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29/01/2015 | FRANCE | N°13VE03083

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 29 janvier 2015, 13VE03083


Vu la requête, enregistrée le 9 octobre 2013, présentée pour la société GROUPE BRUXELLES LAMBERT, dont le siège est situé 24, avenue Marnix à Bruxelles (B-1000), Belgique, par Me de Waal, avocat ;

La société GROUPE BRUXELLES LAMBERT demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1208005 du 21 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes qui lui ont été versés par la société Arkema au cours des années 2008, 2009 et 2010 ;

2°) de pro

noncer la restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes qui lui ont été...

Vu la requête, enregistrée le 9 octobre 2013, présentée pour la société GROUPE BRUXELLES LAMBERT, dont le siège est situé 24, avenue Marnix à Bruxelles (B-1000), Belgique, par Me de Waal, avocat ;

La société GROUPE BRUXELLES LAMBERT demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1208005 du 21 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes qui lui ont été versés par la société Arkema au cours des années 2008, 2009 et 2010 ;

2°) de prononcer la restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes qui lui ont été versés par la société Arkema au cours des années 2008, 2009 et 2010 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de cinq questions préjudicielles ;

Elle soutient que :

- elle a perçu de 2008 à 2010 des dividendes de la société française Arkema, dont elle détenait moins de 5 % du capital, lesquels ont donné lieu à une retenue à la source ;

- sa situation déficitaire lui donne droit à la restitution de ces dividendes ;

- la retenue à la source en litige est contraire à la libre circulation des capitaux garantie par l'article 56 du traité CE ;

- la Cour de justice de l'Union européenne n'exige pas l'identité des situations pour admettre leur comparabilité ; la société se trouve dans une situation objectivement comparable à celle d'une société déficitaire résidente de France, mais a été traitée moins favorablement qu'une telle société qui ne subit aucune imposition des dividendes qu'elle perçoit ;

- c'est à tort que le tribunal a transposé la décision rendue le 9 mai 2012 par le Conseil d'Etat statuant en formation plénière, n° 342221, société GBL Energy, car cette décision applique les principes de l'arrêt CJCE du 22 décembre 2008, Truck Center (C-282/07) à une situation totalement différente de celle ayant donné lieu à cet arrêt d'ailleurs isolé dans la jurisprudence de la Cour, est en contradiction avec l'arrêt CJUE du 20 octobre 2011, Commission c/Allemagne (C- 284/09) et avec l'arrêt CJUE du 10 mai 2012, Santander (C- 338/11 à C-347/11) et tranche indûment la question de savoir si la situation d'une société résidente déficitaire est ou non objectivement comparable à celle d'une société non résidente déficitaire alors que cette question devrait être jugée par la CJUE ;

- si la condition relative au prix minimum d'acquisition des titres n'avait pas été supprimée des critères relatifs au régime mère-fille en France, sa participation dans la société Arkema aurait été éligible à ce régime de sorte qu'elle aurait pu obtenir le remboursement de la retenue litigieuse ; en supprimant cette condition à compter de 2001 sans exonérer de retenue à la source les actionnaires non-résidents qui satisfaisaient à ce critère à cette date, la France a dégradé son cadre juridique au regard du principe de libre circulation des capitaux ;

- elle a le statut d'une société de portefeuille et a pour activité essentielle d'utiliser les moyens mis à disposition par ses actionnaires par l'acquisition et la gestion d'un portefeuille de valeurs mobilières, de sorte que sa situation est comparable à celle d'une société d'investissement ordinaire régie par l'ordonnance 45-2410 modifiée le 22 novembre 1995 dont les dispositions étaient encore en vigueur au cours des années en cause, à celui d'une société d'investissement à capital fixe dont le régime a été codifié à l'article L. 214147 du code monétaire et financier, et à celui d'une SICAV de droit français de distribution ou de capitalisation ;

