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15/10/2013 | FRANCE | N°11VE01808

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 15 octobre 2013, 11VE01808


Vu la requête, enregistrée le 18 mai 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société SA GRANDS TRAVAUX DE L'OCEAN INDIEN (GTOI), dont le siège est ZIC N° 2 BP 2016 97824 Le Port Cedex, par le cabinet CMS Bureau Francis Lefebvre, avocat ; la société SA GRANDS TRAVAUX DE L'OCEAN INDIEN (GTOI) demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 0913458, 0912439 du 10 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil l'a déchargée s'il y a lieu de la différence entre les cotisations de taxe d'apprentissage et de participation d

es employeurs à l'effort de construction auxquelles elle a été assuje...

Vu la requête, enregistrée le 18 mai 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société SA GRANDS TRAVAUX DE L'OCEAN INDIEN (GTOI), dont le siège est ZIC N° 2 BP 2016 97824 Le Port Cedex, par le cabinet CMS Bureau Francis Lefebvre, avocat ; la société SA GRANDS TRAVAUX DE L'OCEAN INDIEN (GTOI) demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 0913458, 0912439 du 10 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil l'a déchargée s'il y a lieu de la différence entre les cotisations de taxe d'apprentissage et de participation des employeurs à l'effort de construction auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2003 à 2005 et celles résultant de l'intégration dans la base d'imposition de ces taxes du montant des indemnités de congés payés qu'elle aurait versé à ses salariés si elle n'avait pas été affiliée à une caisse de congés payés et a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge desdites cotisations supplémentaires ;

2° de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- dans les professions relevant des caisses de congés payés, les indemnités versées par ces caisses n'ont pas à être retenues dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale et, par voie de conséquence, dans l'assiette des taxes assises sur les salaires ; en alignant l'assiette des taxes assises sur les salaires, telles les deux taxes en litige, sur celles des cotisations de sécurité sociale, le législateur a entendu appliquer aux premières l'intégralité des règles régissant les secondes ;

- la circulaire DSS/SDAA/AI du 28 juillet 1993 prévoit explicitement que, dans les professions relevant des caisses de congés payés, l'employeur n'a pas à tenir compte dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale, des indemnités de congés payés versées aux salariés par les caisses ; dès lors, il en va de même pour la taxe d'apprentissage et la participation des employeurs à l'effort de construction ;

- la doctrine administrative s'est expressément prononcée dans le sens de l'exclusion des indemnités versées par les caisses de congés payés de l'assiette des taxes assises sur les salaires ; la réponse ministérielle faite à M.A..., député le 7 février 1976, reprise dans l'instruction administrative référencée 5 L-7-76, qui est restée opposable jusqu'au 17 février 1999, date à laquelle elle a été expressément rapportée, exclut de l'assiette de la participation des employeurs à l'effort de construction les indemnités de congés payées versées par les caisses ;

- en matière de participation à l'effort de construction, la loi ne vise que les versements effectués par les employeurs ;

- le caractère forfaitaire du redressement ne permet pas de regarder les sommes en cause comme des rémunérations ; les cotisations forfaitaires versées aux caisses ne sont pas affectées exclusivement au paiement des indemnités de congés payés et alimentent notamment un fonds de réserve, les frais généraux et les charges salariales de la caisse ou encore un compte de dotations aux provisions ; en outre, les cotisations ne se traduisent pas nécessairement par le versement d'indemnités de congés payés l'année de leur perception par la caisse lorsque, par exemple, des salariés quittent l'entreprise ou diffèrent leurs droits à congés ;

- l'administration ne saurait fonder son redressement en se référant à des règles applicables à la participation au développement de la formation professionnelle continue ; en la matière, le décret n° 89-365 du 8 juin 1989 précise que la cotisation est assise sur les rémunérations y compris les indemnités versées par les caisses ; ainsi, le taux forfaitaire de 13,14 %, qui est retenu en matière de participation au développement de la formation professionnelle continue ne saurait être appliqué, sans base légale, en matière de taxe d'apprentissage et de participation des employeurs à l'effort de construction ;

- le taux de 13,14 % excède le taux de 10 % qui est retenu par la loi pour définir le montant des indemnités de congés payés ;

- le service a appliqué le taux majoré de 2 % aux redressements de participation des employeurs à l'effort de construction alors que d'autres services appliquent le taux normal de 0,45 % dans la même hypothèse ; il en résulte une violation du principe d'égalité devant la loi ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er octobre 2013 :

- le rapport de M. Bresse, président assesseur,

- et les conclusions de M. Locatelli, rapporteur public ;

