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07/07/2015 | FRANCE | N°13VE01750

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 07 juillet 2015, 13VE01750


Vu la requête enregistrée le 10 juin 2013, présentée pour la SARL ROBIN dont le siège est 2 rue des Brières à Condé sur Vesgre (78113), par Me Monin, avocat ;

La SARL ROBIN demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 0902214 du 9 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, auxquels elle a été assujettie au titre des années 2004 et 2005, et des pénalités correspondantes ;

2° de pro

noncer la décharge de ces impositions et pénalités ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la...

Vu la requête enregistrée le 10 juin 2013, présentée pour la SARL ROBIN dont le siège est 2 rue des Brières à Condé sur Vesgre (78113), par Me Monin, avocat ;

La SARL ROBIN demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 0902214 du 9 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, auxquels elle a été assujettie au titre des années 2004 et 2005, et des pénalités correspondantes ;

2° de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que:

- en raison du changement de direction de l'établissement le 1er juin 2004, qui s'est traduit notamment par une réorientation de l'activité vers celle de restauration, modifiant les modalités de commercialisation du vin, le service vérificateur ne pouvait valablement appliquer la pondération du coefficient de marge, obtenue à partir des données tirées de l'exercice clos en 2003, aux exercices clos en 2004 et 2005 ;

- l'administration aurait dû utiliser plusieurs méthodes de reconstitution du chiffre d'affaires, ainsi que le préconise l'instruction administrative reprise à la documentation de base 4 G 3343 n°4, qui ne constitue pas une simple recommandation laissant une certaine liberté d'appréciation au service ;

- en raison du caractère erroné de l'avis du 13 décembre 2007, dans lequel la commission départementale des impôts a confondu les coefficients de marge brut et le coefficient pondéré, retenu un taux erroné de proportion de liquides dans le chiffre d'affaires total, et estimé que le changement de direction n'a pas eu d'impact sur l'exploitation, alors que le contraire est démontré, la charge de la preuve n'incombe pas à la société par l'effet de la saisine de ladite commission mais bien à l'administration ;

- en pondérant le coefficient de marge par la part représentative de chaque famille de liquides dans le total de ventes de liquides, le vérificateur a vicié la méthode de reconstitution ; l'administration aurait dû pondérer le coefficient de marge des liquides avec le total des achats ;

- la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires de l'administration étant viciée, une méthode alternative doit être proposée, basée sur le dépouillement par son expert-comptable des tickets Z sur la période allant du 5 décembre 2006 au 24 janvier 2007, sous la nouvelle direction de la brasserie ; qu'il résulte de ce dépouillement deux coefficients de marge de 7,159 et 7,080 équivalant à celui de 7,074 déterminé par la société pour l'année 2003, contestant ainsi le taux de 8,80 obtenu par l'administration ; que ce coefficient de 7,074 peut être ainsi appliqué pour la période du 1er juin 2004 au 31 décembre 2005 ;

- s'agissant des pénalités de mauvaise foi, la volonté de minorer son chiffre d'affaires n'a pas été établie par l'administration, l'insuffisance du montant de chiffre d'affaires déclaré étant due à la période délicate que constitue un changement de direction ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 23 juin 2015 :

- le rapport de M. Nicolet, président assesseur,

- les conclusions de Sandrine Rudeaux, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., substituant Me Monin, pour la SARL ROBIN ;

1. Considérant que la SARL ROBIN, qui a pour activité l'exploitation d'un bar brasserie à Rambouillet, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les années 2003, 2004 et 2005 ; qu'à la suite du rejet de sa comptabilité, le service vérificateur a procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires, et a notifié à la société, selon la procédure contradictoire prévue par les dispositions de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, des propositions de rectifications en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée ; que la SARL ROBIN demande l'annulation du jugement n° 0902214 du 9 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des années 2004 et 2005, et des pénalités correspondantes, ainsi que la décharge de ces impositions et pénalités ;

Sur les conclusions aux fins de décharge des impositions supplémentaires en litige :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. (...) " ;

3. Considérant que la SARL ROBIN n'a justifié les recettes au comptant, comptabilisées globalement en fin de journée sur un livre de caisse, que par des tickets Z journaliers mentionnant uniquement un cumul, ventilé pour la période du 1er juin 2004 au 31 janvier 2005, entre le montant hors taxes, la taxe sur la valeur ajoutée et le montant toutes taxes comprises, et à compter du 23 février 2005, entre les ventes bar et les ventes brasserie et en fonction du mode de paiement ; qu'ainsi, la société requérante n'a pas présenté de pièces justificatives fiables permettant de vérifier l'exhaustivité de l'enregistrement des recettes ; que par conséquent, la comptabilité de la SARL ROBIN, qui au demeurant ne conteste pas cette appréciation, doit être regardée comme comportant de graves irrégularités au sens des dispositions précitées de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales ; que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a été saisie et a rendu un avis favorable au maintien des rehaussements ; que si la société requérante soutient que cet avis serait entaché d'erreurs cette circonstance, au demeurant non établie, n'est pas de nature à inverser la charge de la preuve qui incombe à la SARL ROBIN en application des dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales ;

