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10/03/2016 | FRANCE | N°13VE03423

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 10 mars 2016, 13VE03423


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SOCIETE DTP2I a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler le marché de travaux de voirie et d'assainissement conclu le 17 octobre 2011 par la commune de Marines avec la société Dubrac Travaux Publics ainsi que les deux avenants à ce marché signés le 17 décembre 2011, d'autre part, de condamner la commune de Marines à lui verser la somme de 15 792,81 euros HT en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de son éviction irrégulière de l'attribution

des lots n° 1 et 2 de ce marché.

Par un jugement n° 1201769 du 17 septembre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SOCIETE DTP2I a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler le marché de travaux de voirie et d'assainissement conclu le 17 octobre 2011 par la commune de Marines avec la société Dubrac Travaux Publics ainsi que les deux avenants à ce marché signés le 17 décembre 2011, d'autre part, de condamner la commune de Marines à lui verser la somme de 15 792,81 euros HT en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de son éviction irrégulière de l'attribution des lots n° 1 et 2 de ce marché.

Par un jugement n° 1201769 du 17 septembre 2013, le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires en réplique, enregistrés respectivement le 15 novembre 2013, le 12 juin 2015 et le 8 février 2016, la SOCIETE DTP2I, représentée par Me De Baecke, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler ce marché et ces deux avenants ;

3° à titre principal, de condamner la commune de Marines à lui verser la somme de 11 236,81 euros HT en réparation du manque à gagner et du préjudice moral subis du fait de son éviction irrégulière de l'attribution des lots n° 1 et 2 de ce marché ;

4° à titre subsidiaire, de condamner la commune à lui verser la somme de 9 556 euros HT en réparation des frais engagés pour présenter son offre et du préjudice moral subi du fait de cette éviction irrégulière ;

5° de mettre à la charge de la commune de Marines le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et la somme correspondant à la contribution pour l'aide juridique, en première instance et en appel, prévue par l'article R. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué qui ne précise pas les raisons pour lesquelles le tribunal administratif a estimé que le délai d'exécution du marché n'avait pas été susceptible de favoriser l'offre de la société attributaire et que les prix proposés par cette dernière n'étaient pas manifestement sous-évalués, est insuffisamment motivé et, par suite, entaché d'irrégularité ;

- ce jugement est également entaché d'irrégularité dès lors que l'ampliation qui lui a été notifiée ne lui permet pas de s'assurer que la minute du jugement est conforme aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- le dossier de la consultation avait fait du calendrier d'exécution des travaux, qui devaient être achevés au plus tard le 16 décembre 2011, un élément essentiel de la procédure de mise en concurrence pour l'attribution du marché ; cet élément a nécessairement contraint les candidats dans l'élaboration de leurs offres et, en particulier, de leur prix ; la commune a néanmoins permis à la société attributaire, en signant le 12 décembre 2011 deux avenants au marché ayant pour objet d'allonger substantiellement son délai d'exécution, d'exécuter ce marché aux prix très bas qu'elle avait proposés ; or ces prix ne lui permettaient ni d'exécuter le marché conformément au cahier des charges, ni d'honorer ses charges, notamment fiscales et sociales ; elle a toutefois anticipé cette prorogation du délai d'exécution et pu s'engager contractuellement pour de tels prix ; en acceptant ainsi un bouleversement de l'économie générale du marché initial, alors que le marché finalement exécuté n'est pas celui qui avait été mis en concurrence, la commune a vicié a posteriori la procédure de mise en concurrence ; en conséquence, le marché exécuté doit être annulé et la responsabilité de la commune mise en jeu dès lors que l'exposante a été évincée dans des conditions devenues irrégulières ;

- en signant les deux avenants au marché, la commune a méconnu l'article 20 du code des marchés publics et les principes généraux du droit de la commande publique ; en effet, en multipliant par deux, voire par trois, la durée d'exécution du marché, ces avenants en ont bouleversé substantiellement l'économie, en méconnaissance des documents de la consultation du marché initial, qui présentaient le calendrier d'exécution comme un élément essentiel et intangible de la procédure de passation, et sans qu'une procédure de mise en concurrence n'ait été préalablement mise en oeuvre ; en outre, l'allongement très substantiel de la durée d'exécution du marché a permis à son titulaire de proposer, lors de la procédure de consultation, des prix très bas en anticipant cette prorogation lors de l'élaboration de son offre ; si les autres candidats avaient pu supposer un assouplissement du calendrier, ils n'auraient pas manqué de présenter une offre financière plus compétitive ; par ailleurs, la durée des travaux a, en réalité, été multipliée par quatre alors que cette durée avait été fixée, de façon impérative par le dossier de la consultation, à deux mois ; enfin, il appartient au juge du contrat, saisi par un concurrent évincé, de contrôler la validité de tels avenants modifiant le périmètre initial de la mise en concurrence ;