- ainsi, conformément à la loi fiscale belge, elle est quasiment exonérée de tout impôt sur les dividendes qu'elle perçoit et se trouve ainsi dans une situation très comparable à celle d'une SICAV belge, ainsi qu'en atteste l'administration fiscale belge ;

- par suite, elle est fondée à se prévaloir de l'arrêt du 10 mai 2012 Santander (C-338/11 à C-347/11) par lequel la Cour de justice de l'Union que les articles 63 TFUE et 65 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation d'un Etat membre qui prévoit l'imposition, au moyen d'une retenue à la source, des dividendes d'origine nationale lorsqu'ils sont perçus par des OPCVM résidents dans un autre Etat, alors que de tels dividendes sont exonérés d'impôts dans le chef des OPCVM résidents dans le premier Etat ;

- il ne peut être considéré que la discrimination serait, faute d'un impôt suffisant dû en Belgique par la société non-résidente, le fait de cet Etat ;

- la retenue à la source en litige introduit une discrimination entre un contribuable

non-résident établi dans un Etat membre et un contribuable non-résident établi dans un Etat tiers tel que l'Arabie Saoudite, le Bahrein, la Croatie etc.., lequel serait exonéré de la retenue à la source en application de la convention fiscale conclue par la France et ledit Etat tiers ;

- la retenue à la source en litige est établie en violation de l'article 2 du Traité de l'Union européenne, qui prévoit l'établissement d'une monnaie unique et des articles 3 et 10 de ce Traité, compte tenu des détournements de capitaux qu'elle induit ;

- elle est fondée à se prévaloir de l'ordonnance rendue le 12 juillet 2012 par la Cour de Justice de l'Union européenne dans l'affaire Tate and Lyle Investments Ltd ;

- la société demande à la Cour de saisir la Cour de Justice de l'Union européenne de cinq questions préjudicielles ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne, notamment ses articles 56 et 58, devenus les articles 63 et 65 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu la directive 85/611//CEE du Conseil, du 20 décembre 1985 ;

Vu la directive 90/345/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990 ;

Vu la convention conclue entre la France et la Belgique en vue d'éviter les doubles impositions signée le 10 mars 1964 modifiée ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu, notamment, les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes du 14 septembre 2006 Centro di musicologia Walter Stauffer (C-386/04), du 14 décembre 2006, société Denkavit Internationaal BV (C-170/05), du 14 novembre 2006, Kerckhaert et Morres (C- 513/04), du 8 novembre 2007, Amurta SGPS (C-379/05), du 22 décembre 2008, Belgique c/Truck Centrer SA (C-282/07) et les arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne du 18 juin 2009, Aberdeen Property Fininvest Alpha Oy (C-303/07), du 19 novembre 2009, Commission c. République italienne (C-540/07), du 1er juillet 2010, Gerard Dijkman (C- 233/09), du 20 octobre 2011, Commission c/Allemagne (C-284/09) et du 10 mai 2012 Santander (C-338/11 à C-347/11) ainsi que l'ordonnance rendue le 12 juillet 2012 par la Cour de Justice de l'Union européenne, Tate et Lyle Investments Ltd (C-384/11) ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 janvier 2015 :

- le rapport de Mme Vinot, président assesseur,

- les conclusions de Mme Garrec, rapporteur public,

- et les observations de Me de Waal, avocat de la société GROUPE BRUXELLES

LAMBERT ;

Connaissance prise de la note en délibéré enregistrée le 21 janvier 2015, présentée pour la société Groupe Bruxelles Lambert, par Me de Waal, avocat ;

1. Considérant que la société GROUPE BRUXELLES LAMBERT, dont le siège social est situé en Belgique, a perçu au cours des années 2008, 2009 et 2010 des dividendes distribués par la société française Arkema ; que, par une réclamation qui a été rejetée par l'administration fiscale, cette société a demandé la restitution de la retenue à la source de 15 % à laquelle ces distributions avaient été soumises en France au titre des mêmes années, en application des dispositions du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts et des stipulations de la convention fiscale franco-belge du 10 mars 1964 modifiée ; qu'elle relève appel du jugement du 21 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes qui lui ont été versées par la société Arkema au cours des années 2008 à 2010 ;

