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18/07/2013 | FRANCE | N°10VE01612

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 18 juillet 2013, 10VE01612


Vu la requête, enregistrée le 25 mai 2010, présentée pour la société COLAS NORD PICARDIE, dont le siège est 197 rue du 8 mai 1945 à Villeneuve-d'Ascq (59650), par le cabinet CMS Bureau Francis Lefebvre, avocat ;

La société COLAS NORD PICARDIE demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 0809102 du 11 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil l'a déchargée, s'il y a lieu, de la différence entre les cotisations de taxe d'apprentissage et de participation des employeurs à l'effort de construction auxquelles elle a été assujettie au titre des

années 2003 à 2005 et celles résultant de l'intégration dans la base d'imposit...

Vu la requête, enregistrée le 25 mai 2010, présentée pour la société COLAS NORD PICARDIE, dont le siège est 197 rue du 8 mai 1945 à Villeneuve-d'Ascq (59650), par le cabinet CMS Bureau Francis Lefebvre, avocat ;

La société COLAS NORD PICARDIE demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 0809102 du 11 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil l'a déchargée, s'il y a lieu, de la différence entre les cotisations de taxe d'apprentissage et de participation des employeurs à l'effort de construction auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2003 à 2005 et celles résultant de l'intégration dans la base d'imposition de ces taxes du montant des indemnités de congés payés qu'elle aurait versé à ses salariés si elle n'avait pas été affiliée à une caisse de congés payés et, d'autre part, a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge desdites cotisations supplémentaires ;

2° de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat aux entiers dépens ;

Elle soutient que :

- dans les professions relevant des caisses de congés payés, les indemnités versées par ces caisses n'ont pas à être retenues dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale et, par voie, de conséquence, dans l'assiette des taxes assises sur les salaires ; en alignant l'assiette des taxes assises sur les salaires, telles les deux taxes en litige, sur celles des cotisations de sécurité sociale, le législateur a entendu appliquer aux premières l'intégralité des règles régissant les secondes ;

- la circulaire DSS/SDAA/AI du 28 juillet 1993 prévoit explicitement que, dans les professions relevant des caisses de congés payés, l'employeur n'a pas à tenir compte dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale, des indemnités de congés payés versées aux salariés par les caisses ; dès lors, il en va de même pour la taxe d'apprentissage et la participation des employeurs à l'effort de construction ;

- la doctrine administrative s'est expressément prononcée dans le sens de l'exclusion des indemnités versées par les caisses de congés payés de l'assiette des taxes assises sur les salaires ; la réponse ministérielle faite à M.A..., député le 7 février 1976, reprise dans l'instruction administrative référencée 5 L-7-76, qui est restée opposable jusqu'au 17 février 1999, date à laquelle elle a été expressément rapportée, exclut de l'assiette de la participation des employeurs à l'effort de construction les indemnités de congés payées versées par les caisses ;

- en matière de participation à l'effort de construction, la loi ne vise que les versements effectués par les employeurs ;

- le caractère forfaitaire du redressement ne permet pas de regarder les sommes en cause comme des rémunérations ; en effet, les cotisations forfaitaires versées aux caisses ne sont pas affectées exclusivement au paiement des indemnités de congés payés et alimentent notamment un fonds de réserve, les frais généraux et les charges salariales de la caisse ou encore un compte de dotations aux provisions ; en outre, les cotisations ne se traduisent pas nécessairement l'année de leur perception par la caisse par le versement d'indemnités de congés payés lorsque, par exemple, des salariés quittent l'entreprise ou diffèrent leurs droits à congés ;

- l'administration ne saurait fonder son redressement en se référant à des règles applicables à la participation au développement de la formation professionnelle continue ; en la matière, le décret n° 89-365 du 8 juin 1989 précise que la cotisation est assise sur les rémunérations y compris les indemnités versées par les caisses ; ainsi, le taux forfaitaire de 13,14 %, qui est retenu en matière de participation au développement de la formation professionnelle continue ne saurait être appliqué, sans base légale, en matière de taxe d'apprentissage et de participation des employeurs à l'effort de construction ; le taux de 13,14 % excède le taux de 10 % qui est retenu par la loi pour définir le montant des indemnités de congés payés ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 juillet 2013 :

- le rapport de M. Bresse, président assesseur,

- et les conclusions de M. Locatelli, rapporteur public ;

