assurance maladie appropriée et que le parent qui en assume la charge dispose de ressources suffisantes ; que l'État membre d'accueil, qui doit assurer aux citoyens de l'Union la jouissance effective des droits que leur confère ce statut, ne peut refuser à l'enfant mineur, citoyen de l'Union, et à son parent, le droit de séjourner sur son territoire que si l'une au moins de ces deux conditions, dont le respect permet d'éviter que les intéressés ne deviennent une charge déraisonnable pour ses finances publiques, n'est pas remplie ; que, dans pareille hypothèse, l'éloignement forcé du ressortissant de l'État tiers et de son enfant mineur ne pourrait, le cas échéant, être ordonné qu'à destination de l'État membre dont ce dernier possède la nationalité ou de tout Etat membre dans lequel ils seraient légalement admissibles ;

3. Considérant que Mme B...soutient qu'elle dispose d'un droit au séjour en sa qualité de parent d'enfants de nationalité néerlandaise ; que, toutefois, il n'est pas contesté qu'en dehors des prestations sociales, l'intéressée ne dispose d'aucun revenu propre, pas plus d'ailleurs que son époux, qui, s'il a travaillé quelques mois en 2011 et 2012 avant de s'inscrire à Pôle Emploi, n'exerçait plus aucune activité à la date de l'arrêté attaqué ; que les intéressés, qui ont quatre enfants à charge, n'ont d'ailleurs déclaré à l'impôt sur le revenu que 6 400 euros de revenus au titre de l'année 2011 et aucun revenu pour l'année 2012 ; qu'ainsi, la requérante ne justifie pas disposer de ressources suffisantes pour qu'elle et ses enfants ne deviennent pas une charge déraisonnable pour les finances publiques ; qu'elle n'est donc pas fondée à se prévaloir des stipulations et dispositions combinées des articles 20 et 21 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et 7 de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; / (...) 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 121-3 de ce code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° ou 5° de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois. / S'il est âgé de plus de dix-huit ans ou d'au moins seize ans lorsqu'il veut exercer une activité professionnelle, il doit être muni d'une carte de séjour (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le ressortissant d'un Etat tiers ne dispose d'un droit au séjour en France en qualité de conjoint à charge d'un ressortissant de l'Union européenne, que dans la mesure où ce dernier remplit lui-même au moins l'une des conditions fixées par les dispositions précitées des 1° et 2° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

5. Considérant, ainsi qu'il vient d'être dit, que l'époux de Mme B...n'exerce aucune activité professionnelle et ne dispose ni pour lui, ni pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale ; que, par suite, le moyen tiré par l'intéressée de ce qu'elle pourrait prétendre à un titre de séjour en application des dispositions de l'article L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile ne peut qu'être écarté ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;

7. Considérant que, si Mme B...soutient que sa famille vit dans des conditions de logement précaires, cette circonstance n'implique pas, bien au contraire, son maintien sur le territoire national ; que si, par ailleurs, elle fait valoir que son dernier fils, né en 2012, présente des troubles psychologiques nécessitant un suivi particulier, elle n'établit pas que ce suivi ne pourrait être assuré qu'en France et qu'en particulier, cet enfant ne pourrait être soigné aux Pays-Bas, pays dont son époux est ressortissant et dans lequel elle a régulièrement résidé avec le reste de la famille jusqu'en 2011 ; que, de surcroît, la requérante n'allègue aucune intégration professionnelle ou sociale ; que, dans ces conditions, en estimant que l'admission au séjour de Mme B...ne répondait pas à des considérations humanitaires ou ne se justifiait pas par des motifs exceptionnels, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation de la situation de l'intéressé au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

9. Considérant que, pour les motifs de fait énoncés au point 7, et, alors, en particulier, que Mme B...n'invoque aucune circonstance précise qui ferait obstacle à ce qu'elle poursuive normalement sa vie de famille à étranger, notamment, aux Pays-Bas, l'arrêté attaqué ne peut être regardé comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que cet arrêté n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, les conclusions présentées par l'intéressée aux fins d'injonction et d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 23 février 2016, à laquelle siégeaient :

M. Bergeret, président,

M. Huon, premier conseiller,

Mme Moulin-Zys, premier conseiller.

Lu en audience publique le 15 mars 2016.

Le rapporteur,

C. HUONLe président,

Y. BERGERETLe greffier,

C. FOURTEAULa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier,

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N° 15VE01437


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE01437
Date de la décision : 15/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BERGERET
Rapporteur ?: M. Christophe HUON
Rapporteur public ?: M. COUDERT
Avocat(s) : HOUNKPATIN

Origine de la décision
Date de l'import : 25/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2016-03-15;15ve01437 ?
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