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13/02/2014 | FRANCE | N°12VE02169

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 13 février 2014, 12VE02169


Vu le recours, enregistré le 15 juin 2012, du MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES ;

Le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1011704 du 24 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a ordonné la restitution de retenues à la source contestées par la société Frère Bourgeois au titre des années 2008 et 2009, pour un montant de 139 007,77 euros ;

2°) de remettre les retenues à la source litigieuses à la charge de la société Frère Bourgeois ;

Il soutient que :

- la demande

est irrecevable au regard de l'article R.*197-3 du livre des procédures fiscales, à défaut pou...

Vu le recours, enregistré le 15 juin 2012, du MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES ;

Le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1011704 du 24 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a ordonné la restitution de retenues à la source contestées par la société Frère Bourgeois au titre des années 2008 et 2009, pour un montant de 139 007,77 euros ;

2°) de remettre les retenues à la source litigieuses à la charge de la société Frère Bourgeois ;

Il soutient que :

- la demande est irrecevable au regard de l'article R.*197-3 du livre des procédures fiscales, à défaut pour la société d'avoir produit des documents établissant le nom de l'établissement payeur français des dividendes en cause et la date du paiement effectif de la retenue à la source litigieuse, hormis pour la retenue à la source d'un montant de 3 780 euros prélevée sur les dividendes versés en avril 2009 par la société Eiffageretenue à la source litigieuse, hormis pour la retenue à la source d'un montant de 3 780 euros prélevée sur les dividendes versés en avril 2009 par la société Eiffage; en particulier, les attestations visées par l'administration fiscale belge ne répondent pas aux critères retenus par l'avis n° 344678 à 87 rendu le 23 mai 2011 par le Conseil d'Etat ;

- l'arrêt n° 97-18843 rendu le 25 janvier 2000 par la chambre commerciale de la Cour de Cassation n'est pas transposable ;

- en droit fiscal international le droit du pays à la source du revenu prévaut, et il appartient à l'Etat de résidence du bénéficiaire du revenu d'atténuer ou non la double imposition juridique, le fait que cet Etat choisisse de ne pas alléger une double imposition n'étant pas en lui-même contraire aux articles 43 ou 56 du traité CE ;

- l'article 19 de la convention franco-belge prévoit un crédit d'impôt destiné à éviter une double imposition ; si cette stipulation est sans effet pour les sociétés de droit belge, car la loi belge a supprimé la quotité forfaitaire d'impôt étranger sur les dividendes, la Cour de justice des communautés européennes a jugé le 14 novembre 2006, dans l'affaire C-513/04, que la loi belge n'est pas contraire à la liberté de circulation des capitaux ; l'Etat de la source des revenus n'est pas tenu d'éliminer une double imposition résultant de ce que l'actionnaire puisse supporter un impôt sur les mêmes revenus sans imputation d'un crédit d'impôt, et a fortiori il n'est pas tenu de restituer une retenue à... ;

- la différence de traitement entre une société française déficitaire ayant reçu des dividendes de source française et une société belge qui supporte définitivement une retenue à... ; en outre l'impôt sur les sociétés s'applique au bénéfice mondial des sociétés résidentes belges alors que l'impôt sur les sociétés français ne concerne que les bénéfices réalisés par les entreprises exploitées en France, et les règles d'assiette ne sont pas les mêmes dans ces deux Etats puisqu'en droit belge les pertes nettes constatées à la clôture d'un exercice ne peuvent être reportées qu'en avant ;

...................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne, notamment ses articles 56 et 58, devenus les articles 63 et 65 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu la directive 90/345/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990 ;