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, faute de connaître le montant des indemnités de congés payés que la société COLAS NORD PICARDIE, qui exerce son activité dans le secteur du bâtiment et est, à ce titre, obligatoirement affiliée à une caisse de congés payés, aurait versé à ses salariés en l'absence d'affiliation obligatoire à une caisse ou les éléments permettant de procéder au calcul de ce montant, l'administration s'est livrée à une évaluation de ces indemnités en appliquant aux rémunérations versées par la requérante au cours des années concernées un taux de 13,14 %, qui correspond au rapport entre le nombre de jours de congés payés et la masse salariale des entreprises du bâtiment et qui est retenu, pour le calcul de la participation des employeurs à la formation professionnelle continue en application d'un accord collectif du 31 décembre 1979 ; que la société COLAS NORD PICARDIE fait appel du jugement du 11 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil l'a déchargée, s'il y a lieu, de la différence entre les cotisations de taxe d'apprentissage et de participation des employeurs à l'effort de construction auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2003 à 2005 et celles résultant de l'intégration dans la base d'imposition de ces taxes du montant des indemnités de congés payés qu'elle aurait versé à ses salariés si elle n'avait pas été affiliée à une caisse de congés payés et a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge desdites cotisations supplémentaires ;

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant que, par une décision en date du 31 mai 2013, postérieure à l'introduction de la requête, l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction des vérifications nationales et internationales a prononcé un dégrèvement partiel en droits et intérêts de retard à hauteur de, respectivement, 2685 euros s'agissant de la taxe d'apprentissage des années 2003 à 2005, de 9477 euros s'agissant de la participation des employeurs à l'effort de construction des années 2003 à 2005 et de 1245 euros s'agissant des intérêts de retard ; que, dans cette mesure, les conclusions de la requête relatives à ces impositions sont devenues sans objet ; qu'il y a pas lieu pour la Cour d'y statuer ;

Sur le surplus des conclusions de la requête :

En ce qui concerne la question prioritaire de constitutionnalité :

3. Considérant que, par sa décision du 13 janvier 2011, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions du 1 de l'article 235 bis du code général des impôts ; que, par suite, sans qu'il soit besoin de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que ces dispositions méconnaîtraient les droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

4. Considérant qu'il est de l'office du juge de plein contentieux fiscal de fixer exactement le montant des droits faisant l'objet de la décision de décharge qu'il prononce ou, à défaut, de fixer avec précision les bases sur lesquelles ils doivent être calculés ; que, par suite, le tribunal administratif ne pouvait se borner à décider que la société COLAS NORD PICARDIE était " déchargée s'il y a lieu ", de la différence entre les cotisations des taxes en litige auxquelles elle avait été assujettie et celles résultant du montant des indemnités de congés payés qu'elle aurait dû en l'absence d'affiliation obligatoire à une caisse de congés payés alors qu'il lui appartenait, le cas échéant, après avoir prescrit une mesure d'instruction, de fixer lui-même les nouvelles bases d'imposition qu'il entendait assigner à la société COLAS NORD PICARDIE ; qu'à défaut de l'avoir fait, le tribunal a méconnu sa propre compétence et a entaché sa décision d'irrégularité ; qu'il y a lieu, pour ce motif, d'annuler le jugement attaqué ;

5. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société COLAS NORD PICARDIE devant le Tribunal administratif de Montreuil ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions en litige :

Quant au principe de l'inclusion des indemnités de congés payés dans l'assiette de la taxe d'apprentissage et de la participation des employeurs à l'effort de construction :

6. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de la combinaison notamment des dispositions des articles 224, 225 et 235 bis du code général des impôts et de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, que l'assiette de la taxe d'apprentissage et de la participation des employeurs à l'effort de construction auxquelles est assujetti un employeur est constituée par l'ensemble des rémunérations dues par celui-ci à ses salariés en contrepartie ou à l'occasion du travail, y compris les indemnités de congés payés ; que la circonstance que le service des indemnités de congés payés soit assuré pour son compte par une caisse de congés payés à laquelle il est affilié en vertu de l'article 223-16 du code du travail, devenu l'article L. 3141-30, est sans incidence sur l'assiette de ces prélèvements et sur l'assujettissement de l'employeur ; que, par suite, l'administration était en droit d'inclure, dans l'assiette de la taxe et de la participation en litige, les indemnités de congés payés dues par la requérante à ses salariés ;

