Vu la requête, enregistrée le 7 juin 2012, présentée pour l'EURL LE MEDITERRANEEN, représentée par son gérant M.C..., dont le siège est 2 bis rue Jules Guesde, à Malakoff (92240), par Me Charpentier-Stollof, avocat ;
L'EURL LE MEDITERRANEEN demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement n° 0812066 du tribunal administratif de Versailles en date du 5 avril 2012 qui a rejeté sa requête tendant à ce que la société soit déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de TVA mis à sa charge suite à une vérification de comptabilité portant sur les années 2003 et 2004 ;
2° de la décharger de ces impositions ;
3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
- plusieurs éléments qui ont servi de base à la reconstitution de la comptabilité n'ont pas fait l'objet d'un débat contradictoire entre M. C...et la vérificatrice lors des contrôles effectués en 2006 dans les locaux de la société, notamment la déperdition entre le poids de frites congelées et le poids des mêmes frites cuites ;
- la vérificatrice a tiré des conclusions erronées à partir du relevé clients effectué le 22 mai, estimant que M. A...B...pouvait en moyenne servir 100 clients par jour, ce point n'ayant pas été débattu oralement et de manière contradictoire lors de la vérification ;
- des factures ont été demandées après la vérification de comptabilité à l'entreprise Flash Frites qui n'existait pas en 2003 et 2004 mais qui a pris la suite d'une société qui vendait des frites au Méditerranéen sans que l'administration ait respecté les droits du contribuable ;
Sur le bien fondé de l'imposition et la reconstitution du chiffre d'affaires :
- la reconstitution a été faite à partir de données erronées en ce que l'administration s'est basée sur des mesures quantitatives inexactes ;
Sur les pénalités :
- l'application de la majoration ne se justifie pas, à défaut de minoration de recettes, le gérant déposant régulièrement en banque les chèques et espèces encaissés ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 17 juin 2014 :
- le rapport de M. Formery, président assesseur,
- les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public,
- et les observations de Me Charpentier-Stollof, pour l'entreprise requérante ;
1. Considérant que l'EURL LE MEDITERRANEEN, qui exploitait un établissement de restauration rapide à Vanves et avait pour activité la vente de sandwichs et de frites, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004 ; qu'un procès-verbal de défaut de présentation de la comptabilité a été dressé le 29 mars 2006 ; que la comptabilité de la société a été rejetée et ses recettes reconstituées à partir des achats de boissons, frites et pains pour les années 2003 et 2004, et d'un relevé des différentes catégories de plats servis effectué le 22 mai 2006 ; que des impositions supplémentaires à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2003 et 2004 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la même période ont été mis à la charge de la société par proposition de rectification du 20 septembre 2006 ; que l'EURL LE MEDITERRANEEN demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 5 avril 2012 qui a rejeté sa requête tendant à ce que la société soit déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de TVA mis à sa charge suite à une vérification de comptabilité portant sur les années 2003 et 2004 et de la décharger de ces impositions et pénalités ;
Sur les conclusions à fin de décharge et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête :
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant que, lorsque la vérification de comptabilité s'est déroulée dans les locaux de l'entreprise, la possibilité d'engager un débat oral et contradictoire avec le vérificateur est présumée ; qu'il appartient alors dans ces situations au contribuable, qui soutient avoir été privé de cette possibilité, d'en apporter la preuve ;
3. Considérant que M.C..., gérant de l'EURL LE MEDITERRANEEN, soutient que la procédure de vérification s'est déroulée dans des conditions telles qu'il a été privé d'un débat oral et contradictoire, qu'il n'a notamment pas été discuté, lors du contrôle, du poids des frites après cuisson, la vérificatrice n'ayant procédé à aucune pesée sur place, ni été examiné de manière contradictoire le relevé de clientèle effectué le 22 mai 2006 ; que M. C...n'apporte pas de preuve suffisante établissant l'absence de débat sur ces points, alors qu'il résulte de l'instruction que le relevé des clients et la pesée de frites ont eu lieu dans les locaux de la société en présence du gérant ;
4. Considérant que M. C...soutient que l'administration n'a pas respecté les droits du contribuable en se faisant communiquer par la société Flash Frites, société qui a pris la suite de celle qui fournissait l'EURL LE MEDITERRANEEN, des factures postérieurement à la vérification de comptabilité ; que l'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquelles elle s'est fondée pour établir les impositions supplémentaires mises à sa charge ; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction que les factures de cette société n'ont pas servi à établir les impositions litigieuses ; que, dès lors, l'exercice du droit de communication exercé par l'administration postérieurement au contrôle a été sans incidence sur la reconstitution de la comptabilité de l'EURL ;
Sur le bien fondé des impositions :
En ce qui concerne le rejet de comptabilité :
5. Considérant que M. C...n'a pas été en mesure de produire des justificatifs suffisants à l'appui des recettes de l'EURL LE MEDITERRANEEN ; que l'absence de relevé détaillé des opérations de caisse de nature à justifier la consistance des chiffres de recettes arrêtés en fin de journée fait obstacle à ce que la comptabilité présentée revête un caractère probant ; que M. C...n'a notamment pas présenté de bande de caisse enregistreuse ; qu'il comptabilisait globalement ses recettes à la semaine ou au mois et versait les sommes sur son compte en banque ; qu'il n'a pas non plus produit d'inventaire des stocks ; qu'ainsi, l'administration est fondée à considérer la comptabilité présentée comme non probante ;
En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge " ;
7. Considérant que l'administration ayant établi que la comptabilité de l'EURL LE MEDITERRANEEN était entachée de graves irrégularités et ayant suivi l'avis émis par la commission départementale des impôts directs et taxes sur les chiffres d'affaires le 26 février 2008, l'EURL LE MEDITERRANEEN supporte la charge de la preuve de l'exagération des impositions ou de leur caractère infondé, en application de l'article L. 192 précité du livre des procédures fiscales ;
