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25/06/2013 | FRANCE | N°11VE03516

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 25 juin 2013, 11VE03516


Vu la requête, enregistrée le 13 octobre 2011, présentée pour la société SAS BAYER SAS venant aux droits de la SA Bayer CropScience, ayant son siège 16, rue Jean-Marie Leclair CP 106 à Lyon (69266) Cedex 09, par Me Leclercq, avocat ; la société SAS BAYER demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 0813458 en date du 8 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre de

l'année 2003 pour un montant de 35 688 673 euros et à ce que soit prononcée l...

Vu la requête, enregistrée le 13 octobre 2011, présentée pour la société SAS BAYER SAS venant aux droits de la SA Bayer CropScience, ayant son siège 16, rue Jean-Marie Leclair CP 106 à Lyon (69266) Cedex 09, par Me Leclercq, avocat ; la société SAS BAYER demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 0813458 en date du 8 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2003 pour un montant de 35 688 673 euros et à ce que soit prononcée la restitution des cotisations initiales d'impôt sur les sociétés de l'année 2003 à raison de l'inclusion, à tort, dans l'assiette de l'impôt sur les sociétés d'une somme de 184 800 000 euros ;

2° de prononcer la décharge et la restitution des impositions en litige ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 50 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- l'article 39 terdecies du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'année 2003 rendait éligibles au régime des plus-values à long terme les concessions de licence, les dispositions du a quater de l'article 219 du même code n'excluant de ce régime de faveur que les cessions des éléments d'actifs ;

- en l'absence de dispositions fiscales spécifiques, les notions de cession et de concession doivent être interprétées au regard du droit commun ;

- le contrat conclu le 21 mars 2003 avec la société Basf Agro Bv s'analyse comme un contrat de concession de licence et non comme un contrat de cession ; notamment, la durée du contrat allant jusqu'à l'extinction des droits concédés, le prix forfaitaire et la possibilité pour le concessionnaire de sous-concéder ou transférer ses droits de licencié à un tiers sont des clauses habituelles des contrats de concession et ne dénaturent pas le contrat passé ; à défaut de retenir la qualification de concession, le juge de l'impôt devrait sursoir à statuer dans l'attente d'une décision du juge judiciaire ;

- l'administration fiscale a elle-même reconnu dans le rescrit du 18 septembre 2003 relatif aux droits d'enregistrement que le contrat dont il s'agit était un contrat de concession de licence ;

- compte tenu de ces éléments, le traitement comptable, erroné, de l'opération ne saurait conduire à une requalification juridique du contrat ;

- en outre, il y a aura lieu de procéder à un étalement du produit de la redevance perçue en 2003 dès lors que la concession de licence caractérise une prestation de service continue au sens du 2 bis de l'article 38 du code général des impôts ; la plupart des brevets expirant en 2015, l'étalement doit être opéré sur treize années à partir de 2003 ; le produit taxable lié à cette opération ne saurait donc dépasser 15,4 millions d'euros ; ainsi, indépendamment de l'application du régime de faveur de l'article 39 terdecies, il doit en résulter une réduction de la base imposable de 184,4 millions d'euros ;

- pour les motifs exposés précédemment, l'administration ne saurait s'opposer à cet étalement au motif que les sommes perçues seraient la contrepartie d'une diminution d'actif ;

......................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 juin 2013 :

- le rapport de M. Bresse, président-assesseur,

- les conclusions de M. Locatelli, rapporteur public,

- et les observations de Me Leclercq pour la SAS BAYER ;

1. Considérant que la SA Bayer Cropscience, qui exerçait une activité de fabrication de produits agrochimiques et aux droits de laquelle vient la société SAS BAYER, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices des années 2001 à 2003 ; qu'à l'issue de ce contrôle, l'administration a notamment remis en cause le bénéfice du taux réduit d'imposition prévu par l'article 39 terdecies du code général des impôts appliqué par ladite société à la somme forfaitaire, d'un montant de 200 200 000 euros, qu'elle avait perçue en contrepartie d'un contrat de concession de licence de brevets conclu le 21 mars 2003 avec la société Basf Agro Bv ; que la société SAS BAYER fait appel du jugement du 8 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, ainsi que des pénalités correspondantes, mises à sa charge au titre de l'année 2003 en conséquence de ce chef de redressement et, d'autre part, à la restitution des cotisations primitives de cet impôt acquittées au titre de la même année à raison de l'inclusion dans la base imposable d'une somme de 184 800 000 euros qu'elle estime relever du régime d'imposition des prestations continues prévu par les dispositions du 2 bis de l'article 38 du code général des impôts ;

Sur le bénéfice des dispositions de l'article 39 terdecies du code général des impôts :

2. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 38 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation " ; qu'aux termes du 1 de l'article 39 terdecies du même code, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " Le régime des plus-values à long terme est applicable aux plus-values de cession de brevets, ou d'inventions brevetables, ainsi qu'au résultat net de la concession de licences d'exploitation des mêmes éléments " et qu'aux termes de l'article 219 du même code : " I. (...) a. Le montant net des plus-values à long terme fait l'objet d'une imposition séparée au taux de 19 %, dans les conditions prévues au 1 du I de l'article 39 quindecies et à l'article 209 quater (...) a. quater. Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 1997, le régime des plus et moins-values à long terme cesse de s'appliquer à la plus ou moins-value provenant de la cession des éléments d'actifs, à l'exception des parts ou actions visées aux premier et troisième alinéa du a ter " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la Commission des Communautés européennes, par une décision du 17 avril 2002, a déclaré compatible avec le marché commun et l'accord sur l'Espace économique européen, le rachat par la société Bayer de la SA Aventis Crop Science Holding sous la réserve, toutefois, qu'elle désinvestisse l'essentiel de ses activités liées à certains principes actifs ; qu'il ressort en particulier du point 1062 de cette décision que le groupe Bayer s'est engagé à céder son activité " Fipronil " dans le monde entier ; qu'en application de cette décision, a notamment été conclu, le 21 mars 2003, un contrat de licence et de transfert de brevets entre la société Bayer Cropscience SA et son concurrent, la société Basf Agro Bv en vue, selon les termes mêmes de son préambule, " d'accorder au concessionnaire un contrat de licence lié au Fipronil, à l'Ethiprole, à l'Iprodione et au Triticonazole " ; qu'en contrepartie de cette licence, la SA Bayer Cropscience a perçu au cours de l'exercice clos en 2003 une redevance forfaitaire d'un montant de 200 200 000 euros ; que l'administration fiscale a refusé à la SA Bayer Cropscience le bénéfice du régime de faveur de l'article 39 terdecies précité du code général des impôts au motif que ce contrat de concession devait être requalifié en un contrat de cession partielle de licence dès lors, notamment, qu'il y était prévu que la concession de licence est perpétuelle, irrévocable, cessible et transmissible, et qu'ainsi, Basf Agro Bv, preneur de la licence, devenait de fait titulaire de quasiment les mêmes droits sur les brevets concédés que s'il en était pleinement propriétaire ; que l'administration a relevé, en outre, que la SA Bayer Cropscience avait d'ailleurs comptabilisé cette opération comme une cession en enregistrant la sortie de son actif des brevets liés aux activités désinvesties en " charge exceptionnelle sur opération en capital " et la somme forfaitaire de 200 200 000 euros en " produit exceptionnel sur opération en capital " ;

4. Considérant, d'une part, qu'il est loisible à l'administration fiscale, au vu notamment de ses clauses de requalifier un contrat ou une somme reçue en exécution d'un contrat afin de lui redonner leur nature réelle pour l'application de la loi fiscale ; que, toutefois, la durée et les modalités d'une concession de licence ou de brevet ne sauraient suffire par elles-mêmes à faire regarder celle-ci comme étant une cession ; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction qu'en vertu de l'article 2-1 du contrat du 21 mars 2003, relatif aux " brevets relatifs mais non principalement liés au Fipronil ", si la licence concédée est qualifiée de " mondiale, irrévocable, perpétuelle, cessible et transmissible ", elle doit cependant respecter les contrats en cours entre le concédant et des sociétés tierces et n'est, en réalité, pas exclusive en Chine en raison des droits accordés à la société Hangzou Fipronil Production ; que l'article 2-2 relatif aux " brevets non cédés principalement liés à la substance active Fipronil " indique de manière expresse que la propriété des brevets devra être conservée par le concédant afin de remplir ses obligations selon les termes du contrat de licence conclu avec la société Merial ; que, selon l'article 2-3 du contrat qui concerne les " brevets relatifs à l'Iprodone et au Triconacole ", des réserves substantielles subsistent quant à l'usage, réserves d'ailleurs variables selon les zones géographiques concernées ; que l'article 2-4 concernant les " brevets relatifs à l'Ethyprole " prévoit que la concession de licence est limitée à l'Europe et doit respecter les droits contractuels dont dispose la société Mérial ; qu'il résulte de ces stipulations que les licences et brevets en cause, s'ils ont été concédés sur une longue durée, ne sont pas cédés à la société Basf Agro Bv laquelle ne peut d'ailleurs procéder, au vu des clauses de ce contrat, à leur revente à un tiers, le preneur ne disposant que du droit de sous-concéder les droits ; que ces brevets demeurent, ...; que, dans ces conditions, les circonstances avancées par le service et tirées, d'une part, de ce que, en cas d'abandon des brevets par la SAS BAYER, la société Basf Agro Bv devient, en application de l'article 5 du contrat, titulaire de ceux-ci, et, d'autre part, de ce que, en cas de contrefaçon, le titulaire des licences est en droit d'engager les actions en justice, ne sauraient suffire à démontrer l'existence d'un transfert effectif de la propriété des licences ; qu'enfin, le fait que la Commission européenne ait imposé, par sa décision du 17 avril 2002, à la SA Bayer Crop Science de désinvestir ses activités relatives à plusieurs principes actifs ne saurait à lui-seul permettre une requalification juridique du contrat passé en application de cette décision ;

