Vu le recours, enregistré le 25 août 2011, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT ;
Le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT demande à la Cour :
1° d'annuler l'article 1er du jugement n° 1007442 en date du 30 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a déchargé la SA BNP Paribas, venant aux droits de la SA Française Auxiliaire, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2003, 2004 et 2005 à raison des bénéfices réalisés par la société Paribas Suisse Guernesey Ltd, établie à Guernesey, ainsi que des pénalités correspondantes ;
2° de remettre à la charge de la SA BNP Paribas les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle sur cet impôt dont la décharge a été prononcée à tort ;
Il soutient que les conditions d'application de l'article 209 B du code général des impôts étaient satisfaites, ainsi que l'a expressément relevé le Tribunal administratif de Montreuil ; qu'il appartenait par conséquent au contribuable de justifier que les opérations de la société étrangère n'ont pas eu principalement pour effet de permettre la localisation de bénéfices dans un Etat ou un territoire où elle est soumise à un régime fiscal privilégié ; que cette preuve est réputée apportée lorsque la société étrangère se livre principalement à une activité industrielle ou commerciale effective réalisée de façon prépondérante sur le marché local ; que les premiers juges ont retenu, au... ; que le caractère effectif de cette activité n'a pas été davantage justifié ; que le tribunal a également commis une erreur de droit en considérant que cette activité était réalisée sur le marché local de Guernesey ; que la notion de marché local doit être interprétée de manière extrêmement stricte ; que le tribunal s'est mépris sur le champ d'application de l'article 209 B du code général des impôts ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juillet 2013 :
- le rapport de M. Coudert, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., pour la SA BNP Paribas ;
1. Considérant qu'à l'issue de la vérification de comptabilité dont la SA Française Auxiliaire a fait l'objet au titre des exercices clos en 2003, 2004 et 2005, la SA BNP Paribas, venant aux droits et obligations de cette société, a été assujettie à l'impôt sur les sociétés et à la contribution sur l'impôt sur les sociétés prévue à l'article 235 ter ZA du code général des impôts au titre desdits exercices, à raison de l'inclusion dans le bénéfice taxable de la société, en application des dispositions de l'article 209 B du code général des impôts, des bénéfices réalisés par la société Paribas Suisse Guernesey Ltd, établie à Guernesey ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT, relève régulièrement appel du jugement du 30 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a déchargé la SA BNP Paribas des impositions supplémentaires en litige ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 209 B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " (...) I bis 1. Lorsqu'une personne morale passible de l'impôt sur les sociétés exploite une entreprise hors de France ou détient directement ou indirectement 10 % au moins des actions, parts, droits financiers ou droits de vote dans une société ou un groupement, établi hors de France, ou détient dans une telle société ou groupement une participation dont le prix de revient est égal ou supérieur à 150 millions de francs et que cette entreprise, cette société ou ce groupement est soumis à un régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A, le résultat bénéficiaire de l'entreprise, de la société ou du groupement est réputé constituer un résultat de cette personne morale et, s'il s'agit d'une société ou d'un groupement, ce résultat est retenu dans la proportion des actions, parts, droits financiers qu'elle y détient directement ou indirectement. (...) II bis. Les dispositions du I bis ne s'appliquent pas si la personne morale établit que les opérations de l'entreprise, de la société ou du groupement, établi hors de France n'ont pas principalement pour effet de permettre la localisation de bénéfices dans un Etat ou territoire où elle est soumise à un régime fiscal privilégié. Cette condition est réputée remplie notamment : / - lorsque l'entreprise, la société ou le groupement établi hors de France a principalement une activité industrielle ou commerciale effective ; / - et qu'il réalise ses opérations de façon prépondérante sur le marché local. / (...) " ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 238 A du même code : " (...) les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'Etat ou le territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus notablement moins élevés qu'en France " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par leurs travaux préparatoires, que le législateur a entendu dissuader les entreprises passibles en France de l'impôt sur les sociétés de localiser, pour des raisons principalement fiscales, une partie de leurs bénéfices, au travers de filiales, créées par elles ou par une de leurs filiales dans des pays ou territoires à régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A du même code ; qu'à cette fin, le premier alinéa du I bis de l'article 209 B du code général des impôts prévoit, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige, que dans le cas où une entreprise passible en France de l'impôt sur les sociétés détient, directement ou indirectement, au moins 10 % des actions ou parts d'une société implantée dans un Etat ou territoire à régime fiscal privilégié, elle est