Vu la convention fiscale franco-belge du 10 mars 1964 modifiée ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu, notamment, les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes du 14 septembre 2006 Centro di musicologia Walter Stauffer (C-386/04), du 14 décembre 2006, société Denkavit Internationaal BV (C-170/05), du 14 novembre 2006, Kerckhaert et Morres (C-513/04), du 8 novembre 2007, Amurta SGPS (C-379/05), du 22 décembre 2008, Belgique c/Truck Centrer SA (C-282/07) et les arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne du 18 juin 2009, Aberdeen Property Fininvest Alpha Oy (C-303/07), du 19 novembre 2009, Commission c. République italienne (C-540/07), du 1er juillet 2010, Gerard Dijkman (C-233/09), du 20 octobre 2011, Commission c/Allemagne (C-284/09) et du 10 mai 2012 Santander (C-338/11 à C-347/11) ainsi que l'ordonnance rendue le 12 juillet 2012 par la Cour de Justice de l'Union européenne, Tate et Lyle Investments Ltd (C-384/11) ) ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 janvier 2014 :

- le rapport de Mme Vinot, président assesseur,

- les conclusions de Mme Garrec, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour la société Frère Bourgeois ;

1. Considérant que la société Frère Bourgeois, dont le siège social est situé en Belgique, a perçu au cours des années 2008 et 2009 des dividendes distribués par plusieurs sociétés françaises ; que, par une réclamation en date du 31 mai 2010 qui a été rejetée par l'administration fiscale, cette société a demandé la restitution de la retenue à la source litigieuse, hormis pour la retenue à la source d'un montant de 3 780 euros prélevée sur les dividendes versés en avril 2009 par la société Eiffageau titre des mêmes années, en application des dispositions du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts et des stipulations de la convention fiscale franco-belge du 10 mars 1964 modifiée, soit la somme de 139 007,77 euros selon la réclamation ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES relève appel du jugement du 24 février 2012 par lequel le Tribunal Administratif de Montreuil a ordonné la restitution de la retenue à la source litigieuse, hormis pour la retenue à la source d'un montant de 3 780 euros prélevée sur les dividendes versés en avril 2009 par la société Eiffage;

Sur la fin de non recevoir partielle opposée par le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES :

2. Considérant que pour demander l'annulation du jugement critiqué le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES soutient que la demande de la société Frère Bourgeois est irrecevable au regard des dispositions de l'article R.*197-3 du livre des procédures fiscales, à défaut pour la société d'avoir produit des documents établissant le nom de l'établissement payeur français des dividendes en cause et la date du paiement effectif de la retenue à la source litigieuse, hormis pour la retenue à la source d'un montant de 3 780 euros prélevée sur les dividendes versés en avril 2009 par la société Eiffageretenue à... ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article R.*197-3 du livre des procédures fiscales : " Toute réclamation doit à peine d'irrecevabilité : (...) d) Etre accompagnée soit de l'avis d'imposition, d'une copie de cet avis ou d'un extrait du rôle, soit de l'avis de mise en recouvrement ou d'une copie de cet avis, soit, dans le cas où l'impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou d'un avis de mise en recouvrement, d'une pièce justifiant le montant de la retenue ou du versement. La réclamation peut être régularisée à tout moment par la production de l'une des pièces énumérées au d (...) " ;

4. Considérant que ni les dispositions de l'article R.*197-3 du livre des procédures fiscales, ni aucune autre disposition, ne précisent la nature des pièces justifiant le montant de la retenue à... ; que, pour satisfaire aux dispositions de cet article, le contribuable peut donc produire toutes pièces établissant le versement de la retenue litigieuse pour peu qu'elles en précisent la date et l'établissement payeur au sens des dispositions combinées de l'article 381 A de l'annexe III au code général des impôts et de l'article 188-0 H de l'annexe IV au même code ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Frère Bourgeois n'a pas joint à sa réclamation, présentée le 31 mai 2010 au directeur des services fiscaux, de pièces justifiant le versement de la retenue à la source litigieuse, hormis pour la retenue à la source d'un montant de 3 780 euros prélevée sur les dividendes versés en avril 2009 par la société Eiffage; que l'administration fiscale fait valoir l'irrecevabilité de cette réclamation au regard des dispositions précitées de l'article R.* 197-3 du livre des procédures fiscales, sauf à concurrence de la retenue à... ;