5. Considérant, d'autre part, que la circonstance que la SA Bayer Cropscience ait comptabilisé en " charge exceptionnelle sur opération en capital " la sortie de son actif des brevets liés au Fipronil et ait comptabilisé en " produit exceptionnel " la somme de 200 200 000 euros qui n'a donc pas été considérée comme une redevance mais comme un produit de cession, ne saurait constituer une décision de gestion opposable à la société, en l'absence de choix légalement ouvert, dès lors, qu'en l'absence de cession, la redevance devait nécessairement être comptabilisée en tant que produit d'exploitation ;

6. Considérant que, par suite, la SAS BAYER est fondée à soutenir que c'est à tort que le service a estimé que la somme forfaitaire de 200 200 000 euros perçue par la SA Bayer Cropscience au cours de l'exercice clos en 2003 ne pouvait bénéficier, en application des dispositions du 1 de l'article 39 terdecies du code général des impôts, du taux réduit d'impôt sur les sociétés de 19 % prévu par les dispositions de l'article 219 du même code ;

Sur le bénéfice des dispositions du 2 bis de l'article 38 du code général des impôts :

7. Considérant qu'aux termes du 2 bis de l'article 38 du code général des impôts : " Pour l'application des 1 et 2, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes et les opérations assimilées et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services. / Toutefois, ces produits doivent être pris en compte : / a. pour les prestations continues rémunérées notamment par des intérêts ou des loyers et pour les prestations discontinues mais à échéances successives échelonnées sur plusieurs exercices, au fur et à mesure de l'exécution " ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SAS BAYER a acquitté sa cotisation initiale d'impôt sur les sociétés au taux réduit en incluant dans sa base imposable la somme forfaitaire de 200 200 000 euros perçue par la SA Bayer Cropscience en contrepartie de l'opération susmentionnée de concession de licence ; que, toutefois, en raison du caractère de permanence de l'obligation qui pèse sur elle pour la durée du contrat de concession, la redevance contractuelle versée par la société Basf Agro Bv doit être regardée comme rémunérant une prestation continue au sens des dispositions précitées du 2 bis de l'article 38 du code général des impôts nonobstant la circonstance que cette redevance a été versée en une seule fois ; qu'ainsi, la société est fondée à demander que le montant de cette redevance soit réparti sur l'ensemble des exercices correspondant à la période de concession des brevets et licences, soit sur une durée moyenne de treize années ; qu'elle est, par voie de conséquence, fondée à demander que sa base d'imposition de l'exercice clos en 2003 soit réduit des 12/13ème de cette redevance, soit de la somme de 184 800 000 euros ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la société SAS BAYER est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0813458 du 8 juillet 2011 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : La base d'imposition à l'impôt sur les sociétés de la SA Bayer Cropscience, aux droits de laquelle vient la société SAS BAYER, au titre de l'année 2003 est réduite de la somme de 184 800 000 euros.

Article 3 : La redevance de concession de licence d'un montant de 200 200 000 euros perçue par la SA Bayer Cropscience, aux droits de laquelle vient la société BAYER, est soumise au régime des plus-values à long terme sur le fondement des dispositions des articles 39 terdecies et 219 du code général des impôts.

Article 4 : La société SAS BAYER est déchargée de la différence entre les cotisations primitives et supplémentaires d'impôt sur les sociétés, ainsi que des pénalités correspondantes, initialement mises à sa charge et celles qui résultent des articles 2 et 3 ci-dessus.

Article 5 : L'Etat versera une somme de 2000 euros à la société SAS BAYER au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de la SAS BAYER présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

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N° 11VE03516 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 11VE03516
Date de la décision : 25/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-03-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Évaluation de l'actif. Plus et moins-values de cession.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Patrick BRESSE
Rapporteur public ?: M. LOCATELLI
Avocat(s) : CABINET FIDAL DIRECTION INTERNATIONALE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2013-06-25;11ve03516 ?
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