Vu la requête, enregistrée le 18 juin 2012, présentée pour M. A... B..., demeurant au..., élisant domicile... ; M. B... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°1101008 du 27 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu, et des pénalités y afférentes, auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2006 ;
2°) de prononcer la décharge de l'imposition contestée et des pénalités y afférentes pour un montant total de 64 100 euros ;
Il soutient :
- qu'en vertu du principe de subsidiarité des conventions fiscales, il convient en premier lieu de se référer au droit interne pour qualifier la nature du revenu et déterminer si l'imposition de ce revenu est possible en droit interne ; qu'en l'espèce, en droit interne la plus-value d'acquisition réalisée par le bénéficiaire lors de la levée d'option relève des plus-values lorsque la durée d'indisponibilité a été respectée et que les actions revêtent la forme nominative ; que lorsque cette durée d'indisponibilité n'a pas été respectée, la plus-value d'acquisition constitue un complément de salaire imposé en tant que tel à l'impôt sur le revenu ;
- que se fonder sur le seul texte qui détermine la nature du revenu (article 80 bis) sans tenir compte de celui qui détermine son mode d'imposition (163 bis C) est contraire tant à l'esprit qu'à la lettre de la loi ;
- qu'en l'espèce les cessions d'actions ayant eu lieu après le délai d'indisponibilité et M. B...étant résident fiscal en Belgique au moment de la cession des actions en 2006, fait générateur de l'imposition, la plus-value n'est taxable qu'en Belgique en application du droit interne et des articles 22 et 18 de la convention franco-belge ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention signée le 10 mars 1964 entre la France et la Belgique, tendant à éviter les doubles impositions et à établir les règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenus ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 mars 2013 :
- le rapport de M. Delage, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Soyez, rapporteur public ;
1. Considérant que, le 11 juin 1999, le 30 mars 2000, le 30 mars 2001 et le 26 mars 2002 la société Laurent Perrier SA a attribué des options à M. B...lui permettant d'acquérir des actions de cette société à un prix inférieur à leur valeur réelle ; que l'intéressé, domicilié ...depuis le 1er septembre 2005, a levé ces options les 24 janvier, 16 septembre et 26 septembre 2006 et a réalisé des plus-values à cette occasion ; qu'il a en outre procédé à la cession des actions ainsi acquises le jour même des levées d'options ; que n'ayant pas déclaré le montant de l'avantage résultant de ces opérations, il a fait l'objet d'une proposition de rectification en matière d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2006 portant sur les plus-values d'acquisition ainsi réalisées ; que M. B...a demandé devant le Tribunal administratif de Montreuil la décharge de l'imposition supplémentaire ainsi mise à sa charge ; qu'il relève appel du jugement du 27 avril 2012 par lequel le tribunal a rejeté sa demande ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
2. Considérant que si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition ; que, par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification ; qu'il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale ;
3. Considérant, d'une part, qu'aux termes des dispositions de l'article 225-177 du code de commerce : " L'assemblée générale extraordinaire, sur le rapport du conseil d'administration ou du directoire, selon le cas, et sur le rapport spécial des commissaires aux comptes, peut autoriser le conseil d'administration ou le directoire à consentir, au bénéfice des membres du personnel salarié de la société ou de certains d'entre eux, des options donnant droit à la souscription d'actions (...) " ; qu'aux termes de l'article 225-180 du même code : " I. Des options peuvent être consenties, dans les mêmes conditions qu'aux articles L. 225-177 à L. 225-179 ci-dessus : / 1° Soit au bénéfice des membres du personnel salarié des sociétés ou des groupements d'intérêt économique dont 10 % au moins du capital ou des droits de vote sont détenus, directement ou indirectement, par la société consentant les options (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une société peut attribuer des options d'achat ou de souscription d'actions à un salarié d'une autre société dont elle détient 10 % au moins du capital ou des droits de vote sans qu'il soit nécessaire qu'un contrat de travail lie la société attribuant les options et le salarié ; qu'en outre, aux termes du I de l'article 80 bis du code général des impôts : " I. L'avantage correspondant à la différence entre la valeur réelle de l'action à la date de levée d'une option accordée dans les conditions prévues aux articles L. 225-177 à L. 225-186 du code de commerce, et le prix de souscription ou d'achat de cette action constitue pour le bénéficiaire un complément de salaire imposable dans les conditions prévues au II de l'article 163 bis C (...) " ; qu'aux termes des dispositions de l'article 163 bis C de ce code applicables aux options attribuées jusqu'au 26 avril 2000 : " I. L'avantage défini à l'article 80 bis est imposé lors de la cession des titres, selon le cas, dans des conditions prévues à l'article 150-0 A ou 150 UB si les actions acquises revêtent la forme nominative et demeurent... (... " ; qu'aux termes de l'article 