Sur le moyen tiré de l'atteinte portée à la liberté de circulation des capitaux :

2. Considérant qu'aux termes du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'imposition en litige : " Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par le 1 de l'article 187 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France. (...) " ; que les dividendes distribués par une société établie en France à une société établie dans un autre Etat de l'Union européenne, notamment en Belgique, sont au nombre des produits soumis à cette retenue ; qu'aux termes du 1 de l'article 187 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Le taux de la retenue à la source prévue à l'article 119 bis est fixé à : 12 % pour les intérêts des obligations négociables (...) ; / 25 % pour tous les autres revenus (...) " ; que la convention fiscale franco-belge du 10 mars 1964 fixe ce taux à 15 % pour les dividendes ;

3. Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne applicable au litige, devenu l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites " ; qu'aux termes de l'article 58 du même traité, devenu l'article 65 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. L'article 56 ne porte pas atteinte au droit qu'ont les Etats membres : a) d'appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis ; (...) 3. Les mesures et procédures visées aux paragraphes 1 et 2 ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l'article 56 " ;

4. Considérant qu'il résulte de ces stipulations, telles qu'elles ont été interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que les désavantages pouvant découler de l'exercice parallèle des compétences fiscales des différents Etats membres, pour autant qu'un tel exercice ne soit pas discriminatoire, ne constituent pas des restrictions interdites par le traité instituant la Communauté européenne ; que, toutefois, lorsqu'un Etat membre exerce sa compétence fiscale à l'égard de contribuables résidents et non résidents, pour que la réglementation fiscale nationale qu'il applique à ces contribuables puisse être regardée comme compatible avec les stipulations du traité relatives à la liberté de circulation des capitaux, la différence de traitement entre les contribuables selon leur Etat de résidence doit concerner des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou être justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général ; qu'en matière d'impôts directs, la situation des résidents et celle des non-résidents ne sont, en règle générale, pas comparables ; qu'à l'égard des mesures prévues par un Etat membre afin de prévenir ou d'atténuer l'imposition en chaîne ou la double imposition économique de bénéfices distribués par une société résidente, les actionnaires bénéficiaires résidents ne se trouvent pas nécessairement dans une situation comparable à celle d'actionnaires bénéficiaires résidents d'un autre Etat membre ; que, cependant, lorsqu'un Etat membre, de manière unilatérale ou par voie conventionnelle, assujettit à l'impôt non seulement les actionnaires résidents mais également les actionnaires non résidents pour les dividendes qu'ils perçoivent d'une société résidente, la situation des actionnaires non résidents se rapproche de celle des actionnaires résidents ; qu'en pareil cas, pour que les sociétés bénéficiaires non résidentes ne soient pas confrontées à une restriction à la liberté de circulation des capitaux prohibée, en principe, par ces stipulations, l'Etat de résidence de la société distributrice doit veiller à ce que, par rapport au mécanisme prévu par son droit interne afin de prévenir ou d'atténuer l'imposition en chaîne ou la double imposition économique, les sociétés actionnaires non résidentes soient soumises à un traitement équivalent à celui dont bénéficient les sociétés actionnaires résidentes ; que, pour les participations ne relevant pas de la directive 90/345/CEE du Conseil du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'Etats membres différents, il appartient ainsi aux Etats membres de déterminer si, et dans quelle mesure, la double imposition économique des bénéfices distribués doit être évitée et d'introduire à cet effet, de façon unilatérale ou par voie de conventions conclues avec d'autres Etats membres, des mécanismes visant à prévenir ou à atténuer cette double imposition dans le respect de la liberté de circulation des capitaux ;

5. Considérant que le moyen invoqué par la société GROUPE BRUXELLES LAMBERT, tiré de ce que la retenue à la source litigieuse constituerait une restriction à la libre circulation des capitaux, doit être examiné au regard de ces principes ;

