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20/05/2014 | FRANCE | N°12VE02034

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 20 mai 2014, 12VE02034


Vu la requête, enregistrée le 4 juin 2012, présentée pour M. C...D...A...et autres, élisant domicile... ;

M. D...A...et autres demandent à la Cour :

1° d'annuler le jugement n°1002142 du 10 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser la somme de 200 000 euros au titre du décès précoce au Cameroun de M. B...A... ;

2° de condamner l'Etat à leur verser la somme de 200 000 euros au titre du décès précoce au Cameroun de M. B...A... ;

3° de mettre à la charge de

l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice a...

Vu la requête, enregistrée le 4 juin 2012, présentée pour M. C...D...A...et autres, élisant domicile... ;

M. D...A...et autres demandent à la Cour :

1° d'annuler le jugement n°1002142 du 10 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser la somme de 200 000 euros au titre du décès précoce au Cameroun de M. B...A... ;

2° de condamner l'Etat à leur verser la somme de 200 000 euros au titre du décès précoce au Cameroun de M. B...A... ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- c'est à tort que les premiers juges ont jugé que c'est aux héritiers de M. A...d'établir que l'illégalité fautive de la décision implicite de refus de séjour est à l'origine pour eux d'un préjudice direct et certain ;

- en l'espèce l'administration n'a pas été assez diligente pour lui délivrer après l'ordonnance de référé-suspension du 25 mai 2009 et à la suite de son courrier du 26 mai 2009 reçu le 27 mai 2009 une autorisation de séjour ; pourtant l'administration préfectorale ne pouvait ignorer que M. B...A...était retenu au chez Me Senah, par Me Senah, avocatpuisque l'ordonnance du 25 mai 2009 comportait dans son deuxième paragraphe la mention selon laquelle il était très gravement malade au Cameroun, où il était retenu, sans que son titre de séjour ne soit renouvelé ; ce dernier a écrit au préfet pour lui faire part de cette situation grave et urgente ; il a saisi de nouveau le tribunal par un référé-liberté qui a conclu au non-lieu le 17 juin au motif qu'un titre allait lui être accordé le 23 juin, ce qui ne s'est pas produit ; ce n'est que le 29 juin 2009 que la belle- fille de M. A...a obtenu le titre à la préfecture mais son beau-père est mort au Cameroun le jour même ; il est ainsi établi un défaut de diligence flagrant de la part du préfet ayant conduit au décès précoce de

M. B...A... ; ses neufs enfants doivent être indemnisés compte tenu de ce décès précoce ;

- le préfet a accédé à la demande de M. A...dans un délai anormalement long soit après la mise en demeure du 26 mai seulement le 29 juin 2009 ; soit une faute grave alors qu'il était suivi en France avec succès depuis juillet 1998 ;

- il est établi que M. B...A...ne pouvait accéder aux soins appropriés au Cameroun et avait demandé son évacuation en France ; le rapport médical du chef de service le docteur Tchida à Bafoussam atteste que son état de santé nécessitait une hémodialyse qui ne pouvait lui être prodiguée dans l'hôpital où il se trouvait ; le 26 juin 2009 il a expressément demandé son rapatriement sanitaire vers la France et avait effectué une réservation sur le vol Air France du même jour ; sans ces dysfonctionnements, le père des requérants aurait pu vivre quelques années de plus ;

............................................................................................................chez Me Senah, par Me Senah, avocat

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 mai 2014 :

- le rapport de Mme Belle, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public,

1. Considérant que M. D...A...et ses frères et soeurs relèvent appel du jugement du 10 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à la condamnation du préfet des Yvelines à leur accorder la somme de 200 000 euros en raison du décès de leur père au Cameroun, suite à la faute commise par les services de la préfecture, qui lui ont délivré seulement le 29 juin 2009 une autorisation provisoire de séjour au lieu et place de la carte de résident à laquelle il avait droit et dont le renouvellement lui avait été refusé ; que par un jugement du 8 décembre 2009 le Tribunal administratif de Versailles, confirmé par la Cour dans un arrêt du 24 mai 2011, a jugé que le refus implicite de renouvellement de son titre de résident était illégal et constitutif d'une faute et que M. D...A...a été indemnisé à ce titre ; que les requérants soutiennent qu'en raison de ce manquement prolongé, M. B...A...a été empêché de rentrer en France, qu'il avait quittée le 6 mai 2009, pour y recevoir des soins adaptés à son état de santé et est décédé le 29 juin 2009 au Cameroun, à l'hôpital de Bafoussam ; que les enfants de M. B...A...relèvent régulièrement appel du jugement susvisé qui rejette leur demande d'indemnisation ;

