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18/07/2013 | FRANCE | N°10VE00949

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 18 juillet 2013, 10VE00949


Vu la requête, enregistrée le 5 mars 2010, présentée pour la société SODEXO venant aux droits de la société France Restauration et services (société SODEXHO) dont le siège social est situé 255 quai de la bataille de Stalingrad à Issy-les-Moulineaux (92130), présentée par Me Symchowicz, avocat à la Cour ;

La société SODEXO demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 0611672 en date du 18 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le maire

de la commune de Viry-Châtillon sur sa demande d'indemnisation du préjudice à elle c...

Vu la requête, enregistrée le 5 mars 2010, présentée pour la société SODEXO venant aux droits de la société France Restauration et services (société SODEXHO) dont le siège social est situé 255 quai de la bataille de Stalingrad à Issy-les-Moulineaux (92130), présentée par Me Symchowicz, avocat à la Cour ;

La société SODEXO demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 0611672 en date du 18 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le maire de la commune de Viry-Châtillon sur sa demande d'indemnisation du préjudice à elle causé par la résiliation du contrat de concession du service de la restauration scolaire et municipale, et de condamnation de ladite commune à lui verser la somme de 1 715 114 euros HT en réparation du préjudice causé par la décision de résiliation du contrat ;

2° de condamner la commune de Viry-Châtillon à lui verser la somme de 1 715 114 euros HT en réparation du préjudice causé par la décision de résiliation du contrat, assortie des intérêts moratoires à la date de la demande préalable ;

3° de mettre à la charge de la commune de Viry-Châtillon la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé puisqu'il comprend une contradiction de motifs et une contradiction entre ses motifs et son dispositif ;

- les premiers juges ont méconnu leur office en ne procédant pas à une expertise préalable au rejet de ses conclusions indemnitaires ;

- elle a droit à la réparation intégrale de son préjudice (pertes subies, gain manqué, préjudice commercial ou moral) comme le stipulait l'article 58 du contrat de concession, à hauteur de 1 375 294 euros HT au titre de la perte subie, de 109 031, 53 euros H.T au titre des travaux réalisés non amortis, de 266 263 euros au titre des frais fixes de fonctionnement de la cuisine centrale et 1 000 000 euros au titre du préjudice moral engendré par la résiliation du contrat, de 339 820 euros H.T. au titre du gain manqué, et qu'elle a bien justifié de ces demandes ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juillet 2013 :

- le rapport de Mme Mégret, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Courault, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour la société SODEXO et de Me du Besset pour la Commune de Viry-Châtillon ;

1. Considérant que, par un contrat de concession conclu le 6 juillet 1994, la commune de Viry-Châtillon a confié à la société SODEXHO FRANCE RESTAURATION ET SERVICES aux droits de laquelle vient la société SODEXO le service de restauration scolaire et municipale de la commune pour une durée de quinze ans ; que, par un avenant n°1 signé le 30 mai 1995, les stipulations initiales relatives aux prix des repas ont été modifiées afin de couvrir, sur toute la durée de la convention, l'ensemble de frais engagés par la société, notamment la prise en compte des frais d'investissements mobiliers et immobiliers ; que, par une délibération du 20 décembre 2001, la commune de Viry-Châtillon a résilié le contrat de concession pour un motif d'intérêt général, avec effet à compter du 30 juin 2002, soit huit années avant le terme prévu par le contrat ; que, par un courrier en date du 23 juillet 2002, la société SODEXO a présenté à la commune une réclamation préalable afin d'obtenir réparation du préjudice subi du fait de la résiliation, et a sollicité à ce titre le versement d'une somme de 1 715 114 euros HT sur le terrain de la responsabilité contractuelle ; qu'à la suite du silence gardé par la commune, elle a saisi le Tribunal administratif de Versailles qui a rejeté, par un jugement en date du 18 décembre 2009, sa demande indemnitaire ; que la société SODEXO venant aux droits de la société SODEXHO France RESTAURATION ET SERVICES relève régulièrement de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'en relevant que " les résultats d'exploitation pour les exercices 1996/1997 et 1997/1998 apparaissant dans le rapport annuel d'annuel d'activité pour 1997/1998 remis par le délégataire à la commune et produit par cette dernière sont cohérents avec les chiffres qu'elle avance dans ses écritures ", tout en précisant qu'il ne résultait pas de l'instruction que, les résultats d'exploitation avaient été calculés en intégrant les frais de siège du délégataire, le tribunal administratif n'a, contrairement à ce que soutient la société SODEXO, ni entaché son jugement d'insuffisance de motivation, ni entaché ce jugement de contradiction de motifs ou de contradiction entre ses motifs et son dispositif en rejetant la demande ;

3. Considérant que, statuant sur les conclusions indemnitaires relatives au manque à gagner de la société SODEXO du fait de la résiliation du contrat de concession, les premiers juges ont relevé que les chiffres des résultats d'exploitation présentés par la société requérante étaient cohérents avec le bénéfice moyen qu'elle indiquait, puis ont rejeté les conclusions de la société en se fondant sur les seules affirmations de la commune relatives à l'absence de prise en compte dans ces résultats des frais de siège ; qu'en statuant ainsi, alors qu'ils leur revenait, le cas échéant, de faire usage de leurs pouvoirs d'instruction pour que soit précisée l'étendue de ce préjudice, le Tribunal administratif de Versailles a incomplètement rempli la mission qui était la sienne et a ainsi méconnu son office ; qu'ainsi, la société SODEXO est fondée à soutenir qu'il appartenait aux premiers juges d'ordonner un supplément d'instruction ; que, par suite, le jugement attaqué doit être annulé ;