- la conclusion de tels avenants, non prévus par le cahier des clauses particulières, ne saurait être justifiée par les motifs avancés par la commune ; en effet, le retard pris dans la notification du marché ne saurait suffire à expliquer que sa durée a été prolongée, par les avenants en cause, de deux mois et demi alors que la durée initiale était de deux mois et le délai de préparation du chantier d'environ un mois et que la commune avait juridiquement la possibilité d'ordonner un commencement d'exécution des travaux ou, à tout le moins, la préparation du chantier à une date antérieure à la notification du marché ; de plus, les travaux ont commencé effectivement dès le mois d'octobre 2011 ; en outre, il en est de même des conditions météorologiques, notamment du mois de décembre 2011, qui, ne présentant aucun caractère exceptionnel, anormal ou imprévisible, ne sauraient en l'espèce constituer des sujétions techniques imprévues de nature à justifier la conclusion d'avenants bouleversant l'économie du marché initial ; enfin, les clauses de l'article 19 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, relatives aux deux cas de prolongation du délai d'exécution d'un marché pour intempéries, ne pouvaient en l'espèce justifier la prolongation du délai d'exécution du marché en cause, ce qui démontre que les avenants litigieux sont en réalité dénués de tout lien avec les conditions météorologiques ;

- compte tenu de l'écart existant entre les prix que la société Dubrac Travaux Publics a proposés et ceux des autres candidats ainsi que des autres éléments composant les offres de la société attributaire, cette dernière devait être regardée comme ayant présenté des offres anormalement basses, ne trouvant aucune explication économique ; à cet égard, la circonstance que cette société détenait une centrale enrobée et son matériel d'application ne saurait expliquer de telles offres, alors qu'elle-même disposait de tels matériels et bénéficiait d'un avantage compétitif objectif, celui de sa proximité immédiate avec le lieu d'exécution des prestations ; en conséquence, le pouvoir adjudicateur aurait dû, conformément à l'article 55 du code des marchés publics, solliciter auprès de la société Dubrac Travaux Publics toutes précisions et justifications utiles de nature à expliquer les prix proposés ; en ne mettant pas en oeuvre cette procédure, le pouvoir adjudicateur a commis une erreur manifeste d'appréciation et a faussé le jeu de la concurrence ; en outre, le non-respect du délai d'exécution des travaux initialement prévu démontre a posteriori le caractère anormalement bas des offres de la société attributaire ; en effet, les avenants au marché ont permis au titulaire du marché d'exécuter les travaux, sans respecter le cahier des charges initial ayant fait l'objet d'une mise en concurrence, et d'assumer ainsi financièrement les prix anticoncurrentiels sur lesquels il s'était contractuellement engagé ; dans ces conditions, en signant de tels avenants, la commune a manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence et a méconnu le principe d'égalité de traitement des candidats ;

- irrégulièrement évincée, elle a droit à une indemnisation de son préjudice dès lors qu'elle disposait d'une chance sérieuse de remporter le marché litigieux ; en effet, si la procédure d'attribution avait mentionné la durée réelle d'exécution des travaux, elle aurait pu présenter une offre financière significativement plus compétitive ; en tout état de cause, compte tenu du classement de ses offres selon le critère de la valeur technique des prestations et de sa capacité à optimiser ses offres financières si la concurrence avait été régulière, elle aurait été en mesure de présenter l'offre la mieux disante, compte tenu notamment de son implantation géographique ;

- les frais qu'elle a engagés pour présenter son offre s'élèvent à 4 556 euros HT ;

- par ailleurs, le manque à gagner qu'elle a subi doit être évalué, compte tenu de la part des prestations lui incombant dans le cadre du groupement formé avec la société

Cochery Ile-de-France et de sa marge nette, à hauteur de 6 236,81 euros HT ;

- elle a, enfin, subi un préjudice moral, tenant notamment à l'atteinte portée à son image, qui doit être évalué à hauteur de 5 000 euros HT.

