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11/02/2016 | FRANCE | N°15VE01849

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 11 février 2016, 15VE01849


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société AFONE a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la restitution des cotisations de taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques qu'elle a acquittés au titre de l'année 2012 pour le montant de 329 181 euros, outre les intérêts moratoires et les intérêts sur les intérêts capitalisés.

Par un jugement n° 1500532 du 13 avril 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requê

te et un mémoire, enregistrés le 12 juin 2015 et le 30 novembre 2015, la société AFONE, représenté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société AFONE a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la restitution des cotisations de taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques qu'elle a acquittés au titre de l'année 2012 pour le montant de 329 181 euros, outre les intérêts moratoires et les intérêts sur les intérêts capitalisés.

Par un jugement n° 1500532 du 13 avril 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 juin 2015 et le 30 novembre 2015, la société AFONE, représentée par Me Jaunet, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer la restitution des cotisations de taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques qu'elle a acquittés au titre de l'année 2012 pour le montant de 329 181 euros, outre les intérêts moratoires et les intérêts sur les intérêts capitalisés ;

3° de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé en tant qu'il écarte par seule référence à un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne, sans analyse propre, le moyen tiré de la non-conformité de la taxe à la Directive Autorisation ;

- la taxe méconnaît l'article 12 de la directive Autorisations, en particulier en ce qu'il répond à l'objectif de libéralisation du marché des télécommunications ; ainsi qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, les Etats membres ne peuvent assujettir les opérateurs de communications électroniques d'une quelconque imposition excédant les charges pécuniaires expressément autorisées par la directive, or la taxe ne relève pas des cas limitativement énumérés ; les conditions d'introduction de cette taxe ne sont pas conformes au principe de transparence ;

- l'arrêt C-485/11 du 27 juin 2013 de la Cour de justice de l'Union européenne, qui se borne à rejeter un recours en manquement, ne saurait être interprété comme conférant à la taxe une garantie de conformité à la directive ; aucune autorité ne saurait être attachée à cet arrêt ;

- il ressort des termes de l'instruction n° 14191 du 21 décembre 2009, publiée au BOI 3 P-2-09, p.1, qu'une entreprise est redevable de la taxe de par sa qualité de titulaire de licences individuelles dans le secteur des télécommunications ; la circonstance que les opérateurs réalisant un chiffre d'affaires inférieur à 5 millions d'euros sont temporairement exonérés du paiement de la taxe, jusqu'à ce que leur chiffre d'affaires excède ce seuil, ne modifie pas cette caractéristique de la taxe ; à cet égard elle est comparable à la taxe administrative instaurée par la loi n° 86-1317 du 30 décembre 1986 de finances pour 1987, dont sont exonérés les opérateurs ayant un chiffre d'affaires inférieur à 1 million d'euros et exerçant à titre expérimental, pour une durée inférieure à trois ans, les activités de communications électroniques, entre dans le champ de la directive Autorisations ;

- la taxe litigieuse est constitutive d'une aide d'État prohibée par l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; il convient de vérifier si le montant de la taxe perçue influence le niveau de l'aide consentie à France Télévisions, or la corrélation entre le montant de la taxe et celui de l'aide accordée à France Télévisions ressort de l'exposé des motifs du projet de loi transmis au Parlement le 22 octobre 2008 ; un examen concret montre que le montant de l'aide octroyée à France Télévisions est en rapport direct avec celui de la taxe collectée ; un comité de suivi a été chargé d'évaluer l'application de la loi ayant instauré la taxe, et de proposer le cas échéant une adaptation des taxes prévues aux articles 302 bis KG et 302 bis KH du code général des impôts, et une adaptation des modalités de financement de France Télévisions en fonction de l'évolution du produit de la contribution à l'audiovisuel public et de l'évolution du produit de ces taxes.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'autorisation de réseaux et de services de communications électroniques ;

- l'arrêt du 27 juin 2013 de la Cour de justice de l'Union européenne rendu sur l'affaire C-485/11 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code des postes et des communications électroniques ;

- la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances ;

- la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision ;

- la décision n° 2009-577 DC du 5 mars 2009 du Conseil constitutionnel ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vinot,

- et les conclusions de Mme Garrec, rapporteur public.

