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18/07/2013 | FRANCE | N°13VE00235

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 18 juillet 2013, 13VE00235


Vu la décision n° 341130 du 26 décembre 2012 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, a, d'une part, annulé l'arrêt n° 09VE02137 du 4 mai 2010 par lequel la Cour administrative d'appel de Versailles a annulé le jugement n° 0606557 du 4 mai 2009 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et déchargé la SA BNP PARIBAS des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles sur cet impôt auxquelles ell

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Vu la décision n° 341130 du 26 décembre 2012 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, a, d'une part, annulé l'arrêt n° 09VE02137 du 4 mai 2010 par lequel la Cour administrative d'appel de Versailles a annulé le jugement n° 0606557 du 4 mai 2009 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et déchargé la SA BNP PARIBAS des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1998, et a, d'autre part, renvoyé l'affaire à la Cour, où elle a été enregistrée sous le n° 13VE00235 ;

Vu la requête, enregistrée le 1er juillet 2009 sous le n° 09VE02137, présentée pour la SA BNP PARIBAS, dont le siège est 16 boulevard des Italiens à Paris (75009), par Me Pons, avocat ;

La SA BNP PARIBAS demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 0606557 en date du 4 mai 2009 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie, en tant que venant aux droits et obligations de la SA Paribas, au titre de l'exercice clos en 1998 à raison des bénéfices réalisés par la société Pasta Investment Ltd, établie à Hong Kong, ainsi que des pénalités correspondantes ;

2° de prononcer la décharge, à titre principal, de l'ensemble des impositions et pénalités contestées ou, à titre subsidiaire, des contributions additionnelles prévues aux articles 235 ter ZA et 235 ter ZB du code général des impôts ainsi que des pénalités correspondantes ;

Elle soutient :

- que l'article 209 B du code général des impôts ne s'applique pas aux filiales créées et détenues par une succursale ; que tel est le cas de la société Pasta Investment Ltd, créée et détenue par la succursale hongkongaise de la SA Paribas ;

- que, pour combattre l'application de l'article 209 B du code général des impôts, les dispositions du II de cet article permettent aux sociétés d'établir les motivations qui ont abouti à l'implantation de la structure étrangère et de démontrer que l'objectif principal n'était pas d'échapper à l'impôt français mais de développer leurs opérations ou d'autres motifs non fiscaux ; qu'ainsi, une société dont l'objectif principal est de développer une activité qu'elle ne pourrait pas réaliser en France démontre bien que l'effet principal recherché lors de l'établissement de la structure étrangère n'est pas fiscal ; que la preuve apportée par la société ne concerne pas forcément son activité et son caractère local, mais plus largement les effets fiscaux attendus de son implantation dans le pays à fiscalité privilégié ; que cette preuve peut également consister à démontrer que la localisation n'a pas eu pour effet de délocaliser de l'assiette fiscale française ; qu'en l'espèce, la société Pasta Investment Ltd exerçait une activité bancaire effective de gestion des devises locales qui étaient utilisées par les entités du groupe Paribas établies dans la zone asiatique, activité pour laquelle elle a déployé les moyens humains et matériels mis à sa disposition par la succursale de la société Paribas ; qu'une telle activité était difficile depuis l'Europe ; que le service a une interprétation restrictive de la notion de " marché local ", qui ne saurait être confondue avec celle de " clientèle locale " ; que, par suite, cette implantation à Hong Kong n'a pas eu pour effet de permettre la localisation de bénéfices dans un Etat ou territoire où elle est soumise à un régime fiscal privilégié ; que les dispositions du II de l'article 209 B interdisaient donc d'imposer la SA Paribas sur sa quote-part de détention indirecte dans les résultats de la société Pasta Investment Ltd ;

- que son assujettissement aux contributions additionnelles prévues aux articles 235 ter ZA et 235 ter ZB du code général des impôts méconnaît les dispositions de l'article 209 B du même code, ces contributions ne devant en effet être assises que sur ses résultats propres et non sur ceux d'une société étrangère ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juillet 2013 :

- le rapport de M. Coudert, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public,

- et les observations de Me Pons, pour la SA BNP PARIBAS ;