4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société SODEXO devant le Tribunal administratif de Versailles ;

Sur le bien-fondé des conclusions indemnitaires de la société SODEXHO SFRS :

5. Considérant, d'une part, que, lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat ; que s'il appartient à l'autorité concédante de mettre fin avant son terme à un contrat de concession s'il existe des motifs d'intérêt général justifiant que la concession soit abandonnée, cette résiliation peut intervenir sous réserve, le cas échéant, des droits à indemnisation du concessionnaire ; que, d'autre part, aux termes de l'article 58 de la convention, sur lequel la requérante fonde ses prétentions : " La ville de Viry-Châtillon peut mettre fin au contrat avant son terme contractuel pour des motifs d'intérêt général (...) Dans ce cas, SODEXHO SFRS a droit à l'indemnisation intégrale du préjudice subi (...) " ; que, par suite, la société SODEXO est fondée à demander, sur le terrain de la responsabilité contractuelle, à être indemnisée du préjudice intégral qu'elle a subi ; qu'elle estime à la somme de 1 715 114 euros HT la perte subie par elle ;

S'agissant des travaux réalisés et non amortis (109 031,53 euros H.T) :

6. Considérant qu'il résulte de l'avenant n° 1 au contrat de concession que le site du Bellay, située dans l'ancienne cuisine centrale de la Ville devait subir une restructuration profonde qui ferait l'objet d'un avenant ultérieur et qu'à cette fin, il a été demandé à la société SODEXO de modifier son dossier technique ; qu'il n'est pas contesté que l'aménagement définitif de la cuisine du Bellay ne s'est pas concrétisé ; que si la société demande le remboursement du coût des travaux réalisés et non encore amortis nécessaires à l'aménagement provisoire pour une somme de 109 031,53 euros hors taxes, il résulte de l'instruction que la facture émise le 29 février 1996 par la société EKER, qu'elle produit pour justifier de cette dépense, ne correspond pas à des travaux mais seulement à des frais d'études ; que, par suite, la société requérante ne justifie pas avoir engagé des frais de travaux non amortis, et n'est, dès lors, pas fondée à en demander le remboursement ;

S'agissant des frais de fonctionnement (266 263 euros HT) :

7. Considérant que si la société SODEXO soutient que la rupture anticipée du marché a conduit à laisser à sa charge des frais de maintenance et d'entretien pour la préparation des repas, à hauteur de 266 263 euros HT, il résulte de l'instruction qu'elle ne justifie pas de la réalité de ce préjudice, alors même que le prix du repas payé par les usagers incorporait pour partie le coût correspondant à ce type de dépenses ; que, par suite, la demande ne peut être que rejetée sur ce point ;

S'agissant du préjudice moral (1 000 000 euros HT) :

8. Considérant que si la société SODEXO soutient avoir subi un préjudice moral d'un montant de 1 000 000 euros en raison de l'atteinte portée à son image en raison des relations tendues qu'elle entretenait avec la commune de Viry-Châtillon, il résulte de l'instruction que le motif de résiliation n'est pas l'existence de relations dégradées entre les contractants mais la reprise en régie du fonctionnement de la restauration scolaire et municipale ; que, ce motif d'intérêt général, au demeurant non contesté par la société requérante, ne constitue pas une atteinte à la réputation professionnelle de la société ; que, par suite, la demande ne peut qu'être rejetée ;

S'agissant du manque à gagner (329 820 euros HT) :

9. Considérant qu'en raison de la résiliation du contrat de concession conclu le 6 juillet 1994, dont l'exécution aurait dû s'achever le 7 septembre 2009, la société SODEXO a été privée de la possibilité de réaliser un bénéfice et a ainsi droit à être indemnisée du manque à gagner dont le montant doit être apprécié à la date de la résiliation ; que la commune fait valoir que le bénéfice moyen a été obtenu sans que soit pris en charge les frais de siège lesquels doivent entrés dans le calcul du bénéfice net et représente en général 15 % des charges d'exploitation ; que la société SODEXO qui soutenait que la ligne "Gestion-fonctionnement " des comptes de résultats regroupait notamment certains frais de structure a indiqué être dans l'impossibilité matérielle de produire les pièces comptables pour les années 1996/1997, 1997/1998, 1998/1999, 1999/2000, 2000/2001 du poste gestion-fonctionnement et les justificatifs des dépenses correspondant aux frais de siège année par année, en réponse à la mesure d'instruction diligentée par la Cour le 5 février 2013 ; qu'ainsi, la société n'établit pas que les comptes de résultats présentés intégraient les frais de siège et, par voie de conséquence, ne justifie pas de son manque à gagner ; que, dans ces conditions, sa demande d'indemnisation doit être rejetée ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société SODEXO n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Viry-Châtillon présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces mêmes dispositions s'opposent en outre à ce que la société SODEXO, qui succombe dans la présente instance, puisse en invoquer le bénéfice ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0611672 du Tribunal administratif de Versailles en date du 18 décembre 2009 est annulé.

Article 2 : La demande de la société SODEXO est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Viry-Châtillon présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées

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N° 10VE00949 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 10VE00949
Date de la décision : 18/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Fin des contrats.

Procédure - Instruction - Moyens d'investigation - Expertise - Recours à l'expertise.

Procédure - Voies de recours - Appel - Effet dévolutif et évocation - Évocation.


Composition du Tribunal
Président : M. DIÉMERT
Rapporteur ?: Mme Sylvie MEGRET
Rapporteur public ?: Mme COURAULT
Avocat(s) : SYMCHOWICZ et WEISSBERG

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2013-07-18;10ve00949 ?
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