...................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Haëm,

- les conclusions de Mme Mégret, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., pour la SOCIETE DTP2I, et MeA..., pour la commune de Marines.

1. Considérant que, par un avis d'appel public à la concurrence publié le 19 juillet 2011, la commune de Marines (Val-d'Oise) a lancé une consultation, selon la procédure adaptée prévue par les articles 26 et 28 du code des marchés publics, en vue de l'attribution d'un marché de travaux divisé en deux lots, le lot n° 1 ayant pour objet la réalisation de travaux de voirie et le lot n° 2 la réalisation de travaux d'assainissement, et dont la durée d'exécution était fixée pour la période courant du 17 octobre 2011 au 16 décembre 2011 ; que trois sociétés ont présenté une offre pour chacun des deux lots, dont la SOCIETE DTP2I, mandataire d'un groupement solidaire d'entreprises, et la société Dubrac Travaux Publics, cette dernière obtenant l'attribution des deux lots du marché ; que le marché a été signé par le maire de la commune et notifié à la société Dubrac Travaux Publics le 17 octobre 2011 ; que, le 12 décembre 2011, la commune et la société attributaire ont signé deux avenants au marché, le premier ayant pour objet, pour le lot n° 1, de reporter la date de fin d'exécution des travaux au 29 février 2012, le second ayant pour objet, pour le lot n° 2, de reporter la date de fin d'exécution des " travaux courants " à cette même date et, pour ceux concernant les " bétons désactivés ", au 15 avril 2012 ; qu'estimant avoir été irrégulièrement évincée de l'attribution des lots n° 1 et 2, la SOCIETE DTP2I a saisi le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'une demande tendant, d'une part, à l'annulation de ce marché et de ces deux avenants, d'autre part, à la condamnation de la commune de Marines à lui verser une indemnité de 15 792,81 euros HT en réparation des préjudices subis de ce chef ; que la SOCIETE DTP2I relève appel du jugement du 17 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. " ;

3. Considérant qu'il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué, notamment de ses points 4 à 13, que le tribunal administratif a expressément répondu aux différents moyens soulevés en première instance par la société requérante ; qu'en particulier, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre au moyen tiré de ce que le délai d'exécution du marché aurait favorisé l'offre de la société attributaire ou à celui tiré de ce que les prix proposés par cette dernière auraient été manifestement sous-évalués ; que, par suite, la SOCIETE DTP2I n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité, faute d'une motivation suffisante ;

4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience " ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 précité ; que, par ailleurs, la circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée à la SOCIETE DTP2I ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement ;

Sur les conclusions en contestation de la validité du marché et de ses deux avenants :

6. Considérant que, indépendamment des actions dont les parties au contrat disposent devant le juge du contrat, tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif est recevable à former devant ce même juge un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses, qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires ; qu'il appartient alors au juge du contrat, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences ; qu'ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité éventuellement commise, soit de prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit d'accorder des indemnisations en réparation des droits lésés, soit enfin, après avoir vérifié si l'annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l'intérêt général ou aux droits des cocontractants, d'annuler, totalement ou partiellement, le cas échéant avec un effet différé, le contrat ;

7. Considérant qu'à l'appui de sa contestation du marché de travaux litigieux, la SOCIETE DTP2I soutient qu'en acceptant, par la conclusion des avenants du 12 décembre 2011, un allongement très substantiel de la durée d'exécution du marché alors que le dossier de la consultation avait fait du calendrier d'exécution des travaux un élément essentiel, et contraignant pour les candidats, de la procédure de mise en concurrence, la commune de Marines a permis à la société Dubrac Travaux Publics, attributaire, qui, compte tenu des prix très bas de son offre, avait nécessairement anticipé un tel allongement, d'exécuter le marché aux prix anticoncurrentiels auxquels elle s'était contractuellement engagée et a ainsi vicié a posteriori la procédure de mise en concurrence initiale et méconnu les principes généraux de la commande publique et, en particulier, le principe d'égalité de traitement des candidats ; qu'elle soutient également que la société Dubrac Travaux Publics a proposé, lors de la procédure de passation initiale et en anticipant dès ce stade une prolongation de la durée d'exécution du contrat, des offres anormalement basses qui ne correspondent à aucune réalité économique de sorte que le pouvoir adjudicateur aurait dû, conformément à l'article 55 du code des marchés publics, solliciter auprès d'elle toutes précisions et justifications utiles de nature à expliquer les prix proposés sauf à commettre une erreur manifeste d'appréciation et à fausser le jeu de la concurrence ; qu'elle soutient enfin que les deux avenants du 12 décembre 2011, ayant pour objet de reporter la date de fin d'exécution des travaux, dont au surplus la durée effective sera finalement multipliée par quatre, ont eu pour effet de bouleverser l'économie du marché initial en méconnaissance de l'article 20 du code des marchés publics et ont ainsi constitué un nouveau marché qui aurait dû faire l'objet d'une procédure de mise en concurrence ;

