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18/07/2013 | FRANCE | N°13VE00234

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 18 juillet 2013, 13VE00234


Vu la décision n° 341129 du 26 décembre 2012 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, a, d'une part, annulé l'arrêt no 09VE02128 du 4 mai 2010 par lequel la Cour administrative d'appel de Versailles a annulé le jugement n° 0606556 du 4 mai 2009 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et déchargé la SA BNP PARIBAS des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles sur cet impôt auxquelles elle

a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1998, et a, d'a...

Vu la décision n° 341129 du 26 décembre 2012 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, a, d'une part, annulé l'arrêt no 09VE02128 du 4 mai 2010 par lequel la Cour administrative d'appel de Versailles a annulé le jugement n° 0606556 du 4 mai 2009 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et déchargé la SA BNP PARIBAS des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1998, et a, d'autre part, renvoyé l'affaire à la Cour, où elle a été enregistrée sous le n° 13VE00234 ;

Vu la requête, enregistrée le 30 juin 2009 sous le n° 09VE02128, présentée pour la SA BNP PARIBAS, dont le siège est 16 boulevard des Italiens à Paris (75009), par Me Pons, avocat ;

La SA BNP PARIBAS demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 0606556 en date du 4 mai 2009 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1998, en tant que venant aux droits et obligations de la SA Paribas, à raison des bénéfices réalisés par la société Paribas Suisse Guernesey Ltd, établie à Guernesey, ainsi que des pénalités correspondantes ;

2° de prononcer, à titre principal, la décharge de l'ensemble des impositions et pénalités contestées ou, à titre subsidiaire, la réduction des impositions et pénalités contestées ;

Elle soutient :

- que, pour pouvoir appliquer l'article 209 B du code général des impôts, l'administration devait démontrer l'existence d'un système fiscal privilégié au titre des revenus réalisés durant l'exercice auquel elle entend appliquer les mesures dérogatoires de l'article 209 B ; qu'à défaut d'avoir démontré sa position dans sa notification de redressements, le service n'est plus autorisé à appliquer l'article 209 B ;

- que les redressements en litige sont contraires au traité franco-suisse dès lors qu'ils conduisent à imposer en France la quote-part de résultat indirectement détenue par une société française par l'intermédiaire d'une société suisse ;

- que les dispositions du II de l'article 209 B du code général des impôts sont applicables à l'espèce, tant dans leur principe général fixé dans la première phrase sur l'effet de l'implantation, que dans l'exemple qui en est donné dans la seconde, concernant l'activité effective sur le marché local ; que les dispositions du II permettent aux sociétés d'établir les motivations qui ont abouti à l'implantation de la structure étrangère et de démontrer que l'objectif principal n'était pas d'échapper à l'impôt français, mais de développer leurs opérations ou d'autres motifs non fiscaux ; qu'une société dont l'objectif principal est de développer une activité qu'elle ne pourrait pas réaliser en France démontre bien que l'effet principal recherché par cette société lors de l'établissement de la structure étrangère n'est pas fiscal ; que la preuve apportée par la société ne concerne pas forcément son activité et son caractère local mais plus largement les effets fiscaux attendus de son implantation dans le pays à fiscalité privilégiée ; que cette preuve peut également consister à démontrer que la localisation n'a pas eu pour effet de délocaliser de l'assiette fiscale française ; qu'en constituant une filiale à Guernesey, la banque Paribas Suisse a entendu répondre à la demande d'une clientèle internationale souhaitant effectuer des dépôts fiduciaires dans ce pays, ce qui lui a permis de générer localement des profits qui n'auraient pas existé à défaut, ni en Suisse, ni en France ; que la notion de " marché local " ne signifie pas que les clients doivent obligatoirement habiter Guernesey mais implique seulement de montrer qu'il existe un marché local permettant de développer une activité pour l'entreprise qui s'y implante, ce qui est effectivement le cas à Guernesey en ce qui concerne les activités de banque privée ; que si les fonds n'avaient pas été investis à Guernesey, ils seraient restés en Suisse et non en France ; que, de même s'ils avaient été distribués et rapatriés vers son actionnaire, c'est vers Paribas Suisse que cette distribution aurait été effectuée et non vers Paribas ; qu'ainsi, la création de cette société à Guernesey ne peut vraisemblablement pas répondre à une logique fiscale au regard des impôts français de la part de Paribas Suisse et encore moins de Paribas ; que, dans ces conditions, les dispositions du II de l'article 209 B interdisaient d'imposer la SA Paribas sur sa quote-part de détention indirecte dans les résultats de la société Paribas Suisse Guernesey Ltd ;

