Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu, assortie des majorations, à laquelle il avait été assujetti au titre de l'année 2006. Par un jugement n° 1101008 du 27 avril 2012, dont
M. B...a relevé appel, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 12VE02183 du 18 avril 2013, contre lequel le ministre délégué chargé du budget s'est pourvu en cassation, la Cour, après avoir annulé le jugement du tribunal, a prononcé la décharge de l'imposition litigieuse.
Le Conseil d'État, par une décision n° 369586 du 1er avril 2015, a annulé l'arrêt de la Cour et lui a renvoyé le jugement de l'affaire.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 18 juin 2012 et le 27 décembre 2012, complétés après l'arrêt précité du Conseil d'Etat par des mémoires enregistrés les 16 juin et 16 novembre 2015, M.B..., représenté par Me Petit, avocat, demande à la Cour d'annuler le jugement et de prononcer la décharge du supplément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti pour la somme de 64 100 euros, en droits, intérêts de retard et majorations au titre de l'année 2006.
Il soutient que :
- en vertu des dispositions combinées de l'article 163 bis C du code général des impôts, qui place le fait générateur de l'avantage défini à l'article 80 bis du même code au moment de la cession des titres, et de l'article 164 B de ce code, qui considère comme de source française, les revenus tirés d'activités professionnelles exercées en France, les plus-values d'acquisition en litige ne correspondent pas à des revenus d'activités professionnelles exercées en France, en ce que, lors de la cession de ses titres, il exerçait en Belgique où il était en charge du développement de la marque " Laurent Perrier " au Benelux ; c'est par suite sans base légale qu'il a été imposé en France sur ces plus-values ; il en va de même de la doctrine de l'administration, reprise au paragraphe 390 de la base BOFIP-impôt sous la référence
BOI-RSA-ES-20-60-201408812, qui justifie l'imposition en France sur le fondement des articles 4 A, 4 bis et 164 bis et est, à ce titre, juridiquement infondée ;
- la définition de droit interne qualifiant de complément de salaire la plus-value d'acquisition n'est pas transposable en droit conventionnel en raison du caractère inapplicable de l'article 22 de la convention fiscale franco-belge, ce que confirment les commentaires officiels de l'OCDE, et en raison de la primauté de cette convention, en vertu de l'article 55 de la Constitution ; par suite, c'est l'article 18 de la convention, relatif aux revenus innomés, qui doit seul recevoir application, ainsi qu'en a jugé le Conseil d'État dans une affaire intéressant des revenus distribués exemptés, sur ce même fondement, de retenue à la source (CE 27 juillet 1984, n° 16649) ; en conséquence, le recours à l'article 11 de la convention au seul motif que la plus-value d'acquisition est regardée en droit interne comme un revenu salarial est inapproprié et contraire à l'interprétation de bonne foi des traités ;
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- la convention signée le 10 mars 1964 entre la France et la Belgique, tendant à éviter les doubles impositions et à établir les règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu ;
- le code de commerce ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 70-1322 du 31 décembre 1970 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Locatelli, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Coudert, rapporteur public.
1. Considérant que les 11 juin 1999, 30 mars 2000, 30 mars 2001 et 26 mars 2002, la société " Champagne Laurent Perrier ", établie en France, a attribué à son salarié
M.B..., des options permettant à l'intéressé d'acquérir à un prix privilégié des actions nominatives de sa société-mère, dénommée " Laurent Perrier SA " ; que ces actions étaient assorties d'une période d'indisponibilité fixée à cinq ans, pour les deux premières séries d'attributions et à quatre ans, pour les deux séries suivantes ; que M. B...a transféré son domicile de France en Belgique à compter du 1er septembre 2005, puis levé les options en cause aux mois de janvier 2006, pour celles d'entre elles qui portaient sur les actions assorties de la période d'indisponibilité de cinq ans, et septembre 2006, pour les autres options ; que les actions ainsi acquises ont été immédiatement revendues ; que la plus-value résultant de ces opérations n'a pas été déclarée à l'administration fiscale française ; que cette dernière a toutefois estimé qu'en vertu de l'article 80 bis du code général des impôts, un tel avantage devait être imposé en France à l'impôt sur le revenu en tant que rémunération analogue aux traitements et salaires, au sens et pour l'application des stipulations du 1 de l'article 11 de la convention fiscale
franco-belge, pour la partie de cet avantage qui trouvait sa source en France ; que l'administration a mis à la charge de M.B..., sur ce fondement, l'imposition supplémentaire en résultant ; que, par un jugement du 27 avril 2012, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge de cette imposition ; que, par un arrêt du
18 avril 2013, la Cour a fait droit à l'appel interjeté par M. B...contre ce jugement ; que, toutefois, par une décision du 1er avril 2015, le Conseil d'État a annulé l'arrêt de la Cour et lui a renvoyé le jugement de l'affaire ;
2. Considérant que, si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition ; que, par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification ; qu'il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale ;
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
3. Considérant, en premier lieu, qu'en vertu des dispositions combinées des articles L. 225-177 et L. 225-180 du code de commerce, une société peut attribuer des options d'achat ou de souscription d'actions à un salarié d'une autre société dont elle détient au moins dix pour cent du capital ou des droits de vote ; qu'aux termes de l'article 80 bis du code général des impôts, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'article 1er du décret du
3 juin 2013 : " I. L'avantage correspondant à la différence entre la valeur réelle de l'action à la date de levée d'une option accordée dans les conditions prévues aux articles L. 225-177 à
