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18/07/2013 | FRANCE | N°11VE03397

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 18 juillet 2013, 11VE03397


Vu la requête, enregistrée le 23 septembre 2011, présentée pour la SA BNP PARIBAS, dont le siège est 16 boulevard des Italiens à Paris (75009), par Me Pons, avocat ;

La SA BNP PARIBAS demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 0805771 en date du 8 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles sur cet impôt auxquelles la SA Paribas International a été assujettie au titre des exercices clos en 2002 et 20

03 à raison des bénéfices réalisés par la société United European Bank and Tru...

Vu la requête, enregistrée le 23 septembre 2011, présentée pour la SA BNP PARIBAS, dont le siège est 16 boulevard des Italiens à Paris (75009), par Me Pons, avocat ;

La SA BNP PARIBAS demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 0805771 en date du 8 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles sur cet impôt auxquelles la SA Paribas International a été assujettie au titre des exercices clos en 2002 et 2003 à raison des bénéfices réalisés par la société United European Bank and Trust Ltd, établie à Nassau (Bahamas) ;

2° de prononcer la décharge, à titre principal, de l'ensemble des impositions et pénalités contestées ou, à titre subsidiaire, des intérêts de retard dont les impositions en litige ont été assorties ;

Elle soutient :

- que les dispositions du II bis de l'article 209 B du code général des impôts sont applicables à l'espèce, tant dans leur principe général fixé dans la première phrase sur l'effet de l'implantation, que dans l'exemple qui en est donné dans la seconde, concernant l'activité effective sur le marché local ; que les dispositions du II bis permettent aux sociétés d'établir les motivations qui ont abouti à l'implantation de la structure étrangère et de démontrer que l'objectif principal n'était pas d'échapper à l'impôt français mais de développer leurs opérations ou d'autres motifs ; que seule la délocalisation des profits français empêcherait d'invoquer la clause de sauvegarde ; que l'évasion fiscale présumée concerne la société à laquelle l'article 209 B est appliqué, mais pas l'évasion éventuelle de ses clients ; que l'exigence par le ministre de la preuve de l'activité de la société sur le marché local auprès de clients résidant aux Bahamas est injustifiée s'il est démontré que l'effet principal de l'implantation n'est pas d'échapper à l'impôt français ; qu'une société dont l'objectif principal est de développer une activité qu'elle ne pourrait pas réaliser en France démontre bien que l'effet principal recherché n'est pas d'échapper à l'impôt français ; que l'acquisition d'UEB Nassau visait à accéder à la clientèle internationale avec qui elle exerçait son activité, pas à la société mère indirecte française de bénéficier de la fiscalité locale en délocalisant des profits français ; que le principe général d'exclusion prévu par la première partie de la clause de sauvegarde permet à BNP PARIBAS de ne pas se voir appliquer les dispositions de l'article 209 B, sans même avoir à discuter la notion d'activité sur le marché local ; qu'au surplus, il est constant qu'UEB Nassau avait une activité réelle ; que la notion de " marché local " ne signifie aucunement que les clients doivent habiter aux Bahamas, mais nécessite seulement de montrer qu'il existe un marché local permettant de développer une activité pour l'entreprise qui s'y implante ; que tel est le cas pour les activités de banque privée aux Bahamas ;

- que le redressement est contraire à la convention fiscale franco-suisse ; que les résultats d'UEB Nassau, qui auraient dû remonter vers son actionnaire unique, la banque suisse UEB, ne peuvent être imposés en France sans méconnaître la convention franco-suisse ;

- que dès lors que la SA Paribas International avait déclaré l'existence de sa filiale, l'administration ne pouvait pas assortir les cotisations supplémentaires en litige des intérêts de retard ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juillet 2013 :

- le rapport de M. Coudert, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public,

- et les observations de Me Pons, pour la SA BNP PARIBAS ;

1. Considérant qu'à l'issue des procédures de vérification de comptabilité et de contrôle sur pièces dont elle a fait l'objet au titre des exercices clos en 2001, 2002 et 2003, la SA Paribas International a été assujettie à l'impôt sur les sociétés, à la contribution sur l'impôt sur les sociétés prévue à l'article 235 ter ZA du code général des impôts et à la contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés prévue à l'article 235 ter ZC du même code au titre des exercices clos en 2002 et 2003, à raison de l'inclusion dans son bénéfice taxable, en application des dispositions de l'article 209 B du code général des impôts, des bénéfices réalisés par la société United European Bank and Trust Ltd, établie à Nassau (Bahamas) ; que la SA BNP PARIBAS relève régulièrement appel du jugement du 8 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires en litige ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 209 B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " (...) I bis 1. Lorsqu'une personne morale passible de l'impôt sur les sociétés exploite une entreprise hors de France ou détient directement ou indirectement 10 % au moins des actions, parts, droits financiers ou droits de vote dans une société ou un groupement, établi hors de France, ou détient dans une telle société ou groupement une participation dont le prix de revient est égal ou supérieur à 150 millions de francs et que cette entreprise, cette société ou ce groupement est soumis à un régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A, le résultat bénéficiaire de l'entreprise, de la société ou du groupement est réputé constituer un résultat de cette personne morale et, s'il s'agit d'une société ou d'un groupement, ce résultat est retenu dans la proportion des actions, parts, droits financiers qu'elle y détient directement ou indirectement. (...) II bis. Les dispositions du I bis ne s'appliquent pas si la personne morale établit que les opérations de l'entreprise, de la société ou du groupement, établi hors de France n'ont pas principalement pour effet de permettre la localisation de bénéfices dans un Etat ou territoire où elle est soumise à un régime fiscal privilégié. Cette condition est réputée remplie notamment : / - lorsque l'entreprise, la société ou le groupement établi hors de France a principalement une activité industrielle ou commerciale effective ; / - et qu'il réalise ses opérations de façon prépondérante sur le marché local. / (...) " ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 238 A du même code : " (...) les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'Etat ou le territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus notablement moins élevés qu'en France " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par leurs travaux préparatoires, que le législateur a entendu dissuader les entreprises passibles en France de l'impôt sur les sociétés de localiser, pour des raisons principalement fiscales, une partie de leurs bénéfices, au travers de filiales, créées par elles ou par une de leurs filiales dans des pays ou territoires à régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A du même code ; qu'à cette fin, le premier alinéa du I bis de l'article 209 B du code général des impôts prévoit, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige, que dans le cas où une entreprise passible en France de l'impôt sur les sociétés détient, directement ou indirectement, au moins 10 % des actions ou parts d'une société implantée dans un Etat ou territoire à régime fiscal privilégié, elle est normalement soumise à l'impôt sur les sociétés sur les bénéfices de cette société, à proportion des droits qu'elle y détient ; qu'il n'en va autrement, de manière dérogatoire, que si l'entreprise démontre, ainsi que le prévoit le premier alinéa du II bis de l'article 209 B, que l'implantation de la filiale, détenue directement ou indirectement, dans un pays à régime fiscal privilégié n'a pas, pour la société mère, principalement pour objet d'échapper à l'impôt français ; que si une telle situation peut être présumée, c'est à la double condition, prévue aux deuxième et troisième alinéas du II bis de l'article 209 B, qu'il soit démontré, d'une part, que la société étrangère exerce à titre principal une activité industrielle ou commerciale effective, et, d'autre part, que les opérations qu'elle réalise dans le cadre de cette activité sont effectuées de manière prépondérante sur le marché local, cette dernière notion devant, en tant qu'elle autorise une dérogation à la règle de droit commun, être interprétée strictement ;

