Vu la requête, enregistrée le 10 février 2012, présentée pour la SOCIETE TRADITION SECURITIES AND FUTURES, dont le siège est 253, boulevard Pereire à Paris (75017), représentée par son président directeur général en exercice, par Me Dillenschneider, avocat ;
La SOCIETE TRADITION SECURITIES AND FUTURES demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1001967 du 8 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de taxe sur les salaires auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2003 au 31 avril 2006 et des pénalités correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- la procédure d'imposition a méconnu les dispositions de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales en ce qu'elle a été soumise à une double vérification pour l'année 2003 au titre de la taxe sur la valeur ajoutée et au titre de la taxe sur les salaires, la première engagée par avis de vérification du 30 septembre 2005 et la seconde engagée par avis de vérification du 10 octobre 2006 ;
- les impositions contestées sont mal fondées, car les produits financiers qui ont été réintégrés par le service dans le calcul du prorata de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée sont des produits financiers accessoires, représentant moins de 5 % de son chiffre d'affaires ; la doctrine résultant de l'instruction du 10 mars 1995, 5 L-4-95, prévoit leur exclusion du calcul du prorata ;
- subsidiairement, elle est fondée à invoquer son droit au bénéfice de la sectorisation, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; en effet, la lettre du 13 avril 1979 adressée à la compagnie des agents de change autorise ces derniers à procéder à la sectorisation, et cette tolérance reste applicable à toutes les entreprises d'investissement selon la lettre du 16 avril 2003 de la direction de la législation fiscale, rappelant les termes de la documentation administrative 3 D, feuillet 1722 n° 3 ;
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Vu les autres pièces du dossier;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 mai 2014 :
- le rapport de Mme Vinot, président assesseur ;
- les conclusions de Mme Garrec, rapporteur public ;
- et les observations de MeA..., substituant Me Dillenschneider, avocat de la SOCIETE TRADITION SECURITIES AND FUTURES ;
1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Viel Tradition, exerçant une activité d'intermédiation sur les marchés interbancaires, a absorbé le 31 décembre 2003, avec effet rétroactif au 1er janvier 2003, la société Tradition Securities and Futures, société d'investissement exerçant une activité de courtage sur les marchés financiers qui percevait, d'une part, à ce titre, des commissions de courtage qu'elle avait assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée, et, d'autre part, des intérêts financiers et divers profits produits par le placement de dépôts de trésorerie, exonérés de taxe sur la valeur ajoutée, puis a repris la dénomination sociale de cette dernière société ; que la SOCIETE TRADITION SECURITIES AND FUTURES (TSAF), nouvelle du nom, a également procédé, sur le fondement de l'article 1844-5 du code civil, à une opération de confusion de patrimoine avec sa filiale la société Marché Inter Actions; qu'à l'issue d'opérations de vérification de comptabilité l'administration fiscale a adressé à la SOCIETE TRADITION SECURITIES AND FUTURES (TSAF), successivement, trois propositions de rectification ; qu'ainsi, par une première proposition de rectification datée du 8 décembre 2005 notifiée à la requérante en sa qualité de " venant aux droits et obligations de la société Tradition Securities and Futures ancienne du nom ", société absorbée, l'administration fiscale a indiqué, notamment, qu'elle entendait rectifier le calcul de la taxe sur les salaires " à partir des déclarations déposées par la société Tradition Securities and Futures avant la fusion " et que le rappel de taxe sur les salaires afférent à 2003, soit 89 584 euros, était calculé à partir d'un rapport d'assujettissement de 40,67 % " reconstitué à partir du total payé en 2003 par Tradition Securities and Futures, ancienne du nom " ; que, par une deuxième proposition de rectification en date du 15 décembre 2006 notifiée à la société requérante, l'administration fiscale a, notamment, indiqué que, dès lors que la société requérante avait déclaré et liquidé une taxe sur les salaires au titre de l'année 2003 " assise sur les salaires bruts versés tant par la société absorbante que par l'absorbée, faisant ressortir une cotisation de 2 740 767 euros auquel un pourcentage d'assujettissement de 57 % a été appliqué ", et compte tenu de l'absence de rétroactivité en matière de taxe sur les salaires de l'opération de fusion-absorption de la société Tradition Securities and Futures par la société Viel Tradition, elle entendait procéder, au titre de l'année 2003, à des rappels de taxe sur les salaires pour un montant en droits de 159 325 euros, égal à la différence entre le montant de 445 097 euros, correspondant à la taxe sur les salaires de la société absorbante calculé à partir du pourcentage d'assujettissement de 99 % calculé sur la base du chiffre d'affaires de cette société en 2002, et le montant de 285 772 euros correspondant à la taxe sur les salaires de la société absorbée calculé à partir du pourcentage d'assujettissement de 40 % calculé sur la base du chiffre d'affaires de ladite société en 2002 ; que le service a en outre adressé à la société requérante une proposition de rectification en date du 17 avril 2007 par laquelle l'administration fiscale a notamment indiqué qu'elle entendait, d'une part, maintenir inchangé à 37 % le prorata définitif de déduction de taxe sur la valeur ajoutée de la société requérante au titre de l'année 2004, d'autre part, procéder à un rappel de taxe sur les salaires de 35 513 euros en droits pour l'année 2004 à raison de la déclaration spécifique souscrite par la requérante au titre de cette année pour le compte de la société Marché Inter Actions, enfin, procéder à un dégrèvement de 18 446 euros de taxe sur les salaires au titre de 2005 ;