normalement soumise à l'impôt sur les sociétés sur les bénéfices de cette société, à proportion des droits qu'elle y détient ; qu'il n'en va autrement, de manière dérogatoire, que si l'entreprise démontre, ainsi que le prévoit le premier alinéa du II bis de l'article 209 B, que l'implantation de la filiale, détenue directement ou indirectement, dans un pays à régime fiscal privilégié n'a pas, pour la société mère, principalement pour objet d'échapper à l'impôt français ; que si une telle situation peut être présumée, c'est à la double condition, prévue aux deuxième et troisième alinéas du II bis de l'article 209 B, qu'il soit démontré, d'une part, que la société étrangère exerce à titre principal une activité industrielle ou commerciale effective, et, d'autre part, que les opérations qu'elle réalise dans le cadre de cette activité sont effectuées de manière prépondérante sur le marché local, cette dernière notion devant, en tant qu'elle autorise une dérogation à la règle de droit commun, être interprétée strictement ;
4. Considérant qu'il résulte des écritures mêmes de la SA BNP Paribas que l'activité de banque privée internationale de la société Paribas Suisse Guernesey Ltd consistait en la collecte de fonds de clients particuliers internationaux ; qu'ainsi, les opérations réalisées par cette société guernesiaise dans le cadre de cette activité ne sauraient être regardées comme étant effectuées de manière prépondérante sur le marché local ; que, par suite, le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT, est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Montreuil a estimé que la SA BNP Paribas remplissait les conditions prévues aux deuxième et troisième alinéas du II bis de l'article 209 B du code général des impôts pour qu'il soit présumé que les opérations de la société Paribas Suisse Guernesey Ltd n'avaient pas eu principalement pour objet d'échapper à l'impôt français ;
5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SA BNP Paribas devant le tribunal administratif et la cour administrative d'appel ;
6. Considérant que la SA Française Auxiliaire détenait indirectement 10 % des actions de la société Paribas Suisse Guernesey Ltd ; que l'administration soutient, sans être sérieusement contredite, que la société Paribas Suisse Guernesey Ltd n'a supporté à Guernesey aucun impôt sur les bénéfices équivalent à l'impôt sur les sociétés français et établit ainsi que cette société a été soumise à un régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A du code général des impôts ; que, dès lors, la SA Française Auxiliaire entrait dans le champ d'application des dispositions précitées du I bis de l'article 209 B du même code à raison des bénéfices réalisés par cette société guernésiaise ;
7. Considérant, toutefois, que la SA BNP Paribas indique que la société Paribas Suisse Guernesey Ltd, créée en 1982 par la société Paribas Suisse, exerçait une activité de banque privée à destination de clients particuliers internationaux attirés par la réglementation bancaire et fiscale de Guernesey et souhaitant y effectuer des dépôts fiduciaires ; que l'intimée, qui justifie par les pièces produites de l'effectivité de l'activité commerciale en cause, fait valoir que la création de cette sous-filiale avait pour finalité le développement de l'activité de banque privée auprès de cette clientèle internationale ; que, compte tenu des objectifs poursuivis par cette clientèle, la SA BNP Paribas est fondée à soutenir que les opérations ainsi réalisées n'auraient pu être effectuées en France et qu'ainsi les profits dégagés par la société Paribas Suisse Guernesey Ltd au cours des années 2002, 2003 et 2004 n'auraient pu être réalisés en France ; qu'à supposer même, ainsi que le soutient le ministre, que des résidents fiscaux français aient été au nombre des clients de la banque installée à Guernesey et que des fonds aient été collectés en France, cette double circonstance ne fait pas obstacle à ce que la SA BNP Paribas bénéficie des dispositions du II bis de l'article 209 B du code général des impôts dès lors que cet article a pour seule finalité la lutte contre l'éventuelle évasion fiscale d'une société française désirant minorer son impôt sur les sociétés et non celle des clients d'une de ses filiales établie dans un Etat ou territoire à régime fiscal privilégié ; que si le ministre soutient également que l'objet des placements ne serait pas précisé, il n'assortit pas son moyen de précisions suffisantes faute d'indiquer en quoi la nature desdits placements serait susceptible de faire obstacle à l'application des dispositions dudit II bis ; qu'il résulte de ce qui précède que la SA BNP Paribas apporte la preuve qui lui incombe que les opérations de la société Paribas Suisse Guernesey Ltd n'avaient pas, pour la SA Française Auxiliaire, principalement pour objet d'échapper à l'impôt français ; qu'il suit de là que l'administration a fait une inexacte application des dispositions de l'article 209 B du code général des impôts en assujettissant la SA BNP Paribas, en tant que venant aux droits et obligations de la SA Française Auxiliaire, à l'impôt sur les sociétés et à la contribution additionnelle sur cet impôt au titre des exercices clos en 2003, 2004 et 2005 à raison des bénéfices réalisés par la société Paribas Suisse Guernesey Ltd ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a fait droit à la demande de la SA BNP Paribas ;
DECIDE :
Article 1er : Le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT est rejeté.
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N° 11VE03149