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26/03/2013 | FRANCE | N°11VE03158

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 26 mars 2013, 11VE03158


Vu le recours, enregistré le 24 août 2011, présenté par le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ; le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004959 du 8 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a condamné l'Etat à verser à M. C...une somme de 500 euros, ainsi que la somme de 1 582,94 euros au titre des frais d'expertise et a mis à sa charge une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

2°) de rejeter, en statuant par la voie de l'évocation, la demande pré

sentée par M. C... devant le Tribunal administratif de Versailles comme non...

Vu le recours, enregistré le 24 août 2011, présenté par le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ; le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004959 du 8 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a condamné l'Etat à verser à M. C...une somme de 500 euros, ainsi que la somme de 1 582,94 euros au titre des frais d'expertise et a mis à sa charge une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

2°) de rejeter, en statuant par la voie de l'évocation, la demande présentée par M. C... devant le Tribunal administratif de Versailles comme non fondée en toutes ses prétentions ;

Le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE soutient, en premier lieu, qu'il n'est pas établi que le régime d'engagement de la responsabilité de l'administration pénitentiaire soit celui de la faute simple mais, qu'à le supposer établi, celui-ci est toutefois soumis aux contraintes particulières qui pèsent sur celle-ci ; que, pour donner lieu à indemnisation, le préjudice doit être certain et avoir pour cause directe une faute commise par l'administration ; qu'enfin, il doit exister un lien de causalité entre la faute et le préjudice ; qu'en deuxième lieu, le tribunal a commis une erreur de droit ; qu'il a retenu que la cellule ne disposait pas d'une ventilation mécanique ; que l'aération requise résulte de l'application des articles D. 350 et D. 351 du code de procédure pénale ; qu'aucune installation de ventilation mécanique n'est à prévoir ; qu'aucune disposition du code de procédure pénale n'impose la fourniture d'eau chaude dans les cellules ; qu'en troisième lieu, le tribunal devait rechercher si le préjudice moral était établi ; qu'il ne ressort pas toutefois des pièces du dossier que M. C...aurait été exposé à de graves souffrances psychiques ; qu'en quatrième lieu, s'agissant de l'erreur d'appréciation, le tribunal a retenu, à... ; que le griefs invoqués ne permettent pas de conclure à cette méconnaissance ; que l'absence de cloisonnement total de toilettes répond à un impératif de sécurité, garantit la protection physique des personnes incarcérées et permet la surveillance contre les suicides et les auto mutilations ; que si l'administration pénitentiaire est tenue par les dispositions des articles D. 189 et D. 350 du code de procédure pénale elle doit également protéger la vie des détenus en application de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la Cour européenne des droits de l'homme exige seulement un minimum d'intimité dans les toilettes et que le requérant soit placé seul en cellule ; que l'absence de cloisonnement des toilettes se limitait à une vingtaine de centimètres entre le sol et le bas de la cloison ; que le requérant a bénéficié d'un encellulement individuel et a été détenu pour une durée n'excédant pas six mois ; qu'en cinquième lieu, si l'intéressé aurait dû être placé dans un établissement pour peines, le délai qui s'est écoulé avant son transfert au centre de Nancy a été de six mois seulement ; que cette durée qui n'est pas excessive n'est pas constitutive d'une atteinte à sa dignité ; que contrairement à ses allégations, il ne passait pas tout son temps en cellule puisqu'il était inscrit au sport, participait tous les vendredis au culte musulman et pratiquait l'informatique depuis octobre 2009 ; qu'il avait également accès à l'informatique et à l'UCSA (Unité des Consultations et Soins Ambulatoires) ; qu'en cellule individuelle, il n'a jamais eu à souffrir de la surpopulation ou de la promiscuité ; que la cellule qu'il occupait était dans un état très satisfaisant et suffisamment grande ; qu'il est constant que le système de ventilation a été désactivé car il générait trop de froid ; que les fenêtres permettaient le renouvellement en air frais ; que les relevés de température montrent qu'il faisait 19 degrés dans sa cellule ; que les détenus peuvent se rendre aux douches un jour sur deux et que la propreté de celles-ci est assurée par un nettoyage quotidien ; que s'agissant, enfin, de la qualité de la nourriture tous les chariots chauffants sont neufs et la qualité de la nourriture est vérifiée par les agents de cuisine avant que les repas montent à l'étage, que la température ne peut descendre en dessous de 63 degrés ; que l'intéressé a reçu ses repas à la bonne température et que l'audit réalisé en octobre 2008 a conclu à la très bonne tenue de la cuisine de la maison d'arrêt ; que compte-tenu de ce qui précède, l'article D. 189 du code de procédure pénale n'a pas été méconnu ; qu'en sixième lieu, à supposer que la Cour considère que les conditions de détention n'étaient pas optimales, elles ne sauraient atteindre le seuil de gravité qui implique la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; que la maison d'arrêt de Bois-d'Arcy est un établissement en bon état non vétuste dans lequel le respect dû à la personne humaine est assuré ; qu'il n'y a pas eu, comme dans certains cas signalés par la Cour européenne des droits de l'homme, d'abstention volontaire de l'administration pénitentiaire face à une situation indigne pour les détenus ; qu'enfin, M. C... ne précise pas en quoi la maison d'arrêt ne respecterait pas les prescriptions du règlement sanitaire départemental ni quels sont les travaux qui, selon lui, devraient être accomplis pour se conformer aux normes ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 1er mars 2013 :