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, faute de connaître le montant des indemnités de congés payés que la société SA GRANDS TRAVAUX DE L'OCEAN INDIEN, qui exerce son activité dans le secteur du bâtiment et est, à ce titre, obligatoirement affiliée à une caisse de congés payés chargée de verser aux salariés les indemnités de congés payés, aurait versé à ses salariés en l'absence d'affiliation obligatoire à une caisse ou les éléments permettant de procéder au calcul de ce montant, l'administration s'est livrée à une évaluation de ces indemnités en appliquant aux rémunérations versées par la requérante au cours des années concernées un taux de 13,14 %, qui correspond au rapport entre le nombre de jours de congés payés et la masse salariale des entreprises du bâtiment et qui est retenu, pour le calcul de la participation des employeurs à la formation professionnelle continue en application d'un accord collectif du 31 décembre 1979 ; que la société GRANDS TRAVAUX DE L'OCEAN INDIEN fait appel du jugement du 10 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil l'a déchargée s'il y a lieu de la différence entre les cotisations de taxe d'apprentissage et de participation des employeurs à l'effort de construction auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2003 à 2005 et celles résultant de l'intégration dans la base d'imposition de ces taxes du montant des indemnités de congés payés qu'elle aurait versé à ses salariés si elle n'avait pas été affiliée à une caisse de congés payés et a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge desdites cotisations supplémentaires ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'il est de l'office du juge de plein contentieux fiscal de fixer exactement le montant des droits faisant l'objet de la décision de décharge qu'il prononce ou, à défaut, de fixer avec précision les bases sur lesquelles ils doivent être calculés ; que, par suite, le tribunal administratif ne pouvait se borner à décider que la société SA GRANDS TRAVAUX DE L'OCEAN INDIEN était " déchargée s'il y a lieu ", de la différence entre les cotisations des taxes en litige auxquelles elle avait été assujettie et celles résultant du montant des indemnités de congés payés qu'elle aurait dû en l'absence d'affiliation obligatoire à une caisse de congés payés alors qu'il lui appartenait, le cas échéant, après avoir prescrit une mesure d'instruction, de fixer lui-même les nouvelles bases d'imposition qu'il entendait assigner à la société SA GRANDS TRAVAUX DE L'OCEAN INDIEN ; qu'à défaut de l'avoir fait, le tribunal a méconnu sa propre compétence et a entaché se décision d'irrégularité ; qu'il y a lieu, pour ce motif, d'annuler le jugement attaqué ;

3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société SA GRANDS TRAVAUX DE L'OCEAN INDIEN devant le Tribunal administratif de Montreuil ;

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

En ce qui concerne le principe de l'inclusion des indemnités de congés payés dans l'assiette de la taxe d'apprentissage et de la participation des employeurs à l'effort de construction :

4. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de la combinaison notamment des dispositions des articles 224, 225 et 235 bis du code général des impôts et de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, que l'assiette de la taxe d'apprentissage et de la participation des employeurs à l'effort de construction auxquelles est assujetti un employeur est constituée par l'ensemble des rémunérations dues par celui-ci à ses salariés en contrepartie ou à l'occasion du travail, y compris les indemnités de congés payés ; que la circonstance que le service des indemnités de congés payés soit assuré pour son compte par une caisse de congés payés à laquelle il est affilié en vertu de l'article 223-16 du code du travail, devenu l'article L. 3141-30, est sans incidence sur l'assiette de ces prélèvements et sur l'assujettissement de l'employeur ; que, par suite, l'administration était en droit d'inclure, dans l'assiette de la taxe et de la participation en litige, les indemnités de congés payés dues par la requérante à ses salariés ;

5. Considérant, en second lieu, que la société SA GRANDS TRAVAUX DE L'OCEAN INDIEN n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle faite à M.A..., député, le 13 avril 1976, reprise dans l'instruction administrative référencée 5 L-7-76, dont les dispositions sont devenues caduques à la suite de l'entrée en vigueur de la loi n° 95-116 du 4 février 1995 portant diverses dispositions d'ordre social, qui a aligné la base de la taxe d'apprentissage et de la participation des employeurs à l'effort de construction sur celle des cotisations sociales laquelle comprend les indemnités de congés payés ; que la société requérante n'est pas fondée, en outre, à se prévaloir de la réponse ministérielle n° 119512 du 24 avril 2007, faite à M.B..., député, postérieure aux années d'imposition en litige ; qu'elle ne saurait invoquer, sur le fondement des mêmes dispositions, la circulaire du ministre du travail du 28 juillet 1993 qui ne comporte aucune interprétation d'un texte fiscal ;

En ce qui concerne le montant de l'imposition :

