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28/12/2012 | FRANCE | N°11VE03939

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 28 décembre 2012, 11VE03939


Vu la décision n° 325334 en date du 23 novembre 2011, par laquelle le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi en cassation par le MINISTRE DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE a annulé l'arrêt n° 08VE01126-08VE01127 en date du 9 décembre 2008 par lequel la Cour administrative de Versailles a rejeté son recours tendant à l'annulation du jugement n° 0501699 en date du 21 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné l'Etat à verser à la société Montreuil Développement (Modev) la somme de 423 385,59 euros assortie des

intérêts légaux à compter du 26 octobre 2004 en réparation du ...

Vu la décision n° 325334 en date du 23 novembre 2011, par laquelle le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi en cassation par le MINISTRE DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE a annulé l'arrêt n° 08VE01126-08VE01127 en date du 9 décembre 2008 par lequel la Cour administrative de Versailles a rejeté son recours tendant à l'annulation du jugement n° 0501699 en date du 21 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné l'Etat à verser à la société Montreuil Développement (Modev) la somme de 423 385,59 euros assortie des intérêts légaux à compter du 26 octobre 2004 en réparation du préjudice résultant de l'illégalité de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 2 octobre 2001 lui imposant de remettre en état le terrain situé 34 rue de la République à Montreuil ;

Vu, I°, le recours, enregistré le 18 avril 2008 au greffe de la Cour sous le n° 08VE01126, présenté par le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ; le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0501699 du 21 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné l'Etat à verser à la société Montreuil Développement (Modev) la somme de 423 385,59 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 26 octobre 2004, en réparation du préjudice résultant de l'illégalité de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 2 octobre 2001 lui imposant de remettre en état le terrain situé 34, rue de la République à Montreuil ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Montreuil Développement (Modev) devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

Le ministre soutient que :

- à titre principal, le tribunal administratif a commis une erreur de droit en considérant que l'illégalité de l'arrêté du 2 octobre 2001 était de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; le seul fait qu'une décision administrative soit illégale n'engage pas nécessairement la responsabilité d'une collectivité publique dès lors qu'une mesure de portée équivalente aurait pu légalement être prise, d'où il résulte soit une absence de préjudice, soit une absence de causalité entre l'illégalité fautive et le préjudice ; en l'espèce, si l'arrêté du 2 octobre 2001 a été annulé par un jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 22 avril 2003 au motif que le préfet ne pouvait ordonner à la société Modev, qui n'était pas l'exploitante à l'origine de la pollution, la remise en état du terrain sur le fondement de la législation relative aux installations classées, la société Modev, devenue propriétaire et détenteur des déchets en cause lors de l'acquisition du terrain qu'elle devait aménager, était responsable de leur élimination en application des articles L. 541-1 et suivants du code de l'environnement ; ainsi, le maire et, en cas de carence de ce dernier, le préfet, pouvaient légalement prendre une mesure de portée équivalente à la mesure annulée sur le fondement de l'article L. 541-3 du code de l'environnement pour imposer à la société Modev la dépollution du site ;

- en deuxième lieu, le lien de causalité entre la faute de l'Etat et le préjudice invoqué par la société Modev n'est pas établi, l'existence d'un préjudice causé par l'exécution des mesures prescrites par cet arrêté n'étant pas démontrée ; en effet, la société Modev, qui s'était engagée, par convention conclue le 30 juin 1999 avec la commune de Montreuil, à " mettre en état les sols et si nécessaire démolir les constructions existantes " et " de manière générale, assurer l'ensemble des études (...) indispensables à la bonne fin de l'opération ", et donc à éliminer les déchets du sol et à assurer la dépollution du site, aurait dû, en toute hypothèse, réaliser les aménagements relatifs à la remise en état des sols ; l'extension d'une école maternelle et la réalisation de logements sociaux impliquaient une dépollution préalable du site ; la société Modev avait d'ailleurs engagé des frais de dépollution avant même l'intervention de l'arrêté litigieux ;

- cette société étant chargée d'aménager pour l'habitat un terrain industriel pollué, l'allocation d'une indemnité constitue un enrichissement sans cause ;

- la commune de Montreuil, qui a acquis le site en 1997 à la suite d'une procédure d'expropriation, puis la société Modev, qui en est devenue propriétaire en juillet 2000 avec pour mission de l'aménager pour l'habitat, ne pouvaient ignorer que celui-ci était pollué dès lors que son ancien propriétaire-exploitant, aujourd'hui disparu, a exercé, de 1906 à 1964, une activité utilisant du mercure ; dans ces conditions, la commune a tenu compte de la nécessité de remise en état du site pour fixer l'indemnité d'expropriation ou, si elle ne l'a pas fait, a commis une négligence fautive de nature à exonérer l'Etat de sa responsabilité ; l'article L. 514-20 du code de l'environnement prévoit que, lorsqu'une installation classée a été exploitée sur un terrain, le vendeur est tenu d'en informer l'acheteur ;

- la société Modev ne saurait invoquer la carence de l'Etat dans l'exercice de ses pouvoirs de police à l'égard du dernier exploitant du site dès lors que les activités de celui-ci ne sont pas à l'origine de la pollution au mercure, laquelle a été provoquée par l'activité d'un précédent exploitant aujourd'hui disparu ;