- le rapport de Mme Belle, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public,

- et les observations de Me B...et MeA..., pour M. C...;

1. Considérant que le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE relève régulièrement appel du jugement du 8 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a condamné l'Etat à verser à M. C...une somme de 500 euros ainsi que la somme de 1 582,94 euros au titre des frais d'expertise, en réparation du préjudice qu'il a subi du fait de sa détention à la maison d'arrêt de Bois-d'Arcy, où il a été incarcéré du 26 août 2009 au

26 février 2010 pendant une durée de six mois, sa condamnation étant intervenue le 22 janvier 2009 pour une durée de six ans ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article D. 349 du code de procédure pénale : " L'incarcération doit être subie dans des conditions satisfaisantes d'hygiène et de salubrité, tant en ce qui concerne l'aménagement et l'entretien des bâtiments, le fonctionnement des services économiques et l'organisation du travail, que l'application des règles de propreté individuelle et la pratique des exercices physiques " ; qu'aux termes des articles D. 350 et D. 351 du même code : " Les locaux de détention et, en particulier, ceux qui sont destinés au logement, doivent répondre aux exigences de l'hygiène, compte tenu du climat, notamment en ce qui concerne le cubage d'air, l'éclairage, le chauffage et l'aération " ; et : " Dans tout local où les détenus séjournent, les fenêtres doivent être suffisamment grandes pour que ceux-ci puissent lire et travailler à la lumière naturelle. L'agencement de ces fenêtres doit permettre l'entrée d'air frais. La lumière artificielle doit être suffisante pour permettre aux détenus de lire ou de travailler sans altérer leur vue. Les installations sanitaires doivent être propres et décentes. Elles doivent être réparties d'une façon convenable et leur nombre proportionné à l'effectif des détenus ". ; qu'aux termes de l'article D. 354 du code de procédure pénale : " Les détenus doivent recevoir une alimentation variée, bien préparée et présentée, répondant tant en ce qui concerne la qualité et la quantité aux règles de la diététique et de l'hygiène, compte tenu de leur âge, de leur état de santé, de la nature de leur travail et, dans toute la mesure du possible, de leurs convictions philosophiques ou religieuses " ;

3. Considérant, en premier lieu, que M. C...ne peut utilement se prévaloir des prescriptions du règlement sanitaire départemental qui ne sont pas applicables dans les lieux de détention ;

4. Considérant, en second lieu, que M. C...s'est trouvé placé, pendant sa détention, successivement dans trois cellules individuelles d'une surface supérieure à 9 mètres carrés, de dimension satisfaisante, pendant les six mois qu'a duré sa détention à la maison d'arrêt de Bois-d'Arcy ; que, si le dispositif d'aération mécanique était défectueux, les gaines d'aération n'apportant aucun air, il ne résulte pas de l'instruction que les conditions de chauffage et de renouvellement de l'air par l'ouverture de la fenêtre auraient été insuffisantes ; que les sanitaires étaient en bon état de fonctionnement et que l'administration pénitentiaire n'est pas tenue de fournir l'eau chaude aux détenus en cellule ; que le cloisonnement des toilettes critiqué par M. C... n'a pas été, en l'espèce, insuffisant, le détenu étant au surplus placé seul en cellule ; qu'il ne conteste pas qu'il a pu pratiquer un sport et, à partir d'octobre 2009, une activité informatique, qu'il participait le vendredi au culte musulman, qu'il avait accès à la bibliothèque et à l'unité médicale ; que, toutefois, le détenu s'est plaint de ce que les repas, conservés au froid mais placés sur un chariot chauffant avant le service parvenaient froids à destination ; que ce fait est contesté par l'administration pénitentiaire, et que si l'audit versé au dossier fait apparaître que l'ensemble des conditions d'hygiène et de fonctionnement des cuisines étaient bonnes, les conditions de remise des repas ne peuvent être regardées comme totalement satisfaisantes ; que l'administration pénitentiaire n'établit pas, en outre, que les douches auraient été nettoyées quotidiennement de manière adéquate ; que, toutefois, il n'y a lieu de constater, en l'espèce, que des manquements mineurs commis par l'administration pénitentiaire à ses obligations pendant une durée limitée ;

