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01/07/2014 | FRANCE | N°12VE02903

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 01 juillet 2014, 12VE02903


Vu I), sous le n° 12VE02903, la requête, enregistrée le 1er août 2012, présentée pour Mme D...B..., venant aux droits de M. C... A..., son époux décédé, demeurant..., par Me Dionisi-Naudin, avocat ;

Mme A... demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1001584 du 12 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande de M. A... tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme de 245 484,74 euros résultant des avis à tiers détenteur émis les 29 octobre et 13 novembre 2009 par le comptable en vue du recouvrement des ra

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Vu I), sous le n° 12VE02903, la requête, enregistrée le 1er août 2012, présentée pour Mme D...B..., venant aux droits de M. C... A..., son époux décédé, demeurant..., par Me Dionisi-Naudin, avocat ;

Mme A... demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1001584 du 12 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande de M. A... tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme de 245 484,74 euros résultant des avis à tiers détenteur émis les 29 octobre et 13 novembre 2009 par le comptable en vue du recouvrement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été réclamés à la société GTDT au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1994 et au paiement solidaire desquels il a été condamné par le Tribunal de grande instance de Pontoise le 30 juin 1999 ;

2° de prononcer la décharge de l'obligation de payer les impositions en litige, ainsi que les majorations et frais correspondants ;

3° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- sur la prescription de l'action en recouvrement : la prescription est acquise depuis le 10 juillet 2003, soit quatre ans après l'expiration du délai d'appel du jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Pontoise le 30 juin 1999 ;

- la mise en demeure du 20 décembre 2002 n'a pu interrompre la prescription dès lors qu'elle n'a pas été régulièrement notifiée ; il appartient au juge administratif d'apprécier si un acte de poursuite a pu, compte-tenu des conditions dans lesquelles il a été notifié, interrompre la prescription ; s'agissant des envois postaux, si ceux-ci sont délivrés à une autre adresse que celle déclarée par le contribuable à l'administration fiscale, l'acte de poursuite n'est régulièrement notifié que si l'administration apporte la preuve que le contribuable a bien reçu l'acte en cause ; en l'espèce, l'administration ne pouvait ignorer que la mise en demeure du 20 décembre 2002 n'avait pas été reçue par M. A... dès lors que le pli est revenu avec la mention " retour à l'envoyeur - non réclamé " ; rien n'empêchait l'administration de signifier l'acte revenu par voie d'huissier dès lors qu'elle connaissait l'adresse de M. A..., ou du moins de tout faire pour que cet acte lui parvienne ;

- dès lors que la mise en demeure du 20 décembre 2002 n'a pas été régulièrement délivrée, la procédure de recouvrement est viciée ; ainsi l'avis à tiers détenteur du 20 février 2004 est privé de tout effet interruptif ; cet avis du 20 février 2004 est lui-même irrégulier et n'a pu, dès lors, interrompre la prescription ;

- l'administration ne peut soutenir que la prescription de l'action en recouvrement a été suspendue entre le 9 avril 2004 et le 23 octobre 2008, date du rejet de la réclamation par le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, dès lors que la prescription était déjà acquise au 10 juillet 2003 ;

..........................................................................................................

Vu II) la décision n° 340267 du 13 novembre 2013 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par M. C... A...a annulé l'arrêt n° 08VE03932 du 6 avril 2010 de la Cour administrative d'appel de Versailles en tant qu'il rejette sa requête tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme de 251 170,62 euros résultant d'un avis à tiers détenteur du 20 février 2004, et a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire à la Cour, où elle a été enregistrée sous le n° 14VE00288 ;

Vu l'ordonnance en date du 22 avril 2014 fixant la clôture de l'instruction au 23 mai 2014 à 12h00, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 juin 2014 :

- le rapport de M. Coudert, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public ;