6. Considérant, en premier lieu, d'une part, que si la société GROUPE BRUXELLES LAMBERT a produit une attestation signée le 22 novembre 2012 par l'inspecteur principal du service public fédéral des Finances de Belgique certifiant qu'elle est une société à portefeuille de droit belge dont l'objet social est de détenir des participations, actions ou parts dans d'autres sociétés au profit des actionnaires qui " qualifient pour la plupart au régime mère-fille belge dénommé Revenus Déjà Taxés (RDT) ", que " les dividendes perçus de ces titres sont exclus de la base imposable à concurrence de 95 % de leurs montants bruts ", qu' " en conséquence les dividendes Total qu'elle a perçus au cours des années 2005 et 2006 ont été, à ce titre, exclus de (quasi) toute imposition en Belgique " et " qu'elle se trouve dans une situation objectivement comparable à une SICAV de droit belge ", il ne résulte pas de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas allégué, que les dividendes ayant donné lieu à la retenue à la source en litige procèderaient de participations relevant de la directive 90/345/CEE du Conseil du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'Etats membres différents ;

7. Considérant, d'autre part, qu'une société établie en France, qui reçoit des dividendes versés par une société résidente et ne relève pas du régime fiscal des sociétés mères, n'est pas exonérée d'impôt en France à raison de ces dividendes ; que, si au cours des années en cause les dividendes perçus par la société GROUPE BRUXELLES LAMBERT étaient quasiment exonérés de toute imposition en Belgique en raison de la législation de cet Etat et si, par suite, la retenue à la source prélevée en France à raison des dividendes en cause versés par des sociétés établies en France constitue une charge définitive, le respect de la liberté de circulation des capitaux n'implique pas que la France doive, de manière unilatérale ou par voie conventionnelle, assurer la neutralisation de la charge fiscale que cette société supporte du fait de la décision de l'Etat membre où elle réside d'exercer sa compétence fiscale et de ne pas la soumettre à l'impôt ; qu'ainsi qu'il est dit au point 5, le désavantage pouvant résulter, pour la société GROUPE BRUXELLES LAMBERT non résidente, de l'exercice parallèle des compétences fiscales de la France et de son Etat de résidence ne constitue pas, dès lors que cet exercice ne revêt pas un caractère discriminatoire, une restriction à la liberté de circulation de capitaux prohibée par le traité instituant la Communauté européenne ;

8. Considérant, par ailleurs, que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les conditions relatives au régime mère-fille fixées par l'article 145 du code général des impôts pénaliseraient les sociétés non-résidentes ayant une participation inférieure à 5 % et qui répondaient au critère du prix d'acquisition des titres, relatif à ce régime, prévu par l'article 145 dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 30 décembre 2000, dès lors qu'elle n'établit pas être dans une situation moins favorable qu'une société résidente ayant une participation inférieure à 5 % dans une filiale et répondant également aux critères de ce régime qui étaient fixés par l'article 145 du code général des impôts dans sa rédaction applicable jusqu'au 30 décembre 2000 ;

9. Considérant, enfin, qu'une société non résidente se trouvant dans la situation déficitaire invoquée par la requérante et qui ne relève pas du régime fiscal des sociétés mères et une société établie en France placée dans la même situation ne peuvent être regardées comme étant dans une situation objectivement comparable ; qu'en effet, la détermination du résultat imposable de ces deux sociétés procède des règles fiscales propres à la législation de chacun de ces Etats membres ;