5. Considérant que ces manquements mineurs, au surplus pendant une durée de six mois, ne constituent pas une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration pénitentiaire, compte tenu de la nature particulière de ses contraintes, et alors que le requérant n'établit pas la réalité du préjudice qu'il prétend avoir subi ; que, dès lors, c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur la faute qu'aurait commise l'administration du fait des conditions de détention de M. C... pour estimer que sa responsabilité était engagée et accorder une indemnisation au demandeur ;

6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur les autres moyens soulevés par le requérant tant devant le Tribunal que devant la Cour ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes de l'article D. 70 du code de procédure pénale : " Les établissements qui reçoivent les condamnés définitifs sont les maisons centrales, les centres de détention (...). A titre exceptionnel, les maisons d'arrêt peuvent recevoir des condamnés (...)" ; qu'aux termes de l'article D. 73 du même code : " Les maisons d'arrêt peuvent recevoir des condamnés à l'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à un an dans les conditions prévues par le deuxième alinéa de l'article 717 " ; qu'enfin aux termes de l'article 717 du même code : " Les condamnés purgent leur peine dans un établissement pour peines. (...). Toute personne condamnée détenue en maison d'arrêt à laquelle il reste à subir une peine d'une durée supérieure à deux ans peut, à sa demande, obtenir son transfèrement dans un établissement pour peines dans un délai de neuf mois à compter du jour où sa condamnation est devenue définitive. Cependant, elle peut être maintenue en maison d'arrêt lorsqu'elle bénéficie d'un aménagement de peine ou est susceptible d'en bénéficier rapidement. " ; qu'aux termes de l'article D. 189 du code de procédure pénale : " A l'égard de toutes les personnes qui lui sont confiées par l'autorité judiciaire, à quelque titre que ce soit, le service public pénitentiaire assure le respect de la dignité inhérente à la personne humaine et prend toutes les mesures destinées à faciliter leur réinsertion sociale " ;

8. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que M.C..., condamné à six ans d'emprisonnement le 22 janvier 2009, a vu son appel rejeté par la Cour d'appel de Paris le 18 mai 2009 et s'est pourvu en cassation, puis s'est désisté de ce pourvoi ; que sa condamnation définitive, intervenue le 14 août 2009, ne lui a été notifiée que le 4 septembre 2009 ; qu'en application des dispositions précitées, l'administration pénitentiaire n'a pas commis de faute en plaçant M. C... en maison d'arrêt le 26 août 2009 pendant une durée de six mois, dès lors qu'il a pu obtenir son transfert dans un établissement pour peines dans un délai de six mois, inférieur au délai maximum de neuf mois prescrit par les dispositions législatives ci-dessus rappelées ; que le requérant n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que l'administration pénitentiaire aurait commis une faute en le plaçant en maison d'arrêt pendant une durée de six mois ; qu'en outre, la seule circonstance qu'il n'aurait pas eu accès, en maison d'arrêt, à l'ensemble des activités de réinsertion disponibles en centre de détention pendant une durée limitée à six mois, n'est pas constitutive d'une atteinte à la dignité de la personne humaine et ne permet pas davantage d'établir que l'administration pénitentiaire n'aurait pas pris à son égard toutes les mesures destinées à faciliter sa réinsertion sociale ;

9. Considérant, d'autre part, qu'aucun des griefs formulés ci-dessus par M. C...à l'encontre de l'administration pénitentiaire n'est constitutif, par sa gravité ou son intensité, d'une atteinte à la dignité inhérente à la personne humaine, tant en application de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que de l'article D. 189 précité du code de procédure pénale ; qu'à cet égard, le requérant ne peut utilement se prévaloir des conditions générales de fonctionnement des lieux de détention en France, à la date des faits, tels qu'elles ont été constatées par le rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a partiellement fait droit à la demande de M. C... ;

Sur les conclusions de M. C...tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE, qui n'est pas en l'espèce la partie perdante, la somme de 1 500 euros que M. C...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1004959 du 8 juillet 2011, par lequel le Tribunal administratif de Versailles a condamné l'Etat à verser à M. C...une somme de 500 euros ainsi que la somme de 1 582,94 euros au titre des frais d'expertise et a mis à la charge de l'Etat, une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens, est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C...devant le Tribunal administratif de Versailles et ses conclusions d'appel sont rejetées.

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N°11VE03158 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 11VE03158
Date de la décision : 26/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

37-05-02-01 Juridictions administratives et judiciaires. Exécution des jugements. Exécution des peines. Service public pénitentiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Laurence BELLE VANDERCRUYSSEN
Rapporteur public ?: Mme DIOUX-MOEBS
Avocat(s) : ARAKELIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2013-03-26;11ve03158 ?
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