Vu la requête, enregistrée le 9 février 2012, présentée pour la SOCIETE TRADITION SECURITIES AND FUTURES, dont le siège est 253, boulevard Pereire à Paris (75017), représentée par son président directeur général en exercice, par Me Dillenschneider, avocat ;
La SOCIETE TRADITION SECURITIES AND FUTURES demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1001966 du 8 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2003 au 31 avril 2006 ainsi qu'à la décharge de l'amende infligée sur le fondement de l'article 1788 A du code général des impôts ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le Tribunal administratif de Montreuil était incompétent pour statuer sur sa demande ;
- la procédure d'imposition méconnaît les dispositions de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales car la requérante a été soumise à une double vérification pour l'année 2003, la première engagée par avis de vérification du 30 septembre 2005 et la seconde engagée par avis de vérification du 10 octobre 2006 ;
- les impositions contestées sont mal fondées, car les produits de ses placements de trésorerie ne doivent pas être retenus pour la détermination du prorata de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ;
- en effet, les produits financiers perçus se situent en dehors du champ de cette taxe car elle exerce une activité de courtage consistant à mettre en relation un acheteur et un vendeur, et non une activité bancaire de collecte de fonds en vue de leur placement ni une activité de gestion pour le compte de tiers ; elle place sa trésorerie dans des conditions banales et non risquées ; ainsi, pour l'application de l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts, c'est à bon droit qu'elle a exclu du dénominateur du prorata les produits résultant du placement de sa trésorerie propre dans des OPCVM et qu'elle a pris en compte pour le calcul du prorata les produits générés par la trésorerie correspondant aux dépôts de garantie des clients ;
- subsidiairement, ces produits financiers présentent un caractère accessoire, au sens de la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes du 29 avril 2004 EDM ; l'affirmation du service, selon laquelle la gestion de trésorerie serait une composante de son activité est erronée, d'autant qu'elle ne dispose pas de l'agrément nécessaire de la part de l'autorité des marchés financiers ; aucun bien grevé de taxe sur la valeur ajoutée lui appartenant n'a concouru à la réalisation de ces produits financiers ; les services utilisés en vue de la réalisation de ces produits sont limités, et ont la nature de frais généraux ;
- encore subsidiairement, elle est fondée à invoquer son droit au bénéfice de la sectorisation, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; en effet, la lettre du 13 avril 1979 adressée à la compagnie des agents de change autorise ces derniers à procéder à la sectorisation, et cette tolérance reste applicable à toutes les entreprises d'investissement selon la lettre du 16 avril 2003 de la direction de la législation fiscale, rappelant les termes de la documentation administrative 3 D, feuillet 1722 n° 3 ;
- les redevances dues par les succursales anglaise et suisse ne doivent pas donner lieu à une auto-liquidation de la taxe effectuée en application de l'article 259 B du code général des impôts ; en effet les succursales, qui sont des établissements stables implantés à l'étranger, sont les bénéficiaires des redevances facturées, puisqu'elles utilisent la marque " Tradition ", qu'une facturation séparée est établie, et que le montant de chaque facture est fonction du chiffre d'affaires réalisé par chaque entité ; la circonstance qu'elle est signataire du contrat de licence et que les factures lui sont facturées est sans incidence ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la sixième directive 77/388/CEE du conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 mai 2014 :
- le rapport de Mme Vinot,
- les conclusions de Mme Garrec, rapporteur public ;
- et les observations de MeA..., substituant Me Dillenschneider, avocat de la SOCIETE TRADITION SECURITIES AND FUTURES ;
1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Viel Tradition, exerçant une activité d'intermédiation sur les marchés interbancaires, a absorbé le 31 décembre 2003, avec effet rétroactif au 1er janvier 2003, la société Tradition Securities and Futures, société d'investissement exerçant une activité de courtage sur les marchés financiers qui percevait, d'une part, à ce titre, des commissions de courtage qu'elle avait soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, et, d'autre part, des intérêts financiers et divers profits de produits financiers provenant notamment du placement de dépôts de trésorerie, exonérés de taxe, puis a repris la dénomination sociale de cette dernière société ; qu'à l'issue d'opérations de vérification de comptabilité l'administration fiscale a adressé à la SOCIETE TRADITION SECURITIES AND FUTURES (TSAF), successivement, trois propositions de rectification ; qu'ainsi, par une première proposition de rectification datée du 8 décembre 