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22/10/2015 | FRANCE | N°14VE01179-14VE03037

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 22 octobre 2015, 14VE01179-14VE03037


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Architecture Workshop 2 a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler le marché de maîtrise d'oeuvre conclu entre la COMMUNE DE

SAINT-OUEN et la société Bigeault, Taïeb et associés et relatif au regroupement des services communaux aux 11-15 et 19, rue des Rosiers, d'autre part, de condamner la commune à lui verser la somme de 124 194, 55 euros TTC en réparation du préjudice subi du fait de son éviction irrégulière de ce marché.

Par un jugement n°

1303517 du 18 février 2014, le Tribunal administratif de Montreuil, d'une part, a annulé le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Architecture Workshop 2 a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler le marché de maîtrise d'oeuvre conclu entre la COMMUNE DE

SAINT-OUEN et la société Bigeault, Taïeb et associés et relatif au regroupement des services communaux aux 11-15 et 19, rue des Rosiers, d'autre part, de condamner la commune à lui verser la somme de 124 194, 55 euros TTC en réparation du préjudice subi du fait de son éviction irrégulière de ce marché.

Par un jugement n° 1303517 du 18 février 2014, le Tribunal administratif de Montreuil, d'une part, a annulé le marché, d'autre part, a condamné la COMMUNE DE SAINT-OUEN à verser à la société Architecture Workshop 2 la somme de 82 511,85 euros HT, enfin, a rejeté le surplus des conclusions de la demande de ladite société.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés sous le n° 14VE01179 respectivement le 18 avril 2014 et le 5 juin 2014, la COMMUNE DE

SAINT-OUEN, représentée par Me Jorion, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de rejeter la demande de la société Achitecture Workshop 2 ;

3° de mettre à la charge de la société Architecture Workshop 2 le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors que, l'ensemble des mémoires produits en première instance ne lui ayant pas été communiqués, le caractère contradictoire de la procédure n'a pas été respecté ;

- ce jugement est également irrégulier dès lors qu'il est entaché d'une contradiction de motifs, les premiers juges ne pouvant à la fois retenir que l'offre de la société Bigeault, Taieb et associés dépassait l'enveloppe prévisionnelle maximale et était, pour ce motif, irrégulière et considérer que la société Architecture Workshop 2 avait une chance sérieuse d'emporter le marché, après avoir relevé que son offre excédait elle aussi cette enveloppe et que le montant déclaré de cette offre comportait une sous-évaluation à caractère limité et non manifeste ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que la procédure de passation du marché avait été irrégulière ; en effet, le dépassement de l'enveloppe prévisionnelle par l'offre de la société attributaire, comme par celle de la société Architecture Workshop 2, n'est pas de nature, compte tenu des dispositions du dossier de la consultation qui ne faisaient pas de ce dépassement un motif d'irrégularité et, par suite, de rejet des offres, à entacher d'irrégularité la procédure de passation du marché litigieux ;

- de plus, au regard des dispositions des articles 53 et 70 du code des marchés publics, le classement des offres par le jury n'était pas davantage de nature, compte tenu du caractère indicatif de la pondération des critères de sélection des offres, à entacher d'irrégularité la procédure de passation du marché, alors que le jury a évalué chaque projet au regard de l'ensemble des critères, que le critère qui a départagé les lauréats est celui du parti architectural et que le jury a formulé un avis motivé ;

- l'intérêt général justifiait la poursuite de l'exécution du marché, compte tenu de l'état d'avancement de l'exécution du marché, des études restant à réaliser et qui seraient à confier à un nouveau maître d'oeuvre, des conséquences financières d'une telle opération et de l'intérêt qui s'attache au regroupement des services de la commune ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que la société Architecture Workshop 2 avait une chance sérieuse d'emporter le marché ; en effet, la seule circonstance que cette société ait été co-lauréate, avec la société attributaire du marché, n'établit pas qu'elle avait des chances sérieuses d'emporter le marché ; en outre, son offre, dépassant de 96 000 euros l'enveloppe financière maximale des travaux prévue par le règlement du concours, était

elle-même irrégulière, car sous-évaluée ; de ce seul fait, la société ne peut être regardée comme ayant été privée d'une chance sérieuse d'obtenir le marché ; de surcroît, elle n'était pas

mieux-disante sur 3 des 4 critères de sélection, seul le critère du parti architectural ayant permis de départager les candidats ; enfin, elle a été moins bien notée sur le critère du parti architectural, celui qui a permis de départager les offres ;

- à titre subsidiaire, c'est à tort que les premiers juges ont évalué le préjudice de la société Architecture Workshop 2 à hauteur de 82 511,85 euros HT ; en effet, cette société ne justifie pas de sa marge nette ; de plus, il y a lieu de tenir compte du versement de la prime de 60 000 euros, au titre de la participation au concours.