2. Considérant que, le 12 mai 2009, l'administration fiscale a mis en recouvrement les rappels de taxe sur les salaires mentionnés dans la proposition de rectification du 15 décembre 2006, pour 159 325 euros en droits, assortis de 35 111 euros d'intérêts de retard, ainsi que le rappel de taxe sur les salaires mentionné dans la proposition de rectification du 10 avril 2007, pour 35 513 euros en droits assortis de 5 202 euros d'intérêts de retard ; que la société TSAF, qui a contesté ces impositions et pénalités, relève appel du jugement du 8 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur les salaires et des pénalités correspondantes mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2003 au 30 décembre 2004 ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article R. 312-2 du code de justice administrative : " Lorsqu'il n'a pas été fait application de la procédure de renvoi prévue à l'article R. 351-3 et que le moyen tiré de l'incompétence territoriale du tribunal administratif n'a pas été invoqué par les parties avant la clôture de l'instruction de première instance, ce moyen ne peut plus être ultérieurement soulevé par les parties ou relevé d'office par le juge d'appel ou de cassation" ;
4. Considérant que la demande de la SOCIETE TRADITION SECURITIES AND FUTURES, initialement enregistrée au Tribunal administratif de Paris, a été transmise au Tribunal administratif de Montreuil par une ordonnance en date du 15 février 2011 du président de la première section du Tribunal administratif de Paris, en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative ; qu'il résulte des dispositions précitées de l'article R. 312-2 du code de justice administrative que le moyen tiré de ce que le Tribunal administratif de Montreuil n'était pas le tribunal territorialement compétent pour connaître du litige, qui a été soulevé pour la première fois par la société requérante dans sa note en délibéré, enregistrée au tribunal postérieurement à la clôture de l'instruction, ne peut qu'être écarté ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
5. Considérant, d'une part, que l'administration procède à la vérification de comptabilité d'une entreprise ou d'un membre d'une profession non commerciale lorsqu'en vue d'assurer l'établissement d'impôts ou de taxes totalement ou partiellement éludés par les intéressés, elle contrôle sur place la sincérité des déclarations fiscales souscrites par cette entreprise ou ce contribuable en les comparant avec les écritures comptables ou les pièces justificatives dont elle prend alors connaissance et dont le cas échéant elle peut remettre en cause l'exactitude ;
6. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " Lorsque la vérification de la comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes est achevée, l'administration ne peut procéder à une nouvelle vérification de ces écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période. / Toutefois, il est fait exception à cette règle : / 1° Lorsque la vérification a été limitée à des opérations déterminées ; / 2° Dans les cas prévus à l'article L. 176 en matière de taxes sur le chiffre d'affaires ; / 3° Dans les cas prévus à l'article L. 187 en cas d'agissements frauduleux ; / 4° Dans les cas où l'administration a dressé un procès-verbal de flagrance fiscale dans les conditions prévues à l'article L. 16-0 BA, au titre d'une période postérieure ; / 5° Dans les cas de vérification de la comptabilité des sociétés mères qui ont opté pour le régime prévu à l'article 223 A du code général des impôts ; / 6° Dans les cas prévus à l'article L. 188 A après l'intervention de la réponse de l'autorité compétente de l'autre Etat ou territoire" ;
7. Considérant que, pour l'application de ces dispositions, une vérification de comptabilité doit être regardée comme achevée à la date à laquelle l'administration fiscale indique au contribuable avoir terminé les opérations de contrôle et, au plus tard, à la date à laquelle celle-ci lui adresse, selon le cas, un avis d'absence de rectification ou une notification de redressement, pour les impositions et la période auxquelles ce document se rapporte, sauf pour la notification à mentionner, lorsqu'elle a un but uniquement conservatoire, que la vérification se poursuit ;
8. Considérant, enfin, que l'existence d'une stipulation de rétroactivité insérée dans une convention de fusion reste sans influence tant sur le fait générateur de la taxe sur les salaires que sur le redevable légal de cette taxe ; que par suite, nonobstant la rétroactivité conventionnelle de l'opération de fusion-absorption de la société Tradition Securities and Futures par la société requérante, alors dénommée société Viel Tradition, chacune de ces deux sociétés est le seul redevable de la taxe sur les salaires relative aux rémunérations qu'elle a payées au cours de l'année 2003 ;
