La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/09/2013 | FRANCE | N°12VE01089

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 17 septembre 2013, 12VE01089


Vu la requête, enregistrée le 26 mars 2012, présentée pour la société ENTREPRISE FOURLON, société par actions simplifiées, dont le siège est 58 quai de la Marine à L'Ile-Saint-Denis (93450), par Mes Lenczner et Rostaing, avocats ;

La société ENTREPRISE FOURLON demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1011693 du 26 janvier 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil l'a déchargée, s'il y a lieu, de la différence entre les cotisations à la taxe d'apprentissage et à la participation des employeurs à l'effort de construction auxquelles elle a

été assujettie, respectivement au titre des années 2003 à 2005, et celles résult...

Vu la requête, enregistrée le 26 mars 2012, présentée pour la société ENTREPRISE FOURLON, société par actions simplifiées, dont le siège est 58 quai de la Marine à L'Ile-Saint-Denis (93450), par Mes Lenczner et Rostaing, avocats ;

La société ENTREPRISE FOURLON demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1011693 du 26 janvier 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil l'a déchargée, s'il y a lieu, de la différence entre les cotisations à la taxe d'apprentissage et à la participation des employeurs à l'effort de construction auxquelles elle a été assujettie, respectivement au titre des années 2003 à 2005, et celles résultant de l'intégration dans la base d'imposition de ces taxes du montant des indemnités de congés payés qu'elle aurait versé à ses salariés si elle n'avait pas été affiliée à une caisse de congés payés, et a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge de ces cotisations supplémentaires ;

2° à titre principal, de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3° à titre subsidiaire, et à défaut, de limiter le montant de ces impositions en retenant le taux de 10 % prévu par l'article L. 3141-22 du code du travail, et le taux de 0,45 % pour la participation des employeurs à l'effort de construction ;

4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- en premier lieu, que, dans les professions relevant des caisses de congés payés, les indemnités versées par ces caisses n'ont pas à être retenues dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale et, par voie de conséquence, dans l'assiette des taxes assises sur les salaires ;

- en alignant l'assiette des taxes assises sur les salaires, telles les deux taxes en litige, sur celle des cotisations de sécurité sociale, le législateur a entendu appliquer aux premières l'intégralité des règles régissant les secondes ; qu'à cet égard, la circulaire DSS/SDAA/AI du 28 juillet 1993, toujours en vigueur, prévoit explicitement que, dans les professions relevant des caisses de congés payés, l'employeur n'a pas à tenir compte dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale, des indemnités de congés payés versées aux salariés par les caisses ; que, dès lors, il en va de même pour la taxe d'apprentissage et la participation des employeurs à l'effort de construction ;

- par ailleurs, les indemnités de congés payés qui ne sont pas versées par les employeurs, mais par des caisses de congés payés, ne figurent pas sur la déclaration annuelle des salaires, commune à l'administration fiscale et à la sécurité sociale, déposée par les employeurs ; que, dans ces conditions, l'employeur ne peut être tenu de s'acquitter de taxes à raison d'indemnités de congés payés qu'il ne verse pas et dont il ne connaît pas le montant ;

- en deuxième lieu, que la doctrine administrative s'est expressément prononcée dans le sens de l'exclusion des indemnités versées par les caisses de congés payés de l'assiette des taxes assises sur les salaires ;

- la réponse ministérielle A...du 7 février 1976, reprise dans l'instruction administrative 5 L-7-76, est restée opposable jusqu'au 17 février 2009 ;

- en troisième lieu, qu'en matière de participation à l'effort de construction, la loi ne vise que les versements effectués par les employeurs ;

- en quatrième lieu, que le caractère forfaitaire du redressement ne permet pas de regarder les sommes en cause comme des rémunérations, et ne repose pas sur un fondement légal en se référant aux règles applicables en matière de formation professionnelle continue ; qu'à cet égard, le taux de 13,14% est excessif par rapport au taux de 10% prévu par la loi pour définir le montant des indemnités de congés payés ;

- les cotisations forfaitaires versées aux caisses ne sont pas affectées exclusivement au paiement des indemnités de congés payés et alimentent notamment un fonds de réserve, les frais généraux et les charges salariales de la caisse ou encore un compte de dotations aux provisions ; qu'en outre, les cotisations ne se traduisent pas nécessairement par le versement d'indemnités de congés payés l'année de leur perception par la caisse lorsque, par exemple, des salariés quittent l'entreprise ou diffèrent leurs droits à congés ;

- le service a appliqué le taux majoré de 2 % aux redressements pour la participation des employeurs à l'effort de construction, alors que d'autres services appliquent le taux normal de 0,45 % à de tels redressements ;

- l'administration ne saurait renverser la charge de la preuve sur l'exposante ;

..........................................................................................................

