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22/09/2015 | FRANCE | N°14VE00765

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 22 septembre 2015, 14VE00765


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner La Poste et l'Etat à lui verser la somme de 80 000 euros en réparation des préjudices subis en raison du blocage de sa carrière au sein de la Poste.

Par un jugement n° 1107861 du 30 janvier 2014, le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a solidairement condamné l'Etat et La Poste à lui payer une somme de 4 000 euros tous intérêts confondus.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mé

moires, enregistrés le 12 mars 2014, le 26 mai 2014 et le 29 mai 2015, M. C..., représenté par Me B...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner La Poste et l'Etat à lui verser la somme de 80 000 euros en réparation des préjudices subis en raison du blocage de sa carrière au sein de la Poste.

Par un jugement n° 1107861 du 30 janvier 2014, le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a solidairement condamné l'Etat et La Poste à lui payer une somme de 4 000 euros tous intérêts confondus.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 12 mars 2014, le 26 mai 2014 et le 29 mai 2015, M. C..., représenté par Me Bineteau, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1107861 du 30 janvier 2014 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la condamnation de La Poste et de l'Etat à l'indemniser de la somme de 80 000 euros au titre des différents préjudices subis, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts ou, à titre subsidiaire, de réformer ce jugement en tant qu'il a refusé d'indemniser son préjudice de carrière ;

2° de condamner La Poste et l'Etat à lui verser solidairement la somme de

80 000 euros ainsi que les intérêts au taux légal à compter de la réception de ses demandes préalables et la capitalisation de ces intérêts, en réparation du préjudice subi en raison de son blocage de carrière ;

3° de condamner solidairement La Poste et l'Etat à lui verser la somme de

2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce que les articles R. 711-3 et L. 5 du code de justice administrative et le principe du contradictoire ont été méconnus ; il n'a pas été mis en mesure de connaitre le quantum de son indemnisation ni les moyens qui fondent le rejet partiel de sa requête ;

- le tribunal l'a confondu avec un autre requérant et a omis de statuer sur l'ensemble des moyens soulevés et, en particulier sur le moyen tiré de ce qu'il pouvait prétendre à une promotion dans le grade de conducteur de travaux de la distribution et de l'acheminement ( CDTX-DA) ; la circonstance que les dates des mémoires soient justes ne permet pas de considérer que le vice des visas n'a pas eu d'influence sur le jugement ; il n'est pas exigé par la jurisprudence que le défaut de moyen ait lésé le requérant pour que le vice soit sanctionné ;

- La Poste et l'Etat ont bien commis une faute et, ayant perdu une chance sérieuse d'être promu, il a subi un préjudice de carrière qu'il convient d'indemniser ;

- il n'a jamais prétendu à une promotion dans le grade de contrôleur divisionnaire ;

- dès lors qu'il a subi une perte de chance de promotion, il a subi un préjudice moral et un trouble dans les conditions d'existence ; il n'est en mesure de produire que les seuls éléments en sa possession ; la charge de la preuve ne saurait donc peser sur lui de manière excessive ; son choix ne peut être la cause de ses préjudices et l'Etat ne peut faire fi de la jurisprudence du conseil d'Etat ;

- ses compétences professionnelles lui permettent aisément d'exercer des fonctions de niveau supérieur et sa manière de servir a toujours satisfait ses supérieurs hiérarchiques ; la plupart des lauréats promus dans le grade de CDTX sont notés B ; eu égard à ses appréciations, sa note B aurait pu être une note E avec un autre supérieur ;

- il respectait les conditions statutaires pour être promu au grade d'AEX-DA dès 2002 et de CDTX dès le 7 mai 1994 eu égard à la note de service du 16 décembre 2009 ;

- compte tenu du fait qu'il n'a pas pu profiter d'un niveau de vie supérieur, de l'absence totale d'estime rencontrée dans son travail, du fait qu'il a été mis à l'écart, situation provoquant un sentiment d'injustice et altérant sa santé morale, son préjudice moral et ses troubles dans les conditions d'existence ne sauraient être évalués à moins de 20 000 euros.

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

- le décret n° 72-503 du 23 juin 1972 ;

- le décret n° 90-1224 du 31 décembre 1990 ;

- le décret n° 91-58 du 10 janvier 1991 ;

- le décret n° 92-935 du 7 septembre 1992 ;

- le décret n° 92-978 du 10 septembre 1992 ;

- les arrêtés des 18 janvier 1991 et 11 septembre 1992 fixant l'échelonnement indiciaire applicable au grade de conducteur de travaux de la distribution et de l'acheminement de La Poste ;

- les arrêtés des 11 septembre 1992, 4 juin 1998 et 30 mars 2007, fixant l'échelonnement indiciaire applicable aux grades d'agent d'exploitation de La Poste et d'agent d'exploitation de France Télécom ;

- les arrêtés des 11 septembre 1992, 4 juin 1998 et 30 mars 2007, fixant l'échelonnement indiciaire applicable au grade de préposé de La Poste ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Orio, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., pour la Poste.