7. Considérant, en second lieu, que la Société COLAS NORD PICARDIE n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle faite à M.A..., député, le 13 avril 1976, député, reprise dans l'instruction administrative référencée 5 L-7-76, et confirmée dans la lettre adressée le 4 mai 1977 par le ministre de l'économie et des finances au secrétaire général de la Fédération nationale du bâtiment, dont les dispositions sont devenues caduques à la suite de l'entrée en vigueur de la loi n° 95-116 du 4 février 1995 portant diverses dispositions d'ordre social, qui a aligné la base de la taxe d'apprentissage et de la participation des employeurs à l'effort de construction sur celle des cotisations sociales laquelle comprend les indemnités de congés payés ; que la société requérante n'est pas fondée, en outre, à se prévaloir de la réponse ministérielle n° 119512 du 24 avril 2007, faite à M.B..., député, postérieure aux années d'imposition en litige ; qu'elle ne saurait invoquer, sur le fondement des mêmes dispositions, la circulaire du ministre du travail du 28 juillet 1993 qui ne comporte aucune interprétation d'un texte fiscal ;

Quant au montant de l'imposition :

8. Considérant qu'il résulte des dispositions du code général des impôts et du code de la sécurité sociale qui viennent d'être mentionnées, ainsi que de celles des articles L. 223-16, D. 732-1, D. 732-5 et D. 732-6 du code du travail, respectivement devenus les articles L. 3141-30, D. 3141-12, D. 3141-29 et D. 3141-31 de ce code, que, pour le calcul des indemnités de congés payés à prendre en compte dans l'assiette des taxes en litige, il convient de retenir le montant des indemnités de congés payés dû par l'employeur à ses salariés en application des dispositions du code du travail et des conventions collectives ou accords applicables à la profession, c'est à dire le montant que l'employeur aurait versé à ses salariés en l'absence d'affiliation obligatoire à une caisse ;

9. Considérant, en premier lieu, qu'en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir, ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ;

10. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, par une décision en date du 31 mai 2013, l'administration a octroyé un dégrèvement à la société COLAS NORD PICARDIE en application des principes énoncés ci dessus au vu des éléments chiffrés produits par la société elle-même sur le montant des indemnités de congés payés qu'elle aurait versées, en l'absence d'affiliation à une caisse de congés payés, et devant, par suite, être incluses dans la base taxable ; que la société ne saurait donc prétendre à une réduction supplémentaire de sa base imposable ;

11. Considérant, en second lieu, que la société COLAS NORD PICARDIE soutient que l'administration fiscale ne pouvait, sans méconnaître le principe d'égalité devant l'impôt, lui appliquer le taux de 2% en matière de participation des employeurs à l'effort de construction dès lors qu'elle a retenu le taux normal de 0,45 % s'agissant des redressements opérés à l'égard d'autres contribuables placés dans une situation identique ; que, toutefois, les impositions en litige ayant été établies conformément à la loi fiscale, la requérante ne peut utilement soutenir que son assujettissement porterait atteinte au principe d'égalité devant l'impôt ; que, par ailleurs, la position qu'aurait prise l'administration à l'égard d'un autre contribuable ne peut être regardée comme une interprétation de la loi, formellement admise par l'administration, au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Société COLAS NORD PICARDIE n'est pas fondée à demander la décharge des cotisations supplémentaires de taxe d'apprentissage et de participation des employeurs à l'effort de construction auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2003 à 2005 restant à sa charge ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la Société COLAS NORD PICARDIE et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la société COLAS NORD PICARDIE tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe d'apprentissage et de participation des employeurs à l'effort de construction au titre des années 2003 à 2005, ainsi que des intérêts de retard correspondants, à hauteur des dégrèvements prononcés par décision du 31 mai 2013.

Article 2 : Le jugement n° 0809102 en date du 11 mars 2010 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé en tant qu'il statue sur les impositions restant en litige.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à la société COLAS NORD PICARDIE au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande et de la requête de la société COLAS NORD PICARDIE est rejeté.

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N° 10VE01612


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 10VE01612
Date de la décision : 18/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts assis sur les salaires ou les honoraires versés - Participation des employeurs à l'effort de construction.

Contributions et taxes - Impôts assis sur les salaires ou les honoraires versés - Taxe d'apprentissage.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Patrick BRESSE
Rapporteur public ?: M. LOCATELLI
Avocat(s) : C/M/S/ BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2013-07-18;10ve01612 ?
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