..........................................................................................................

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 14VE03037 le 31 octobre 2014, la COMMUNE DE SAINT-OUEN, représentée par Me Jorion, avocat, demande à la Cour :

1° d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 1303517 du 18 février 2014 du Tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il l'a condamnée à verser à la société Architecture Workshop 2 la somme de 82 511, 85 euros HT ;

2° de mettre à la charge de la société Architecture Workshop 2 le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que sa demande remplit l'ensemble des conditions prévues aux articles R. 811-16 et R. 811-17 du code de justice administrative et qu'en particulier, les trois moyens tenant à la contradiction de motifs entachant le jugement attaqué, l'absence de préjudice indemnisable et le caractère infondé de la somme allouée à la société Architecture Workshop 2, revêtent un caractère sérieux.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Haëm,

- les conclusions Mme Mégret, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., substituant Me Jorion, pour la COMMUNE DE SAINT-OUEN, Me B...de la Ferté-Sénectère, substituant MeA..., pour la société Architecture Workshop 2, et MeD..., pour la société Bigeault, Taieb et associés.

1. Considérant que les requêtes n° 14VE01179 et n° 14VE03037 de la COMMUNE DE SAINT-OUEN sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt ;

2. Considérant que par un avis d'appel public à concurrence publié au Journal officiel de l'Union européenne le 21 janvier 2012 et au bulletin officiel des annonces des marchés publics le 24 janvier 2012, la COMMUNE DE SAINT-OUEN a engagé une procédure de concours restreint de maîtrise d'oeuvre en vue du regroupement des services de la commune dans un bâtiment situé aux 11-15 et 19 de la rue des Rosiers ; qu'après réception de quatre-vingt-sept candidatures, réunion de la commission technique et avis du jury du concours du 12 mars 2012, le pouvoir adjudicateur a retenu trois candidats et les a invités à présenter une offre, parmi lesquels la société Architecture Workshop 2 et la société Bigeault, Taïeb et associés ; que, le

29 juin 2012, le jury du concours a procédé à l'examen des offres et proposé de les classer, la société Bigeault, Taïeb et associés en première position et la société Architecture Workshop 2 en deuxième position ; que le pouvoir adjudicateur a décidé de négocier avec ces deux lauréats ; que, par une délibération du 1er octobre 2012, le conseil municipal a décidé de retenir l'offre de la société Bigeault, Taïeb et associés, la société Architecture Workshop 2 étant informée, par courrier du 9 novembre 2012, que son offre n'était pas retenue ; que le marché a été signé le

10 janvier 2013 et l'avis d'attribution publié le 31 janvier 2013 ; qu'estimant avoir été irrégulièrement évincée de l'attribution de ce marché, la société Architecture Workshop 2 a saisi le Tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant, d'une part, à l'annulation du marché et, d'autre part, à la condamnation de la COMMUNE DE SAINT-OUEN à lui verser une indemnité de 124 194,55 euros TTC en réparation du préjudice subi de ce chef ; que, par un jugement du 18 février 2014, le tribunal administratif, faisant partiellement droit à cette demande, a, par l'article 1er de ce jugement, annulé le marché conclu entre la commune et la société Bigeault, Taïeb et associés et, par son article 2, condamné la COMMUNE DE

SAINT-OUEN à verser à la société Architecture Workshop 2 la somme de 82 511,85 euros HT ; que, par sa requête susvisée, la COMMUNE DE SAINT-OUEN a relevé appel de ce jugement en tant qu'il a annulé le marché et prononcé cette condamnation ; que, par la voie de l'appel incident, la société Architecture Workshop 2 demande à la Cour de réformer ce jugement en portant l'indemnité qui lui est due à la somme de 124 194,55 euros TTC ; qu'enfin, la société Bigeault, Taïeb et associés demande à la Cour d'annuler ce jugement ;

Sur la requête n° 14VE01179 :

En ce qui concerne les conclusions de la société Architecture Workshop 2 tendant à ce qu'il soit donné acte du désistement d'office de la requête de la COMMUNE DE

SAINT-OUEN :

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 612-5 du code de justice administrative : " Devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, si le demandeur, malgré la mise en demeure qui lui a été adressée, n'a pas produit le mémoire complémentaire dont il avait expressément annoncé l'envoi (...), il est réputé s'être désisté. " ;

