La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/05/2014 | FRANCE | N°12VE04290

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 06 mai 2014, 12VE04290


Vu la requête, enregistrée le 28 décembre 2012, présentée pour M. F...E..., Mme B...E..., M. J...A...et Mlle I...E..., demeurant..., par Me Le Bonnois, avocat ;

M. F...E...et les autres requérants demandent à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 0706167 en date du 30 octobre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier d'Argenteuil à leur verser la somme de 1 000 000 euros au titre du préjudice moral né de la perte de chance de pouvoir recourir à une interruption médicale de gro

ssesse ;

2° à titre principal :

- de dire que les fautes du centre hospi...

Vu la requête, enregistrée le 28 décembre 2012, présentée pour M. F...E..., Mme B...E..., M. J...A...et Mlle I...E..., demeurant..., par Me Le Bonnois, avocat ;

M. F...E...et les autres requérants demandent à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 0706167 en date du 30 octobre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier d'Argenteuil à leur verser la somme de 1 000 000 euros au titre du préjudice moral né de la perte de chance de pouvoir recourir à une interruption médicale de grossesse ;

2° à titre principal :

- de dire que les fautes du centre hospitalier d'Argenteuil ont fait perdre une chance à Mme B...E...d'avoir recours à une interruption médicale de grossesse à hauteur de 80 % ;

- de condamner le centre hospitalier d'Argenteuil à allouer une indemnisation de 80 000 euros à M. F...E...et 80 000 euros à Mme B...E..., 50 000 euros à Mlle I...E...et 50 000 euros à M. J...A...au titre de leur préjudice moral ;

- de condamner le centre hospitalier d'Argenteuil à allouer une indemnisation provisoire de 1 000 000 d'euros à M. et Mme F...E..., agissant en tant que représentants légaux de leur fils mineur M. G...E... ;

- de surseoir à statuer sur l'évaluation définitive du préjudice de M. G... E... dans l'attente de sa consolidation et d'une mesure d'expertise ultérieure ;

3° à titre subsidiaire :

- de dire que les fautes du centre hospitalier d'Argenteuil ont fait perdre une chance à Mme B...E...d'avoir recours à une interruption médicale de grossesse à hauteur de 100 % ;

- de condamner le centre hospitalier d'Argenteuil à allouer une indemnisation de 80 000 euros à M. F...E...et 80 000 euros à Mme B...E..., 50 000 euros à Mlle I...E...et 50 000 euros à M. J...A...au titre de leur préjudice moral, et une indemnisation de 6 215 587,92 euros à M. et Mme F...E...au titre des frais de tierce personne ;

4° de condamner le centre hospitalier d'Argenteuil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- le centre hospitalier d'Argenteuil a commis une faute, retenue par les experts, en ne réalisant pas les examens complémentaires demandés par le médecin du centre médical Europe qui a pratiqué une échographie du foetus le 22 février 1997 ;

- ces examens auraient nécessairement conduit à un caryotype et permis le diagnostic des anomalies chromosomiques présentées par M. G...E...(translocation réciproque homogène 4-20) ;

- la faute du centre hospitalier a fait perdre à Mme E...100 % de chance de recourir à une interruption médicale de grossesse ;

- l'indemnisation demandée est justifiée par la peine ressentie à vivre au contact du jeune G...né handicapé qui souffre notamment d'un déficit fonctionnel temporel de 80 % ;

- ils sont fondés à demander, en tant que représentants légaux de leur fils mineur, M. G... E..., l'entière indemnisation du préjudice de ce dernier ; l'enfant étant né le 30 mai 1997, l'effet rétroactif de la loi du 4 mars 2002 doit être écarté ;

- M. G...E...étant mineur, ils sont fondés, à titre principal, à demander une indemnisation provisionnelle de 1 000 000 d'euros ainsi qu'une mesure d'expertise afin de déterminer son entier préjudice lorsqu'il sera consolidé à ses dix-huit ans ; à titre subsidiaire, ils sont fondés à demander la somme de 6 215 587,92 euros au titre de la nécessité de la présence d'une tierce personne auprès du jeuneG... ;

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 avril 2014 :

- le rapport de M. Brumeaux, président,

- les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., substituant Me Le Bonnois, pour les consortsE..., et de MeH..., substituant MeD..., pour le centre hospitalier d'Argenteuil ;

1. Considérant que MmeE..., alors âgée de vingt-huit ans, qui était suivie depuis le mois de janvier 1997 à la maternité du centre hospitalier d'Argenteuil, a donné naissance, le 30 mai 1997, à son troisième enfant, lequel présentait un syndrome

poly-malformatif grave qui n'avait pas été détecté lors des échographies de contrôle pratiquées en cours de grossesse ; que les requérants relèvent appel du jugement rendu par le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise le 30 octobre 2012 qui a rejeté leur requête en indemnisation de leurs préjudices ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la prescription ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles : " Nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance / (...) / Lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l'enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale. " ; qu'aux termes du 2 du II de l'article 2 de la loi du 11 février 2005 : " Les dispositions de l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles tel qu'il résulte du 1 du présent II sont applicables aux instances en cours à la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2002-303 du

