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21/05/2013 | FRANCE | N°11VE03306

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 21 mai 2013, 11VE03306


Vu la requête, enregistrée le 12 septembre 2011, présentée pour la SAS CARREFOUR FRANCE, dont le siège est route de Paris à Mondeville (14120), par Me Austry, avocat ;

La SAS CARREFOUR FRANCE demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1000614 en date du 30 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes ;

2° d'ordonner la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des années 2004 à 2006, ainsi que des intérêts de retard et pénalités correspondantes ;

3° de différer dans le

temps les effets de sa décision dans le cas où il serait dégagé une règle en tout ou partie ...

Vu la requête, enregistrée le 12 septembre 2011, présentée pour la SAS CARREFOUR FRANCE, dont le siège est route de Paris à Mondeville (14120), par Me Austry, avocat ;

La SAS CARREFOUR FRANCE demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1000614 en date du 30 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes ;

2° d'ordonner la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des années 2004 à 2006, ainsi que des intérêts de retard et pénalités correspondantes ;

3° de différer dans le temps les effets de sa décision dans le cas où il serait dégagé une règle en tout ou partie défavorable à la requérante ;

4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- les premiers juges ont procédé à tort à une substitution de base légale, s'agissant de l'article 270 du code général des impôts ;

- quand bien même cet article serait applicable, ses dispositions méconnaissent les principes communautaires de neutralité et de proportionnalité ;

- le Tribunal a retenu, à... ;

- c'est à tort que le Tribunal a retenu que l'administration a précisé, dans sa proposition de rectification, la méthode de reconstitution employée pour procéder aux rappels ;

- faire reposer une rectification sur des informations recueillies à l'occasion d'un contrôle informatique de sociétés tierces sans procéder, dans les conditions fixées par l'article L. 47 A du code général des impôts, au contrôle informatique de la comptabilité de la société vérifiée, méconnaît les exigences de cet article ;

- la méthode de l'arrondissement à l'article ne méconnaît en aucune façon le principe de proportionnalité, ni le principe de neutralité fiscale et que la méthode par arrondi vers le bas ne méconnaît aucune disposition légale, jurisprudentielle, ou doctrinale ;

- la mauvaise foi ne peut être avérée que lorsque le contribuable a une vision nette de la règle qu'il méconnaît ; qu'en l'espèce, la jurisprudence communautaire a reconnu l'ambiguïté de la réglementation relative à l'arrondissement de la taxe sur la valeur ajoutée ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 23 avril 2013 :

- le rapport de M. Formery, président assesseur,

- les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public,

- et les observations de Me Austry, pour la SAS CARREFOUR FRANCE, et de Mme A..., M. C...et M.B..., pour le ministre de l'économie et des finances ;

Et connaissance prise de la note en délibéré, enregistrée le 24 avril 2013, présentée par le ministre de l'économie et des finances ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

1. Considérant que le Tribunal a jugé que " l'administration, qui a fait application de l'article 270 du code général des impôts, a régulièrement calculé le montant de la taxe sur la valeur ajoutée due mensuellement par la société requérante " ; qu'il résulte de l'instruction que l'administration, dans sa proposition de rectification, a fait une application dudit article ; que la mention " arrondi au centime le plus proche " dans les écritures de première instance procède d'une erreur matérielle, laquelle est sans incidence sur la régularité du jugement ; que, dès lors, la SAS CARREFOUR FRANCE n'est pas fondée à demander à la Cour de procéder à une substitution de base légale, ni d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Montreuil en litige pour ce motif ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales, " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. / Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l'ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements " ; qu'aux termes de l'article L. 47 A du même livre, dans sa rédaction issue de l'article 103 de la loi n° 89-936 du 29 décembre 1989, alors applicable, " Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, les agents de l'administration fiscale peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable. / Celui-ci peut demander à effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. / Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. / Ces copies seront produites sur un support informatique fourni par l'entreprise, répondant à des normes fixées par arrêté. / Le contribuable est informé des noms et adresses administratives des agents par qui ou sous le contrôle desquels les opérations sont réalisées. / Les copies des documents transmis à l'administration ne doivent pas être reproduites par cette dernière et doivent être restituées au contribuable avant la mise en recouvrement " ;