4. Considérant que, dans sa requête sommaire, la COMMUNE DE SAINT-OUEN a annoncé son intention de produire un mémoire complémentaire ; que ce mémoire a été enregistré au greffe de la Cour le 5 juin 2014, soit dans le délai d'un mois imparti à cet effet par la mise en demeure dont la commune a accusé réception le 5 mai 2014 ; que, par suite, les conclusions de la société Architecture Workshop 2 tendant à ce qu'il soit donné acte du désistement d'office de la requête de la commune doivent être rejetées ;

En ce qui concerne le désistement partiel de la COMMUNE DE SAINT-OUEN :

5. Considérant que, par son mémoire susvisé, enregistré le 1er décembre 2014, la COMMUNE DE SAINT-OUEN, qui déclare se désister partiellement de son appel " en tant qu'il vise à faire juger que la procédure de passation du marché était régulière ", doit être regardée comme se désistant purement et simplement de ses conclusions dirigées contre l'article 1er du jugement attaqué annulant le marché conclu entre la commune et la société Bigeault, Taïeb et associés ; que le désistement de ces conclusions est conciliable avec le maintien des conclusions de la commune tendant à l'annulation de l'article 2 du jugement attaqué la condamnant à verser à la société Architecture Workshop 2 la somme de 82 511,85 euros HT en réparation du préjudice subi du fait de son éviction irrégulière de l'attribution de ce marché ; qu'en outre, il n'est pas soutenu, ni même allégué sérieusement, que le maire de la commune n'aurait pas reçu une délégation générale pour ester en justice au nom de la commune et, par suite, pour relever appel du jugement attaqué et, par voie de conséquence, pour se désister partiellement des conclusions de cet appel ; qu'enfin, les conclusions présentées par la société Bigeault, Taïeb et associés et tendant au " rejet " de ce désistement sont, en tout état de cause, irrecevables ; que, par suite, rien ne s'oppose à ce qu'il soit donné acte de ce désistement partiel ;

En ce qui concerne la recevabilité des conclusions de la société Bigeault, Taïeb et associés :

6. Considérant que si, par son mémoire susvisé, enregistré le 11 décembre 2014, la société Bigeault, Taïeb et associés demande à la Cour, par la voie d'un appel présenté comme incident, d'annuler le jugement attaqué, puis, à titre principal, de rejeter la demande présentée par la société Architecture Workshop 2 et, à titre subsidiaire, de prononcer la résiliation du marché litigieux et, à titre encore plus subsidiaire, de désigner un expert avec pour mission de déterminer si l'offre de la société Architecture Workshop 2 était conforme au règlement du concours, de telles conclusions ne revêtent pas le caractère d'un appel incident dès lors que l'appel principal de la COMMUNE DE SAINT-OUEN n'est pas dirigé contre la société Bigeault, Taïeb et associés ; qu'elles ne revêtent pas davantage le caractère d'un appel provoqué recevable dès lors que le présent arrêt ne saurait aggraver la situation de cette société ; que ces conclusions constituent en réalité un appel principal, qui, présenté postérieurement à l'expiration du délai d'appel, lequel a couru à compter du 19 février 2014 date à laquelle la société Bigeault, Taïeb et associés a reçu notification du jugement, a été tardivement formé ; que, dès lors, la fin de non-recevoir opposée par la COMMUNE DE SAINT-OUEN aux conclusions de la société Bigeault, Taïeb et associés doit être accueillie ;

Au fond :

7. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 74 du code des marchés publics : " I. - Les marchés de maîtrise d'oeuvre ont pour objet, en vue de la réalisation d'un ouvrage ou d'un projet urbain ou paysager, l'exécution d'un ou plusieurs éléments de mission définis par l'article 7 de la loi du 12 juillet 1985 (...) et par le décret du 29 novembre 1993 (...). / II. - Les marchés de maîtrise d'oeuvre d'un montant égal ou supérieur aux seuils de procédure formalisée définis à l'article 26 sont passés selon la procédure du concours dans les conditions précisées ci-après (...) / III. - Le concours mentionné ci-dessus est un concours restreint organisé dans les conditions définies à l'article 70. / Les candidats ayant remis des prestations conformes au règlement du concours bénéficient d'une prime. L'avis d'appel public à la concurrence indique le montant de cette prime. Le montant de la prime attribuée à chaque candidat est égal au prix estimé des études à effectuer par les candidats telles que définies dans l'avis d'appel public à la concurrence et précisées dans le règlement du concours, affecté d'un abattement au plus égal à 20 % (...) " ; qu'aux termes de l'article 70 du même code : " I. - Un avis d'appel public à la concurrence est publié dans les conditions prévues à l'article 40 (...) / III. - 1° Les candidatures sont transmises au jury qui les examine. Il dresse un procès-verbal et formule un avis motivé. / La liste des candidats admis à concourir est arrêtée et les candidats non retenus en sont informés conformément au I de l'article 80 (...) / IV. - Avant leur communication au jury, les enveloppes relatives aux prestations sont ouvertes. Les prestations demandées sont enregistrées (...) Elles peuvent faire l'objet d'une analyse préalable destinée à préparer le travail du jury. / V. - Les prestations des candidats sont ensuite transmises au jury qui les évalue, en vérifie la conformité au règlement du concours et en propose un classement fondé sur les critères indiqués dans l'avis d'appel public à concurrence. Le jury dresse un procès-verbal de l'examen des prestations, dans lequel il consigne ses observations et tout point nécessitant des éclaircissements, et formule un avis motivé. Ce procès-verbal est signé par tous les membres du jury. L'anonymat est respecté jusqu'à l'avis du jury. / VI. - Le jury peut ensuite inviter les candidats à répondre aux questions qu'il a consignées dans ce procès-verbal afin de clarifier tel ou tel aspect d'un projet. Un procès-verbal complet du dialogue entre les membres du jury et les candidats est établi. / VII. - Après réception de l'avis et des procès-verbaux du jury, et après examen de l'enveloppe contenant le prix, le ou les lauréats du concours sont choisis par le pouvoir adjudicateur (...) / VIII. - Le ou les lauréats sont invités à négocier et le marché qui fait suite au concours est attribué. Pour les collectivités territoriales et les établissements publics locaux à l'exception des établissements publics sociaux ou médico-sociaux, c'est l'assemblée délibérante qui attribue le marché (...) " ;

8. Considérant, d'autre part, que lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter ce marché ; que, dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit, en principe, au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ; qu'il convient ensuite de rechercher si l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché ; que, dans un tel cas, l'entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre qui n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique ;

9. Considérant qu'il résulte du dossier de la consultation du marché de maîtrise d'oeuvre relatif au regroupement des services communaux aux 11-15 et 19, rue des Rosiers, à Saint-Ouen et, en particulier, de l'avis d'appel public à la concurrence et des dispositions du règlement du concours propres à la procédure de passation de ce marché, notamment ses articles 4 et 8, que le pouvoir adjudicateur n'a pas entendu prescrire le respect des enveloppes financières prévisionnelles des travaux comme un critère de régularité des offres, mais comme l'un des éléments d'évaluation de l'un des quatre critères de jugement des offres, celui du respect du coût d'objectif ; que, par suite, la COMMUNE DE SAINT-OUEN n'est pas fondée à soutenir que l'offre présentée par la société Architecture Workshop 2, dont il n'est pas sérieusement contesté qu'elle dépassait de près de 100 000 euros l'enveloppe prévisionnelle de la tranche ferme, aurait dû être rejetée comme étant irrégulière et que, par suite, cette société n'avait aucune chance de se voir attribuer le marché ;

10. Considérant, toutefois, que la seule circonstance que la société Architecture Workshop 2 a été déclarée co-lauréate avec la société Bigeault, Taïeb et associés, attributaire du marché de maîtrise d'oeuvre en cause, ne saurait conduire à estimer, comme elle le prétend, qu'elle avait nécessairement des chances sérieuses d'emporter ce marché dès lors que le maître d'ouvrage détient toujours la possibilité, en présence de projets estimés insatisfaisants, de mettre fin à la procédure d'attribution du marché ; qu'en outre, il résulte de l'instruction et il n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté par la société Architecture Workshop 2 que si les projets des sociétés lauréates ont présenté des mérites similaires pour trois des quatre critères retenus dans le règlement de concours, à savoir le respect des performances techniques et environnementales attendues, le respect du coût d'objectif et le respect du planning prévisionnel, et qu'elles ont été départagées principalement, tant par le jury du concours que par le pouvoir adjudicateur, au regard du critère du parti architectural, du respect du programme et de la fonctionnalité du projet, le projet présenté par la société Architecture Workshop 2 comportait des aspects insatisfaisants majeurs, y compris à l'issue de la phase de négociation, concernant notamment une