8. Considérant que les recettes de la société Le MEDITERRANEEN ont été reconstituées à partir des achats de boissons, pains et frites, estimées après dépouillement des factures ; que la vérificatrice a distingué le chiffre d'affaire correspondant à la vente de boissons et celui correspondant à la restauration reconstituée d'après les achats de frites ; qu'il a été opéré une réfaction de 10% pour tenir compte des pertes, des écarts lors du service et des offerts ; qu'il a également été opéré une réfaction de 10% liée à la perte de poids des frites à la cuisson ; que la vérificatrice a constaté, lors du relevé de clientèle du 22 mai 2006, que le poids de frites vendues par catégorie de plat était d'environ 200g en ce qui concerne les sandwiches, et de 200g en ce qui concerne les barquettes ; que le nombre de barquettes de frites vendues a été déterminé à partir du nombre de barquettes achetées, déduction faite du nombre de barquettes utilisées pour les assiettes à emporter ; que les frites non utilisées pour les barquettes ont été réparties entre les sandwiches et les assiettes à consommer sur place sur la base d'un détail de recettes établi lors de l'intervention 22 mai 2006 ; que les quantités de plats vendus sur place ont été déterminées sur la base des quantités de frites non utilisées pour les barquettes vendues par portion de 200 grammes avec les assiettes et sandwich à emporter ; que le taux de 10% de déperdition de poids a été appliqué pour déterminer les quantités de frites cuites que le restaurateur pouvait vendre sur place ; que le chiffre d'affaires pour la restauration a été déterminé en multipliant les quantités de plats ainsi déterminées par le prix des plats ; que le chiffre d'affaires pour les boissons a été déterminé à partir des achats de boissons estimés après dépouillement des factures et compte tenu des prix de vente constatés ; qu'il a été ainsi déterminé un chiffre d'affaires reconstitué toutes taxes comprises de 117 398 euros en 2003 et 115 115 euros en 2004 ;
9. Considérant que l'EURL LE MEDITERRANEEN produit un constat d'huissier établi le 18 avril 2008, qui fait état d'un taux de perte de poids des frites congelées de 35,5% après cuisson ; que, toutefois, ce constat d'huissier, qui a été réalisé deux ans après la vérification de comptabilité, hors la présence de l'administration, ne peut constituer la preuve que le chiffre établi par l'administration n'est pas fondé ; que, néanmoins, comme le relève l'EURL, le pourcentage de 10 % retenu par l'administration n'est pas autrement justifié que par l'indication, sans plus de précision, qu'elle a réalisé sur place une mesure lors du contrôle ; que l'administration, quant à elle, n'apporte pas en défense davantage d'éléments qui permettraient de connaître les conditions dans lesquelles cette pesée a eu lieu : que, dans ces conditions, si la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires utilisée par l'administration n'est pas viciée dans son principe, c'est indûment que l'administration a retenu ce taux de 10 % sans le justifier ; que la méthode utilisée a conduit à l'exagération des impositions en litige ; que l'EURL LE MEDITERRANEEN est, dès lors, fondée, dans cette mesure, à en demander la réduction ; que les sommes en litige ont été ramenées à 22 348 euros HT pour 2003 et 20 564 euros HT pour 2004, après que l'administration a rectifié une erreur et qu'elle a prononcé un dégrèvement ; que la part des recettes supplémentaires reconstituées issues de la vente sur place représente, en l'état des éléments figurant au dossier, pour 2003, 3010 euros HT, et pour 2004, 2770 euros HT, soit au total 5780 euros HT ; qu'il y a lieu également de décharger la société des droits de TVA pesant initialement sur le supplément de recettes passibles d'une TVA à 19,6% tirées de la vente sur place, soit 590 euros pour 2003 et 543 euros pour 2004, soit 1 133 euros au total ;
Sur les pénalités :
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / b. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses ou d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ou de dissimulation d'une partie du prix stipulé dans un contrat ou en cas d'application des dispositions de l'article 792 bis " ;
11. Considérant que les anomalies entachant la comptabilité de l'EURL LE MEDITERRANEEN, révélées par l'insuffisance des déclarations sur la période vérifiée, qui ne sont appuyées sur aucun élément prouvant un enregistrement régulier des recettes ou faisant apparaître un état détaillé des inventaires, et l'importance des recettes omises de l'EURL, relevées par la vérificatrice, traduisent la volonté délibérée de la part du contribuable d'éluder une partie de l'impôt ; que l'administration doit, dès lors, être regardée comme ayant apporté la preuve de la mauvaise foi de l'intéressé ;
12. Considérant, cependant, qu'il y a lieu de réduire le montant des pénalités auxquelles a été assujettie la société requérante, à due concurrence de la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt restantes à sa charge pour le motif susrappelé ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
14. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par l'EURL LE MEDITERRANEEN et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Les bases d'imposition de l'EURL LE MEDITERRANEEN à l'impôt sur les sociétés et à la contribution à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2003 et en 2004, et le chiffre d'affaires taxable à la taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004, sont diminuées d'une somme de 5780 euros.
Article 2 : L'EURL LE MEDITERRANEEN est déchargée de la différence entre le montant des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la contribution à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2003 et en 2004 et le montant résultant de l'application de l'article 1er ci-dessus et des pénalités correspondantes.
Article 3 : L'EURL LE MEDITERRANEEN est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004, à concurrence de la somme de 1 133 euros et des pénalités correspondantes.
Article 4 : L'État versera une somme de 1 000 euros à l'EURL LE MEDITERRANEEN, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de l'EURL LE MEDITERRANEEN est rejeté.
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N°12VE02075