4 mars 2002 précitée, à l'exception de celles où il a été irrévocablement statué sur le principe de l'indemnisation. " ; qu'en prévoyant l'application des dispositions de l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles aux instances en cours lors de l'entrée en vigueur de la loi du

4 mars 2002, le législateur a nécessairement entendu que ces dispositions s'appliquent également à la réparation de dommages dont le fait générateur était antérieur à la date d'entrée en vigueur de cette loi mais qui, à cette date, n'avaient pas encore donné lieu à une action indemnitaire ;

3. Considérant que, par une décision n°2010-2 QPC du 11 juin 2010, publiée au journal officiel le 12 juin, le Conseil constitutionnel a, sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution, déclaré le 2 du II de l'article 2 de la loi du 11 février 2005 contraire à la Constitution, au motif qu'il n'existait pas d'intérêt général suffisant pour justifier la remise en cause des droits des personnes ayant, avant le 7 mars 2002, date d'entrée en vigueur du I de l'article 1er de la loi du 4 mars 2002, engagé une procédure en vue d'obtenir la réparation de leur préjudice ; que le Conseil constitutionnel a en revanche relevé qu'il existait des motifs d'intérêt général pouvant justifier l'application des règles nouvelles à des instances engagées après le 7 mars 2002 au titre de situations juridiques nées avant cette date ; qu'il résulte de la décision du Conseil constitutionnel et des motifs qui en sont le support nécessaire qu'elle n'emporte abrogation, conformément au deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution, du 2 du II de l'article 2 de la loi du 11 février 2005 que dans la mesure où cette disposition rend les règles nouvelles applicables aux instances en cours au 7 mars 2002 ; que la décision du Conseil constitutionnel ne définit par ailleurs pas d'autres conditions et limites pour la remise en cause des effets que cette disposition avait produits avant cette date ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les consorts E...n'ont engagé d'instance indemnitaire que postérieurement à la date d'entrée en vigueur de la loi du

4 mars 2002 ; que, par suite, c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise leur a fait application des dispositions de l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles qui trouvent à s'appliquer pour les situations juridiques nées avant le 7 mars 2002, date de publication de cette loi ;

5. Considérant qu'il résulte des termes mêmes de l'article L. 114-56 du code de l'action sociale et des familles que les conclusions tendant à réparer les préjudices autres que le préjudice moral des parents E... ne peuvent être que rejetées ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. G...E...est atteint d'un retard mental majeur résultant d'une anomalie génétique non décelée pendant la grossesse, aucun caryotype n'ayant été pratiqué ;

7. Considérant que les requérants soutiennent que le centre hospitalier d'Argenteuil aurait commis une faute caractérisée en ne réagissant pas aux anomalies apparues lors de l'échographie pratiquée le 22 février 1997 à Paris, une insuffisante quantité de liquide amniotique, une suspicion d'artère ombilicale unique, et la présence d'un kyste volumineux, ainsi que la dilatation du troisième ventricule détectée lors de l'échographie réalisée le

6 mai 1997 et en ne prescrivant pas des examens complémentaires, notamment un caryotype ; que cependant il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que

Mme E...a bénéficié d'un suivi médical et biologique de sa grossesse conforme aux données acquises de la science qui n'a fait apparaître aucune anomalie ; que deux nouvelles échographies ont été pratiquées au centre hospitalier d'Argenteuil dès le 4 mars 2007, s'agissant d'une échographie sommaire, et le 6 mars 2007 s'agissant d'une échographie complète, lesquelles ont conclu à un développement normal du foetus, avec notamment un liquide amniotique d'abondance normale, alors que sa faible quantité en février 1997 rendait nécessaire, selon le compte-rendu de l'échographie du 22 février 1997, un contrôle dans un centre de dépistage ; que, de même, le centre hospitalier d'Argenteuil n'a pas commis de faute caractérisée en n'effectuant pas d'investigation complémentaire après l'échographie pratiquée le 6 mai 2007, qui avait fait apparaître une suspicion de malformation cardiaque, dès lors que celle pratiquée le 13 mai 1997 a conclu à une " bonne croissance foetale et à une diminution de la dilatation du 3ème ventricule " ; que dans ces circonstances le centre hospitalier d'Argenteuil n'a pas commis une faute caractérisée en ne procédant pas à des examens complémentaires ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande ; que, par suite, les conclusions qu'ils ont présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. E...et autres est rejetée.

''

''

''

''

N° 12VE04290 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 12VE04290
Date de la décision : 06/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux. Absence de faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public.


Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle BORET
Rapporteur public ?: Mme ROLLET-PERRAUD
Avocat(s) : BOIZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2014-05-06;12ve04290 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award