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26/11/2013 | FRANCE | N°12VE02517

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 26 novembre 2013, 12VE02517


Vu la requête, enregistrée le 3 juillet 2012, présentée pour M. C...A..., demeurant..., par Me Nunes, avocat ;

M. A...demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1202406 du 14 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet des Hauts-de-Seine du 21 septembre 2011 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant son pays de renvoi ;

2° d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions ;

3° d'enjoindre

au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la me...

Vu la requête, enregistrée le 3 juillet 2012, présentée pour M. C...A..., demeurant..., par Me Nunes, avocat ;

M. A...demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1202406 du 14 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet des Hauts-de-Seine du 21 septembre 2011 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant son pays de renvoi ;

2° d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions ;

3° d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut la mention " salarié ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de

100 euros par jour de retard ;

4° de condamner l'Etat à verser à Me Nunes la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il soutient que :

- les décisions attaquées sont signées par une autorité incompétente ; en effet,

M.B..., sous-préfet de l'arrondissement d'Antony, ne pouvait signer les décisions attaquées en lieu et place du sous-préfet de l'arrondissement de Boulogne-Billancourt, appelé à d'autres fonctions et non remplacé ; en vertu des articles 14, 43.3 et 45 du décret n° 2004-374 du

29 avril 2004, le préfet ne peut déléguer sa signature au sous-préfet de l'arrondissement adjacent qu'en cas d'empêchement ou d'absence, et non en cas d'intérim comme en l'espèce ; il est fondé à invoquer l'exception d'illégalité de cette délégation de signature ; le Tribunal a répondu au moyen de façon péremptoire sans répondre à cette exception d'illégalité et a ainsi méconnu son obligation de motivation suffisante posée par les articles L. 9 et R. 741-2 du code de justice administrative ;

- ces décisions sont insuffisamment motivées au regard des dispositions des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979, notamment en ce qu'elles ne visent pas la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la directive communautaire n° 2008/115/CE et l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'expliquent pas en quoi sa situation ne permettait pas de retenir des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels ; l'article L. 511-1 I dernier alinéa du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est contraire aux dispositions de l'article 12 de la directive communautaire n° 2008/115/CE en ce qu'il permet une motivation de l'obligation de quitter le territoire français par référence à la motivation de la décision portant refus de séjour ; en tout état de cause, il y a un doute sérieux sur la compatibilité du dernier alinéa de l'article

L. 511-1 I en question avec l'article 12 de la directive communautaire et il sera nécessaire de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle quant à cette compatibilité ; le Tribunal a répondu de façon péremptoire à ce moyen et a ainsi méconnu son obligation de motivation suffisante posée par les articles L. 9 et R. 741-2 du code de justice administrative :

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle au regard notamment des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- en se bornant à rejeter sa demande de titre " salarié " au seul motif que l'emploi auquel il prétend ne figure pas sur la liste des métiers sous-tension en Ile-de-France le préfet a commis une erreur de droit ; le Tribunal a répondu de façon péremptoire à ce moyen et a ainsi méconnu son obligation de motivation suffisante posée par les articles L. 9 et R. 741-2 du code de justice administrative ; il est fondé à demander le bénéfice de l'article 6.4° de la directive communautaire n° 2008/115/CE et un examen de sa demande d'admission exceptionnelle au regard de l'ensemble de sa situation personnelle et professionnelle ;

- en tout état de cause, le préfet s'est prononcé mécaniquement sur sa demande sans exercer son pouvoir discrétionnaire ; au surplus, le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence en refusant d'examiner la demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié ;

- le préfet a méconnu les articles L. 312- et L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et entaché ses décisions d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;

- les décisions attaquées méconnaissent les dispositions des articles L. 313-11, 7° et

L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 6.4° de la directive communautaire n° 2008/115/CE, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les décisions attaquées méconnaissent les articles 3, 9 et 16 de la convention internationale des droits de l'enfant et les articles 5 et 9 de la directive communautaire n°2008/115/CE ;

- les décisions attaquées sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur sa situation personnelle ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil de l'Union européenne du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 12 novembre 2013 :

- le rapport de Mme Bruno-Salel, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public ;

Et connaissance prise de la note en délibéré, enregistrée le 16 novembre 2013, présentée pour M.A..., par Me Nunes ;

1. Considérant que M.A..., ressortissant comorien né le 15 mars 1976, fait appel du jugement n° 1202406 du 14 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet des Hauts-de-Seine du

21 septembre 2011 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant son pays de renvoi ;

Sur la légalité des décisions en litige :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'article 27 de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-10 du même code : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : / 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. / Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2. " ;

3. Considérant qu'en supprimant à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile la référence au troisième alinéa de l'article L. 313-10 du même code, le législateur a entendu, ainsi qu'il ressort des travaux parlementaires préalables à l'adoption de la loi du 16 juin 2011, ne plus limiter le champ de l'admission exceptionnelle à la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " aux cas dans lesquels cette admission est sollicitée pour exercer une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national, alors annexée à l'arrêté interministériel du 18 janvier 2008 ;

4. Considérant qu'il ressort de l'arrêté attaqué que, pour refuser de délivrer à M. A...la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " mentionnée au 1° de l'article

L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers qu'il avait demandée sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 de ce code, le préfet des Hauts-de-Seine s'est fondé sur la seule circonstance que son activité ne figurait pas sur la liste des métiers sous tension en

Ile-de-France ; qu'ainsi, M. A...est fondée à soutenir que le préfet, en lui opposant ce motif qui n'est pas prévu par la loi, a entaché sa décision d'une erreur de droit ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement ni d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a rejeté sa demande et à solliciter l'annulation de la décision du préfet des

Hauts-de-Seine du 21 septembre 2011 portant refus de séjour ainsi que, par voie de conséquence, des décisions du même jour lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant son pays de renvoi ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;

7. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt n'implique pas la délivrance d'un titre de séjour à M.A..., mais seulement que le préfet des Hauts-de-Seine réexamine sa situation administrative ; que, par suite, les conclusions de ce dernier tendant à la délivrance, sous astreinte, d'une carte de séjour temporaire ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :

8. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n' y a pas lieu à cette condamnation " ; que l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée dispose que : " (...) l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner, dans les conditions prévues à l'article 75, la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à une somme au titre des frais que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Il peut, en cas de condamnation, renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre le recouvrement à son profit de la somme allouée par le juge " ;

9. Considérant que M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Nunes, avocat de M.A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission juridictionnelle qui lui a été confiée, de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil du requérant d'une somme de 1 500 euros à ce titre ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1202406 du 14 juin 2012 du Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise et les décisions du préfet des Hauts-de-Seine du 21 septembre 2011 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à Me Nunes, avocat de M.A..., une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A...est rejeté.

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N° 12VE02517


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12VE02517
Date de la décision : 26/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Catherine BRUNO-SALEL
Rapporteur public ?: Mme DIOUX-MOEBS
Avocat(s) : NUNES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2013-11-26;12ve02517 ?
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