6. Considérant que la société Frère Bourgeois n'a versé à l'instance aucun document établissant la date de versement des retenues litigieuses et l'identité de l'établissement payeur au sens des dispositions combinées de l'article 381 A de l'annexe III au code général des impôts et de l'article 188-0 H de l'annexe IV au même code ; qu'en particulier, l'attestation en date du 7 novembre 2011 signée par l'administrateur délégué et par le directeur de cette société, si elle est revêtue du cachet du service public fédéral des Finances de Thuin et de la signature, sous la mention " cachet de l'administration fiscale belge " d'une personne dont la qualité n'est d'ailleurs pas précisée, ne comporte aucune indication de la date des versements des retenues à la source dont les montants sont mentionnés dans les annexes jointes ni aucune indication sur l'identité de l'établissement payeur ; que les extraits de compte établis par les sociétés Capitol, Dexia, ING et BNP Paribas Securities Services n'indiquent pas davantage la date de versements de retenues à la source ni l'identité de l'établissement payeur ; que la société Frère Bourgeois, qui ne peut utilement se prévaloir de ce qu'il appartiendrait au service de prouver l'inexistence d'un versement dont la date ne lui est pas indiquée, ne saurait être regardée, et alors même que le versement aurait été effectué par un tiers, comme soumise à l'exigence d'apporter une preuve impossible ; que par suite, à défaut, pour la société Frère Bourgeois de produire des documents établissant le versement des retenues litigieuses dont elle demande la restitution par l'indication de la date de tels versements et l'identité de l'établissement payeur au sens des dispositions combinées de l'article 381 A de l'annexe III au code général des impôts et de l'article 188-0 H de l'annexe IV au même code, le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES est fondé à soutenir qu'en tant qu'elle porte sur une somme excédant 3 780 euros sa réclamation ne satisfait pas aux conditions de recevabilité prévues à l'article R.* 197-3 du livre des procédures fiscales, et qu'en l'absence de régularisation les conclusions de sa requête sont dans cette mesure irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur le bien-fondé de la retenue à... :

7. Considérant que le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé la décharge de cette retenue à... ;

8. Considérant, cependant, qu'aux termes du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'imposition en litige : " Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à.la source litigieuse, hormis pour la retenue à la source d'un montant de 3 780 euros prélevée sur les dividendes versés en avril 2009 par la société Eiffage (... " ; que les dividendes distribués par une société établie en France à une société établie dans un autre Etat de l'Union européenne, notamment en Belgique, sont au nombre des produits soumis à cette retenue ; qu'aux termes du 1 de l'article 187 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Le taux de la retenue à... : 12 % pour les intérêts des obligations négociables (...) ; / 25 % pour tous les autres revenus (...) " ; que la convention fiscale franco-belge du 10 mars 1964 fixe ce taux à 15% pour les dividendes ;

9. Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne applicable au litige, devenu l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites " ; qu'aux termes de l'article 58 du même traité, devenu l'article 65 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. L'article 56 ne porte pas atteinte au droit qu'ont les Etats membres : a) d'appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis ; (la source litigieuse, hormis pour la retenue à la source d'un montant de 3 780 euros prélevée sur les dividendes versés en avril 2009 par la société Eiffage) 3. Les mesures et procédures visées aux paragraphes 1 et 2 ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l'article 56 " ;