2005 notifiée à la requérante en sa qualité de "venant aux droits et obligations de la société Tradition Securities and Futures ancienne du nom", société absorbée, l'administration fiscale a indiqué, notamment, qu'elle entendait, d'une part, ramener de 44 % à 43 % le prorata de déduction de taxe sur la valeur ajoutée relatif à l'année 2003 d'autre part, procéder à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement de l'article 259 B du code général des impôts, à raison d'un contrat de concession de licence de marque conclu le 2 avril 2001 par la société Tradition Securities and Futures et la holding suisse Compagnie Financière Tradition ; que, par une deuxième proposition de rectification en date du 15 décembre 2006 notifiée à la société requérante, l'administration fiscale a, notamment, indiqué qu'elle entendait procéder, au titre de l'année 2003, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement de l'article 259 B du code général des impôts, pour un montant en droits de 182 124 euros calculé en tenant compte du prorata de déduction de la société absorbante, avant la fusion-absorption, de 4 %, assortis des intérêts de retard et de l'amende prévue par l'article 1788 A du code général des impôts ; que le service a enfin adressé à la société requérante une proposition de rectification en date du 17 avril 2007 par laquelle l'administration fiscale a notamment indiqué qu'elle entendait procéder, au titre de la période du 1er janvier 2004 au 30 avril 2006, d'une part, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement de l'article 259 B du code général des impôts assortis des intérêts de retard et de l'amende prévue par l'article 1788 A du code général des impôts, d'autre part, à la rectification du prorata de déduction, maintenu inchangé à 37 % au titre du prorata définitif de l'année 2004 et ramené de 72 % à 69 % au titre du prorata définitif de l'année 2005 et du prorata provisoire de l'année 2006, enfin, à la rectification de la régularisation de la taxe déduite découlant de la prise en compte, pour les années 2004 et 2005, de l'écart entre le prorata provisoire et le prorata définitif de déduction, pour des montants en droits de 114 920 euros (75 960 + 38 960) au titre de l'année 2004, de 114 375 euros (24 730 + 89 645) au titre de l'année 2005 et de 4 420 euros au titre de l'année 2006, assortis des intérêts de retard et, s'agissant des rappels effectués sur le fondement de l'article 259 B du code général des impôts, de l'amende prévue par l'article 1788 A de ce code ;
2. Considérant que, le 12 mai 2009, l'administration fiscale a mis en recouvrement, d'une part, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les pénalités correspondantes mentionnés dans la proposition de rectification du 15 décembre 2006, pour 182 124 euros en droits, assortis de 29 933 euros d'intérêts de retard et de 379 euros d'amende, d'autre part, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les pénalités correspondantes mentionnés dans la proposition de rectification du 17 avril 2006, pour 199 892 euros en droits, assortis de 20 575 euros d'intérêts de retard et de 5 475 euros d'amende ; que la société TSAF, qui a contesté ces impositions et pénalités, relève appel du jugement du 8 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités et amendes correspondantes mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2003 au 31 avril 2006 ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article R. 312-2 du code de justice administrative : " Lorsqu'il n'a pas été fait application de la procédure de renvoi prévue à l'article R. 351-3 et que le moyen tiré de l'incompétence territoriale du tribunal administratif n'a pas été invoqué par les parties avant la clôture de l'instruction de première instance, ce moyen ne peut plus être ultérieurement soulevé par les parties ou relevé d'office par le juge d'appel ou de cassation" ;
4. Considérant que la demande de la SOCIETE TRADITION SECURITIES AND FUTURES, initialement enregistrée au Tribunal administratif de Paris, a été transmise au Tribunal administratif de Montreuil par une ordonnance en date du 15 février 2011 du président de la première section du Tribunal administratif de Paris, en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative ; qu'il résulte des dispositions précitées de l'article R. 312-2 du code de justice administrative que le moyen tiré de ce que le Tribunal administratif de Montreuil n'était pas le tribunal territorialement compétent pour connaître du litige, qui a été soulevé pour la première fois par la société requérante dans sa note en délibéré, enregistrée au tribunal administratif postérieurement à la clôture de l'instruction, ne peut qu'être écarté ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
5. Considérant, d'une part, que l'administration procède à la vérification de comptabilité d'une entreprise ou d'un membre d'une profession non commerciale lorsqu'en vue d'assurer l'établissement d'impôts ou de taxes totalement ou partiellement éludés par les intéressés, elle contrôle sur place la sincérité des déclarations fiscales souscrites par cette entreprise ou ce contribuable en les comparant avec les écritures comptables ou les pièces justificatives dont elle prend alors connaissance et dont le cas échéant elle peut remettre en cause l'exactitude ;
6. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " Lorsque la vérification de la comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes est achevée, l'administration ne peut procéder à une nouvelle vérification de ces écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période. / Toutefois, il est fait exception à cette règle : / 1° Lorsque la vérification a été limitée à des opérations déterminées ; / 2° Dans les cas prévus à l'article L. 176 en matière de taxes sur le chiffre d'affaires ; / 3° Dans les cas prévus à l'article L. 187 en cas d'agissements frauduleux ; / 4° Dans les cas où l'administration a dressé un procès-verbal de flagrance fiscale dans les conditions prévues à l'article L. 16-0 BA, au titre d'une période postérieure ; / 5° Dans les cas de vérification de la comptabilité des sociétés mères qui ont opté pour le régime prévu à l'article 223 A du code général des impôts ; / 6° Dans les cas prévus à l'article L. 188 A après l'intervention de la réponse de l'autorité compétente de l'autre Etat ou territoire" ;
7. Considérant que, pour l'application de ces dispositions, une vérification de comptabilité doit être regardée comme achevée à la date à laquelle l'administration fiscale indique au contribuable avoir terminé les opérations de contrôle et, au plus tard, à la date à laquelle celle-ci lui adresse, selon le cas, un avis d'absence de rectification ou une notification de redressement, pour les impositions et la période auxquelles ce document se rapporte, sauf pour la notification à mentionner, lorsqu'elle a un but uniquement conservatoire, que la vérification se poursuit ;
8. Considérant, enfin, que l'existence d'une stipulation de rétroactivité insérée dans une convention de fusion reste sans influence tant sur le fait générateur de la taxe sur la valeur ajoutée que sur le redevable légal de cette taxe ; que par suite, nonobstant la rétroactivité conventionnelle de l'opération de fusion-absorption de la société Tradition Securities and Futures par la société requérante, alors dénommée société Viel Tradition, chacune de ces deux sociétés est le seul redevable de la taxe sur la valeur ajoutée relative aux opérations qu'elle a effectivement réalisées au cours de l'année 2003 ;
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 8 décembre 2005 qui, selon ses termes, fait suite à une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003, comporte la mention selon laquelle elle est notifiée à la requérante en sa qualité de " venant aux droits et obligations de la SA Tradition Securities and Futures, ancienne du nom ", société absorbée ; qu'il ne ressort pas des extraits de cette proposition de rectification produits par la requérante que ce document remettrait en cause l'exactitude de déclarations fiscales émises au nom de la société Viel Tradition, société absorbante et contribuable distinct de la SA Tradition Securities and Futures ; que sa notification à la SOCIETE TRADITION SECURITIES AND FUTURES en sa qualité de " venant aux droits et obligations " de la société absorbée, laquelle constitue un contribuable distinct de la société requérante, ne saurait être regardée comme ayant mis un terme à une vérification de la comptabilité de cette dernière ;
10. Considérant qu'il suit de là, et contrairement à ce que soutient la société TSAF, que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les pénalités correspondantes qui ont été réclamés à cette société au titre de la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2003, consécutifs à la notification de la proposition de rectification du 15 décembre 2006 par laquelle, en outre, le vérificateur a précisé que le calcul des rappels de taxe sur la valeur ajoutée litigieux était effectué en tenant compte du prorata de déduction de la seule société absorbante avant la fusion-absorption, ne résultent pas d'une seconde vérification de comptabilité qui aurait été effectuée en méconnaissance des dispositions de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales ;
11. Considérant, par ailleurs, que la société requérante ne peut utilement soutenir que les avis de vérification des 30 septembre 2005 et 10 octobre 2006 ne lui auraient pas permis de déterminer laquelle de la société absorbée et de la société absorbante était vérifiée à l'appui de son moyen tiré de ce qu'elle aurait été soumise à une double vérification de sa comptabilité ; qu'en tout état de cause, il résulte de l'instruction que l'avis de vérification du 30 septembre 2005, adressé à la SOCIETE TRADITION SECURITIES AND FUTURES en sa qualité d'ayant cause de la société absorbée, informait la requérante que les opérations de contrôle ne porteraient que sur les déclarations fiscales et les écritures comptables de la société absorbée, et que la procédure de vérification de comptabilité annoncée par l'avis de vérification du 10 octobre 2006 notifié à la requérante concernait nécessairement cette dernière c'est à dire, en tant qu'elle concernait la taxe sur la valeur ajoutée de l'année 2003, sa comptabilité antérieure à l'absorption de la Société Tradition Securities and Futures ;
Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
- En ce qui concerne les rappels procédant de la rectification du prorata de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée :
12. Considérant que, pour demander la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, la société TSAF soutient que les produits financiers générés par les placements de sa trésorerie propre ne doivent pas être pris en compte pour le calcul du prorata de taxe sur la valeur ajoutée dès lors, à titre principal, qu'il s'agit d'opérations n'entrant pas dans le champ d'application de ladite taxe et, à titre subsidiaire, qu'il s'agit d'opérations financières exonérées et présentant un caractère accessoire ; qu'à titre encore plus subsidiaire, la société requérante revendique la prise en compte de secteurs d'activité distincts ;
13. Considérant, en premier lieu, qu'il ne résulte pas des documents produits à l'instance, en particulier la proposition de rectification en date du 15 décembre 2006, que, pour procéder aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la TSAF au titre de la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2003, effectués ainsi qu'il a été dit au point 1 sur le fondement de l'article 259 B du code général des impôts, le service aurait remis en cause le prorata de déduction déclaré par la société requérante en sa qualité de société absorbante avant la fusion-absorption ; que, par suite, le moyen soulevé par la société TSAF, qui tend exclusivement à contester le prorata de déduction pris en compte par l'administration fiscale, ne peut qu'être écarté en ce qui concerne cette période ;
14. Considérant, en second lieu, en ce qui concerne la période du 1er janvier 2004 au 30 avril 2006, d'une part, qu'aux termes de l'article 256 A du code général des impôts : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention (...) Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées (... ) " ; qu'aux termes de l'article 271 du même code : " La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...) " ; qu'aux termes de l'article 273 de ce code : " Des décrets en Conseil d'Etat déterminent les conditions d'application de l'article 271. Ils fixent notamment les modalités suivant lesquelles la déduction de la taxe ayant grevé les biens ou services qui ne sont pas utilisés exclusivement pour la réalisation d'opérations imposables doit être réduite ou limitée (...) " ; qu'aux termes de l'article 219 de l'annexe II à ce code, alors en vigueur : " Les assujettis qui ne réalisent pas exclusivement des opérations ouvrant droit à déduction sont autorisés à déduire la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé ces mêmes biens et services dans les limites ci-après : (...) c. Lorsque leur utilisation aboutit concurremment à la réalisation d'opérations dont les unes ouvrent droit à déduction et les autres n'ouvrent pas droit à déduction, une fraction de la taxe qui les a grevés est déductible. Cette fraction est déterminée dans les conditions prévues aux articles 212 à 214. " ; qu'aux termes de l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts, dans sa rédaction issue du décret du 3 juin 1994, en vigueur au cours de la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2005 : " 1. Les redevables qui, dans le cadre de leurs activités situées dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, ne réalisent pas exclusivement des opérations ouvrant droit à déduction sont autorisés à déduire une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les biens constituant des immobilisations utilisées pour effectuer ces activités. Cette fraction est égale au montant de la taxe déductible obtenu (...), multiplié par le rapport existant entre : a) Au numérateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue, afférent aux opérations ouvrant droit à déduction y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations ; b) Au dénominateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue, afférent aux opérations figurant au numérateur ainsi qu'aux opérations qui n'ouvrent pas droit à déduction (...). Les sommes à mentionner aux deux termes de ce rapport s'entendent tous frais et taxes compris à l'exclusion de la taxe sur la valeur ajoutée. (...) 2. Par dérogation aux dispositions du 1, il est fait abstraction, pour le calcul du pourcentage de déduction, du montant du chiffre d'affaires afférent : (...) b) Au produit des opérations immobilières et financières exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée et présentant un caractère accessoire par rapport à l'activité principale de l'entreprise à la condition que ce produit représente au total 5 % au plus du montant du chiffre d'affaires total, toutes taxes comprises, du redevable " ; que l'article 212 de l'annexe II, dans sa rédaction modifiée par le décret du 26 décembre 2005 dispose que " Sont considérées comme accessoires les opérations qui présentent un lien avec l'activité principale de l'entreprise et dont la réalisation nécessite une utilisation limitée au maximum à un dixième des biens et des services grevés de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a acquis " ; que l'article 213 de la même annexe énonce que : " Lorsqu'un assujetti a des secteurs d'activité qui ne sont pas soumis à des dispositions identiques au regard de la taxe sur la valeur ajoutée, ces secteurs font l'objet de comptes distincts pour l'application du droit à déduction. Le montant de la taxe déductible au titre des biens communs aux différents secteurs est déterminé par application du rapport prévu à l'article 212 " ;
15. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 17 de la sixième directive 77/388/CE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 : " (...) 2. Dans la mesure où les biens et services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l'assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable : a) la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti (...) 5. En ce qui concerne les biens et les services qui sont utilisés par un assujetti pour effectuer à la fois des opérations ouvrant droit à déduction (...) et des opérations n'ouvrant pas droit à déduction, la déduction n'est admise que pour la partie de la taxe sur la valeur ajoutée qui est proportionnelle au montant afférent aux premières opérations (...) " ; qu'aux termes de l'article 19 de cette directive : " Le prorata de déduction prévu par l'article 17. 5, premier alinéa, résulte d'une fraction comportant : - au numérateur, le montant total, déterminé par année, du chiffre d'affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue, afférent aux opérations ouvrant droit à déduction (...), - au dénominateur, le montant total, déterminé par année, du chiffre d'affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue, afférent aux opérations figurant au numérateur ainsi qu'aux opérations qui n'ouvrent pas droit à déduction (...) /(...) 2. Par dérogation au paragraphe 1, il est fait abstraction, pour le calcul du prorata de déduction, du montant du chiffre d'affaires afférent ( ...) aux opérations accessoires immobilières et financières (...)" ; que, par un arrêt du 29 avril 2004 Empresa de Desenvolvimento Mineiro SGPS SA (EDM), la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit, au point 77, que, quoique l'ampleur des revenus générés par les opérations financières relevant du champ d'application de la sixième directive puisse constituer un indice de ce que ces opérations ne doivent pas être considérées comme accessoires au sens de l'article 19 § 2 deuxième phrase, de cette directive, le fait que des revenus supérieurs à ceux produits par l'activité indiquée comme principale par l'entreprise concernée sont générés par de telles opérations ne saurait à lui seul exclure la qualification de celles-ci d' " opérations accessoires ", dès lors que l'inclusion de ces opérations dans le dénominateur de la fraction servant au calcul du prorata en raison seulement de l' importance des revenus qu'elle produit aurait pour effet de fausser le calcul de la déduction ; que, dès lors, en tant qu'elles subordonnent l'exclusion du chiffre d'affaire des opérations financières accessoires du calcul du prorata à la condition que le produit de ces opérations représente au total 5 % au plus du montant du chiffre d'affaires total, toutes taxes comprises, du redevable , les dispositions précitées du b) du 2 de l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts dans leur rédaction issue du décret du 3 juin 1994 doivent être regardées comme incompatibles avec les objectifs de la sixième directive du 17 mai 1977 et doivent, dans cette mesure, être écartées pour la solution du présent litige en ce qui concerne la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2005 ; que, par suite, il y a lieu d'appliquer directement au présent litige, dans cette mesure, les dispositions de l'article 19, paragraphe 2, deuxième phrase, de la sixième directive du 17 mai 1977 ;
- Sur le moyen tiré du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée :
16. Considérant qu'aux termes de l'article 256 A du code général des impôts : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention (...) Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées (... ) " ;
