Vu la requête, enregistrée le 16 janvier 2014, présentée pour la SARL BERNIER, dont le siège social est 2 rue du Languedoc à Bretigny-sur-Orge (91220), par Me Maddaloni, avocat ;
La SARL BERNIER demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement n° 0908378 du 19 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des contributions sociales à cet impôt, ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2004 ;
2° de prononcer la décharge de ces impositions ;
Elle soutient que :
- M. A...est à la fois gérant non rémunéré de la SARL BERNIER et salarié de la SA BMF et mis à la disposition de la SARL BERNIER mais cette dualité de fonctions n'enfreint aucune règle de droit ;
- les factures sont transmises en appel et si elles sont postérieures à la faillite de la SA BMF cet élément n'est pas déterminant ; la réalité de la prestation facturée est cependant détaillée et vérifiable ;
- les commissions sur ventes facturées sont justifiées et l'activité déployée par M. A... pour le management de la SARL BERNIER relève de l'évidence ;
- les prélèvements effectués par M. A...en numéraire l'ont été pour la SA BMF ;
- cela est justifié par le contrat de travail entre M. A...et la SA BMF et par les deux conventions signées entre les deux sociétés : les factures ont été produites et en outre les règlements au profit de la SA BMF ont été prélevés en numéraire par M.A... ; il n'était pas possible que M. A...travaille sans rémunération ;
- si le tribunal ne reconnaît pas l'existence d'une contrepartie toutefois les commissions sur apports d'affaires sont détaillées, justifiées et vérifiables et les montants facturés correspondent à la convention ; en sus des factures et de la convention, la société communique les coordonnées du client et le montant du chiffre d'affaires réalisé, le taux et le montant de la commission versée ; la contrepartie est le chiffre d'affaires réalisé par la société ;
- contrairement à ce qu'indique le tribunal les charges d'exploitation ont été minorées et le bénéfice imposable majoré alors que les charges salariales auraient été supérieures à ce montant ;
- à titre subsidiaire il pourrait d'agir de factures de complaisance mais pas de factures fictives ;
S'agissant des pénalités pour manoeuvres frauduleuses :
- elles ne sont pas justifiées puisque les dépenses engagées par la société auprès de son fournisseur la SA BMF pour des prestations de direction générale d'entreprise constituent une option économique incontestablement moins onéreuse que le coût global pour la charge salariale de M.A... ; la SARL BERNIER n'a en l'espèce par cherché à égarer l'administration fiscale et en l'espèce son bénéfice imposable s'en est trouvé majoré ; une maladresse de gestion n'est pas une manoeuvre frauduleuse ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 juin 2015 :
- le rapport de Mme Belle, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Rudeaux, rapporteur public ;
1. Considérant que la SARL BERNIER, qui exerce une activité de vente et de fabrication de composants électromécaniques, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006 à l'issue de laquelle des rehaussements de son résultat déclaré lui ont été notifiés, suite à la réintégration de charges acquittées au profit de la SA BMF, ayant entraîné des rectifications à l'impôt sur les sociétés et à la contribution à cet impôt pour l'exercice clos en 2004, majorées de l'intérêt de retard et de pénalités pour manoeuvres frauduleuses ; que la SARL BERNIER demande l'annulation du jugement n° 0908378 du 19 novembre 2013 du Tribunal administratif de Versailles rejetant sa demande ;
Sur le bien-fondé des impositions :
2. Considérant, qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) " ; qu'en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient dès lors au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; qu'en ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que, dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;
3. Considérant que la SARL BERNIER, qui a comptabilisé en charges à la clôture de l'exercice 2004, un total de 36 000 euros d'honoraires et de 23 103 euros de commissions sur ventes versées à la même société BMF établie au Luxembourg a produit, pour établir la réalité des charges en litige, deux conventions de collaboration passées entre elle et cette société, la première portant sur du conseil en management et la seconde sur l'apport d'affaires rémunéré, une rémunération de 3 000 euros mensuels étant prévue au bénéfice de son gérant M. A..., associé majoritaire et détenteur de la signature sur les comptes bancaires ainsi que des commissions sur ventes pour laquelle la rémunération de M. A...devait être librement négociée ; que M.A..., qui se prévaut de son statut de salarié de la SA BMF, est intervenu pour la conclusion et la signature de ces contrats ; que la SARL BERNIER a également produit quatre factures trimestrielles de 9 000 euros correspondant à la rémunération annuelle de M. A...et 27 factures correspondant à des commissions sur ventes émises entre le 21 mars et 31 décembre 2014 ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'activité de M. A..., en qualité de directeur et de gérant de la SARL BERNIER, où il assurait des fonctions de direction et de démarchage commercial ni que le fonctionnement de la SARL BERNIER auraient nécessité le versement d'une rémunération mensuelle de conseil en management par la SA BMF ou de commissions sur ventes ; que, par suite, la SARL BERNIER ne peut être regardée comme apportant des éléments suffisants sur l'existence de ces charges et leur contrepartie par des éléments précis ni, par suite, comme justifiant de leur déductibilité ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de la demande d'assistance administrative internationale diligentée par les services fiscaux que la société luxembourgeoise SA BMF a été placée en faillite par le tribunal d'arrondissement de Luxembourg le 20 février 2004 et qu'à cette date un curateur a été désigné ; que si la SARL BERNIER a fourni, pour établir la réalité du versement de commissions d'affaires à M. A...pour l'exercice 2004 des factures non numérotées, celles-ci sont toutes postérieures à la faillite et n'ont pas été validées par le curateur ; qu'elles ne peuvent, dès lors, être regardées comme régulières ; qu'en outre, la requérante ne fournit aucun élément tendant à établir la réalité des prestations ainsi rémunérées ni justifiant la déductibilité de ces charges ; qu'enfin, l'administration fiscale relève à bon droit que la circonstance que M. A...ait appréhendé en espèces plus de la moitié du total des sommes facturées par la SA BMF et supposées avoir été versées par la SARL BERNIER n'est pas de nature à établir la réalité de ces charges ;
6. Considérant enfin, qu'en l'absence de tout élément précis établissant ou même corroborant la réalité des charges supposées exposées ou des prestations prétendument réalisées, le moyen tiré de ce que ces sommes représenteraient, à titre subsidiaire, des charges admissibles en qualité de factures de complaisance doit être écarté ; que, par suite, l'administration fiscale qui souligne le caractère fictif de ces charges et la collusion existant entre le dirigeant de la société M. A...et la SA BMF qui a facturé les charges, doit être regardée comme établissant suffisamment que ces dépenses, qui n'ont pas été exposées dans l'intérêt de l'entreprise SARL BERNIER, ne sont pas des charges déductibles de son bénéfice imposable ;
Sur les pénalités pour manoeuvres frauduleuses :
7. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40% si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ou de 80% s'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses (...) " ;
8. Considérant qu'en faisant valoir que les charges fictives, facturées par la SA BMF établie au Luxembourg au bénéfice de la SARL BERNIER sous forme de charges déductibles du résultat imposable et au bénéfice du dirigeant de la SARL BERNIER qui en a perçu la plus grande partie en numéraire ou sous forme de rémunération dans un pays à fiscalité privilégiée, également dans le but de réduire son imposition, alors qu'il était à la fois dirigeant et associé majoritaire de la SARL BERNIER et directeur commercial salarié de la SA BMF, l'administration fiscale établit l'existence de manoeuvres frauduleuses destinées à égarer les services dans l'exercice de leur pouvoir de contrôle ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL BERNIER n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL BERNIER est rejetée.
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N° 14VE00185 2