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 8 décembre 2005 qui, selon ses termes, fait suite à une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003, comporte la mention selon laquelle elle est notifiée à la requérante en sa qualité de " venant aux droits et obligations de la SA Tradition Securities and Futures, ancienne du nom " et précise, notamment en sa page 6, que la SOCIETE TRADITION SECURITIES AND FUTURES, nouvelle du nom, est " non concernée par la présente procédure " et que " le calcul de la rectification est établi à partir des déclarations déposées par la société Tradition Securities and Futures", société absorbée, " avant la fusion " ; qu'il ne ressort pas des extraits de cette proposition de rectification produits par la requérante que ce document remettrait en cause l'exactitude de déclarations fiscales émises au nom de la société Viel Tradition, société absorbante et contribuable distinct de la SA Tradition Securities and Futures ; que sa notification à la SOCIETE TRADITION SECURITIES AND FUTURES en sa qualité de " venant aux droits et obligations " de la société absorbée, laquelle constitue un contribuable distinct de la société requérante, ne saurait être regardée comme ayant mis un terme à une vérification de la comptabilité de cette dernière ;
10. Considérant qu'il suit de là, et contrairement à ce que soutient la société TSAF, que les rappels de taxe sur les salaires et les pénalités correpondantes qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2003, consécutifs à la notification de la proposition de rectification du 15 décembre 2006, par laquelle, en outre, le vérificateur a précisé que le calcul de ces rappels était effectué en tenant compte du prorata de déduction de la seule société absorbante avant la fusion-absorption, ne résultent pas d'une seconde vérification de comptabilité qui aurait été effectuée en méconnaissance des dispositions de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales ;
11. Considérant, par ailleurs, que la société requérante ne peut utilement soutenir que les avis de vérification des 30 septembre 2005 et 10 octobre 2006 ne lui auraient pas permis de déterminer laquelle de la société absorbée et de la société absorbante était vérifiée à l'appui de son moyen tiré de ce qu'elle aurait été soumise à une double vérification de sa comptabilité ; qu'en tout état de cause, il résulte de l'instruction que l'avis de vérification du 30 septembre 2005, adressé à la SOCIETE TRADITION SECURITIES AND FUTURES en sa qualité d'ayant cause de la société absorbée, informait la requérante que les opérations de contrôle ne porteraient que sur les déclarations fiscales et les écritures comptables de la société absorbée, et que la procédure de vérification de comptabilité annoncée par l'avis de vérification du 10 octobre 2006 notifié à la requérante concernait nécessairement cette dernière c'est à dire, en tant qu'elle concernait la taxe sur les salaires de l'année 2003, sa comptabilité antérieure à l'absorption de la Société Tradition Securities and Futures ;
Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur les salaires :
12. Considérant qu'aux termes de l'article 231 du code général des impôts : " 1. Les sommes payées à titre de rémunérations sont soumises à une taxe sur les salaires égale à 4,25 % de leur montant (...) et à la charge des personnes ou organismes (...) qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée en totalité ou sur 90 p. 100 au moins de son montant, ainsi que le chiffre d'affaires total mentionné au dénominateur du rapport s'entendent du total des recettes et autres produits, y compris ceux correspondant à des opérations qui n'entrent pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée mentionné au numérateur du rapport s'entend du total des recettes et autres produits qui n'ont pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (...) " ;
13. Considérant que, pour demander la décharge des rappels de taxe sur les salaires mis à sa charge, la SOCIETE TRADITION SECURITIES AND FUTURES soulève l'unique moyen tiré de ce que les produits financiers qu'elle a perçus ne peuvent être pris en compte dans le calcul du prorata de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ;
14. Considérant, cependant, qu'il ne résulte pas de l'instruction, en particulier des termes des propositions de rectification du 15 décembre 2006 et du 14 avril 2007 mentionnées au point 1, que les rappels de taxe sur les salaires litigieux procéderaient de la réintégration, dans le calcul du rapport applicable à la taxe sur la valeur ajoutée, appelé " prorata ", ni dans le calcul du rapport concernant la taxe sur les salaires, appelé " contre-prorata ", de produits financiers perçus par la requérante ; qu'ainsi, si le rappel de taxe sur les salaires concernant l'année 2003 a été effectué à partir du rapport d'assujettissement de la société absorbante déterminé d'après son chiffre d'affaires de 2002, comme il a été dit au point 1, la SOCIETE TRADITION SECURITIES AND FUTURES n'établit pas ni même n'allègue que le rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires qu'elle avait déclaré, sous sa dénomination d'alors de la société Viel Tradition, aurait été différent de celui de 99 % pris en compte par le service ; que par ailleurs, comme le fait valoir le ministre, il résulte de l'instruction que le rappel de taxe sur les salaires en litige au titre de 2004 a été mis à la charge de la société TSAF à raison d'une opération de confusion de patrimoine réalisée avec la société Marché Inter Actions, et non à raison d'une requalification des opérations financières effectuées par la requérante ; qu'enfin, il résulte de l'instruction qu'au titre de l'année 2005 le service n'a pas procédé à des rappels de taxe sur les salaires mais, au contraire, à un dégrèvement de 18 446 euros, ainsi qu'il a été dit au point 1 ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE TRADITION SECURITIES AND FUTURES n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions contestées ; que, par voie de conséquence, les conclusions qu'elle présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SOCIETE TRADITION SECURITIES AND FUTURES est rejetée.
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N° 12VE00509