1. Considérant qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été réclamés à la société GTDT au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1994 et ont été mis en recouvrement en mars 1996 ; que, par un jugement rendu contradictoirement le 30 juin 1999, le Tribunal de grande instance de Pontoise a, sur le fondement de l'article 1745 du code général des impôts, condamné M. C...A..., gérant de la société, au paiement solidaire de ces rappels ainsi que des pénalités correspondantes ; qu'en vue du recouvrement de ces taxes et pénalités, le comptable a notifié à M. A... un avis à tiers détenteur en date du 20 février 2004 ; que, par la décision susvisée du 13 novembre 2013, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 6 avril 2010 par lequel la Cour administrative d'appel de Versailles avait rejeté la requête de M. A... tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme de 251 170,62 euros résultant de cet acte de poursuite et a renvoyé l'affaire à la Cour où elle a été enregistrée sous le n° 14VE00288 ; que les 29 octobre et 13 novembre 2009 le comptable a émis deux avis à tiers détenteur en vue du recouvrement de ces mêmes taxes et pénalités, pour un montant total de 245 484,74 euros ; que, par la requête n° 12VE02903, Mme A..., venant aux droits de son époux décédé, relève appel du jugement du 12 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer ladite somme résultant de ces deux actes de poursuite ; que ces deux requêtes présentant à juger les mêmes questions, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur les conclusions tendant à la mainlevée des avis à tiers détenteur en litige :

2. Considérant qu'ainsi que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'a jugé, il n'appartient qu'à l'autorité judiciaire, juge de l'exécution, de se prononcer sur les conclusions de Mme A... tendant à ce que soit prononcée la mainlevée des avis à tiers détenteur des 20 février 2004, 29 octobre et 13 novembre 2009 ; que, par suite, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;

Sur les moyens tirés de l'irrégularité de l'avis à tiers détenteur du 20 février 2004 :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics compétents mentionnés à l'article L. 252 doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. / Les contestations ne peuvent porter que : / 1° Soit sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° Soit sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés, dans le premier cas, devant le juge de l'exécution, dans le second cas, devant le juge de l'impôt tel qu'il est prévu à l'article L. 199 " ;

4. Considérant que si Mme A... a entendu soutenir que l'avis à tiers détenteur du 20 février 2004 serait irrégulier faute d'avoir été précédé d'une mise en demeure régulièrement notifiée et faute de comporter les précisions nécessaires quant aux impositions dont le recouvrement était poursuivi, la date de leur mise en recouvrement et l'identité des tiers détenteurs, ces moyens, qui portent sur la régularité en la forme de l'acte de poursuite, ne ressortissent pas à la compétence du juge de l'impôt ;

Sur le moyen tiré de la prescription de l'action en recouvrement :

En ce qui concerne l'application de la loi :

S'agissant de l'avis à tiers détenteur du 20 février 2004 :

5. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Les comptables du Trésor qui n'ont fait aucune poursuite contre un contribuable retardataire pendant quatre années consécutives, à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle perdent leur recours et sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable. / Le délai de quatre ans mentionné au premier alinéa, par lequel se prescrit l'action en vue du recouvrement, est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous autres actes interruptifs de la prescription " ; qu'aux termes de l'article L. 275 du même livre : " La notification d'un avis de mise en recouvrement interrompt la prescription courant contre l'administration et y substitue la prescription quadriennale. / Le délai de quatre ans mentionné au premier alinéa est interrompu dans les conditions indiquées à l'article L. 274 " ;

6. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises, alors en vigueur : " Le jugement d'ouverture suspend ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement audit jugement et tendant : - à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; - à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent. / Il arrête ou interdit également toute voie d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles. / Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence suspendus. " ; qu'aux termes de l'article 49 de cette même loi : " Les actions en justice et les voies d'exécution autres que celles visées à l'article 47 sont poursuivies au cours de la période d'observation à l'encontre du débiteur, après mise en cause de l'administrateur et du représentant des créanciers ou après une reprise d'instance à leur initiative " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 50 de cette même loi : " A partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au représentant des créanciers. Les créanciers titulaires d'une sûreté ayant fait l'objet d'une publication ou d'un contrat de crédit-bail publié sont avertis personnellement et, s'il y a lieu, à domicile élu. " ;

7. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que la déclaration de ses créances par le comptable auprès du représentant des créanciers interrompt le délai de quatre ans par lequel se prescrit son action en recouvrement à compter de l'émission d'un avis de mise en recouvrement ; que cet effet interruptif, qui se prolonge jusqu'à la date de clôture de la procédure collective durant laquelle le droit de poursuite individuelle des créanciers est suspendu, vaut également à l'égard du débiteur solidaire ;

8. Considérant que la production par le comptable de ses créances les 17 avril et 27 juin 1996, a eu pour effet d'interrompre le délai de quatre ans prévu à l'article L. 275 du livre des procédures fiscales ; que cet effet interruptif de prescription s'est prolongé pendant toute la durée de la procédure de redressement judiciaire jusqu'au jugement de clôture pour insuffisance d'actif de la société GTDT, prononcé le 19 octobre 2001, qui a rendu au comptable son droit individuel de poursuite ; que ce dernier a donc disposé, à compter de cette date, d'un nouveau délai de quatre ans, qui n'était pas expiré lorsqu'il a adressé à M.A..., en sa qualité de débiteur solidaire de la société GTDT résultant du jugement du 30 juin 1999, l'avis à tiers détenteur du 20 février 2004, notifié le 27 février suivant ; que le moyen tiré de ce que la prescription de l'action en recouvrement diligentée à l'encontre de M. A... en sa qualité de débiteur solidaire, était acquise à cette dernière date, doit, dès lors, être écarté, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que la mise en demeure adressée à l'intéressé le 20 décembre 2002 aurait été irrégulièrement notifiée ;

S'agissant des avis à tiers détenteur des 29 octobre et 13 novembre 2009 :

9. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que l'action en recouvrement n'était pas davantage prescrite le 9 avril 2004, date à laquelle M. A... a formé une réclamation assortie d'une demande de sursis de paiement à l'encontre des impositions mises à sa charge ; que cette réclamation a eu pour effet de suspendre le cours de la prescription jusqu'au jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, intervenu le 23 octobre 2008 ; qu'il suit de là, et sans que Mme A...puisse utilement soutenir que l'avis à tiers détenteur du 20 février 2004 n'aurait pas interrompu la prescription, que le moyen tiré de ce que la prescription de l'action en recouvrement était acquise à la date de notification des avis à tiers détenteur des 29 octobre et 13 novembre 2009, doit également être écarté ;

En ce qui concerne l'invocation de la doctrine administrative :

10. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de l'article 47 de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 : " Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales. " ;

11. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme A... a invoqué pour la première fois les dispositions publiées au Bulletin officiel des finances publiques-Impôts sous les références BOI-REC-EVTS-30-20 et BOI-REC-SOLID-10-10-30 dans son mémoire du 29 avril 2013 ; qu'à défaut pour son époux de s'être prévalu de ces dispositions dans ses réclamations dirigées contre les avis à tiers détenteur en litige, elle ne peut être regardée comme ayant, conformément au deuxième alinéa de l'article L. 80 A du même livre, appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par une instruction publiée ; que, dès lors, la requérante n'est pas fondée à se prévaloir des termes desdites dispositions du Bulletin officiel des finances publiques-Impôts ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie et des finances, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Les conclusions de Mme A... tendant à ce que soit prononcée la mainlevée des avis à tiers détenteur des 20 février 2004, 29 octobre et 13 novembre 2009 sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes de Mme A... est rejeté.

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N°s 12VE02903, 14VE00288


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12VE02903
Date de la décision : 01/07/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-05-01-005 Contributions et taxes. Généralités. Recouvrement. Action en recouvrement. Prescription.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: M. Bruno COUDERT
Rapporteur public ?: Mme BRUNO-SALEL
Avocat(s) : DIONISI-NAUDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2014-07-01;12ve02903 ?
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