L. 225-186 du code de commerce, et le prix de souscription ou d'achat de cette action constitue pour le bénéficiaire un complément de salaire imposable dans les conditions prévues au II de l'article 163 bis C. / II. Lorsque le prix d'acquisition des actions offertes dans les conditions prévues au I est inférieur à 95 % de la moyenne des cours ou du cours moyen d'achat respectivement mentionnés aux articles L. 225-177 et L. 225-179 du code de commerce, la différence est imposée dans la catégorie des traitements et salaires au titre de l'année au cours de laquelle l'option est levée " ; qu'en vertu des dispositions du I de l'article 163 bis C de ce code, dans sa rédaction applicable aux options portant sur des actions nominatives, émises par des sociétés qui ne sont pas à prépondérance immobilière et assorties d'une période d'indisponibilité au moins égale à cinq ans, pour les options attribuées jusqu'au 26 avril 2000, ou quatre ans, pour les options attribuées entre le 27 avril 2000 et la date d'entrée en vigueur de l'article 11 de la loi du 29 décembre 2012, l'avantage défini à l'article 80 bis est imposé lors de la cession des titres, au taux forfaitaire fixé au 6 de l'article 200 A du même code, sauf option du bénéficiaire pour l'imposition à l'impôt sur le revenu selon les règles applicables aux traitements et salaires ;
4. Considérant qu'il ressort des termes mêmes du I de l'article 80 bis du code général des impôts, rapprochés de ceux du II du même article, comparés à ceux des articles 150-0 A à 150-0 D du même code et éclairés par l'objet et le but poursuivis par les dispositions de la loi du 31 décembre 1970 dont est issu l'article 80 bis, que si l'éventuelle plus-value de cession ou gain net résultant, le cas échéant, de la différence entre le prix de cession des actions et leur prix d'acquisition doit être regardée comme un revenu de capitaux mobiliers, en revanche, la
plus-value d'acquisition éventuellement réalisée par le bénéficiaire d'options de souscription ou d'achat d'actions prévues aux articles L. 225-177 à L. 225-186 du code de commerce et égale à la différence entre, d'une part, la valeur réelle de l'action à la date de levée d'option et, d'autre part, le prix de souscription ou d'achat de cette action doit être regardée comme une rémunération analogue aux traitements et salaires imposable dans l'État sur le territoire duquel a été exercée l'activité salariée que cette plus-value rémunère ; qu'est sans incidence, à cet égard, la circonstance que le calcul de l'impôt sur le revenu dû à raison de cette plus-value a été déterminé, pour les options attribuées au cours de la période mentionnée au point 1. ci-dessus, selon les conditions prévues au II de l'article 163 bis C du code général des impôts alors applicable, ou selon celles prévues par les dispositions combinées du I du même article et du 6 de l'article 200 A de ce code, ou encore selon les modalités fixées par le II de l'article 80 bis du même code ;
5. Considérant, en effet, que si, à l'occasion des débats parlementaires relatifs à la loi de finances pour 1990, le législateur a entendu imposer, sauf option contraire, l'avantage salarial tiré du gain de levée d'options, jusque-là exonéré, suivant le régime prévu pour les
plus-values de cession de valeurs mobilières, réputé plus favorable que le barème de droit commun de l'impôt sur le revenu, il résulte des termes mêmes de l'article 80 bis, dans sa rédaction postérieure à l'entrée en vigueur de cette loi, que le législateur n'a pas requalifié, à cette occasion, la nature de ce revenu, mais a seulement modifié les modalités de son imposition, lesquelles demeurent sans influence sur sa nature de complément de salaire;
6. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 4 du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. / Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française. " et de l'article 164 B du même code : " I. Sont considérés comme revenus de source française (...)
/ d. Les revenus tirés d'activités professionnelles, salariées ou non, exercées en France (...) " ;
7. Considérant que, dès lors que le gain de levée d'options a la nature d'un avantage salarial octroyé à M. B...dans le cadre de l'emploi qu'il exerçait, en France, pour le compte de la société " Champagne Laurent Perrier ", et non celle d'un gain en capital, fut-il taxé selon les modalités prévues pour l'imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières, ce revenu, en sa qualité de complément de salaire, entre, en conséquence, dans les prévisions du d de l'article 164 B du code général des impôts, qui regardent comme de source française, " Les revenus tirés d'activités professionnelles, salariées ou non, exercées en France (...) " ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'imposition en litige ne reposerait sur aucune base légale doit être écarté comme mal-fondé ;
En ce qui concerne la convention fiscale franco-belge :
8. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 11 de la convention susvisée, conclue le
10 mars 1964 entre la France et la Belgique en matière d'impôt sur le revenu : " Les traitements, salaires et autres rémunérations analogues ne sont imposables que dans l'Etat contractant sur le territoire duquel s'exerce l'activité personnelle source de ces revenus " ; que l'article 18 de la même convention stipule que : " Dans la mesure où les articles précédents de la présente convention n'en disposent pas autrement, les revenus des résidents de l'un des Etats contractants ne sont imposables que dans cet Etat " ; qu'aux termes de l'article 22 de la convention : " Tout terme non spécialement défini dans la présente convention aura, à moins que le contexte n'exige une autre interprétation, la signification que lui attribue la législation régissant, dans chaque État contractant, les impôts faisant l'objet de la convention " ;
9. Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 4, 80 bis et 164 B du code général des impôts, et ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la plus-value d'acquisition en litige constitue un complément de salaire imposable en France, territoire à partir duquel il est constant que M. B...exerçait l'activité salariée que celle-ci rémunère ; qu'en l'absence de stipulations de la convention franco-belge en disposant autrement, cette plus-value d'attribution doit être regardée comme une rémunération analogue aux traitements et salaires entrant dans le champ de l'article 11, et non de l'article 18, de cette convention ; qu'elle n'est par suite imposable qu'en France, sans que le requérant puisse utilement se prévaloir des stipulations de l'article 22 de la convention dans les prévisions desquelles cette plus-value n'entre pas ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
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