17. Considérant que la société requérante soutient que les produits générés par les placements de la trésorerie distincte des dépôts de garantie de ses clients n'entrent pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ; que, toutefois il résulte de l'instruction que la Société Tradition Securities and Futures, absorbée par la société requérante qui a repris son activité, avait signé le 28 juin 2001 avec le GIE Viel Gestion, appartenant au même groupe " Compagnie Financière Tradition ", une convention lui confiant, en qualité de " société centralisatrice ", un mandat pour gérer de manière optimale la trésorerie des différentes filiales du groupe ; que cette activité était constituée, d'une part, aux termes de ladite convention, par un service de centralisation consistant, moyennant la perception d'une commission, à collecter auprès des sociétés soeurs leur trésorerie excédentaire et à prêter à ces mêmes sociétés, selon leurs besoins, la trésorerie disponible, et, d'autre part, à allouer une partie des dépôts ainsi centralisés au GIE Viel Gestion, qui se chargeait de leur gestion et reversait à la société requérante des produits financiers, notamment sous forme d'intérêts ; qu'ainsi, la société requérante réalisait par là même des prestations financières qui doivent être regardés, nonobstant le fait que cette gestion de trésorerie portait sur des placements financiers courants et peu risqués, comme la contrepartie de prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti en tant que tel, entrant dès lors dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ; que, dès lors, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les produits financiers en cause, afférents à la période en litige, n'entreraient pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée et, en conséquence, ne devraient pas être pris en compte pour le calcul du prorata ;
- Sur le moyen tiré du caractère accessoire des produits financiers en cause :
18. Considérant qu'il résulte des décisions rendues par la Cour de justice des Communautés européennes dans les affaires n° 306/94, Régie Dauphinoise, le 11 juillet 1996 et n° 77/01, SA EDM, le 29 avril 2004, qu'un produit financier présente un caractère accessoire, lorsque, d'une part, l'opération de placement en cause, tout en présentant un lien avec l'activité taxable, n'en constitue pas le prolongement direct, permanent et nécessaire et, d'autre part, cette opération ne nécessite qu'une utilisation très limitée des biens ou services pour lesquels la taxe sur la valeur ajoutée est due;
19. Considérant qu'il résulte de l'instruction, en particulier des termes de la requête, que pour calculer le prorata prévu à l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts la société requérante a exclu les produits résultant du placement de sa trésorerie, sauf les produits générés par la trésorerie correspondant aux dépôts de garantie de ses clients qu'elle a au contraire pris en compte pour le calcul du prorata ; que la société TSAF, qui invoque le bien-fondé du calcul qu'elle a ainsi opéré, doit dès lors être regardée comme soulevant le moyen tiré du caractère accessoire des seuls produits financiers qu'elle a perçus indépendamment du placement des dépôts de garantie des clients de son activité de courtage ;
20. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que les opérations de placement ayant généré les produits financiers en cause présenteraient un lien avec l'activité de courtage sur les marchés financiers, exercée par la société TSAF et soumise à la taxe sur la valeur ajoutée ; que la société requérante, en se prévalant fût-ce à titre subsidiaire de l'existence d'un secteur d'activité distinct de gestion de trésorerie à l'origine de ces produits, conforte elle-même l'appréciation selon laquelle ces placements sont dépourvus de lien avec son activité taxable de courtier sur les marchés financiers ; qu'elle n'apporte aucune démonstration probante à l'appui de son allégation selon laquelle " le critère du lien avec l'activité taxable est nécessairement rempli " en se bornant à soutenir " qu'il s'agit de la trésorerie de TSAF correspondant aux commissions encaissées et non consommées par les charges d'exploitation ", à défaut notamment de toute précision sur l'origine et l'objet des " commissions encaissées " et dès lors que, comme il a été dit au point 17, elle percevait des commissions en rémunération du service de centralisation de la trésorerie des filiales du groupe ; qu'il ressort de l'examen du rapport d'expertise comptable produit par la société requérante que les produits financiers en cause, décrits notamment par l'expert sous les termes " intérêts créditeurs compensateurs " ou " intérêts créditeurs C/C groupe " et qui, ainsi qu'il a été dit au point 19, ne comprennent pas les " intérêts créditeurs comptes clients " rattachables à l'activité de courtage mentionnés par ailleurs dans ce rapport, sont rattachables à l'activité exercée par la société TSAF en tant que société centralisatrice de la trésorerie des différentes filiales du groupe " Compagnie financière Tradition ", qui est dépourvue de lien avec son activité de courtage sur les marchés financiers exercée pour le compte de tiers ;
21. Considérant que, dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les produits financiers en cause devraient être qualifiés de produits financiers accessoires ni que, pour ce motif, ils devraient être exclus du calcul du prorata de déduction de taxe sur la valeur ajoutée ;
- Sur le moyen tiré de l'existence d'un secteur d'activité distinct portant sur la gestion de la trésorerie de la requérante :