1. Considérant qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité dont la SA Paribas a fait l'objet, la SA BNP PARIBAS, venant aux droits et obligations de cette dernière société, a été assujettie, au titre de l'exercice clos en 1998, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles sur cet impôt prévues aux articles 235 ter ZA et 235 ter ZB du code général des impôts, à raison de l'inclusion dans son bénéfice taxable, en application des dispositions de l'article 209 B du code général des impôts, des bénéfices réalisés par la société Pasta Investment Ltd, établie à Hong Kong ; que la SA BNP PARIBAS relève régulièrement appel du jugement du 4 mai 2009 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires en litige, ainsi que des pénalités correspondantes ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 209 B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " I. Lorsqu'une entreprise passible de l'impôt sur les sociétés détient directement ou indirectement 25 % au moins des actions ou parts d'une société établie dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France dont le régime fiscal est privilégié au sens mentionné à l'article 238 A, cette entreprise est soumise à l'impôt sur les sociétés sur les résultats bénéficiaires de la société étrangère dans la proportion des droits sociaux qu'elle y détient. / Ces bénéfices font l'objet d'une imposition séparée. Ils sont réputés acquis le premier jour du mois qui suit la clôture de l'exercice de la société étrangère et sont déterminés selon les règles fixées par le présent code. / L'impôt acquitté localement par la société étrangère est imputable dans la proportion mentionnée au premier alinéa sur l'impôt établi en France à condition d'être comparable à l'impôt sur les sociétés. / (...) II. Les dispositions du I ne s'appliquent pas si l'entreprise établit que les opérations de la société étrangère n'ont pas principalement pour effet de permettre la localisation de bénéfices dans un Etat ou territoire où elle est soumise à un régime fiscal privilégié. Cette condition est réputée remplie notamment : / - lorsque la société étrangère a principalement une activité industrielle ou commerciale effective ; / - et qu'elle réalise ses opérations de façon prépondérante sur le marché local. (...) " ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 238 A du même code : " (...) les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'Etat ou le territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus notablement moins élevés qu'en France " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par leurs travaux préparatoires, que le législateur a entendu dissuader les entreprises passibles en France de l'impôt sur les sociétés de localiser, pour des raisons principalement fiscales, une partie de leurs bénéfices, au travers de filiales, créées par elles ou par une de leurs filiales dans des pays ou territoires à régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A du même code ; qu'à cette fin, le premier alinéa du I de l'article 209 B du code général des impôts prévoit, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige, que dans le cas où une entreprise passible en France de l'impôt sur les sociétés détient, directement ou indirectement, au moins 25 % des actions ou parts d'une société implantée dans un Etat ou territoire à régime fiscal privilégié, elle est normalement soumise à l'impôt sur les sociétés sur les bénéfices de cette société, à proportion des droits qu'elle y détient ; qu'il n'en va autrement, de manière dérogatoire, que si l'entreprise démontre, ainsi que le prévoit le premier alinéa du II de l'article 209 B, que l'implantation de la filiale, détenue directement ou indirectement, dans un pays à régime fiscal privilégié n'a pas, pour la société mère, principalement pour objet d'échapper à l'impôt français ; que si une telle situation peut être présumée, c'est à la double condition, prévue aux deuxième et troisième alinéas du II de l'article 209 B, qu'il soit démontré, d'une part, que la société étrangère exerce à titre principal une activité industrielle ou commerciale effective, et, d'autre part, que les opérations qu'elle réalise dans le cadre de cette activité sont effectuées de manière prépondérante sur le marché local, cette dernière notion devant, en tant qu'elle autorise une dérogation à la règle de droit commun, être interprétée strictement ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SA Paribas détenait 100 % du capital de la société Pasta Investment Ltd, créée et gérée par sa succursale hongkongaise ; que l'administration fiscale fait valoir, sans être sérieusement contredite, que la société Pasta Investment Ltd n'a supporté aucun impôt sur les bénéfices réalisés au titre de l'année 1997 ; qu'ainsi, l'administration établit le caractère privilégié du régime fiscal de Hong Kong au sens de l'article 238 A précité du code général des impôts ; que, dès lors, la SA Paribas entrait dans le champ d'application des dispositions précitées du I de l'article 209 B du même code à raison des bénéfices réalisés par la société Pasta Investment Ltd ;

5. Considérant, toutefois, que la SA BNP PARIBAS indique, sans être sérieusement contredite, que la société Pasta Investment Ltd exerçait une activité de gestion des devises asiatiques détenues par des entités du groupe Paribas et, à ce titre, intervenait sur le marché japonais ; que la requérante soutient que cette activité ne pouvait être réalisée depuis la France compte tenu, d'une part, des contraintes du décalage horaire au regard de la nécessité d'intervenir en temps réel sur le marché obligataire japonais et, d'autre part, du recours à un personnel implanté localement en raison de sa meilleure connaissance des marchés et des interlocuteurs de la zone asiatique ; que la société soutient également que le choix de l'implantation de cette filiale à Hong Kong s'explique par la nécessité de recourir au personnel de la succursale de Paribas qui y était d'ores et déjà établie, la société Pasta Investment Ltd n'ayant pas d'effectifs propres ; que si le ministre fait valoir qu'il ne serait pas prouvé que les clients de la société Pasta Investment Ltd n'étaient pas des résidents français, que les fonds collectés ne provenaient pas de France et que la requérante n'aurait pas présenté d'éléments relatifs à la nature et à l'objet des placements, cette argumentation apparaît, compte tenu de l'activité de la société Pasta Investment Ltd et des explications avancées par la SA BNP PARIBAS, sans incidence sur l'appréciation des finalités poursuivies par la SA Paribas en implantant sa filiale à Hong Kong ; qu'il résulte de ce qui précède que la SA BNP PARIBAS apporte la preuve qui lui incombe que les opérations de la société Pasta Investment Ltd n'avaient pas, pour la SA Paribas, principalement pour objet d'échapper à l'impôt français ; qu'il suit de là que l'administration a fait une inexacte application des dispositions de l'article 209 B du code général des impôts en assujettissant la SA BNP PARIBAS, venant aux droits et obligations de la SA Paribas, à l'impôt sur les sociétés et aux contributions additionnelles sur cet impôt au titre de l'exercice clos en 1998, à raison des bénéfices réalisés par la société Pasta Investment Ltd ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la SA BNP PARIBAS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0606557 du 4 mai 2009 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : La SA BNP PARIBAS est déchargée, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et aux contributions additionnelles sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1998 à raison des bénéfices réalisés par la société Pasta Investment Ltd.

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N° 13VE00235


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 13VE00235
Date de la décision : 18/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. Personnes morales et bénéfices imposables.


Composition du Tribunal
Président : M. SOUMET
Rapporteur ?: M. Bruno COUDERT
Rapporteur public ?: Mme DIOUX-MOEBS
Avocat(s) : PONS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2013-07-18;13ve00235 ?
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