- qu'en tout état de cause, les redressements doivent être corrigés dès lors que le service a omis de déduire l'impôt sur les sociétés acquitté localement ; qu'à tout le moins l'administration aurait dû déduire l'impôt de la base imposable ;

- que l'assujettissement de la SA Paribas aux contributions additionnelles prévues aux articles 235 ter ZA et 235 ter ZB du code général des impôts n'est pas fondé dès lors qu'il méconnaît les dispositions de l'article 209 B ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juillet 2013 :

- le rapport de M. Coudert, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public,

- et les observations de Me Pons, pour la SA BNP PARIBAS ;

1. Considérant qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité, la SA BNP PARIBAS, venant aux droits et obligations de la SA Paribas, a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles sur cet impôt au titre de l'exercice clos en 1998, à raison de l'inclusion dans son bénéfice taxable, en application des dispositions de l'article 209 B du code général des impôts, des bénéfices réalisés par la société Paribas Suisse Guernesey Ltd, établie à Guernesey ; que la SA BNP PARIBAS, relève régulièrement appel du jugement du 4 mai 2009 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires en litige, ainsi que des pénalités correspondantes ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 209 B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " I. Lorsqu'une entreprise passible de l'impôt sur les sociétés détient directement ou indirectement 25 % au moins des actions ou parts d'une société établie dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France dont le régime fiscal est privilégié au sens mentionné à l'article 238 A, cette entreprise est soumise à l'impôt sur les sociétés sur les résultats bénéficiaires de la société étrangère dans la proportion des droits sociaux qu'elle y détient. / Ces bénéfices font l'objet d'une imposition séparée. Ils sont réputés acquis le premier jour du mois qui suit la clôture de l'exercice de la société étrangère et sont déterminés selon les règles fixées par le présent code. / L'impôt acquitté localement par la société étrangère est imputable dans la proportion mentionnée au premier alinéa sur l'impôt établi en France à condition d'être comparable à l'impôt sur les sociétés. / (...) II. Les dispositions du I ne s'appliquent pas si l'entreprise établit que les opérations de la société étrangère n'ont pas principalement pour effet de permettre la localisation de bénéfices dans un Etat ou territoire où elle est soumise à un régime fiscal privilégié. Cette condition est réputée remplie notamment : / - lorsque la société étrangère a principalement une activité industrielle ou commerciale effective ; / - et qu'elle réalise ses opérations de façon prépondérante sur le marché local. (...) " ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 238 A du même code : " (...) les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'Etat ou le territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus notablement moins élevés qu'en France " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par leurs travaux préparatoires, que le législateur a entendu dissuader les entreprises passibles en France de l'impôt sur les sociétés de localiser, pour des raisons principalement fiscales, une partie de leurs bénéfices, au travers de filiales, créées par elles ou par une de leurs filiales dans des pays ou territoires à régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A du même code ; qu'à cette fin, le premier alinéa du I de l'article 209 B du code général des impôts prévoit, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige, que dans le cas où une entreprise passible en France de l'impôt sur les sociétés détient, directement ou indirectement, au moins 25 % des actions ou parts d'une société implantée dans un Etat ou territoire à régime fiscal privilégié, elle est normalement soumise à l'impôt sur les sociétés sur les bénéfices de cette société, à proportion des droits qu'elle y détient ; qu'il n'en va autrement, de manière dérogatoire, que si l'entreprise démontre, ainsi que le prévoit le premier alinéa du II de l'article 209 B, que l'implantation de la filiale, détenue directement ou indirectement, dans un pays à régime fiscal privilégié n'a pas, pour la société mère, principalement pour objet d'échapper à l'impôt français ; que si une telle situation peut être présumée, c'est à la double condition, prévue aux deuxième et troisième alinéas du II de l'article 209 B, qu'il soit démontré, d'une part, que la société étrangère exerce à titre principal une activité industrielle ou commerciale effective, et, d'autre part, que les opérations qu'elle réalise dans le cadre de cette activité sont effectuées de manière prépondérante sur le marché local, cette dernière notion devant, en tant qu'elle autorise une dérogation à la règle de droit commun, être interprétée strictement ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SA Paribas détenait directement ou indirectement au moins 25 % du capital de la société Paribas Suisse Guernesey Ltd ; que l'administration fiscale fait valoir, sans être contredite, que la société Paribas Suisse Guernesey Ltd a supporté une imposition au plus égale à 4 % de ses bénéfices au titre de l'année en litige, alors que ces mêmes bénéfices auraient été imposés en France à un taux notablement plus élevé ; qu'ainsi, l'administration établit le caractère privilégié du régime fiscal de Guernesey au sens de l'article 238 A précité du code général des impôts ; que, dès lors, la SA Paribas entrait dans le champ d'application des dispositions précitées du I de l'article 209 B du même code à raison des bénéfices réalisés par la société Paribas Suisse Guernesey Ltd ;