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 30 août 2013 :

- le rapport de M. Formery, président assesseur,

- et les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public,

1. Considérant que la société ENTREPRISE FOURLON fait appel du jugement du 26 janvier 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil l'a déchargée, s'il y a lieu, de la différence entre les cotisations à la taxe d'apprentissage et à la participation des employeurs à l'effort de construction auxquelles elle a été assujettie, respectivement au titre des années 2003 à 2005, et celles résultant de l'intégration dans la base d'imposition de ces taxes du montant des indemnités de congés payés qu'elle aurait versé à ses salariés si elle n'avait pas été affiliée à une caisse de congés payés, et a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge de ces cotisations supplémentaires ;

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant que, dans un mémoire produit devant la Cour le 21 mai 2013, le ministre de l'économie et des finances, conclut à ce que la Cour constate qu'il n'y a pas lieu de statuer sur une partie des conclusions de la requête, l'administration ayant prononcé des dégrèvements partiels des impositions en litige à concurrence, au titre des années 2003 à 2005, de la somme de 920 euros s'agissant des cotisations supplémentaires de participation des employeurs à l'effort de construction, et de la somme de 493 euros s'agissant des cotisations supplémentaires de taxe d'apprentissage ; que les conclusions de la requête relatives à ces impositions sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Considérant qu'il est de l'office du juge du plein contentieux fiscal de calculer exactement le montant des droits faisant l'objet de sa décision ou, à défaut, de fixer avec précision les bases sur lesquelles ils doivent être calculés ; que, par suite, le tribunal administratif ne pouvait se borner à décider que la société ENTREPRISE FOURLON était " déchargée s'il y a lieu de la différence " entre les cotisations des taxes en litige auxquelles elle avait été assujettie et celles résultant du montant des indemnités de congés payés qu'elle aurait dû verser en l'absence d'affiliation obligatoire à une caisse de congés payés, alors qu'il lui appartenait, le cas échéant après avoir prescrit une mesure d'instruction, de fixer lui-même les nouvelles bases d'imposition qu'il entendait assigner à la société ; qu'à défaut de l'avoir fait, le tribunal a méconnu sa propre compétence et a entaché sa décision d'irrégularité ; qu'il y a lieu, pour ce motif, d'annuler le jugement attaqué ;

4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société ENTREPRISE FOURLON devant le Tribunal administratif de Montreuil ;

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

En ce qui concerne le principe de l'inclusion des indemnités de congés payés dans l'assiette de la taxe d'apprentissage et de la participation des employeurs à l'effort de construction :

5. Considérant qu'il résulte de la combinaison notamment des dispositions des articles 224, 225 et 235 bis du code général des impôts et de l'article 242-1 du code de la sécurité sociale, que l'assiette de la taxe d'apprentissage et de la participation des employeurs à l'effort de construction auxquelles est assujetti un employeur est constituée par l'ensemble des rémunérations dues par celui-ci à ses salariés en contrepartie ou à l'occasion du travail, y compris les indemnités de congés payés ; que la circonstance que le service des indemnités de congés payés soit assuré pour son compte par une caisse de congés payés à laquelle il a été affilié en vertu de l'article L. 223-16 du code du travail, devenu depuis le 1er mars 2008 l'article L. 3141-30, est sans incidence sur l'assiette de ces prélèvements et sur l'assujettissement de l'employeur ; que, par suite, l'administration était en droit d'inclure, dans l'assiette de la taxe et de la participation en litige, les indemnités de congés payés dues par la requérante à ses salariés ;