22. Considérant qu'aux termes de l'article 213 de l'annexe II au code général des impôts alors en vigueur : " Lorsqu'un assujetti a des secteurs d'activités qui ne sont pas soumis à des dispositions identiques au regard de la taxe sur la valeur ajoutée, ces secteurs font l'objet de comptes distincts pour l'application du droit à déduction./ Le montant de la taxe déductible au titre des biens communs aux différents secteurs est déterminé par application du rapport prévu à l'article 212 " ;
23. Considérant que la société TSAF se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la tolérance administrative résultant en premier lieu de la lettre du chef du service de la législation fiscale au syndic de la compagnie des agents de change, en date du 13 avril 1979, d'autre part des réponses ministérielles des 15 mars 1999 à M. C...et 18 octobre 1999 à M.B..., députés, tolérance qui a été rappelée par un courrier du 16 avril 2003 adressé par la direction de la législation fiscale à l'association française des entreprises d'investissement ;
24. Considérant, toutefois, que la lettre du 13 avril 1979 du chef du service de la législation fiscale, qui autorise la constitution de secteurs distincts d'activité à raison des activités de gestion de trésorerie, ne concerne que les agents de change ; que, si les réponses ministérielles susmentionnées ont étendu cette tolérance aux sociétés de bourse et aux entreprises d'investissement, la société TASF ne justifie pas avoir respecté les conditions posées par ces doctrines administratives en matière de sectorisation, dont celle d'avoir régulièrement opéré une distinction au sein de ses activités ; que, par suite, elle n'est pas en droit de bénéficier de cette tolérance ;
- En ce qui concerne les rappels procédant de l'application de l'article 259 B du code général des impôts :
25. Considérant que l'article 259 du code général des impôts, pris pour la transposition du paragraphe 1 de l'article 9 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, dispose, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige : " Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle. " ; qu'aux termes de l'article 259 B du même code dans sa rédaction applicable à la même période, pris pour la transposition du point e) du paragraphe 2 de l'article 9 de la directive 77/388/CEE : " Par dérogation aux dispositions de l'article 259, le lieu des prestations suivantes est réputé se situer en France lorsqu'elles sont effectuées par un prestataire établi hors de France et lorsque le preneur est un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée qui a en France le siège de son activité ou un établissement stable pour lequel le service est rendu ou, à défaut, qui y a son domicile ou sa résidence habituelle : / 1° Cessions et concessions de droits d'auteurs, de brevets, de droits de licences, de marques de fabrique et de commerce et d'autres droits similaires (...). / Le lieu de ces prestations est réputé ne pas se situer en France même si le prestataire est établi en France lorsque le preneur est établi hors de la Communauté européenne ou qu'il est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée dans un autre Etat membre de la Communauté " ;
26. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Tradition Securities and Futures, absorbée par la société requérante qui a repris son activité, avait signé le 2 avril 2001, avec la société de droit suisse Compagnie Financière Tradition, un contrat de concession de licence de marque l'autorisant, moyennant le paiement d'une redevance assise sur le chiffre d'affaires, à utiliser la marque " Tradition " ; qu'ainsi, la société TSAF, qui a absorbé la société signataire de ce contrat et était, de ce fait, seule tenue au paiement de la redevance contractuelle et seule titulaire des droits concédés, doit être qualifiée de preneur des prestations en cause, au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article 259 B du code général des impôts ; qu'est en tout état de cause sans incidence, à cet égard, la circonstance que la société requérante refacturait cette redevance, en en répartissant le montant entre ses succursales situées à Lausanne et à Londres pour le compte desquelles elle aurait agi en vertu d'un mandat tacite ;
27. Considérant, par ailleurs, que la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine administrative référencée 3 A 2143, n° 58, en date du 20 octobre 1999, dont elle ne peut, en toute hypothèse, demander le bénéfice d'une lecture a contrario ;
28. Considérant qu'il suit de là que la société TSAF n'est pas fondée à contester les rappels de taxe sur la valeur ajoutée litigieux auxquels l'administration fiscale a procédé sur le fondement de l'article 259 B du code général des impôts ;
29. Considérant, enfin, que la société TSAF ne soulève aucun moyen propre à l'encontre de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1788 A du code général des impôts ;
30. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE TRADITION SECURITIES AND FUTURES n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions litigieuses ; que, par voie de conséquence, les conclusions qu'elle présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SOCIETE TRADITION SECURITIES AND FUTURES est rejetée.
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N° 12VE00508