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15/10/2013 | FRANCE | N°12VE00384

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 15 octobre 2013, 12VE00384


Vu la requête, enregistrée le 27 janvier 2012, présentée pour la SARL BRASSERIE MILOE, dont le siège est 10 rue Jean Mermoz à Courcouronnes (91080), par Me de Pingon, avocat ; la SARL BRASSERIE MILOE demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 0802123 du 29 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande aux fins de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle assise sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2003, 2004 et 2005 et des rappels de taxe

sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er ju...

Vu la requête, enregistrée le 27 janvier 2012, présentée pour la SARL BRASSERIE MILOE, dont le siège est 10 rue Jean Mermoz à Courcouronnes (91080), par Me de Pingon, avocat ; la SARL BRASSERIE MILOE demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 0802123 du 29 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande aux fins de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle assise sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2003, 2004 et 2005 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er juillet 2002 au 30 juin 2005 ainsi que des pénalités correspondantes ;

2° de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions en litige ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- c'est à tort que les services fiscaux ont rejeté sa comptabilité dès lors qu'elle a produit les justificatifs nécessaires ;

- conformément à la documentation administrative de base référencée 4-G-334, l'administration fiscale ne pouvait rejeter sa comptabilité au seul motif qu'elle procédait à un enregistrement global de ses recettes en fin de journée ;

- contrairement à ce qu'affirme l'administration, les fiches de caisse analysées mentionnent le détail des paiements par chèques, en espèces et en tickets restaurant ;

- l'administration fiscale n'a jamais donné suite à sa demande de report en arrière et donc d'imputation du déficit de 2004 sur le bénéfice de l'année 2003 ;

- l'administration n'a pas motivé la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts et n'apporte pas la preuve de sa mauvaise foi ;

- la pénalité pour distributions occultes n'est pas fondée dès lors que l'assiette de l'impôt sur les sociétés résultant des opérations de contrôle est globalement déficitaire sur la période vérifiée ;

- il serait équitable de calculer l'ensemble des intérêts de retard au taux unique de 4,80 % par an, y compris ceux courant sur une période antérieure au 1er janvier 2006 ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er octobre 2013 :

- le rapport de M. Bresse, président assesseur,

- et les conclusions de M. Locatelli, rapporteur public ;

1. Considérant que la SARL BRASSERIE MILOE fait appel du jugement du 29 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande aux fins de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle assise sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2003, 2004 et 2005 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er juillet 2002 au 30 juin 2005 à la suite d'une vérification de sa comptabilité, ainsi que des pénalités correspondantes ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :

2. Considérant, d'une part, qu'au cours de la vérification de comptabilité réalisée par l'administration fiscale auprès de la SARL BRASSERIE MILOE, le service a relevé que les fiches journalières de caisse fournies par la société n'étaient corroborées par aucun rouleau de caisse ; qu'en outre, si ces fiches étaient accompagnées de " tickets Z " reflétant l'opération de clôture des caisses journalières et donnant une indication du nombre de produits consommés pour le bar-brasserie et la pizzéria, il est constant que ces tickets ne comportaient pas de ventilation entre les différents modes de règlement que proposait la société, de sorte que le service était dans l'impossibilité de vérifier la régularité et l'exactitude du compte caisse ; que l'administration a également constaté qu'aucune recette en espèces n'était comptabilisée, que l'ensemble des encaissements hors espèces était supérieur à la recette du jour portée en comptabilité, que le " reste en espèces " était tantôt positif, tantôt négatif et que le compte caisse de la société comportait des remises en banque très supérieures aux recettes déclarées ; que la possibilité de récapitulation mensuelle des totaux des opérations réalisées, prévue par le plan comptable général de 1982, ne dispense pas la société requérante d'apporter par tout moyen la preuve du détail et de la consistance des recettes portées globalement sur ses fiches de caisse ; que si la société soutient qu'elle a fourni l'ensemble des justificatifs nécessaires lors de la vérification, elle n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente / Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales " ;

4. Considérant que la documentation administrative de base référencée 4-G-2334 subordonne la comptabilisation globale des recettes quotidiennes à la condition que les commerçants puissent en justifier le détail par la présentation de fiches de caisse ou d'une main courante correctement remplie ; que tel n'étant pas le cas, en l'espèce, la SARL BRASSERIE MILOE ne peut s'en prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

5. Considérant qu'il suit de là que, dès lors que les irrégularités constatées et établies présentaient un caractère de gravité suffisant, le service a pu, à bon droit, rejeter la comptabilité de la SARL BRASSERIE MILOE ;

En ce qui concerne la demande de report en arrière du déficit constaté en 2004 :

