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17/12/2013 | FRANCE | N°12VE03704

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 17 décembre 2013, 12VE03704


Vu la requête, enregistrée le 15 novembre 2012, présentée pour la société TEVA SANTE, dont le siège social est 110 Esplanade du Général de Gaulle à La Défense (92931), par Me Robert, avocat ; la société TEVA SANTE demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1004899 en date du 18 septembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 mars 2010 par laquelle le Comité économique des produits de santé lui a infligé une pénalité de 552 000 euros à la suite d'une interdiction de public

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Vu la requête, enregistrée le 15 novembre 2012, présentée pour la société TEVA SANTE, dont le siège social est 110 Esplanade du Général de Gaulle à La Défense (92931), par Me Robert, avocat ; la société TEVA SANTE demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1004899 en date du 18 septembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 mars 2010 par laquelle le Comité économique des produits de santé lui a infligé une pénalité de 552 000 euros à la suite d'une interdiction de publicité concernant la spécialité " Airomir " prononcée par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ;

2° à titre principal, d'annuler la décision du 22 mars 2010 par laquelle le Comité économique des produits de santé a prononcé une pénalité financière de 552 000 euros à son encontre ;

3° à titre subsidiaire, de limiter la pénalité financière à la somme de 138 000 euros ;

4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- une mesure d'interdiction de publicité prononcée par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé n'implique pas automatiquement le prononcé d'une pénalité financière ;

- le Comité économique des produits de santé a commis une erreur de droit en faisant application du critère de la perte de chance pour apprécier la gravité de l'infraction ; la perte de chance relève uniquement du droit de la responsabilité administrative ; si elle caractérise un chef de préjudice, elle ne constitue pas un élément d'une infraction ;

- en assimilant la perte de chance au critère tenant au risque pour la santé publique, les premiers juges ont méconnu la doctrine du Comité économique des produits de santé ; il apprécie en effet la gravité de l'infraction au regard du risque pour la santé pouvant résulter du mauvais usage du médicament encouragé ou suggéré par la publicité et du risque économique lié aux dépenses injustifiées pour l'assurance maladie ;

- l'article L. 162-17-4 du code de la sécurité sociale fixe deux critères pour moduler le montant de la pénalité financière ; la loi n'a pas habilité le Comité économique des produits de santé à fixer des sous-critères pour apprécier l'élément constitutif tenant à la gravité de l'infraction ;

- le Comité économique des produits de santé n'a pris en compte ni les circonstances atténuantes, ni le fait qu'elle n'avait jamais fait l'objet d'une interdiction de publicité jusqu'à présent, en prononçant la pénalité financière ;

- la pénalité financière prononcée est disproportionnée ; le Comité économique des produits de santé prononce pour des faits similaires des sanctions compris entre 2 % et 5 % du chiffre d'affaires ; la société a mis fin à l'utilisation de la publicité litigieuse dès le 18 septembre 2008 alors qu'elle a reçu le projet d'interdiction de celle-ci que le 8 octobre 2008 ;

- l'atteinte à la protection de la santé ne pouvait lui être opposée ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 décembre 2013 :

- le rapport de M. Brumeaux, président,

- les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public,

- et les observations de Me Robert pour la société TEVA SANTE ;

1. Considérant qu'à la suite d'une décision de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) en date du 9 décembre 2008 interdisant un document publicitaire relatif à la spécialité pharmaceutique " Airomir " exploitée par la société TEVA SANTE, le Comité économique des produits de santé a infligé le 22 mars 2010 une pénalité financière d'un montant de 552 000 euros à l'encontre de cette société ;

Sur le bien-fondé de la sanction :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 162-17-4 du code de la sécurité sociale : " (...) Lorsqu'un retrait de visa de publicité a été prononcé par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé dans les conditions prévues à l'article L. 5122-9 du code de la santé publique, le Comité économique des produits de santé prononce, après que l'entreprise a été mise en mesure de présenter ses observations, une pénalité financière à l'encontre de ladite entreprise. / Cette pénalité ne peut être supérieure à 10 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France par l'entreprise au titre des spécialités ayant fait l'objet du retrait de visa de publicité durant les six mois précédant et les six mois suivant la date de retrait de visa. / Son montant est fixé en fonction de la gravité de l'infraction sanctionnée par le retrait de visa de publicité et de l'évolution des ventes des spécialités concernées durant la période définie à l'alinéa précédent. (...) / Les modalités d'application du présent article, et notamment les conditions de révision et de résiliation des conventions, sont définies par décret en Conseil d'Etat " ; que ces dispositions n'ont pas pour objet de conférer un caractère automatique aux sanctions financières prononcées dans ce cadre par le CEPS ; qu'il ne ressort pas, en outre, des pièces du dossier que ce comité s'est estimé tenu de prononcer une sanction financière au vu du dossier d'interdiction de publicité, ni qu'il s'est dispensé d'examiner, comme il le doit, l'ensemble des éléments de fait et de droit de nature à établir la nécessité et la proportionnalité de la sanction financière sur laquelle il lui appartient de se prononcer en application de ces dispositions ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la sanction financière décidée par le CEPS présenterait un caractère automatique doit être écarté ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 5122-2 du code de la santé publique : " La publicité ne doit pas être trompeuse ni porter atteinte à la protection de la santé publique. Elle doit présenter le médicament ou produit de façon objective et favoriser son bon usage. Elle doit respecter les dispositions de l'autorisation de mise sur le marché (.....) " ;