10. Considérant qu'en toute hypothèse aucune disposition du droit interne français ne prévoit une exonération des dividendes reçus par une société résidente qui ne relève pas du régime fiscal des sociétés mères lorsque ses résultats sont déficitaires ; qu'en effet, ces dividendes sont effectivement compris dans le résultat de cette société et viennent en diminution du déficit reportable ; que, lorsque le résultat de cette société redevient bénéficiaire, la diminution de ce déficit reportable implique que ces dividendes seront effectivement imposés à l'impôt sur les sociétés au titre d'une année ultérieure au taux de droit commun alors applicable ; que, s'il en résulte un décalage dans le temps entre la perception de la retenue à la source afférente aux dividendes payés à la société non résidente et l'impôt établi à l'encontre de la société établie en France au titre de l'exercice où ses résultats redeviennent bénéficiaires, ce décalage procède d'une technique différente d'imposition des dividendes perçus par la société selon qu'elle est non résidente ou résidente ; que le seul désavantage de trésorerie que comporte la retenue à la source pour la société non résidente ne peut ainsi être regardé comme constituant une différence de traitement caractérisant une restriction à la liberté de circulation des capitaux; que, dès lors que le droit interne français ne prévoit pas davantage une atténuation de l'imposition des dividendes reçus par une société résidente qui ne relève pas du régime fiscal des sociétés mères, la société GROUPE BRUXELLES LAMBERT n'est pas fondée à se prévaloir de l'ordonnance en date du 12 juillet 2012, Tate et Lyle Investments Ltd (C-384/11) par laquelle la Cour de Justice de l'Union européenne a jugé que l'article 63 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une législation d'un État membre qui soumet à une retenue à la source les dividendes distribués par une société résidente aux sociétés bénéficiaires résidentes et non-résidentes qui détiennent dans le capital de cette société distributrice une participation inférieure à 10 %, mais dont la valeur d'acquisition est d'au moins 1,2 million d'euros, tout en ne prévoyant que pour les seules sociétés bénéficiaires résidentes un mécanisme permettant d'atténuer l'imposition en chaîne ;

11. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 208 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition : " Sont (...) exonérés de l'impôt sous réserve des dispositions de l'article 208 A : (...) 1° bis A - Les sociétés d'investissement à capital variable régies par les articles L. 214-2 et suivants du code monétaire et financier pour les bénéfices réalisés dans le cadre de leur objet légal " ; qu'aux termes de l'article L. 214-4 du code monétaire et financier dans sa rédaction applicable : " (...) l'actif d'un organisme de placement collectif en valeurs mobilières comprend des valeurs mobilières françaises ou étrangères, négociées ou non sur un marché réglementé, ainsi qu'à titre accessoire, des liquidités.(...) / Un organisme de placement collectif en valeurs mobilières ne peut employer en titres d'un même émetteur plus de 5 % de ses actifs. (...) Un organisme de placement collectif en valeurs mobilières ne peut détenir plus de 10 % d'une même catégorie de valeurs mobilières d'un même émetteur (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 214-15 de ce code : " La société d'investissement à capital variable dite "SICAV" est une société anonyme qui a pour objet la gestion d'un portefeuille d'instruments financiers et de dépôts. / Sous réserve des dispositions de l'article L. 214-19, les actions de la SICAV sont émises et rachetées à tout moment par la société à la demande des actionnaires et à la valeur liquidative majorée ou diminuée, selon le cas, des frais et commissions. (...) " ;

12. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction, en particulier des termes de l'attestation en date du 7 novembre 2011 précitée, et n'est d'ailleurs pas allégué, que tout ou partie des bénéfices réalisés par la société GROUPE BRUXELLES LAMBERT satisferaient aux critères auxquels le 1° bis A de l'article 208 du code général des impôts subordonne l'exonération d'impôt sur les sociétés ou à un autre critère d'exonération de cet impôt fixé par la loi française ; qu'ainsi, la société GROUPE BRUXELLES LAMBERT n'établit pas être dans une situation objectivement comparable à celle des SICAV relevant du droit de l'Etat de résidence des sociétés distributrices ; que, par suite, la société GROUPE BRUXELLES LAMBERT, qui ne justifie pas avoir pour objet exclusif le placement collectif en valeurs mobilières de capitaux recueillis auprès du public ni avoir un fonctionnement soumis au principe de la répartition des risques et qui ne conteste pas qu'elle n'a pas l'obligation de procéder, à la demande des investisseurs, au rachat de leurs actions, ne peut soutenir, qu'en tant que société de portefeuille de droit belge, elle a un objet social similaire à celui d'une SICAV de droit français et qu'il y a lieu, dès lors, de faire application des principes retenus par la Cour de justice de l'Union européenne dans l'arrêt du 10 mai 2012, Santander Asset management SGIIC et autres (C-338/11 à C-347/11) ;