6. Considérant que si la SARL BRASSERIE MILOE soutient avoir réclamé en vain à l'administration fiscale la possibilité de bénéficier d'un report du déficit de l'exercice 2004 sur le bénéfice rehaussé au titre de l'exercice 2003, il ne résulte cependant pas de l'instruction que la société ait saisi l'administration d'une réclamation préalable sur le fondement de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales avant le 31 décembre 2008 correspondant au 31 décembre de la deuxième année suivant la mise en recouvrement des impositions supplémentaires de l'année 2003, laquelle a constitué l'événement ayant déclenché le délai de réclamation au sens du c) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ; que, les conclusions qu'elle présente à ce titre ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;

Sur les pénalités :

7. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur : " 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 p. 100 si la mauvaise foi de l 'intéressé est établie ou de 80 p. 100 s'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ou d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration " ; qu'aux termes de l'article L. 80 D du même livre : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressée au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable " ;

8. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que l'administration, dans sa proposition de rectification du 23 juin 2006, a visé l'article 1729 du code général des impôts et a indiqué les considérations de fait et de droit fondant les pénalités en litige ; qu'elle a notamment fait état d'importantes omissions de chiffre d'affaires et de recettes, qu'elle a chiffrées, et de la circonstance que le dirigeant de la société ne pouvait ignorer l'existence de ces graves irrégularités ; que, par suite, l'administration a suffisamment motivé l'application de la majoration prévue à l'article 1729 du code général des impôts ;

9. Considérant, d'autre part, que pour infliger à la SARL BRASSERIE MILOE la majoration de 40 p. 100 pour mauvaise foi, prévue par l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur, l'administration a relevé, ainsi qu'il vient d'être dit, l'existence d'importantes omissions de chiffres d'affaires et de recettes, pour un montant total de 57 595 euros, et l'impossibilité pour le dirigeant d'ignorer l'absence systématique de comptabilisation de recettes en espèces et la non inscription en comptabilité d'une partie des recettes d'avril 2004 alors que les fiches de caisse attestaient de l'ouverture de l'établissement durant tout ce mois ; que, dès lors, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de la mauvaise foi de la société ; que, par suite, la SARL BRASSERIE MILOE n'est pas fondée à soutenir que les pénalités pour mauvaise foi ne sont pas justifiées ;

10. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 1759 du code général des impôts : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 p. cent des sommes versées ou distribuées " ;

11. Considérant que si la SARL BRASSERIE MILOE soutient que, après imputation au bénéfice de l'exercice clos en 2003 du déficit de l'exercice clos en 2004, le résultat global des exercices serait déficitaire, il résulte toutefois de l'instruction que l'amende pour distributions occultes infligée à la société par le service porte sur l'exercice clos en 2003, qui était bénéficiaire après rehaussement ; que le bénéfice à prendre en compte pour l'application de l'amende devant s'apprécier exercice par exercice, et non de manière globale sur l'ensemble des années concernées par les redressements, c'est à bon droit que le service a pu, sans avoir à démontrer que les revenus ont été effectivement perçus par les associés, infliger à la société une telle amende au titre de l'année 2003 ; que la documentation administrative de base référencée 4 J-1213 ne comporte aucune interprétation contraire dont la requérante pourrait se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; que, par suite, la société n'est pas fondée à demander la décharge des pénalités en cause ;

Sur les intérêts de retard :

12. Considérant qu'aux termes de l'article 1727 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " Le défaut ou l'insuffisance dans le paiement ou le versement tardif de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts donnent lieu au versement d'un intérêt de retard qui est dû indépendamment de toute sanction / Cet intérêt n'est pas dû lorsque sont applicables les dispositions de l'article 1732 ou les sanctions prévues aux articles 1791 à 1825. Le taux de l'intérêt de retard est fixé à 0,75 % par mois / Il s'applique sur le montant des sommes mises à la charge du contribuable ou dont le versement a été différé " ;

13. Considérant que la SARL BRASSERIE MILOE soutient qu'il serait " inéquitable " de laisser à sa charge les intérêts de retard pour la période courue jusqu'au 31 décembre 2005 à un taux de 0,75 % par mois au lieu de lui appliquer celui de 0,40 % par mois applicable à compter du 1er janvier 2006 ; que, toutefois, un tel moyen est inopérant dès lors que les intérêts de retard, qui n'ont pas le caractère d'une sanction, ont été légalement établis pour la période antérieure au 1er janvier 2006, date d'entrée en vigueur de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 ayant ramené ce taux à 0,40 % par mois ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL BRASSERIE MILOE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par un jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL BRASSERIE MILOE est rejetée.

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N° 12VE00384


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 12VE00384
Date de la décision : 15/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-04 Contributions et taxes. Généralités. Amendes, pénalités, majorations.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Patrick BRESSE
Rapporteur public ?: M. LOCATELLI
Avocat(s) : DE PINGON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2013-10-15;12ve00384 ?
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