200 A du même code également applicable aux options attribuées jusqu'au 26 avril 2000 : " 6. L'avantage mentionné au I de l'article 163 bis C est imposé au taux de 30 % ou, sur option du bénéficiaire, à l'impôt sur le revenu suivant les règles applicables aux traitements et salaires (...) " ; que, conformément aux dispositions du IV de l'article 133 de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, pour les options attribuées à partir au 27 avril 2000, le délai de cinq années prévu par le I de l'article 163 bis C précité du code général des impôts est réduit à quatre années et le taux d'imposition prévu par l'article 200 A précité de ce code, sauf option du bénéficiaire pour l'imposition de l'avantage mentionné au I de l'article 163 bis C à l'impôt sur le revenu suivant les règles applicables aux traitements et salaires, est de 30 % à concurrence de la fraction annuelle qui n'excède pas 152 500 euros et de 41 % au-delà ;
4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 22 de la convention entre la France et la Belgique en matière d'impôt sur le revenu, signée à Bruxelles le 10 mars 1964 : " Tout terme non spécialement défini dans la présente convention aura, à moins que le contexte n'exige une autre interprétation, la signification que lui attribue la législation régissant, dans chaque État contractant, les impôts faisant l'objet de la convention " ; que l'article 18 de ladite convention stipule : " Dans la mesure où les articles précédents de la présente convention n'en disposent pas autrement, les revenus des résidents de l'un des Etats contractants ne sont imposables que dans cet Etat " ;
En ce qui concerne l'application du droit interne :
5. Considérant que M. B...a perçu un avantage au sens des dispositions précitées du code général des impôts lors de la cession des actions qu'il avait acquises à la levée des options attribuées par la société Laurent Perrier SA, en application des dispositions précitées du code de commerce ; qu'il est constant que les actions revêtaient la forme nominative et sont demeurées indisponibles à compter de la date d'attribution de l'option durant la période prévue par les dispositions précitées ; que, par suite, c'est à bon droit que le tribunal a considéré que cet avantage, en application du I de l'article 163 bis C du code général des impôts, devait être imposé dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;
En ce qui concerne l'application de la convention franco-belge du 10 mars 1964 :
6. Considérant qu'après avoir relevé qu'aucune stipulation de la convention ne définissait la plus-value d'acquisition réalisée lors de la levée d'options accordées par une société à un salarié dans le cadre d'un plan de souscription ou d'achats d'actions, les premiers juges ont considéré qu'il y avait lieu, pour déterminer les stipulations de la convention applicables aux plus-values en litige, de rechercher dans le droit national la qualification devant en être donnée ; que dans ce cadre, ils ont jugé qu'en vertu des dispositions de l'article 80 B du code général des impôts, les avantages tirés de l'acquisition d'actions consentie dans les conditions prévues aux articles L. 225-177 à L. 225-186 du code de commerce avaient la nature d'un complément de salaire ; qu'ils en ont déduit que les plus-values d'acquisition en litige réalisées lors de la levée d'options constituaient également des salaires au sens de la convention franco-belge et étaient imposables en France en application de l'article 11 de ladite convention ;
7. Considérant, toutefois, d'une part, ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, que la situation de double imposition éventuelle du contribuable et la répartition du pouvoir d'imposition entre les Etats parties à la convention fiscale franco-belge doivent être appréciées en rapprochant la qualification donnée par la loi fiscale nationale au revenu en cause et sur le fondement de laquelle l'imposition est établie des stipulations conventionnelles applicables à ce mode de taxation ; qu'en l'espèce la taxation des plus-values litigieuses a été opérée en droit interne sur le fondement des dispositions relatives aux revenus de capitaux mobiliers auxquels lesdits revenus étaient assimilés ; qu'ainsi, et alors même que l'avantage en litige trouve sa source dans le contrat de travail de M.B..., c'est à tort que le tribunal s'est fondé, pour rejeter la demande du contribuable, sur les stipulations relatives aux traitements, salaires et autres rémunérations analogues ;
8. Considérant, d'autre part, qu'en l'absence de stipulations particulières applicables aux plus-values d'acquisition réalisées lors de la levée d'options, il résulte de l'article 18 de la convention franco-belge que l'avantage perçu par M. B...n'est imposable que dans l'Etat de résidence du contribuable ; qu'il est constant qu'en 2006, année de la cession des actions, M. B...était résident de Belgique ; qu'il suit de là que les plus-values en cause n'étaient imposables que dans cet Etat ; qu'ainsi le requérant est fondé à soutenir que la convention franco-belge fait obstacle à l'imposition en France des plus-values litigieuses ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'imposition litigieuse ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Montreuil en date du 27 avril 2012 est annulé.
Article 2 : M. B... est déchargé, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2006.
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N°12VE02183