1. Considérant que la société AFONE, qui exerce notamment des prestations de services de téléphonie fixe et mobile, a acquitté des cotisations de taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques au titre de l'année 2012, pour le montant de 329 181 euros ; qu'elle relève appel du jugement du 13 avril 2015 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la restitution de ces cotisations de taxe, outre les intérêts moratoires et les intérêts sur les intérêts capitalisés ;

2. Considérant que les impositions litigieuses sont fondées sur les dispositions de l'article 302 bis KH du code général des impôts, selon lesquelles : " I. - Il est institué une taxe due par tout opérateur de communications électroniques, au sens de l'article L. 32 du code des postes et des communications électroniques, qui fournit un service en France et qui a fait l'objet d'une déclaration préalable auprès de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en vertu de l'article L. 33-1 du même code. / II. - La taxe est assise sur le montant, hors taxe sur la valeur ajoutée, des abonnements et autres sommes acquittés par les usagers aux opérateurs mentionnés au I en rémunération des services de communications électroniques qu'ils fournissent, déduction faite du montant des dotations aux amortissements comptabilisés au cours de l'exercice clos au titre de l'année au cours de laquelle la taxe est devenue exigible, lorsqu'ils sont afférents aux matériels et équipements acquis, à compter de l'entrée en vigueur de la loi

n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, par les opérateurs pour les besoins des infrastructures et réseaux de communications électroniques établis sur le territoire national et dont la durée d'amortissement est au moins égale à dix ans. / Sont toutefois exclues de l'assiette de la taxe : 1° Les sommes acquittées par les opérateurs au titre des prestations d'interconnexion et d'accès faisant l'objet des conventions définies au I de l'article L. 34-8 du code des postes et des télécommunications électroniques ; 2° Les sommes acquittées au titre des prestations de diffusion ou de transport des services de communication audiovisuelle ; 3° Les sommes acquittées au titre de l'utilisation de services universels de renseignements téléphoniques mentionnés à l'article R. 10-7 du même code. (...) / III. - L'exigibilité de la taxe est constituée par l'encaissement du produit des abonnements et autres sommes mentionnées au II. / IV.- La taxe est calculée en appliquant un taux de 0, 9 % à la fraction de l'assiette visée au II qui excède 5 millions d'euros. (...) " ;

Sur le moyen tiré de l'incompatibilité de la taxe prévue par les dispositions de l'article 302 bis KH du code général des impôts avec les objectifs fixés à l'article 12 de la directive 2002/20/CE :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'autorisation de réseaux et de services de communications électroniques, dite directive " Autorisations ", intitulé " Objectif et champ d'application " : " 1. La présente directive vise à mettre en place un marché intérieur des réseaux et des services de communications électroniques en harmonisant et en simplifiant les règles et les conditions d'autorisation, afin de faciliter leur fourniture dans l'ensemble de la Communauté. /2. La présente directive s'applique aux autorisations portant sur la fourniture de réseaux et de services de communications électroniques. " ; qu'aux termes de l'article 12 de la même directive : " 1. Les taxes administratives imposées aux entreprises fournissant un service ou un réseau au titre de l'autorisation générale ou auxquelles un droit d'utilisation a été octroyé : / a) couvrent exclusivement les coûts administratifs globaux qui seront occasionnés par la gestion, le contrôle et l'application du régime d'autorisation générale, des droits d'utilisation et des obligations spécifiques visées à l'article 6, paragraphe 2, qui peuvent inclure les frais de coopération, d'harmonisation et de normalisation internationales, d'analyse de marché, de contrôle de la conformité et d'autres contrôles du marché, ainsi que les frais afférents aux travaux de réglementation impliquant l'élaboration et l'application de législations dérivées et de décisions administratives, telles que des décisions sur l'accès et l'interconnexion, et / b) sont réparties entre les entreprises individuelles d'une manière objective, transparente et proportionnée qui minimise les coûts administratifs et les taxes inhérentes supplémentaires. /2. Lorsque les autorités réglementaires nationales imposent des taxes administratives, elles publient un bilan annuel de leurs coûts administratifs et de la somme totale des taxes perçues. Les ajustements nécessaires sont effectués en tenant compte de la différence entre la somme totale des taxes et les coûts administratifs. " ;

4. Considérant que l'article 12 de la directive 2002/20/CE fixe les objectifs auxquels doivent satisfaire les taxes administratives auxquelles les États membres peuvent soumettre les entreprises qui fournissent un réseau ou des services de télécommunications électroniques, au titre de l'autorisation générale de fourniture de réseaux et de services de télécommunications électroniques ou du droit d'utilisation des radiofréquences qui leur est octroyé, pour financer les activités de l'autorité réglementaire nationale en matière de gestion du système d'autorisation et d'octroi de droits d'utilisation mentionnée au point (30) du préambule de la directive ; que cet article de la directive fait obstacle à ce qu'un État membre soumette les opérateurs de communications électroniques, du seul fait de cette qualité ou de l'exercice d'une activité au titre de cette qualité, matérialisée par la possession d'une autorisation ou par une déclaration préalable, à une taxe ne satisfaisant pas aux exigences qu'il fixe ; qu'en revanche, ledit article 12 n'a pas pour objet et ne peut avoir pour effet de faire obstacle à ce qu'un État membre soumette ces opérateurs à d'autres taxes que celles visées audit article ;