Sur la régularité du jugement en litige :

1. Considérant que, dans sa demande enregistrée devant le tribunal administratif, M. C... sollicitait l'indemnisation de son préjudice de carrière au motif qu'il avait perdu une chance sérieuse d'accéder au grade d'agent d'exploitation du service de la distribution et de l'acheminement (AEX-DA) et au grade de conducteur des travaux (CDTX) ; que, par suite, c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal a regardé la demande de M. C...comme tendant à obtenir l'indemnisation du préjudice financier subi en raison d'une perte de chance sérieuse d'accéder au grade d'AEX-DA puis au grade de contrôleur divisionnaire ; que le jugement du tribunal s'est mépris sur le sens de la demande et doit dès lors être annulé ;

2. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif ;

Sur la responsabilité :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de La Poste et à France Télécom : " Les personnels de La Poste et de France Télécom sont régis par des statuts particuliers, pris en application de la loi

n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat (...) " ; que l'article 31 de la même loi a permis à La Poste d'employer, sous le régime des conventions collectives, des agents contractuels ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration (...), non seulement par voie de concours (...) mais aussi par la nomination de fonctionnaires (...) suivant l'une des modalités ci-après : / 1° Examen professionnel ; / 2° Liste d'aptitude établie après avis de la commission paritaire du corps d'accueil (...) " ; qu'en vertu de l'article 58 de la loi du 11 janvier 1984 et des dispositions règlementaires prises pour son application, il appartient à l'autorité administrative, sauf à ce qu'aucun emploi vacant ne soit susceptible d'être occupé par des fonctionnaires à promouvoir, d'établir annuellement des tableaux d'avancement en vue de permettre l'avancement de grade ;

5. Considérant, d'une part, que la possibilité offerte aux fonctionnaires qui sont demeurés dans les corps dits de " reclassement " de La Poste de bénéficier, au même titre que les fonctionnaires ayant choisi d'intégrer les nouveaux corps dits de " reclassification " créés en 1993, de mesures de promotion organisées en vue de pourvoir des emplois vacants proposés dans ces corps de " reclassification ", ne dispensait pas le président de La Poste de faire application des dispositions de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne dans le cadre des corps de " reclassement " ; qu'il appartenait, en outre, au ministre chargé des postes et télécommunications de veiller de manière générale au respect par La Poste de ce droit à la promotion interne, garanti aux fonctionnaires " reclassés " comme aux fonctionnaires " reclassifiés " de l'exploitant public par les dispositions combinées de la loi du 2 juillet 1990 et de la loi du 11 janvier 1984 ;

6. Considérant, d'autre part, que le législateur, par la loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales, en permettant à La Poste de ne recruter, le cas échéant, que des agents contractuels de droit privé, n'a pas entendu priver d'effet les dispositions de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne à l'égard des fonctionnaires " reclassés " ; que, par suite, les décrets régissant les statuts particuliers des corps de " reclassement ", en ce qu'ils n'organisaient pas de voies de promotion interne autres que celles liées aux titularisations consécutives aux recrutements externes et privaient en conséquence les fonctionnaires " reclassés " de toute possibilité de promotion interne, étaient entachés d'illégalité ; qu'en faisant application de ces décrets illégaux et en refusant de prendre toute mesure de promotion interne au bénéfice des fonctionnaires " reclassés " au motif que ces décrets en interdisaient la possibilité, le président de La Poste a, de même, commis une illégalité fautive ; que La Poste, pour s'exonérer de sa responsabilité, ne saurait ainsi utilement se prévaloir ni de la circonstance que les décrets statutaires des corps de " reclassement " auraient interdit ces promotions, ni du fait qu'aucun emploi ne serait devenu vacant, au cours de la période, pour permettre de procéder à de telles promotions ; que, de même, l'Etat a commis une faute en attendant le 14 décembre 2009 pour prendre les décrets organisant les possibilités de promotion interne pour les fonctionnaires des corps de reclassement de La Poste ; que ces fautes sont de nature à entraîner la responsabilité solidaire de l'Etat et de La Poste à l'égard de M. C... ; qu'elles n'ouvrent cependant droit à réparation au profit de celui-ci qu'à la condition d'être à l'origine d'un préjudice personnel, direct et certain ;

Sur le préjudice :

7. Considérant que M. C...entré à la Poste en 1977 a été nommé au grade de préposé stagiaire le 9 octobre 1980 et titularisé un an après ; qu'il soutient qu'il a subi un préjudice de carrière dès lors qu'il remplissait, dès 2002, tant les conditions statutaires que les conditions d'aptitude pour accéder au grade d'agent d'exploitation distribution acheminement et, dès 1994, celles permettant d'accéder au grade de CDTX ; que, toutefois, il résulte de l'instruction qu'une nomination au grade d'AEX-DA, dont l'échelonnement indiciaire est équivalent à celui des préposés n'aurait pas constitué pour lui une promotion ; que, par ailleurs, l'accès au grade de CDTX n'a été ouvert statutairement aux préposés qu'à compter d'une note de service du 16 décembre 2009 et aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait à La Poste de prévoir de promotion du corps des préposés au grade de conducteur des travaux - branche distribution acheminement (CDTX) ; qu'enfin, les notations produites ne mettent aucunement en avant l'aptitude à exercer des fonctions supérieures ; que dès lors, M. C...n'établit pas avoir perdu une chance sérieuse d'accéder à ce grade constitutive d'un préjudice de carrière ;

8. Considérant toutefois que M. C...a subi, du fait de l'atteinte portée à ses droits statutaires en raison des illégalités fautives relevées ci-dessus, des troubles dans les conditions d'existence et un préjudice moral, dont il sera fait une juste appréciation en les évaluant à la somme de 3 000 euros ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce qu'il soit mis à la charge de M. C...le versement de la somme que La Poste demande ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de La Poste le versement de la somme que M. C...demande sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1107861 du 30 janvier 2014 du Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : La Poste et l'Etat, pris en la personne du ministre des finances et des comptes publics, sont condamnés solidairement à verser à M. C...la somme de 3 000 euros tous intérêts confondus.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

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N° 14VE00765


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 14VE00765
Date de la décision : 22/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Eugénie ORIO
Rapporteur public ?: Mme ROLLET-PERRAUD
Avocat(s) : SCP GRANRUT AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2015-09-22;14ve00765 ?
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