4. Considérant que la mise en oeuvre des dispositions précitées de l'article L. 162-17-4 du code de la sécurité sociale relatives aux pénalités financières prononcées consécutivement à une interdiction de publicité n'est pas manifestement impossible en l'absence de décret d'application ; qu'il appartient au CEPS d'apprécier, après avoir mis la société concernée en mesure de présenter ses observations, s'il y a lieu de prononcer une sanction financière et d'en déterminer le montant en fonction de la gravité de l'infraction et de l'évolution des ventes de la spécialité concernée ; que la gravité de l'infraction pouvait légalement être appréciée au regard du critère du risque pour la santé pouvant résulter du mauvais usage du médicament encouragé ou suggéré par la publicité sur le fondement de l'article L. 5122-2 du code de la santé publique ;

5. Considérant que le CEPS pouvait en outre, comme il l'a fait en indiquant que l'infraction relevée à l'encontre de la société TEVA SANTE avait été à l'origine d'une " perte de chance pour des patients incités à un comportement dangereux ", apprécier la gravité des manquements qui lui ont été soumis ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société TEVA SANTE n'est pas fondée à soutenir que la décision litigieuse serait entachée d'erreur de droit ;

7. Considérant que la publicité litigieuse indique, sur sa page de garde, que " la plupart des asthmatiques sont attachés à leur Salbutamol parce que... quel que soit le nombre de bouffées nécessaires, le Salbutamol finit par les soulager " ; qu'une telle allégation est de nature à laisser croire, alors même que la publicité est destinée à des professionnels, qu'en toute circonstance, l'absorption d'une quantité suffisante du médicament serait de nature à mettre fin à une crise d'asthme ; qu'ainsi cette publicité est susceptible de mettre en danger le patient en retardant sa prise en charge en cas de mal asthmatique ; qu'au surplus, cette affirmation est contraire à l'autorisation de mise sur le marché qui prévoit les situations dans lesquelles une consultation médicale immédiate est nécessaire ; que le Salbutamol, principe actif de la spécialité " Airomir " qui a pour indication le traitement d'une pathologie répandue, est inscrit sur la liste I de substances vénéneuses ; que, par suite, la société TEVA SANTE n'est pas fondée à soutenir que son document publicitaire ne pouvait donner lieu à une pénalité financière prononcée par le CEPS ;

Sur son montant :

8. Considérant que le montant de 552 000 euros retenu par le CEPS correspond à 8 % du chiffre d'affaires hors taxe en France du produit " Airomir " pendant la période de référence, soit plus des deux tiers du plafond prévu par la loi ; que toutefois il ressort de l'instruction que la société TEVA SANTE n'a jamais été sanctionnée pour une telle infraction et qu'elle a procédé au retrait de la plaquette publicitaire litigieuse dès le 18 septembre 2008, soit avant même d'avoir reçu la notification du projet d'interdiction de cette publicité par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ; que, par suite, dans ces circonstances, le montant de 552 000 euros retenu pour les motifs mentionnés ci-dessus, a méconnu le principe selon lequel les sanctions doivent être proportionnées à la gravité des faits reprochés ; qu'il y a lieu dès lors de ramener la pénalité pécuniaire à 2 % du chiffre d'affaires hors taxe en France du produit " Airomir " pendant la période de référence, soit à un montant de 138 000 euros ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société TEVA SANTE est fondée à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation ou à la réformation de la décision attaquée ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à ses conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros ;

DECIDE :

Article 1er : La pénalité financière infligée à la société TEVA SANTE est ramenée à 138 000 euros.

Article 2 : Le jugement n° 1004899 en date du 18 septembre 2012 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à la société TEVA SANTE en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la société TEVA SANTE est rejeté.

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N° 12VE03704


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 12VE03704
Date de la décision : 17/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

61-04-01-02 Santé publique. Pharmacie. Produits pharmaceutiques. Réglementation de la publicité.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Michel BRUMEAUX
Rapporteur public ?: Mme ROLLET-PERRAUD
Avocat(s) : SIMMONS et SIMMONS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2013-12-17;12ve03704 ?
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