3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que le vérificateur ne peut procéder à des traitements sur la comptabilité informatisée de la société vérifiée sans l'avoir informée préalablement des différentes options offertes quant aux modalités de traitement informatique prévues à l'article L. 47 A précité du livre des procédures fiscales, et que le défaut d'une telle information entache d'irrégularité la procédure d'imposition ; que, toutefois, si ces dispositions assurent à la société contrôlée les garanties prévues par l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales lorsque l'administration souhaite conduire des investigations sur le fonctionnement des systèmes informatisés qu'elle utilise, elles ne font pas obstacle à ce que, en dehors de cette procédure, l'administration demande, dans le cadre d'une vérification de comptabilité, sur le fondement de l'article L. 13 du même livre, une copie des données issues de tels systèmes, y compris sur support informatique, pour les consulter et analyser, à partir de ses propres outils, leur cohérence avec les déclarations fiscales de cette société ;

4. Considérant que la SAS CARREFOUR FRANCE soutient que la vérification de sa comptabilité, qui s'est déroulée durant la période du 13 septembre 2006 au 14 décembre 2007, a été réalisée au moyen de traitements sur la comptabilité informatisée de l'entreprise, et devait, de ce fait, faire l'objet d'une information sur les options dont elle disposait en vertu des dispositions précitées ; que l'administration fait valoir que, si des tests ont été effectués dans d'autres sociétés du groupe Carrefour, les investigations menées en matière de TVA concernant la société requérante n'ont pas nécessité de demande de traitement au sens de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, car le simple rapprochement entre le chiffre d'affaires inscrit en comptabilité et les déclarations mensuelles de TVA de la requérante permettait de constater la discordance relevée par l'administration dans sa proposition de redressement ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'administration, lorsqu'elle a vérifié la concordance entre la taxe mensuelle due reconstituée à partir du chiffre d'affaires TTC comptabilisé par la société et la base d'imposition portée sur les déclarations mensuelles de TVA, ait procédé à l'un des traitements visés à l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ; que, dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur le bien-fondé des impositions :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 270 du code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée est liquidée au vu des déclarations souscrites par les assujettis dans les conditions prévues à l'article 287. / Elle frappe les sommes imposables et l'ensemble des éléments servant à la liquidation de la taxe arrondis à l'euro le plus proche ; la fraction d'euro égale à 0,50 étant comptée pour 1 (...) " ; qu'aux termes de l'article 287 du même code : " 1. Tout redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est tenu de remettre au service des impôts dont il dépend et dans le délai fixé par arrêté une déclaration conforme au modèle prescrit par l'administration. / 2. Les redevables soumis au régime réel normal d'imposition déposent mensuellement la déclaration visée au 1 indiquant, d'une part, le montant total des opérations réalisées, d'autre part, le détail des opérations taxables. La taxe exigible est acquittée tous les mois (...) " ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SAS CARREFOUR FRANCE, pour calculer le montant de la taxe sur la valeur ajoutée collectée qu'elle a fait figurer sur les déclarations mensuelles prévues par les dispositions précitées, appliquait le coefficient de conversion autorisé à son prix TTC article par article ; que le résultat obtenu était multiplié par le taux de taxe applicable avant d'arrondir vers le bas pour chaque article le montant de taxe due, selon la méthode dite de la " troncature au centième d'euro " ; qu'elle soutient que cette pratique ne contrevenait pas aux exigences communautaires ; qu'au contraire, l'application préconisée par l'administration de l'article 270 du code général des impôts reviendrait à méconnaître les règles communautaires ;