6. Considérant qu'il résulte des dispositions du code général des impôts et du code de la sécurité sociale qui viennent d'être mentionnées, ainsi que de celles des articles L. 223 16, D. 732-1, D. 732-5 et D. 732-6 du code du travail, respectivement devenus les articles L. 3141 30, D. 3141-12, D. 3141-29 et D. 3141-31 de ce code, que, pour le calcul des indemnités de congés payés à prendre en compte dans l'assiette des taxes en litige, il convient de retenir le montant des indemnités de congés payés dû par l'employeur à ses salariés en application des dispositions du code du travail et des conventions collectives ou accords applicables à la profession, c'est à dire le montant que l'employeur aurait versé à ses salariés en l'absence d'affiliation obligatoire à une caisse ;

7. Considérant qu'en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir, ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ;

8. Considérant qu'à la suite du supplément d'instruction ordonné par la Cour par lettres du 4 janvier 2012 et du 23 mars 2012, la société requérante a fourni des états faisant apparaître par salarié le montant des indemnités de congés payés qu'elle aurait versé en l'absence d'affiliation obligatoire à une caisse et qui résultent de son exploitation ; que si l'administration fiscale fait valoir qu'il ne s'agirait que " d'une simulation et non des sommes réellement versées par les caisses pour le compte de la société ", cette seule allégation ne saurait remettre en cause les calculs que la société requérante indique avoir effectués salarié par salarié et selon les principes retenus par l'avis du Conseil d'Etat du 30 octobre 2009 n° 328015 rappelés ci-dessus ; que, dans ces conditions, la société requérante est, fondée à demander que les redressements soient limités aux bases ainsi déterminées, soit 1 917 485,65 euros pour l'année 2002, 2 033 803,08 euros pour l'année 2003, 2 307 960,14 euros pour l'année 2004 et 2 841 149,39 euros pour l'année 2005 et à demander, dans cette mesure, la réduction des cotisations supplémentaires de taxe d'apprentissage et de participation des employeurs à l'effort de construction initialement mises à sa charge ;

En ce qui concerne le taux de la participation des employeurs à l'effort de construction :

9. Considérant que la société SA GRANDS TRAVAUX DE L'OCEAN INDIEN soutient que l'administration fiscale ne pouvait, sans méconnaître le principe d'égalité devant l'impôt, lui appliquer le taux de 2 % en matière de participation des employeurs à l'effort de construction dès lors qu'elle a retenu le taux normal de 0,45 % s'agissant des redressements opérés à l'égard d'autres contribuables ; que, toutefois, les impositions en litige ayant été établies conformément à la loi fiscale, la requérante ne peut utilement soutenir que son assujettissement porterait atteinte au principe d'égalité devant l'impôt ; que, par ailleurs, la position qu'aurait prise l'administration à l'égard d'un autre contribuable ne peut être regardée comme une interprétation de la loi, formellement admise par l'administration, au sens de l'article L. 80 du livre des procédures fiscales ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société SA GRANDS TRAVAUX DE L'OCEAN INDIEN est seulement fondée à demander la réduction des cotisations supplémentaires de taxe d'apprentissage et de participation des employeurs à l'effort de construction mises à sa charge au titre des années 2003, 2004 et 2005 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société SA GRANDS TRAVAUX DE L'OCEAN INDIEN et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement nos 0913458,0912439 en date du 10 mars 2010 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires de taxe d'apprentissage et de participation des employeurs à l'effort de construction seront calculées sur la base d'un montant de congés payés ramené à 1 917 485,65 euros pour l'année 2002, 2 033 803,08 euros pour l'année 2003, 2 307 960,14 euros pour l'année 2004 et 2 841 149,39 euros pour l'année 2005.

Article 3 : La société SA GRANDS TRAVAUX DE L'OCEAN INDIEN est déchargée des cotisations supplémentaires de taxe d'apprentissage et de participation des employeurs à l'effort de construction résultant de la réduction de base prononcée à l'article 2 ci-dessus.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à la société SA GRANDS TRAVAUX DE L'OCEAN INDIEN au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la demande et de la requête de la société SA GRANDS TRAVAUX DE L'OCEAN INDIEN est rejeté.

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N° 11VE01808


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 11VE01808
Date de la décision : 15/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts assis sur les salaires ou les honoraires versés - Participation des employeurs à l'effort de construction.

Contributions et taxes - Impôts assis sur les salaires ou les honoraires versés - Taxe d'apprentissage.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Patrick BRESSE
Rapporteur public ?: M. LOCATELLI
Avocat(s) : C/M/S/ BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2013-10-15;11ve01808 ?
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