6. Considérant que la société ENTREPRISE FOURLON n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle du 13 avril 1976 à M.A..., député, reprise dans l'instruction 5 L-7-76, ni de la lettre du ministre de l'économie et des finances du 4 mai 1977 adressée au secrétaire général de la fédération du bâtiment, dont les dispositions sont devenues caduques à la suite de l'entrée en vigueur de la loi n° 95-116 du 4 février 1995 portant diverses dispositions d'ordre social, qui a aligné la base de la taxe d'apprentissage et de la participation des employeurs à l'effort de construction sur celle des cotisations sociales laquelle comprend les indemnités de congés payés ; que la société requérante n'est pas fondée, en outre, à se prévaloir de la réponse ministérielle n° 119512 du 24 avril 2007, postérieure aux années d'imposition en litige ; qu'elle n'est pas davantage fondée à invoquer le bénéfice du paragraphe 12.d de la note du 24 décembre 1968 publiée au Bulletin officiel sous la référence CD 1969-II-P4408 et du paragraphe 39 de la documentation de base n° 5 L 1322, qui sont relatifs à la taxe sur les salaires due par les caisses de congés payés et ne visent pas la taxe et la participation en litige ; qu'elle ne saurait, enfin, invoquer, sur le fondement des mêmes dispositions, la circulaire du ministre du travail du 28 juillet 1993 qui ne comporte aucune interprétation d'un texte fiscal ;

En ce qui concerne le montant de l'imposition :

7. Considérant qu'il résulte des dispositions du code général des impôts et du code de la sécurité sociale qui viennent d'être mentionnées, ainsi que de celles des articles L. 223-16, D. 732-1, D. 732-5 et D. 732-6 du code du travail, respectivement devenus les articles L. 3141-30, D. 3141-12, D. 3141-29 et D. 3141-31 de ce code, que, pour le calcul des indemnités de congés payés à prendre en compte dans l'assiette des taxes en litige, il convient de retenir le montant des indemnités de congés payés dû par l'employeur à ses salariés en application des dispositions du code du travail et des conventions collectives ou accords applicables à la profession, c'est-à-dire le montant que l'employeur aurait versé à ses salariés en l'absence d'affiliation obligatoire à une caisse ;

8. Considérant qu'en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ;

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, faute de connaître le montant des indemnités de congés payés que la société ENTREPRISE FOURLON aurait versé à ses salariés en l'absence d'affiliation obligatoire à une caisse ou les éléments permettant de procéder au calcul de ce montant, l'administration s'est livrée à une évaluation de ces indemnités en appliquant aux rémunérations versées par la requérante au cours des années concernées un taux de 13,14 %, qui correspond au rapport entre le nombre de jours de congés payés et la masse salariale des entreprises du bâtiment et qui est retenu, pour le calcul de la participation des employeurs à la formation professionnelle continue en application d'un accord collectif du 31 décembre 1979 ; que, toutefois, en réponse au supplément d'instruction effectué par la Cour par lettre du 15 avril 2013, la société ENTREPRISE FOURLON a indiqué les montants des indemnités de congés payés qu'elle aurait versé à ses salariés, en l'absence d'affiliation obligatoire à une caisse, au titre des années 2003 à 2005 ; que l'administration a ramené le montant de ces indemnités entrant dans les bases d'imposition des taxes en litige, en tenant compte des sommes déclarées par la requérante et a, comme il a été dit ci-dessus, prononcé les dégrèvements correspondants ; qu'il résulte de ce qui précède que la société ENTREPRISE FOURLON, qui n'a pas contesté la position de l'administration, n'est pas fondée à demander une réduction supplémentaire des taxes restant en litige ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il n'y pas lieu de faire droit aux conclusions de la requérante tendant à ce que soit mis à la charge de l'Etat, le versement d'une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions en décharge présentées par la société ENTREPRISE FOURLON à hauteur des dégrèvements prononcés en cours d'instance par l'administration, soit, au titre des années 2003 à 2005, de la somme de 920 euros en droits et de 72 euros de pénalités s'agissant des cotisations supplémentaires de participation des employeurs à l'effort de construction, et de la somme de 493 euros en droits s'agissant des cotisations supplémentaires de la taxe d'apprentissage.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société ENTREPRISE FOURLON est rejeté.

''

''

''

''

5

N° 12VE01089


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12VE01089
Date de la décision : 17/09/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts assis sur les salaires ou les honoraires versés - Participation des employeurs à l'effort de construction.

Contributions et taxes - Impôts assis sur les salaires ou les honoraires versés - Taxe d'apprentissage.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: M. Simon FORMERY
Rapporteur public ?: Mme DIOUX-MOEBS
Avocat(s) : C/M/S/ BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2013-09-17;12ve01089 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award