8. Considérant, toutefois, en premier lieu, qu'il ne résulte d'aucun élément de l'instruction et qu'il n'est d'ailleurs pas sérieusement soutenu par la société requérante que, lors de la procédure initiale de passation du marché en litige, le pouvoir adjudicateur aurait entendu favoriser la société Dubrac Travaux Publics, attributaire des deux lots du marché, notamment en l'informant de manière privilégiée d'une possibilité de prolongation de la durée d'exécution du contrat, fixée initialement par le dossier de la consultation pour la période courant du 17 octobre 2011 au 16 décembre 2011, afin qu'elle puisse présenter des offres à des prix compétitifs ; que, par ailleurs, la seule circonstance, alléguée par la société requérante, selon laquelle la société Dubrac Travaux Publics aurait, lors de cette procédure de consultation et, en particulier, lors de l'élaboration de ses offres, " anticipé " une telle prolongation de la durée d'exécution du contrat, anticipation que tout candidat était d'ailleurs à même de faire dès lors, notamment, que les documents du marché n'excluaient pas une prolongation du délai d'exécution en cas d'intempéries, et qu'elle aurait, pour cette raison, présenté des offres comprenant des prix plus bas que les autres candidats est par elle-même sans incidence sur la régularité de cette procédure, sauf à ce qu'elle l'ait conduite à présenter une offre anormalement basse que le pouvoir adjudicateur aurait dû rejeter ;

9. Considérant, à cet égard et en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1er du code des marchés publics, ceux-ci respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures ; qu'aux termes de l'article 53 du même code : " I. - Pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde : / 1° Soit sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet du marché (...) / 2° Soit, compte tenu de l'objet du marché, sur un seul critère, qui est celui du prix. / (...) III. - Les offres inappropriées, irrégulières et inacceptables sont éliminées. Les autres offres sont classées par ordre décroissant. L'offre la mieux classée est retenue (...) " ; qu'aux termes de l'article 55 dudit code : " Si une offre paraît anormalement basse, le pouvoir adjudicateur peut la rejeter par décision motivée après avoir demandé par écrit les précisions qu'il juge utiles et vérifié les justifications fournies (...). / Peuvent être prises en considération des justifications tenant notamment aux aspects suivants : / 1° Les modes de fabrication des produits, les modalités de la prestation des services, les procédés de construction ; / 2° Les conditions exceptionnellement favorables dont dispose le candidat pour exécuter les travaux, pour fournir les produits ou pour réaliser les prestations de services ; / 3° L'originalité de l'offre ; / 4° Les dispositions relatives aux conditions de travail en vigueur là où la prestation est réalisée ; / 5° L'obtention éventuelle d'une aide d'Etat par le candidat (...) " ;

10. Considérant que le fait, pour un pouvoir adjudicateur, de retenir une offre anormalement basse porte atteinte à l'égalité entre les candidats à l'attribution d'un marché public ; qu'il résulte des dispositions précitées que, quelle que soit la procédure de passation mise en oeuvre, il incombe au pouvoir adjudicateur qui constate qu'une offre paraît anormalement basse de solliciter auprès de son auteur toutes précisions et justifications de nature à expliquer le prix proposé ; que si les précisions et justifications apportées ne sont pas suffisantes pour que le prix proposé ne soit pas regardé comme manifestement sous-évalué et de nature, ainsi, à compromettre la bonne exécution du marché, il appartient au pouvoir adjudicateur de rejeter l'offre ;

11. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, s'agissant du lot n° 1 du marché, le prix proposé par la société Dubrac Travaux Publics s'élevait à 210 815,33 euros TTC alors que ceux proposés par les deux autres sociétés candidates s'élevaient, respectivement, à 287 793,48 euros TTC et 289 901,15 euros TTC et que, s'agissant du lot n° 2, le prix proposé par la société attributaire s'élevait à 41 125,66 euros TTC alors que ceux des deux autres sociétés candidates s'élevaient, respectivement, à 65 947,68 euros TTC et 75 203,52 euros TTC ; que, cependant, le seul écart de prix, pour chacun des deux lots, entre l'offre de la société Dubrac Travaux Publics et celles des autres sociétés candidates ne saurait suffire à caractériser le caractère anormalement bas de l'offre présentée par la société attributaire lors de la procédure de consultation ; qu'en outre, il ne résulte pas de l'instruction que les prix ainsi proposés par la société attributaire auraient été manifestement sous-évalués et, ainsi, susceptibles de compromettre la bonne exécution du marché ; qu'à cet égard et contrairement à ce que soutient la société requérante, ni le classement en dernière position, selon le critère de la valeur technique et pour chacun des deux lots, de l'offre de la société Dubrac Travaux Publics, ni, par ailleurs, la circonstance que la SOCIETE DTP2I aurait disposé pour l'exécution du marché, comme la société attributaire qui en était propriétaire, d'une centrale d'enrobé et de ses matériels d'application, alors qu'au demeurant la société requérante reconnaît elle-même dans ses écritures avoir dû recourir à un groupement d'entreprises pour disposer d'une telle centrale et de tels matériels, ni, enfin, le fait que la SOCIETE DTP2I aurait, selon elle, bénéficié d'un avantage compétitif tenant à son lieu d'implantation, à proximité immédiate du lieu d'exécution du marché, ne permettent de démontrer une telle sous-évaluation manifeste des prix proposés par la société attributaire lors de la procédure de passation ; qu'enfin, si, pour soutenir que, lors de cette procédure, le pouvoir adjudicateur aurait dû, en application des dispositions précitées de l'article 55 du code des marchés publics, constater que les offres présentées par la société Dubrac Travaux Publics paraissaient anormalement basses et solliciter auprès d'elle toutes précisions et justifications de nature à expliquer les prix proposés, la société requérante se prévaut des avenants au marché litigieux signés postérieurement, le 12 décembre 2011, ou des modalités d'exécution du marché, ni ces avenants ni ces modalités d'exécution ne révèlent le caractère a priori anormalement bas de ces offres ; que, par suite, le pouvoir adjudicateur, en n'ayant pas considéré, lors de la procédure de mise en concurrence, les offres de la société Dubrac Travaux Publics comme anormalement basses, ne saurait être regardé comme ayant commis une erreur manifeste d'appréciation ;

12. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 20 du code des marchés publics : " En cas de sujétions techniques imprévues ne résultant pas du fait des parties, un avenant ou une décision de poursuivre peut intervenir quel que soit le montant de la modification en résultant. / Dans tous les autres cas, un avenant ou une décision de poursuivre ne peut bouleverser l'économie du marché, ni en changer l'objet. " ;

13. Considérant que, ainsi qu'il a été dit au point 1, la commune et la société attributaire ont signé, le 12 décembre 2011, deux avenants au marché, le premier ayant pour objet, pour le lot n° 1, de reporter la date de fin d'exécution des travaux au 29 février 2012, le second ayant pour objet, pour le lot n° 2, de reporter la date de fin d'exécution des " travaux courants " à cette même date et, pour ceux concernant les " bétons désactivés ", au 15 avril 2012 ;