5. Considérant qu'aux termes du 15° de l'article L. 32 du code des postes et des communications électroniques, auquel renvoie l'article 302 bis KH précité du code général des impôts : " On entend par opérateur toute personne physique ou morale exploitant un réseau de communications électroniques ouvert au public ou fournissant au public un service de communications électroniques. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 33-1 du même code :

" I. - L'établissement et l'exploitation des réseaux ouverts au public et la fourniture au public de services de communications électroniques sont libres sous réserve d'une déclaration préalable auprès de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (...) " ;

6. Considérant qu'en application de l'article 302 bis KH du code général des impôts un opérateur de communications électroniques est redevable de la taxe litigieuse à raison de son activité réalisée auprès des usagers des services de télécommunications électroniques, à l'exclusion de l'activité relative à la fourniture de réseaux et aux services d'interconnexion alors même qu'elle relève également des dispositions de la directive 2002/20/CE ; qu'ainsi les opérateurs de communications électroniques qui fournissent et exploitent des réseaux ouverts au public, assurent des prestations d'interconnexion, de diffusion, d'accès ou de transport des services de communications audiovisuelles, bien qu'ils soient tenus de déposer à ce titre une déclaration préalable auprès de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) en vertu des dispositions précitées du I de l'article L. 33 du code des postes et des télécommunications, ne sont pas redevables en tant que tels de la taxe litigieuse et se trouvent dès lors, dans cette mesure, placés de plein droit hors du champ d'application de la taxe ; qu'au surplus, l'article 302 bis KH du code général des impôts prévoit qu'un opérateur de communications électroniques qui tire de son activité exercée auprès des usagers finals un chiffre d'affaires annuel n'excédant pas 5 millions d'euros n'est pas soumis à la taxe au titre de l'année en cause, nonobstant l'autorisation dont il bénéficie du fait de sa déclaration préalable auprès de l'ARCEP ; qu'ainsi, la taxe litigieuse n'est pas imposée aux opérateurs de communications électroniques à raison des autorisations ou des déclarations relatives à la fourniture de réseaux et de services de communications électroniques mentionnées au 2 de l'article 1er de la directive 2002/20/CE, ni du seul fait de l'exercice d'une activité au titre desdites autorisations ou déclarations ; que l'instruction n° 14191 du 21 décembre 2009, publiée au BOI 3 P-2-09 ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle qui résulte des dispositions précitées de l'article 302 bis KH du code général des impôts ;

7. Considérant, qu'il suit de là que la taxe litigieuse, prévue par les dispositions de l'article 302 bis KH du code général des impôts, ne relève pas du champ d'application de l'article 12 de la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans son arrêt du 27 juin 2013 rendu sur l'affaire C - 485/11 ;

8. Considérant, par suite, le moyen soulevé par la société requérante, tiré de ce que les dispositions de l'article 302 bis KH du code général des impôts seraient incompatibles avec les objectifs fixés par l'article 12 la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil du

7 mars 2002, est inopérant et doit être écarté ;

9. Considérant que, pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article 302 bis KH du code général des impôts méconnaîtraient l'objectif général de développement du marché intérieur des services de communications électroniques fixé par la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 ne peut qu'être écarté ;

Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne :

10. Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui a repris les dispositions de l'ancien article 87 du traité instituant la Communauté européenne invoqué par la société requérante : " Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines production " ; qu'aux termes de l'article 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. La Commission procède avec les Etats membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces Etats. (...) / 2. Si (...) la Commission constate qu'une aide accordée par un Etat ou au moyen de ressources d'Etat n'est pas compatible avec le marché commun aux termes de l'article 87 (...) elle décide que l'Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier (...) / 3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale " ;

11. Considérant qu'il résulte de ces stipulations que, s'il ressortit à la compétence exclusive de la Commission européenne de décider, sous le contrôle de la Cour de justice des Communautés européennes, si une aide de la nature de celles mentionnées à l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne est ou non, compte tenu des dérogations prévues par ce traité, compatible avec le marché commun, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité de dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation, qu'impose aux Etats membres l'article 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, d'en notifier à la Commission, préalablement à toute mise à exécution, le projet ;

12. Considérant qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, d'une part, que les taxes n'entrent pas dans le champ d'application des stipulations de l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, à moins qu'elles constituent le mode de financement d'une mesure d'aide, de sorte qu'elles font partie intégrante de cette mesure, d'autre part, que, pour que l'on puisse juger qu'une taxe, ou une partie d'une taxe, fait partie intégrante d'une mesure d'aide, il doit exister un lien d'affectation contraignant entre la taxe et l'aide en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l'aide ;

13. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la loi organique n° 2001-692 du

1er août 2001 relative aux lois de finances : " (...) Il est fait recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les recettes et les dépenses. / L'ensemble des recettes assurant l'exécution de l'ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont retracées sur un compte unique, intitulé budget général (...) " ; qu'en vertu du principe à valeur constitutionnelle d'universalité budgétaire résultant de ces dispositions, les recettes et les dépenses doivent figurer au budget de l'État pour leur montant brut, sans être contractées, et l'affectation d'une recette déterminée à la couverture d'une dépense déterminée est interdite, sous réserve des exceptions prévues par le deuxième alinéa de l'article 2, le quatrième alinéa de l'article 6, et l'article 16 de cette loi ;

14. Considérant qu'en adoptant la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelles et au nouveau service public de la télévision le législateur a notamment interdit la diffusion de messages publicitaires dans les programmes nationaux des services de communication audiovisuelle diffusés par la société nationale France Télévisions et mis à la charge du budget de l'État la compensation des pertes de recettes publicitaires du groupe France Télévisions afin de préserver la garantie de ses ressources, et institué une nouvelle imposition destinée à accroître les ressources du budget de l'État ; qu'ainsi qu'il ressort de la décision 2009-577 DC du 5 mars 2009 du Conseil Constitutionnel, selon laquelle l'article 28 de cette loi n'est pas contraire à la Constitution sous la réserve selon laquelle il incombera à chaque loi de finances de fixer le montant de la compensation financière par l'État de la perte de recettes publicitaires de la société France Télévisions afin qu'elle soit à même d'exercer les missions de service public qui lui sont confiées, la loi n° 2009-258 prévoit non pas d'instituer une aide à la société France Télévisions mais les conditions de la fixation annuelle du montant de la compensation financière par l'État de la perte de recettes résultant de l'interdiction faite à cette société de diffuser des messages publicitaires ; que dès lors le législateur, qui n'a pas affecté le produit de la taxe litigieuse et n'a pas dérogé aux principes d'unité et d'universalité budgétaires, n'a prévu aucun lien entre le produit de la taxe et la compensation financière par l'État de la perte de recettes publicitaires de France Télévisions ;

15. Considérant, par ailleurs, que l'article 75 de la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 dans sa version applicable, en se bornant à charger un comité de suivi d'évaluer l'application de cette loi et de proposer, le cas échéant, une adaptation des taxes prévues aux articles 302 bis KG et 302 bis KH du code général des impôts ainsi qu'une adaptation des modalités de financement de la société France Télévisions en fonction de l'évolution de la contribution à l'audiovisuel public et de l'évolution du produit de ces taxes, n'a pas eu pour objet ni pour effet d'établir un lien d'affectation contraignant entre le produit de la taxe litigieuse et la compensation financière par l'État de la perte de recettes publicitaires de France Télévisions ; que la société requérante ne peut utilement se prévaloir ni de l'exposé des motifs du projet de loi transmis au Parlement le

22 octobre 2008 qui a précédé l'adoption de cette loi, ni de l'équivalence alléguée, à la supposer établie, entre l'importance du manque à gagner résultant pour France Télévisions de l'interdiction faite à cette société quant à la diffusion de messages publicitaires et le rendement de la taxe litigieuse ;

16. Considérant, enfin, que la société AFONE n'est pas fondée à se prévaloir des termes de l'instruction n° 14191 du 21 décembre 2009, publiée au BOI 3 P-2-09, qui ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle qui résulte des dispositions de l'article 302 bis KH du code général des impôts, ainsi qu'il a été dit au point 6, ou des autres dispositions de la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 ci-dessus mentionnée ;

17. Considérant, par suite, que le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article 302 bis KH du code général des impôts méconnaitraient les stipulations de l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ne peut qu'être écarté ;

18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle ni de statuer sur la recevabilité de ses conclusions tendant au versement d'intérêts moratoires, que la société AFONE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui n'est pas irrégulier en ce qu'il a écarté par simple référence à l'arrêt C - 485/11 du 27 juin 2013 de la Cour de justice de l'Union européenne le moyen inopérant tiré de ce que la taxe litigieuse méconnaîtrait la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations de taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques qu'elle a acquittées au titre de l'année 2012 ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société AFONE est rejetée.

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N° 15VE01849


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE01849
Date de la décision : 11/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Communautés européennes et Union européenne - Portée des règles du droit de l'Union européenne - Directives.

Communautés européennes et Union européenne - Application du droit de l'Union européenne par le juge administratif français - Prise en compte des arrêts de la Cour de justice.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Hélène VINOT
Rapporteur public ?: Mme GARREC
Avocat(s) : MAGENTA SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2016-02-11;15ve01849 ?
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