13. Considérant, ainsi, que les dispositions du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts ayant fondé la retenue à la source litigieuse ne sont pas incompatibles avec la liberté de circulation des capitaux telle qu'elle a été interprétée par la Cour de justice de l'Union européenne ;

Sur les autres moyens :

14. Considérant, en premier lieu, que pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 5 à 13, la société n'est pas fondée à soutenir que, compte tenu des détournements de capitaux qu'elle induirait, la retenue à la source en litige serait établie en violation des articles 2, 3 et 10 du Traité de l'Union européenne ;

15. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 43 du traité instituant la Communauté européenne, repris à l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne: " (...) les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un Etat membre établis sur le territoire d'un Etat membre (...) " ; qu'au sens de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, exerce la liberté d'établissement garantie par les articles 43 et 48 du traité instituant la Communauté européenne le ressortissant d'un Etat membre qui détient dans le capital d'une société établie dans un autre Etat membre une participation lui conférant une influence certaine sur les décisions de la société et lui permettant d'en déterminer les activités ; qu'il ne résulte pas de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas allégué, que les participations détenues par la société Groupe Bruxelles Lambert dans la société française Total distributrice des dividendes lui ont permis d'exercer une influence certaine sur les décisions de cette société et de déterminer son activité au point de lui assurer un contrôle sur celle-ci ; que, par suite, la société Groupe Bruxelles Lambert n'est pas fondée à se prévaloir de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes en date du 14 décembre 2006, société Denkavit International BV (C-170/05), par lequel cette Cour a jugé que les articles 43 et 48 du traité instituant la Communauté Européenne, devenus articles 49 et 54 du traité 2007 sur le fonctionnement de l'Union européenne, s'opposent à une législation nationale prévoyant, pour les seules sociétés mères non-résidentes, une imposition par voie de retenue à la source des dividendes distribués par des filiales résidentes, quand bien même une convention fiscale entre l'État membre en cause et un autre État membre, autorisant cette retenue à la source, prévoit la possibilité d'imputer sur l'impôt dû dans cet autre État la charge supportée en application de ladite législation nationale, lorsqu'une société mère est dans l'impossibilité, dans cet autre État membre, de procéder à l'imputation prévue par ladite convention ; que, pour les mêmes motifs, la société requérante n'est pas davantage fondée à se prévaloir de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes en date du 12 juin 2014, Pays Bas / SCA Group Holding BV (C-39/13) ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'enjoindre à l'administration fiscale de produire les courriers échangés avec la Commission européenne dans le cadre d'une procédure précontentieuse, ni de statuer sur la fin de non recevoir partielle opposée par le ministre aux conclusions de la société requérante, ni de saisir le Conseil d'Etat d'une demande d'avis ou de saisir la Cour de Justice de l'Union européenne de questions préjudicielles,ni de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision de cette dernière dans l'affaire C-17/14 que la société GROUPE BRUXELLES LAMBERT n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes qui lui ont été versés par la société Arkema au cours des années 2008, 2009 et 2010 ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société GROUPE BRUXELLES LAMBERT est rejetée.

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N° 13VE03083


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 13VE03083
Date de la décision : 29/01/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Règles de procédure contentieuse spéciales - Réclamations au directeur - Formes.

Contributions et taxes - Règles de procédure contentieuse spéciales - Demandes et oppositions devant le tribunal administratif - Formes et contenu de la demande.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMHOLTZ
Rapporteur ?: Mme Hélène VINOT
Rapporteur public ?: Mme GARREC
Avocat(s) : PAUL HASTINGS (EUROPE) LLP

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2015-01-29;13ve03083 ?
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