10. Considérant qu'il résulte de ces stipulations, telles qu'elles ont été interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que les désavantages pouvant découler de l'exercice parallèle des compétences fiscales des différents Etats membres, pour autant qu'un tel exercice ne soit pas discriminatoire, ne constituent pas des restrictions interdites par le traité instituant la Communauté européenne ; que, toutefois, lorsqu'un Etat membre exerce sa compétence fiscale à l'égard de contribuables résidents et non résidents, pour que la réglementation fiscale nationale qu'il applique à ces contribuables puisse être regardée comme compatible avec les stipulations du traité relatives à la liberté de circulation des capitaux, la différence de traitement entre les contribuables selon leur Etat de résidence doit concerner des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou être justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général ; qu'en matière d'impôts directs, la situation des résidents et celle des non-résidents ne sont, en règle générale, pas comparables ; qu'à l'égard des mesures prévues par un Etat membre afin de prévenir ou d'atténuer l'imposition en chaîne ou la double imposition économique de bénéfices distribués par une société résidente, les actionnaires bénéficiaires résidents ne se trouvent pas nécessairement dans une situation comparable à celle d'actionnaires bénéficiaires résidents d'un autre Etat membre ; que, cependant, lorsqu'un Etat membre, de manière unilatérale ou par voie conventionnelle, assujettit à l'impôt non seulement les actionnaires résidents mais également les actionnaires non résidents pour les dividendes qu'ils perçoivent d'une société résidente, la situation des actionnaires non résidents se rapproche de celle des actionnaires résidents ; qu'en pareil cas, pour que les sociétés bénéficiaires non résidentes ne soient pas confrontées à une restriction à la liberté de circulation des capitaux prohibée, en principe, par ces stipulations, l'Etat de résidence de la société distributrice doit veiller à ce que, par rapport au mécanisme prévu par son droit interne afin de prévenir ou d'atténuer l'imposition en chaîne ou la double imposition économique, les sociétés actionnaires non résidentes soient soumises à un traitement équivalent à celui dont bénéficient les sociétés actionnaires résidentes ; que, pour les participations ne relevant pas de la directive 90/345/CEE du Conseil du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'Etats membres différents, il appartient ainsi aux Etats membres de déterminer si, et dans quelle mesure, la double imposition économique des bénéfices distribués doit être évitée et d'introduire à cet effet, de façon unilatérale ou par voie de conventions conclues avec d'autres Etats membres, des mécanismes visant à prévenir ou à atténuer cette double imposition dans le respect de la liberté de circulation des capitaux ;

11. Considérant que le moyen invoqué par la société Frère Bourgeois, tiré de ce que la retenue à... ;

12. Considérant, en premier lieu, que si la société Frère Bourgeois a produit une attestation signée le 7 novembre 2011 par l'inspecteur principal au " contrôle de Thuin Sociétés " du service public fédéral des Finances certifiant qu'elle est une société à portefeuille de droit belge dont l'objet social est de détenir des participations, actions ou parts dans d'autres sociétés au profit des actionnaires qui " qualifient pour la plupart au régime mère-fille belge dénommé " Revenus Définitivement Taxés (RDT) ", que " les dividendes perçus de ces titres sont exclus de la base imposable " et qu' " en conséquence les dividendes de source française qu'elle a perçu[s] au cours des années 2004 à 2010 inclus ont été, à ce titre, exclus de (quasi) toute imposition en Belgique ", il ne résulte pas de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas allégué, que les dividendes ayant donné lieu à la retenue à... ;

13. Considérant, d'une part, qu'une société établie en France, qui reçoit des dividendes versés par une société résidente et ne relève pas du régime fiscal des sociétés mères, n'est pas exonérée d'impôt en France à raison de ces dividendes ; que, si au cours des années en cause les dividendes perçus par la société Frère Bourgeois étaient quasiment exonérés de toute imposition en Belgique en raison de la législation de cet Etat et si, par suite, la retenue à la source litigieuse, hormis pour la retenue à la source d'un montant de 3 780 euros prélevée sur les dividendes versés en avril 2009 par la société Eiffageà raison des dividendes en cause versés par des sociétés établies en France constitue une charge définitive, le respect de la liberté de circulation des capitaux n'implique pas que la France doive, de manière unilatérale ou par voie conventionnelle, assurer la neutralisation de la charge fiscale que cette société supporte du fait de la décision de l'Etat membre où elle réside d'exercer sa compétence fiscale et de ne pas la soumettre à l'impôt ; qu'ainsi qu'il est dit au point 10, le désavantage pouvant résulter, pour la société Frère Bourgeois non résidente, de l'exercice parallèle des compétences fiscales de la France et de son Etat de résidence ne constitue pas, dès lors que cet exercice ne revêt pas un caractère discriminatoire, une restriction à la liberté de circulation de capitaux prohibée par le traité instituant la Communauté européenne ;