14. Considérant, d'une part, que s'il est vrai que le dossier de la consultation avait prévu initialement une date de début des travaux fixée au 17 octobre 2011 et une date de fin des travaux au 16 décembre 2011, réserve étant d'ailleurs faite expressément du cas des intempéries, soit un délai d'exécution des travaux de deux mois, les deux avenants au marché litigieux ont été signés, le 12 décembre 2011, aux motifs, d'une part, " d'une notification tardive par rapport à la date de remise des offres (17 octobre 2011) et donc [d'] une entrée plus rapide dans l'hiver " et, d'autre part, " d'une pluviométrie importante sur les quinze premiers jours de décembre et [de] prévisions météorologiques pour les quinze jours à venir " ; que ces motifs ne sauraient être sérieusement contestés par la société requérante alors qu'il résulte de l'instruction que la commune de Marines, qui avait fixé une date limite de réception des offres au 15 septembre 2011 et prévu une notification du marché quelques jours après cette date ainsi qu'une phase de préparation du chantier devant se dérouler avant la date de début des travaux, a tardé à procéder à la notification du marché à la société attributaire, notification qui n'est intervenue que le 17 octobre 2011, soit le jour-même de la date prévisionnelle de début des travaux ; qu'il résulte également de l'instruction que le mois de décembre 2011 a été marqué par des conditions météorologiques défavorables, notamment des précipitations se situant au-dessus des normales saisonnières et le passage de la tempête Joachim les 15 et 16 décembre 2011 avec des vents particulièrement violents ; que, par ailleurs, contrairement à ce qui est soutenu, les stipulations du cahier des clauses particulières propre au marché litigieux ne s'opposaient pas au recours à des avenants au contrat initial afin de modifier les dates d'exécution des travaux ; que, par suite, le moyen soulevé par la société requérante et tiré de ce que les motifs des avenants seraient dénués de tout lien avec le retard pris par la commune dans la notification du chantier et les conditions météorologiques doit être écarté ;

15. Considérant, d'autre part, qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'en reportant la date de fin des travaux, initialement fixée au 16 décembre 2011, au 29 février 2012 et, pour les travaux du lot n° 2 concernant les " bétons désactivés ", au 15 avril 2012, les deux avenants litigieux auraient eu pour objet ou pour effet de bouleverser l'économie du marché initial ou d'en changer l'objet ; qu'à cet égard, ces avenants n'ont modifié ni le montant global et forfaitaire du marché, ni les différents travaux de voirie et d'assainissement à réaliser ; qu'en outre, il ne résulte pas de l'instruction que le report dans le temps de la date de fin des travaux, pour les motifs rappelés au point 14, correspondrait à une augmentation substantielle du délai d'exécution initialement prévu sur une période de deux mois, qui serait constitutive d'un bouleversement de l'économie du contrat ; que, sur ce dernier point et alors même que les travaux auraient débuté dès le mois d'octobre 2011, il n'est pas démontré par la société requérante que ce report aurait constitué un avantage consenti, notamment en termes de coûts d'exploitation, à la société attributaire qui a dû assumer tant le retard dans la notification du marché que celui dans le début et l'exécution même des travaux ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en concluant ces deux avenants, la commune de Marines aurait méconnu les dispositions précitées de l'article 20 du code des marchés publics et les principes généraux de la commande publique, ni que de tels avenants auraient modifié le marché à un point tel que la procédure de passation initiale devrait être regardée comme étant irrégulière ;

16. Considérant, en dernier lieu, que, pour contester la validité du marché, la SOCIETE DTP2I ne peut utilement se prévaloir des modalités d'exécution du marché et, en particulier, compte tenu notamment des dates de réception des travaux et des décomptes y afférents, de la durée effective de son exécution, qui ne sauraient affecter sa validité propre ;

17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE DTP2I n'est pas fondée à contester la validité du marché conclu le 17 octobre 2011 ainsi que celle de ses deux avenants signés le 12 décembre 2011 ;

Sur les conclusions à fin d'indemnité :

18. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE DTP2I ne démontre pas avoir été irrégulièrement évincée de l'attribution des lots n° 1 et 2 du marché conclu le 17 octobre 2011 ; qu'elle n'est en conséquence pas fondée à demander la condamnation de la commune de Marines à lui verser une indemnité de 15 792,81 euros HT en réparation des préjudices subis de ce chef ;

19. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE DTP2I n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

20. Considérant, d'une part, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Marines les sommes acquittées par la SOCIETE DTP2I au titre de la contribution pour l'aide juridique ;

21. Considérant, d'autre part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Marines, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la SOCIETE DTP2I demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la SOCIETE DTP2I une somme de 2 000 euros à verser à la commune de Marines sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SOCIETE DTP2I est rejetée.

Article 2 : La SOCIETE DTP2I versera à la commune de Marines une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la commune de Marines présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

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N° 13VE03423


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 13VE03423
Date de la décision : 10/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02-005 Marchés et contrats administratifs. Formation des contrats et marchés. Formalités de publicité et de mise en concurrence.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Rudolph D'HAËM
Rapporteur public ?: Mme MEGRET
Avocat(s) : VOLTA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 17/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2016-03-10;13ve03423 ?
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