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30/12/2013 | FRANCE | N°12VE01284

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 30 décembre 2013, 12VE01284


Vu la requête enregistrée le 7 avril 2012, présentée pour Mlle C...B..., demeurant..., par Me Nunes, avocat ;

Mlle B...demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1107524 du 28 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions en date du 28 juin 2011 par lesquelles le préfet des Hauts-de Seine a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé son pays de renvoi ;

2° d'annuler les décisions attaquées ;

d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer un titre de séjour d'un an portant ...

Vu la requête enregistrée le 7 avril 2012, présentée pour Mlle C...B..., demeurant..., par Me Nunes, avocat ;

Mlle B...demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1107524 du 28 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions en date du 28 juin 2011 par lesquelles le préfet des Hauts-de Seine a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé son pays de renvoi ;

2° d'annuler les décisions attaquées ;

3° d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer un titre de séjour d'un an portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4° de condamner l'État à verser à Me Nunes une somme de 2 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, à défaut, de le condamner à verser à Mlle B...une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient à l'encontre du jugement attaqué que :

- le Tribunal a violé les dispositions de l'article L. 5 du code de justice administrative et la procédure contradictoire faute d'avoir rouvert l'instruction pour lui permettre de répondre au mémoire et aux pièces que l'administration préfectorale a transmis par télécopie le jour de la clôture d'instruction ;

- le Tribunal a méconnu son obligation de motivation suffisante posée par les articles

L. 9 et R. 741-2 du code de justice administrative en répondant de façon péremptoire et parfois incomplète aux moyens tirés de l'incompétence de l'auteur des décisions attaquées, de leur insuffisante motivation et du défaut d'examen particulier de sa situation personnelle au regard notamment des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Elle soutient à l'encontre des décisions attaquées que :

- elles sont signées par une autorité incompétente ; en effet, M.A..., sous-préfet de l'arrondissement d'Antony, ne pouvait signer les décisions attaquées en lieu et place du sous-préfet de l'arrondissement de Boulogne-Billancourt, appelé à d'autres fonctions et non remplacé ; en vertu des articles 14, 43.3 et 45 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004, le préfet ne peut déléguer sa signature au sous-préfet de l'arrondissement adjacent qu'en cas d'empêchement ou d'absence, et non en cas d'intérim comme en l'espèce ; il est fondé à invoquer l'exception d'illégalité d'une telle délégation de signature ;

- elles sont insuffisamment motivées au regard des dispositions des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 s'agissant du refus de titre et de la décision fixant le pays de renvoi et des dispositions de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile interprété à l'aune de l'article 12 de la directive communautaire n° 2008/115/CE s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français ; les décisions ne visent notamment pas toutes les considérations de faits qui les ont fondées et n'expliquent pas en quoi sa situation ne permettait pas de retenir des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels ou une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle au regard notamment des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il s'est borné à rejeter sa demande de manière automatique, sans réellement exercer son pouvoir discrétionnaire, et n'a pas pris en compte son aptitude et ses qualités professionnelles au regard de l'emploi considéré, ni son intégration et sa vie privée et familiale, ce qui révèle un vice de procédure ou, en tout état de cause, une erreur de droit ;

- le préfet a méconnu les articles L. 312-1 et L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a entaché ses décisions d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise sans procédure contradictoire préalable, et ce en contravention avec le droit à un recours effectif et à un procès équitable édicté par les articles 13 et 14 du pacte international relatif aux droits civils et politiques signé à New York le 19 décembre 1966 ;

- les décisions attaquées méconnaissent les dispositions des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des articles 5 et 6.4° de la directive communautaire n° 2008/115/CE car la délivrance du titre de séjour sollicité n'est pas subordonnée à la présentation d'un contrat de travail visé ni à ce que le travail corresponde à un secteur d'activité figurant sur une liste ; en exigeant de telles conditions, le préfet a commis une erreur de droit ; il a également commis une erreur de droit en s'abstenant d'examiner sa demande à l'aune des éléments de sa vie professionnelle, de ses qualités professionnelles, des conditions de son emploi et de l'ensemble des critères prévus par l'article R. 5221-20 du code du travail ;

- les décisions attaquées violent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les décisions attaquées sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision fixant le pays de renvoi viole l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car le préfet n'apporte pas la preuve qu'elle n'encourrait pas des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 10 décembre 2013 le rapport de Mme Bruno-Salel, premier conseiller ;

1. Considérant que MlleB..., ressortissante haïtienne né le 29 janvier 1976, fait régulièrement appel du jugement n° 1107524 du 28 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet des Hauts-de-Seine du 28 juin 2011 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant son pays de renvoi ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence. " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le mémoire en défense produit par le préfet des Hauts-de-Seine le 23 décembre et enregistré le 11 janvier 2012 a été communiqué à la requérante par le greffe du tribunal le même jour, soit le jour de la clôture de l'instruction fixée au 11 janvier 2012 à 17 heures ; qu'ainsi, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens dirigés contre le jugement, Mlle B...est fondée à soutenir qu'elle a été privée de la faculté de discuter le contenu de ce mémoire en violation du principe du contradictoire et des dispositions de l'article L. 5 du code de justice administrative ; que, par suite, le jugement du 28 février 2012 doit être annulé ;

4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mlle B...devant le tribunal administratif et devant la Cour ;

Sur la légalité des décisions en litige :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'article 27 de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-10 du même code : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : / 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. / Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2. " ;

6. Considérant qu'en supprimant à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile la référence au troisième alinéa de l'article L. 313-10 du même code, le législateur a entendu, ainsi qu'il ressort des travaux parlementaires préalables à l'adoption de la loi du 16 juin 2011, ne plus limiter le champ de l'admission exceptionnelle à la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " aux cas dans lesquels cette admission est sollicitée pour exercer une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national, alors annexée à l'arrêté interministériel du 18 janvier 2008 ;

7. Considérant qu'il ressort de l'arrêté attaqué que, pour refuser de délivrer à Mlle B...la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers qu'elle avait demandée sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 de ce code, le préfet des Hauts-de-Seine s'est fondé sur la seule circonstance que son activité ne figurait pas sur la liste des métiers sous tension en Ile-de-France ; qu'ainsi, Mlle B...est fondée à soutenir que le préfet, en lui opposant ce motif qui n'est pas prévu par la loi, a entaché sa décision d'une erreur de droit ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mlle B...est fondée à solliciter l'annulation de la décision du préfet des Hauts-de-Seine du 28 juin 2011 refusant de lui délivrer un titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, des décisions du même jour lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant son pays de renvoi ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

9. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt n'implique pas la délivrance d'un titre de séjour à MlleB..., mais seulement que le préfet des Hauts-de-Seine réexamine sa situation administrative au regard du séjour ; que, par suite, les conclusions de cette dernière tendant à la délivrance, sous astreinte, d'une carte de séjour temporaire ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :

10. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n' y a pas lieu à cette condamnation " ;

11. Considérant que la demande d'aide juridictionnelle formée par Mlle B...ayant été déclarée caduque par décision du bureau d'aide juridictionnelle du Tribunal de grande instance de Versailles en date du 26 avril 2013, il y a seulement lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mlle B...et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1107524 du 28 février 2012 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et les décisions du préfet des Hauts-de-Seine du 28 juin 2011 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à Mlle B...une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de Mlle B...est rejeté.

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N° 12VE01284


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12VE01284
Date de la décision : 30/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BARBILLON
Rapporteur ?: Mme Catherine BRUNO-SALEL
Rapporteur public ?: Mme DIOUX-MOEBS
Avocat(s) : NUNES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2013-12-30;12ve01284 ?
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