7. Considérant, d'une part, qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne précise le niveau auquel doit être pratiquée la conversion du prix TTC par le contribuable ; que, toutefois, la requérante ne pouvait choisir une méthode qui ne permettait pas de réduire au maximum l'incidence des arrondis, et qui créait une distorsion entre la taxe perçue et la taxe reversée au Trésor ; qu'en conséquence, l'administration, qui a fait application des dispositions de l'article 270 du code général des impôts, a régulièrement calculé le montant de la taxe sur la valeur ajoutée due mensuellement par la société requérante en appliquant au montant TTC des recettes de caisse ventilées par taux de taxe les coefficients de conversion adaptés puis multiplié le résultat obtenu par les taux de taxe sur la valeur ajoutée correspondants ; que, si la requérante soutient que l'article 270 du code général des impôts méconnaîtrait les principes communautaires de neutralité et de proportionnalité, elle n'établit pas que l'arrondissement au centième d'euro pratiqué sur chaque article créerait moins de distorsion que l'arrondissement à l'euro pratiqué sur la déclaration mensuelle ; qu'il incombe à l'ordre juridique de chacun des Etats membres de déterminer les modalités de calcul de la taxe, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, le droit communautaire ne s'opposant pas, d'une part, s'agissant de la méthode et des règles régissant l'arrondissement d'un montant déclaré au titre de la TVA, à l'application d'une règle nationale exigeant l'arrondissement au chiffre supérieur des montants de la TVA lorsque la fraction de la plus petite unité monétaire en cause est égale ou supérieure à 0,50 et, d'autre part, n'exigeant pas que les assujettis soient autorisés à arrondir au chiffre inférieur le montant de la TVA lorsque ce montant comporte une fraction de la plus petite unité monétaire nationale ;

8. Considérant, d'autre part, qu'il est constant que la SAS CARREFOUR FRANCE pratiquait une troncature au centième des résultats obtenus après conversion, systématiquement vers le bas ; que cette pratique, sans être expressément prohibée par les textes, a été à bon droit rejetée par l'administration, pour les mêmes motifs qu'exposés au point précédent, dès lors qu'elle entraînait une distorsion significative vers le bas avec la taxe effectivement acquittée par le consommateur final ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'administration est fondée à procéder aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ;

Sur les pénalités :

10. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux impositions en litige, " 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 p. 100 si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ou de 80 p. 100 s'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ou d'abus de droits au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales. / 2. Le décompte de l'intérêt de retard est arrêté au dernier jour du mois de la proposition de rectification ou, en cas d'échelonnement des impositions supplémentaires, au dernier jour du mois au cours duquel le rôle doit être mis en recouvrement. / 3. En cas d'abus de droit, l'intérêt de retard et la majoration sont à la charge de toutes les parties à l'acte ou à la convention qui sont solidairement tenues à leur paiement " ;

11. Considérant qu'en utilisant la méthode ci-dessus décrite pour reconstituer sa base imposable à la taxe sur la valeur ajoutée, la SAS CARREFOUR FRANCE ne pouvait que constater les écarts significatifs entre ce qu'elle percevait et les sommes qu'elle reversait effectivement au Trésor ; qu'elle ne pouvait également ignorer la distorsion que sa méthode engendrait avec la somme acquittée par le consommateur final ; qu'il résulte de l'instruction que la société requérante, qui n'a, au demeurant, pas usé de la faculté qu'elle avait de consulter l'administration quant à la pertinence de sa nouvelle méthode, ni n'en a fait état dans ses déclarations, ne peut raisonnablement contester le caractère délibéré de l'utilisation de cette méthode ; qu'ainsi, l'administration était fondée à lui appliquer les pénalités prévues par les dispositions précitées de l'article 1729 ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SAS CARREFOUR FRANCE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif a rejeté sa demande ; que, dès lors, les conclusions présentées par la requérante au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS CARREFOUR FRANCE est rejetée.

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N° 11VE03306 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 11VE03306
Date de la décision : 21/05/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal - Vérification de comptabilité - Garanties accordées au contribuable.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Liquidation de la taxe - Base d'imposition.


Composition du Tribunal
Président : M. SOUMET
Rapporteur ?: M. Simon FORMERY
Rapporteur public ?: Mme DIOUX-MOEBS
Avocat(s) : C/M/S/ BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2013-05-21;11ve03306 ?
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