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03/12/2015 | FRANCE | N°15VE01282

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 03 décembre 2015, 15VE01282


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 23 août 2013 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui accorder le bénéfice du regroupement familial pour son épouse, ainsi que la décision du 2 octobre 2013 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours hiérarchique formé contre cette décision.

Par un jugement n° 1311731 en date du 5 mai 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure de

vant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 avril 2015, M.B..., représenté par Me Ko...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 23 août 2013 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui accorder le bénéfice du regroupement familial pour son épouse, ainsi que la décision du 2 octobre 2013 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours hiérarchique formé contre cette décision.

Par un jugement n° 1311731 en date du 5 mai 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 avril 2015, M.B..., représenté par Me Kornman, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 5 mai 2014 ;

2° d'annuler les décisions attaquées ;

3° d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis d'autoriser l'introduction en France de son épouse au titre du regroupement familial dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4° de condamner l'Etat à verser à Me Kornman une somme de 2 000 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les décisions attaquées méconnaissent l'article 4 de la convention franco-algérienne du 27 décembre 1968 modifié ;

- elles violent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur sa situation ;

- elles revêtent un caractère discriminatoire emportant violation des dispositions combinées des articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales car le préfet n'a pas tenu compte de sa situation de handicap pour apprécier le respect de la condition de ressources ; l'accord franco-algérien ne prend pas en compte, pour l'appréciation des ressources, la situation spécifique des personnes handicapées bénéficiaires de l'allocation pour adultes handicapés comme le fait le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans son article L. 411-5 et la circulaire du 7 janvier 2009 NOR IMI/G/09/00051 C.

..........................................................................................................

Vu :

- les pièces desquelles il résulte que la requête a été communiquée au préfet de la

Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit d'observations en défense ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bruno-Salel, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Rudeaux, rapporteur public.

1. Considérant que M.B..., ressortissant algérien né le 28 décembre 1974, demande l'annulation du jugement en date du 5 mai 2014 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis du 23 août 2013 refusant de lui accorder le bénéfice du regroupement familial pour son épouse et de la décision du ministre de l'intérieur du 2 octobre 2013 rejetant son recours hiérarchique ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...est entré en France le 15 juillet 1999 alors qu'il était âgé de 25 ans ; qu'il y réside habituellement depuis et est titulaire d'un certificat de résidence de dix ans ; que le 29 mars 2009, il a épousé, en Algérie, Mlle C... au bénéfice de laquelle il sollicite le regroupement familial ; que la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées lui a reconnu, le 11 mai 2010, la qualité de travailleur handicapé et a fixé son taux d'incapacité entre 50 et 80 % ; que selon les certificats médicaux circonstanciés établis dans le cadre de la demande de reconnaissance de son handicap en date des 23 juin 2011, 15 mai 2013 et 19 novembre 2013, M. B...souffre de hernies discales qui entraînent des lombalgies chroniques invalidantes, ainsi que d'une dépression réactionnelle sévère s'accompagnant d'un ralentissement psychomoteur qui ont pour effet de limiter son autonomie ; que, selon ces mêmes certificats, l'état du requérant nécessite l'assistance d'une tierce personne pour les actes de la vie quotidienne ; qu'ainsi, eu égard notamment à la durée du séjour de M. B...en France, à ses difficultés de santé et à l'intérêt de la présence de son épouse à ses côtés, le préfet de la Seine-Saint-Denis, en refusant d'autoriser le regroupement familial au bénéfice de l'épouse du requérant, a, dans les circonstances de l'espèce, porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a pris cette décision ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de Seine-Saint-Denis du 23 août 2013 et du ministre de l'intérieur du 2 octobre 2013 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant d'un délai d'exécution " ; que l'article L. 911-2 du même code dispose : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé " ; qu'enfin, l'article L. 911-3 du même code dispose : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet " ;

6. Considérant qu'eu égard aux motifs du présent arrêt, l'exécution de celui-ci implique en principe que le préfet de la Seine-Saint-Denis autorise le regroupement familial demandé par M. B... au bénéfice de son épouse ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la situation du requérant ait été modifiée en fait ou en droit depuis l'intervention des décisions attaquées ; qu'il y a dès lors lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis d'autoriser le regroupement familial demandé par M.B..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; que dans les circonstances de l'espèce, il n' y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

7. Considérant qu'aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 : " (...) En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. (...) S'il recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'Etat (...) " ;

8. Considérant que M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Kornman, avocat de M.B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de condamner l'Etat à payer à Me Kornman la somme de 1 500 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1311731 du 5 mai 2014 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : La décision du 23 août 2013 du préfet de la Seine-Saint-Denis et la décision du 2 octobre 2013 du ministre de l'intérieur sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à l'épouse de M. B..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, une autorisation d'entrer en France dans le cadre du regroupement familial.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Maître Kornman sous réserve de renonciation à l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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N° 15VE01282


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15VE01282
Date de la décision : 03/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. NICOLET
Rapporteur ?: Mme Catherine BRUNO-SALEL
Rapporteur public ?: Mme RUDEAUX
Avocat(s) : KORNMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2015-12-03;15ve01282 ?
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