sous-évaluation de 100 000 euros pour le lot espaces verts VRD, une insuffisance des protections solaires sous verrière, une insuffisance de la protection thermique sur la façade rue existante, des difficultés liées au nettoyage intérieur de la façade vitrée et, d'une manière générale, une moindre satisfaction ou une réserve d'ensemble de la part du pouvoir adjudicateur au regard du parti pris architectural et de la fonctionnalité du bâtiment proposés par la société ; que, sur ces différents aspects, la COMMUNE DE SAINT-OUEN soutient, sans être contredite utilement, que ces insuffisances et difficultés qui auraient été, en particulier, susceptibles de générer une augmentation du coût des travaux et, à long terme, du coût d'entretien du futur bâtiment, étaient de nature à remettre en question, si l'offre de la société Bigeault, Taïeb et associés avait été éliminée, l'intérêt même du projet proposé par la société Architecture Workshop 2 au regard des attentes et besoins de la commune ; que, par suite, la COMMUNE DE SAINT-OUEN est fondée à soutenir que, compte tenu de l'ensemble de ces éléments et contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, la société Architecture Workshop 2 ne peut pas être regardée comme démontrant avoir été privée d'une chance sérieuse d'emporter le marché ;

11. Considérant, enfin, que si la société Architecture Workshop 2, qui n'était pas dépourvue de toute chance de remporter le marché, est en droit d'obtenir le remboursement des frais exposés pour présenter son offre, elle n'établit pas ni même n'allègue que ces frais auraient excédé le montant de la prime fixée par l'article 5 du règlement du concours prévue pour chaque candidat ayant remis des prestations conformes et qui lui a été effectivement versée ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE

SAINT-OUEN est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil l'a condamnée à verser à la société Architecture Workshop 2 la somme de 82 511,85 euros HT en réparation de sa perte de chance sérieuse d'obtenir le marché, et, dès lors, à demander l'annulation de l'article 2 de ce jugement prononçant cette condamnation ; que, par voie de conséquence, l'appel incident de la société Architecture Workshop 2 tendant à la réformation de ce jugement et à ce que cette somme soit portée à 124 194,55 euros TTC doit être rejeté ;

Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par la société Architecture Workshop 2 :

13. Considérant que si la société Architecture Workshop 2 demande à la Cour d'enjoindre à la COMMUNE DE SAINT-OUEN de lui communiquer le second procès-verbal du jury, les questions et réponses des candidats sur leurs projets lors des négociations et les minutes des négociations, la communication de ces documents ne revêt pas un caractère utile à la résolution du présent litige ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par la société Architecture Workshop 2 doivent être rejetées ;

Sur les conclusions de la requête n° 14VE03037 à fin de sursis à exécution :

14. Considérant que la Cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête n° 14VE01179 de la COMMUNE DE SAINT-OUEN tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête n° 14VE03037 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet ; qu'il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la COMMUNE DE SAINT-OUEN, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Architecture Workshop 2 demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, de même, les conclusions de la société Bigeault, Taïeb et associés tendant à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Architecture Workshop 2 en application de ces dispositions ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Architecture Workshop 2 une somme de 1 500 euros à verser à la COMMUNE DE SAINT-OUEN sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il est donné acte du désistement des conclusions de la COMMUNE DE

SAINT-OUEN tendant à l'annulation de l'article 1er du jugement n° 1303517 du 18 février 2014 du Tribunal administratif de Montreuil.

Article 2 : L'article 2 du jugement n° 1303517 du 18 février 2014 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 3 : La demande présentée par la société Architecture Workshop 2 devant le Tribunal administratif de Montreuil tendant à la condamnation de la COMMUNE DE SAINT-OUEN à lui verser la somme de 124 194, 55 euros TTC est rejetée.

Article 4 : La société Architecture Workshop 2 versera à la COMMUNE DE SAINT-OUEN une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions d'appel de la société Architecture Workshop 2, les conclusions de la société Bigeault, Taïeb et associés et le surplus des conclusions de la COMMUNE DE

SAINT-OUEN tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 6 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 14VE03037 tendant au sursis à l'exécution du jugement n° 1303517 du 18 février 2014 du Tribunal administratif de Montreuil.

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Nos 14VE01179...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 14VE01179-14VE03037
Date de la décision : 22/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02-02-02-01 Marchés et contrats administratifs. Formation des contrats et marchés. Mode de passation des contrats. Adjudication. Adjudication restreinte.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Rudolph D'HAËM
Rapporteur public ?: Mme MEGRET
Avocat(s) : JORION

Origine de la décision
Date de l'import : 03/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2015-10-22;14ve01179.14ve03037 ?
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