14. Considérant, d'autre part, qu'une société non résidente se trouvant dans la situation déficitaire invoquée par la requérante et qui ne relève pas du régime fiscal des sociétés mères et une société établie en France placée dans la même situation ne peuvent être regardées comme étant dans une situation objectivement comparable ; qu'en effet, la détermination du résultat imposable de ces deux sociétés procède des règles fiscales propres à la législation de chacun de ces Etats membres ;

15. Considérant qu'en toute hypothèse aucune disposition du droit interne français ne prévoit une exonération des dividendes reçus par une société résidente qui ne relève pas du régime fiscal des sociétés mères lorsque ses résultats sont déficitaires ; qu'en effet, ces dividendes sont effectivement compris dans le résultat de cette société et viennent en diminution du déficit reportable ; que, lorsque le résultat de cette société redevient bénéficiaire, la diminution de ce déficit reportable implique que ces dividendes seront effectivement imposés à l'impôt sur les sociétés au titre d'une année ultérieure au taux de droit commun alors applicable ; que, s'il en résulte un décalage dans le temps entre la perception de la retenue à la source litigieuse, hormis pour la retenue à la source d'un montant de 3 780 euros prélevée sur les dividendes versés en avril 2009 par la société Eiffageau titre de l'exercice où ses résultats redeviennent bénéficiaires, ce décalage procède d'une technique différente d'imposition des dividendes perçus par la société selon qu'elle est non résidente ou résidente ; que le seul désavantage de trésorerie que comporte la retenue à...; que, dès lors que le droit interne français ne prévoit pas davantage une atténuation de l'imposition des dividendes reçus par une société résidente qui ne relève pas du régime fiscal des sociétés mères, la société Frère Bourgeois n'est pas fondée à se prévaloir de l'ordonnance en date du 12 juillet 2012, Tate et Lyle Investments Ltd (C-384/11) par laquelle la Cour de Justice de l'Union européenne a jugé que l'article 63 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une législation d'un État membre qui soumet à une retenue à... ;

16. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 208 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " Sont (...) exonérés de l'impôt sous réserve des dispositions de l'article 208 A : (...) 1° bis A - Les sociétés d'investissement à capital variable régies par les articles L. 214-2 et suivants du code monétaire et financier pour les bénéfices réalisés dans le cadre de leur objet légal " ; qu'aux termes de l'article L. 214-4 du code monétaire et financier dans sa rédaction applicable : " (...) l'actif d'un organisme de placement collectif en valeurs mobilières comprend des valeurs mobilières françaises ou étrangères, négociées ou non sur un marché réglementé, ainsi qu'à titre accessoire, des liquidités.(...) /Un organisme de placement collectif en valeurs mobilières ne peut employer en titres d'un même émetteur plus de 5 % de ses actifs.(...)Un organisme de placement collectif en valeurs mobilières ne peut détenir plus de 10% d'une même catégorie de valeurs mobilières d'un même émetteur (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 214-15 de ce code : " La société d'investissement à capital variable dite "SICAV" est une société anonyme qui a pour objet la gestion d'un portefeuille d'instruments financiers et de dépôts. / Sous réserve des dispositions de l'article L. 214-19, les actions de la SICAV sont émises et rachetées à tout moment par la société à la demande des actionnaires et à la valeur liquidative majorée ou diminuée, selon le cas, des frais et commissions. (...) " ;

17. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction, en particulier des termes de l'attestation en date du 7 novembre 2011 précitée, et n'est d'ailleurs pas allégué, que tout ou partie des bénéfices réalisés par la société Frère Bourgeois satisferaient aux critères auxquels le 1° bis A de l'article 208 du code général des impôts subordonne l'exonération d'impôt sur les sociétés ou à un autre critère d'exonération de cet impôt fixé par la loi française ; qu'ainsi, la société Frère Bourgeois n'établit pas être dans une situation objectivement comparable à celle des SICAV relevant du droit de l'Etat de résidence des sociétés distributrices ; que, par suite, la société Frère Bourgeois, qui ne justifie pas avoir pour objet exclusif le placement collectif en valeurs mobilières de capitaux recueillis auprès du public ni avoir un fonctionnement soumis au principe de la répartition des risques et qui ne conteste pas qu'elle n'a pas l'obligation de procéder, à la demande des investisseurs, au rachat de leurs actions, ne peut soutenir, qu'en tant que société de portefeuille de droit belge, elle a un objet social similaire à celui d'une SICAV de droit français et qu'il y a lieu, dès lors, de faire application des principes retenus par la Cour de justice de l'Union européenne dans l'arrêt du 10 mai 2012, Santander Asset management SGIIC et autres (C-338/11 à C-347/11) ;

18. Considérant, qu'ainsi que les dispositions du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts ayant fondé la retenue à la source litigieuse, hormis pour la retenue à la source d'un montant de 3 780 euros prélevée sur les dividendes versés en avril 2009 par la société Eiffage;

19. Considérant qu'il suit de là que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Montreuil s'est fondé sur l'existence d'une discrimination contraire à la libre circulation des capitaux garantie par l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne pour faire droit aux conclusions de la société Frère Bourgeois tendant à la restitution de la retenue à... ;

20. Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur l'autre moyen soulevé par la société Frère Bourgeois, tiré de l'existence d'une discrimination contraire à la liberté d'établissement ;

21. Considérant qu'aux termes de l'article 43 du traité instituant la Communauté européenne, repris à l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " (...) les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un Etat membre établis sur le territoire d'un Etat membre (...) " ; qu'au sens de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, exerce la liberté d'établissement garantie par les articles 43 et 48 du traité instituant la Communauté européenne le ressortissant d'un Etat membre qui détient dans le capital d'une société établie dans un autre Etat membre une participation lui conférant une influence certaine sur les décisions de la société et lui permettant d'en déterminer les activités ; qu'il ne résulte pas de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas allégué, que les participations détenues par la société Frère Bourgeois dans la société française Eiffage distributrice des dividendes lui ont permis d'exercer une influence certaine sur les décisions de cette société et de déterminer son activité au point de lui assurer un contrôle sur celle-ci ; que, par suite, la société Frère Bourgeois n'est pas fondée à se prévaloir de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes en date du 14 décembre 2006, société Denkavit International BV (C-170/05), par lequel cette Cour a jugé que les articles 43 et 48 du traité instituant la Communauté Européenne, devenus articles 49 et 54 du traité 2007 sur le fonctionnement de l'Union européenne, s'opposent à une législation nationale prévoyant, pour les seules sociétés mères non-résidentes, une imposition par voie de retenue à la source litigieuse, hormis pour la retenue à la source d'un montant de 3 780 euros prélevée sur les dividendes versés en avril 2009 par la société Eiffageretenue à... ;

22. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de Justice de l'Union européenne de questions préjudicielles, que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a accordé à la société Frère Bourgeois la décharge des retenues à la source litigieuses ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

23. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société Frère Bourgeois au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Montreuil en date du 24 février 2012 est annulé.

Article 2 : Les retenues à la source litigieuses sont remises à la charge de la société Frère Bourgeois.

Article 3 : La demande de la société Frère Bourgeois présentée devant le Tribunal administratif de Montreuil tendant à la restitution des retenues à la source litigieuses et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.

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N° 12VE02169


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 12VE02169
Date de la décision : 13/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Règles de procédure contentieuse spéciales - Réclamations au directeur - Formes.

Contributions et taxes - Règles de procédure contentieuse spéciales - Demandes et oppositions devant le tribunal administratif - Formes et contenu de la demande.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMHOLTZ
Rapporteur ?: Mme Hélène VINOT
Rapporteur public ?: Mme GARREC
Avocat(s) : PAUL HASTINGS (EUROPE) LLP

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2014-02-13;12ve02169 ?
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