Vu la requête, enregistrée le 29 juillet 2013, présentée pour la société
GRAPHNET FRANCE, dont le siège est 154 boulevard Haussmann à Paris (75008), par Me Vacher, avocate ;
La société GRAPHNET FRANCE demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement nos 1010054,1105130 du 15 mai 2013 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 22 octobre 2010 par laquelle l'inspecteur du travail de la 6ème section des Hauts-de-Seine a refusé d'autoriser le licenciement de M.C..., délégué du personnel, et de la décision implicite par laquelle le ministre chargé du travail a rejeté son recours hiérarchique ;
2° d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;
3° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- les décisions sont entachées de vice de procédure, d'erreur de fait, d'erreur manifeste d'appréciation, d'erreur de droit, d'erreur de qualification juridique des faits, de détournement de prérogatives et d'abus de pouvoir ;
- le licenciement est justifié par le fait de participer, depuis 2009, à une fronde contre la direction ; ces actions sont contraires à la mission d'un délégué du personnel et aux obligations tirées du contrat de travail ; cette association directe ou indirecte aux courriels est établie par la répétition des écrits malveillants et la multiplicité des actes qui ont contribué à déstabiliser la société ;
- l'administration s'est fondée sur les seules informations émanant de M.C... ; elle conteste les conditions dans lesquelles elle a été entendue ; l'administration ne lui a pas donné l'opportunité de dénoncer toute autre information émanant de M.C... ;
- la fausse qualité de délégué syndical établit les manipulations ;
- l'opposition frontale de ce cadre commercial senior à la direction et à l'encadrement de l'entreprise est contraire à l'ordre public social et à l'ordre public économique ;
- le tribunal a entaché sa décision de vice de forme, de défaut ou de mauvaise motivation, de défaut de fondement en fait et en droit ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 septembre 2014 :
- le rapport de Mme Orio, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., substituant MeA..., pour M.C... ;
Sur la régularité :
1. Considérant que la société requérante se borne à soutenir dans ses écritures de première instance enregistrées le 2 février 2013 que son point de vue n'a pas été retenu par l'administration ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait dénaturé ses écritures en jugeant qu'elle n'aurait pas contesté avoir été entendue par l'inspecteur du travail et avoir eu communication de certaines informations manque en fait et ne peut qu'être écarté ;
2. Considérant que les moyens tirés de ce que le jugement serait insuffisamment motivé et entaché d'un vice de forme ne sont pas assortis de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ; qu'ils doivent être écartés ;
Sur le bien-fondé :
3. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 2421-11 du code du travail : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat. (...) " ; que le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions de cet article impose à l'inspecteur du travail, saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, de mettre à même l'employeur et le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants qu'il a pu recueillir, y compris les témoignages, et qui sont de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l'appui de la demande d'autorisation ; que, toutefois, lorsque la communication de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui les ont communiqués, l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé et l'employeur, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur ;
5. Considérant que la circonstance que le point de vue de la société n'ait pas été retenu par l'administration n'est pas de nature à établir que le principe du contradictoire aurait été méconnu et que les décisions en litige auraient été prises au terme d'une procédure irrégulière et partiale ; que, de même, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'inspecteur du travail, dont le refus du 22 octobre 2010 est motivé par le fait que la société n'établit pas que M. C...serait l'auteur des courriels à l'origine de la demande d'autorisation de licenciement se serait fondé sur des pièces et témoignages d'anciens salariés dont il ne l'aurait pas informée ;
6. Considérant que la société GRAPHNET FRANCE peut uniquement se prévaloir des faits précis qu'elle a invoqués dans sa lettre de demande d'autorisation de licenciement du 4 octobre 2010 ; qu'elle ne peut utilement invoquer ni des faits qui motiveraient d'autres demandes d'autorisation de licenciement ni le fait que M. C...aurait détourné son mandat de délégué du personnel et ainsi commis des fautes en lien avec l'exercice de son mandat, grief qui ne figure pas dans sa lettre ; que la société, à qui revient la charge de la preuve, n'établit pas que M. C...serait l'auteur des courriels reçus par quatre de ses dirigeants les 19, 22 et 27 juillet 2010 et sur le fondement desquels elle a précisément sollicité de l'inspecteur du travail, le 4 octobre 2010, l'autorisation de le licencier, dès lors que ceux-ci contenaient des éléments et, en particulier, un tract CFDT en fichier joint, qui étaient connus de plusieurs personnes de la société et qu'ils ont été envoyés depuis le poste d'un cybercafé qui n'était pas sous vidéosurveillance ; que, par suite, les moyens tirés de l'erreur de fait, de l'erreur de droit, de l'erreur de qualification juridique et de l'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société GRAPHNET FRANCE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; qu'en revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la société
GRAPHNET FRANCE la somme de 1 000 euros à verser à M.C..., qui, s'il n'est plus salarié de la société depuis le 17 décembre 2013, a dû recourir aux services d'un avocat pour assurer sa défense dans la présente instance enregistrée le 29 juillet 2013 ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société GRAPHNET FRANCE est rejetée.
Article 2 : La société GRAPHNET FRANCE versera à M. C...une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
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N° 13VE02516