Sur la faute :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'entre le 7 novembre 2008, date à laquelle le récépissé de sa demande de renouvellement de son titre de résident expirait, et son départ au Cameroun le 6 mai 2009 M. B...A...a tenté, à deux reprises et sans succès de régulariser sa situation auprès du préfet, d'abord le 5 janvier 2009, par courrier recommandé, puis le 20 mars 2009, pour lui rappeler l'urgence de sa situation, le refus de titre ayant entraîné la suppression de ses droits sociaux et le mettant dans l'obligation de quitter le territoire français ; qu'il demandait réparation de son préjudice moral à raison de son âge et de son état de santé ; que parti précipitamment le 6 mai 2009 pour assister aux obsèques de sa soeur au Cameroun, il a été empêché de rentrer en France le 10 mai alors qu'il accédait au vol pour Paris, en l'absence de titre de séjour, et hospitalisé de nouveau le 26 mai 2009 à l'hôpital de Douala pour un traitement du cancer de la prostate, établissement où il avait déjà été hospitalisé le 7 mai à la suite d'un malaise et d'une paralysie du bras droit ; qu'il a saisi le Tribunal administratif de Versailles le 11 mai 2009 d'une demande d'annulation du refus de titre de séjour puis d'un référé suspension en date du 25 mai 2009, lequel a fait droit à sa demande mais que le jugement, favorable au requérant, n'a pas été exécuté ; qu'à la suite de l'introduction d'un référé liberté le 17 juin 2009 le Tribunal administratif de Versailles a conclu au non-lieu à statuer au motif que le préfet était sur le point de lui accorder un titre qui sera délivré le 23 juin 2009 ; que ce titre n'ayant pas été délivré, la requête en exécution forcée de ce référé liberté a été rejetée devant le Tribunal ; que la belle-fille de M.A..., Mme D...A...a finalement obtenu une autorisation provisoire de séjour le 29 juin 2009 de la préfecture des Yvelines alors que M. A...décédait le soir même au Cameroun ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en dépit des courriers des 5 janvier et 25 mars 2009, des 11 et 26 mai 2009 qu'il a envoyés à la préfecture pour demander un titre de séjour, des procédures juridictionnelles en urgence qu'il a engagées en mai et juin 2009, malgré son éloignement géographique, ainsi que des démarches entreprises en France par sa belle-fille, ce n'est que le 29 juin 2009 que le préfet des Yvelines lui a délivré une autorisation provisoire de séjour ; que la réticence des services préfectoraux à délivrer cette autorisation provisoire à M.A..., âgé de 70 ans et malade, alors qu'il avait droit au renouvellement de son titre de résident et que son récépissé était expiré le 7 novembre 2008, est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat envers ses héritiers s'il en est résulté un préjudice direct et certain ;

Sur le lien entre la faute et le préjudice :

4. Considérant cependant qu'il résulte de l'instruction que M. A...s'est rendu au Cameroun pour assister à l'enterrement de sa soeur le 6 mai 2009 ; que comme l'a indiqué le médecin interne en chef de l'hôpital régional de Bafoussam au Cameroun le 30 juin 2009, l'intéressé a du être hospitalisé dans cet établissement le 15 juin 2009 en raison de troubles importants, soit l'asthénie, l'anurie, l'oedème de la face et des membres inférieurs, un diabète insulino-dépendant, une hyperglycémie et une hypertension artérielle sur un terrain d'insuffisance rénale aigüe ; que l'hôpital régional de Bafoussam ne disposait pas du matériel d'hémodialyse adéquat pour prendre en charge son insuffisance rénale aigüe ; que le rapport conclut au décès en raison de cette pathologie qui résultait de son diabète associé à une hypertension artérielle ; qu'aux termes des certificats médicaux versés au dossier M. B...A..., qui résidait en France depuis dix ans, était traité pour des poly-pathologies importantes, notamment d'hypertension artérielle aigüe et de diabète et avait des difficultés à se déplacer ; qu'il ressort en outre du courrier que M. A...a adressé, le 26 mai 2009 au préfet des Yvelines, que l'intéressé avait déjà été hospitalisé le 7 mai 2009, dès le lendemain de son arrivée au Cameroun pour un malaise et une paralysie du bras droit, à l'hôpital de Douala ; que cet hôpital disposait de pôles d'excellence en oncologie et radiothérapie et en hémodialyse ; que ce courrier atteste également de ce que l'intéressé était hospitalisé de nouveau le 26 mai 2009 dans le même hôpital pour y subir une radiothérapie pour un cancer de la prostate dont il souffrait depuis cinq ans ; que les requérants n'établissent pas que M. A...n'aurait pu être soigné à l'hôpital de Douala qui disposait des services spécialisés compétents, qu'il aurait été dans l'impossibilité d'y demeurer le 26 mai 2009 et qu'il ne pouvait être soigné qu'en France pour ces pathologies; que, par suite, le lien de causalité direct et certain entre la faute commise et le décès de M. A...n'a pu être établi par les requérants ; que, par suite, leur demande d'indemnisation au titre du préjudice moral résultant du décès de leur père ne peut qu'être rejetée ;

5. Considérant, enfin, que les requérants ne sont pas fondés à invoquer la perte de chance de survivre de leur père du fait de la faute commise par le préfet des Yvelines dès lors que le préjudice résultant pour la victime de son décès ne peut faire l'objet d'une réparation distincte ;

Sur les conclusions de M. D...A...et de ses frères et soeurs tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, en l'espèce, la partie perdante, la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C...D...A...et autres est rejetée.

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N°12VE02034 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12VE02034
Date de la décision : 20/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-04-02 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Responsabilité et illégalité. Illégalité n'engageant pas la responsabilité de la puissance publique.


Composition du Tribunal
Président : M. BARBILLON
Rapporteur ?: Mme Laurence BELLE VANDERCRUYSSEN
Rapporteur public ?: Mme DIOUX-MOEBS
Avocat(s) : SENAH

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2014-05-20;12ve02034 ?
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