4. Considérant que, s'agissant de l'exercice clos en 2005, le service a repris les chiffres déclarés par la société requérante concernant le chiffre d'affaires des solides, et a procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires des liquides ; que le coefficient de marge brute pratiqué sur les liquides en 2005 a été calculé par le rapport existant entre les prix de vente de chacun des articles relevés sur la carte des prix de l'établissement et les prix moyens d'achat de ces produits constatés sur les factures d'achat ; que ce coefficient de marge a été pondéré pour tenir compte de l'importance de chaque type de produits vendus dans le total des ventes de liquides ; qu'en l'absence de pièces de recettes détaillant la nature et la quantité des produits vendus en 2005, le service a effectué cette pondération en fonction de la part représentative de chaque produit liquide dans le total des ventes constatées en 2003 à partir du dépouillement des tickets Z récapitulant par type de produit le nombre d'articles vendus et le chiffre d'affaires réalisé ; que le chiffre d'affaires des liquides de l'exercice 2005 a été déterminé par le produit des achats revendus de liquides, définis par les achats comptabilisés, sous déduction des prélèvements, pertes et offerts estimés à 15 % du montant des achats, par le coefficient de marge pondéré pratiqué sur les liquides ; que, s'agissant de la période du 1er juin 2004 au 31 décembre 2004, le chiffre d'affaires des liquides de l'établissement a été reconstitué en appliquant aux achats revendus de liquides effectués sur cette période, déterminés à partir des achats comptabilisés, sous déduction des prélèvements, pertes et offerts également estimés à 15 % des achats, le coefficient de marge déterminé sur les liquides pour l'exercice clos en 2005 ; que le chiffre d'affaires des solides a été reconstitué en appliquant aux achats revendus de solides effectués sur cette période, déterminés à partir des achats comptabilisés, sous déduction des prélèvements, pertes et offerts estimés à 10 % des achats, le coefficient de marge brute calculé sur les solides au titre de l'exercice 2005 ; que la SARL ROBIN n'établit pas que la méthode de pondération du coefficient de marge brut, qui s'applique aux achats revendus des liquides corrigés des pertes estimées, conduirait à la détermination d'un chiffre d'affaires des liquides supérieur au chiffre d'affaires effectivement réalisé ; que le moyen tiré du caractère radicalement vicié de la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires des liquides suivie par l'administration doit être écarté ;

5. Considérant que la société requérante soutient que le service vérificateur ne pouvait valablement retenir la pondération du coefficient de marge, obtenue à partir des données tirées de l'exercice clos en 2003, pour la détermination du chiffre d'affaires des liquides des exercices clos en 2004 et 2005, au motif que cette pondération avait été effectuée à partir d'éléments d'un exercice antérieur au changement de direction du restaurant intervenu le 1er juin 2004, date après laquelle il aurait été proposé une offre plus diversifiée de vins, du fait de la réorientation de l'activité du restaurant ; que, cependant, la société requérante n'établit pas que les proportions de chaque famille de liquides auraient été sensiblement modifiées à la suite du changement d'exploitant ;

6. Considérant qu'en l'absence de tickets Z pour la période du 1er juin 2004 au 31 décembre 2004 et pour l'année 2005, la SARL ROBIN propose une méthode alternative pour pondérer le coefficient de marge des exercices clos en 2004 et 2005 déterminant un coefficient de marge obtenu par l'expert-comptable de la société qui a procédé au dépouillement des tickets Z sur la période du 5 au 23 décembre 2006, et sur la période du 6 au 24 janvier 2007 ; que, toutefois, la SARL ROBIN ne saurait se prévaloir de données extraites de très courtes périodes de 2006 et 2007, qui ont été établies de manière non contradictoire ; que, par suite, la société requérante n'établit pas que la méthode alternative qu'elle propose conduirait à des résultats plus satisfaisants que ceux obtenus par l'administration ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, l'abandon des redressements, pour l'exercice clos en 2003 et pour la période du 1er janvier au 31 mai 2004, ne résulte pas de la remise en cause du coefficient de pondération calculé sur l'année 2003, et de la reconnaissance par l'administration du caractère probant de la méthode alternative de reconstitution du chiffre d'affaires proposée par la SARL ROBIN ; qu'ainsi la société requérante ne saurait soutenir que l'administration aurait formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal, au sens du 1e de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales: " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales " ;

8. Considérant que l'instruction administrative reprise à la documentation de base 4 G 3343 n°4, qui recommande que la reconstitution soit faite selon les conditions concrètes de fonctionnement de l'entreprise et que, le cas échéant, les bases imposables du contribuable soient reconstituées selon plusieurs méthodes de reconstitution, ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale, au sens et pour l'application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; qu'ainsi, la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir de cette instruction sur le fondement de ces dispositions ;

Sur les conclusions tendant à la décharge de la majoration de 40% pour manquement délibéré :

9. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts alors en vigueur : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré " ;

10. Considérant qu'après avoir relevé l'importance des minorations des recettes déclarées sur les deux exercices consécutifs clos en 2004 et 2005, que le changement de direction intervenu le 1er juin 2004 ne saurait justifier, et compte tenu des manquements constatés dans les obligations comptables de la société, l'administration doit être regardée comme établissant l'intention délibérée de la SARL ROBIN de se soustraire à l'impôt ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL ROBIN n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée, augmentées des pénalités pour manquement délibéré, au titre des années 2004 et 2005 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour de s raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

13. Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme à la SARL ROBIN au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL ROBIN est rejetée.

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N°13VE01750


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 13VE01750
Date de la décision : 07/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-01-02 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt. Contrôle fiscal. Vérification de comptabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. BARBILLON
Rapporteur ?: M. Philippe NICOLET
Rapporteur public ?: Mme RUDEAUX
Avocat(s) : CABINET JURI.FIDELIS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2015-07-07;13ve01750 ?
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