5. Considérant, toutefois, que la SA BNP PARIBAS indique que la société Paribas Suisse Guernesey Ltd, créée en 1982 par la société Paribas Suisse, exerçait une activité de banque privée à destination de clients particuliers internationaux attirés par la réglementation bancaire et fiscale de Guernesey et souhaitant y effectuer des dépôts fiduciaires ; que la requérante, qui justifie par les pièces produites de l'effectivité de l'activité commerciale en cause, soutient que la création de cette sous-filiale avait pour finalité le développement de l'activité de banque privée auprès de cette clientèle internationale ; que, compte tenu des objectifs poursuivis par cette clientèle, la SA BNP PARIBAS est fondée à soutenir que les opérations ainsi réalisées n'auraient pu être effectuées en France et qu'ainsi les profits dégagés par la société Paribas Suisse Guernesey Ltd au cours de l'année 1997 n'auraient pu être réalisés en France ; qu'à supposer même, ainsi que le fait valoir le ministre, que des résidents fiscaux français aient été au nombre des clients de la banque installée à Guernesey et que des fonds aient été collectés en France, cette double circonstance ne fait pas obstacle à ce que la SA BNP PARIBAS bénéficie des dispositions du II de l'article 209 B du code général des impôts dès lors que cet article a pour seule finalité la lutte contre l'éventuelle évasion fiscale d'une société française désirant minorer son impôt sur les sociétés et non celle des clients d'une de ses filiales établie dans un Etat ou territoire à régime fiscal privilégié ; que si le ministre fait également valoir que l'objet des placements ne serait pas précisé, il n'assortit pas son moyen de précisions suffisantes faute d'indiquer en quoi la nature desdits placements serait susceptible de faire obstacle à l'application des dispositions dudit II ; qu'il résulte de ce qui précède que la SA BNP PARIBAS apporte la preuve qui lui incombe que les opérations de la société Paribas Suisse Guernesey Ltd n'avaient pas, pour la SA Paribas, principalement pour objet d'échapper à l'impôt français ; qu'il suit de là que l'administration a fait une inexacte application des dispositions de l'article 209 B du code général des impôts en assujettissant la SA Paribas à l'impôt sur les sociétés et aux contributions additionnelles sur cet impôt au titre de l'exercice clos en 1998, à raison des bénéfices réalisés par la société Paribas Suisse Guernesey Ltd ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la SA BNP PARIBAS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 4 mai 2009 est annulé.

Article 2 : La SA BNP PARIBAS est déchargée, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie, en tant que venant aux droits et obligations de la SA Paribas, au titre de l'exercice clos en 1998.

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N° 13VE00234


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 13VE00234
Date de la décision : 18/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. Personnes morales et bénéfices imposables.


Composition du Tribunal
Président : M. SOUMET
Rapporteur ?: M. Bruno COUDERT
Rapporteur public ?: Mme DIOUX-MOEBS
Avocat(s) : PONS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2013-07-18;13ve00234 ?
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