4. Considérant qu'au titre des années en litige, la SA Paribas International détenait indirectement 46,84 % des actions de la société United European Bank and Trust Ltd ; que l'administration fait valoir, sans être sérieusement contredite, que la société United European Bank and Trust Ltd n'a supporté aux Bahamas aucun impôt sur les bénéfices équivalent à l'impôt sur les sociétés français et établit ainsi que cette société a été soumise à un régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A du code général des impôts ; que, dès lors, la SA Paribas International entrait dans le champ d'application des dispositions précitées du I bis de l'article 209 B du même code à raison des bénéfices réalisés par cette société bahamienne ;

5. Considérant, toutefois, que la SA BNP PARIBAS indique que la société United European Bank and Trust Ltd, acquise en 1997, exerçait une activité de banque privée à destination de clients particuliers internationaux attirés par la réglementation bancaire et fiscale des Bahamas et souhaitant y effectuer des opérations bancaires et fiduciaires ; que la requérante, qui justifie par les pièces produites de l'effectivité de l'activité commerciale en cause, soutient que l'acquisition de cette filiale bahamienne avait pour finalité le développement de l'activité de banque privée auprès de cette clientèle internationale ; que, compte tenu des objectifs poursuivis par cette clientèle, la SA BNP PARIBAS est fondée à soutenir que les opérations ainsi réalisées n'auraient pu être effectuées en France et qu'ainsi les profits dégagés par la société United European Bank and Trust Ltd au cours des années 2001 et 2002 n'auraient pu être réalisés en France ; qu'à supposer même, ainsi que le fait valoir le ministre, que des résidents fiscaux français aient été au nombre des clients de la banque bahamienne et que des fonds aient été collectés en France, cette double circonstance ne fait pas obstacle à ce que la SA BNP PARIBAS bénéficie des dispositions du II bis de l'article 209 B du code général des impôts dès lors que cet article a pour seule finalité la lutte contre l'éventuelle évasion fiscale d'une société française désirant minorer son impôt sur les sociétés et non celle des clients d'une de ses filiales établie dans un Etat ou territoire à régime fiscal privilégié ; que si le ministre fait également valoir que l'objet des placements ne serait pas précisé, il n'assortit pas son moyen de précisions suffisantes faute d'indiquer en quoi la nature desdits placements serait susceptible de faire obstacle à l'application des dispositions dudit II bis ; qu'il résulte de ce qui précède que la SA BNP PARIBAS apporte la preuve qui lui incombe que les opérations de la société United European Bank and Trust Ltd n'avaient pas, pour la SA Paribas International, principalement pour objet d'échapper à l'impôt français ; qu'il suit de là que l'administration a fait une inexacte application des dispositions de l'article 209 B du code général des impôts en assujettissant la SA Paribas International à l'impôt sur les sociétés et à la contribution additionnelle sur cet impôt au titre des exercices clos en 2002 et 2003 à raison des bénéfices réalisés par la société United European Bank and Trust Ltd ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la SA BNP PARIBAS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par la SA BNP PARIBAS et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 8 juillet 2011 est annulé.

Article 2 : La SA BNP PARIBAS est déchargée, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles sur cet impôt auxquelles la SA Paribas International a été assujettie au titre des exercices clos en 2002 et 2003 à raison des bénéfices réalisés par la société United European Bank and Trust Ltd.

Article 3 : L'Etat versera à la SA BNP PARIBAS une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SA BNP PARIBAS est rejeté.

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N° 11VE03397


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. Personnes morales et bénéfices imposables.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. SOUMET
Rapporteur ?: M. Bruno COUDERT
Rapporteur public ?: Mme DIOUX-MOEBS
Avocat(s) : PONS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Date de la décision : 18/07/2013
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 11VE03397
Numéro NOR : CETATEXT000027906046 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2013-07-18;11ve03397 ?
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