- à titre subsidiaire, s'agissant du montant de la condamnation, et dans la mesure où l'obligation de remise en état du site doit prendre en compte son usage futur, l'Etat ne peut être condamné à réparer l'entier préjudice de la société Modev, dès lors que l'expropriation concernait un ensemble immobilier à usage commercial et industriel et que le coût supplémentaire correspondant à la remise en état du terrain, nécessaire à son changement d'usage résultant de la réalisation de logements sociaux et d'une école maternelle, conduirait à un enrichissement sans cause de la société ; le montant de l 'indemnité fixé par le tribunal administratif ne correspond pas à celui de 331 886 euros TTC indiqué dans le rapport de la chambre régionale des comptes d'Ile-de-France ; les justificatifs produits ne permettent pas d'identifier les coûts qui correspondent à une dépollution pour un usage industriel ; les dépenses de terrassement, d'évaluation de l'extension de la pollution, de prélèvements et d'analyses des sols relèvent des coûts d'aménagement de la ZAC et non de la dépollution elle-même ;

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Vu, II°, le recours, enregistré le 21 avril 2008 au greffe de la Cour sous le n° 08VE01127, présenté par le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ; le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE demande à la Cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 0501699 du 21 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné l'Etat à verser à la société Montreuil Développement (Modev) la somme de 423 385,59 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 26 octobre 2004, en réparation du préjudice résultant de l'illégalité de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 2 octobre 2001 lui imposant de remettre en état le terrain situé 34, rue de la République à Montreuil ;

Le ministre soutient que l'exécution du jugement litigieux risque d'exposer l'Etat à la perte définitive d'une somme qui ne devrait pas rester à sa charge ; que le rapport de la chambre régionale des comptes pour la période de 1998 à 2004 souligne la fragilité de la situation financière de la société Modev en dépit de sa recapitalisation ; que la société n'a pas anticipé les coûts de dépollution du terrain, alors même que ceux-ci étaient prévisibles dès lors qu'il s'agissait d'un terrain à usage industriel ;

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu la loi du 19 décembre 1917 ;

Vu la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 modifiée, ensemble le décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 décembre 2012 :

- le rapport de M. Brumeaux, président assesseur,

- les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public,

- et les observations de Me Dancé, substituant Me Gauch, pour la commune de Montreuil venant aux droits de la société Montreuil Développement (Modev) ;

Sur la jonction :

Considérant que les recours n° 08VE01126 et n° 08VE01127 tendent à l'annulation et au sursis à l'exécution du même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'ils fassent l'objet d'un seul arrêt enregistré sous le n° 11VE03939 ;

Sur le recours n° 08VE01126 :

Considérant que, par convention du 30 juin 1999, la commune de Montreuil a chargé la société d'économie mixte Montreuil Développement (Modev) de l'aménagement de la zone d'aménagement concerté dite de la Porte de Montreuil et que, dans le cadre de cette opération, la société Modev a acquis de la commune de Montreuil, le 28 janvier 2000, la propriété d'un terrain qui avait été exproprié en 1997 au bénéfice de cette collectivité ; qu'au vu d'études ayant mis en évidence, aux mois de février et avril 1999, une pollution par mercure du sol de ce terrain, le préfet de la Seine-Saint-Denis a, par un arrêté du 2 octobre 2001 pris sur le fondement des dispositions de l'article L. 514-1 du code de l'environnement, issues de l'article 23 de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, mis en demeure la société Modev de procéder à la remise en état du site pollué du fait de l'exploitation des installations classées qui s'y étaient succédé entre 1903 et 1993 ; que la société Modev, après avoir, en application de cet arrêté, immédiatement procédé à la dépollution de ce site, a obtenu du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, par un jugement devenu définitif, l'annulation de cet arrêté au motif que l'autorité préfectorale n'avait pu, sans commettre d'erreur de droit, mettre à sa charge la dépollution du site en sa seule qualité de détentrice de ce site alors qu'elle n'avait jamais eu la qualité d'exploitant d'une installation classée ; qu'elle a ensuite saisi le même tribunal de conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet opposée par le préfet de la Seine-Saint-Denis à sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à réparer le préjudice né, selon elle, de la faute qu'il avait commise en lui imposant la charge financière de la remise en état d'un site ayant été le siège d'une installation classée alors qu'elle n'avait pas la qualité d 'exploitant de l'installation classée niet qu'elle ne s'était pas substituée au responsable de la pollution en qualité d'exploitant ; que, par un jugement du 21 février 2008, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a fait droit à cette demande et condamné l'Etat à verser à la société Modev la somme de 423 385,59 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 26 octobre 2004, en réparation du préjudice ainsi allégué ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l' article L. 541-2 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " Toute personne qui produit ou détient des déchets dans des conditions de nature à produire des effets nocifs sur le sol, la flore et la faune, à dégrader les sites ou les paysages, à polluer l'air ou les eaux, à engendrer des bruits et des odeurs et, d'une façon générale, à porter atteinte à la santé de l'homme et à l'environnement, est tenue d'en assurer ou d'en faire assurer l'élimination conformément aux dispositions du présent chapitre, dans des conditions propres à éviter lesdits effets " ; que selon l'article L. 541-3 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Au cas où les déchets sont abandonnés, déposés ou traités contrairement aux prescriptions du présent chapitre et des règlements pris pour leur application, l'autorité titulaire du pouvoir de police peut, après mise en demeure, assurer d'office l'élimination desdits déchets aux frais du responsable (...) " ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le détenteur de déchets de nature à porter atteinte à l'environnement a l'obligation d'en assurer l'élimination dans des conditions propres à éviter une telle atteinte ; que l'autorité investie des pouvoirs de police municipale doit prendre les mesures nécessaires pour assurer l'élimination des déchets dont l'abandon, le dépôt ou le traitement présentent des dangers pour l'environnement ; qu'en cas de carence de l'autorité municipale dans l'exercice des pouvoirs de police qui lui sont conférés au titre de la police des déchets, le préfet doit prendre sur le fondement de ces dispositions, à l'égard du producteur ou du détenteur des déchets, les mesures propres à prévenir toute atteinte à la santé de l'homme et à l'environnement ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Montreuil Développement pouvait être regardée comme le détenteur des déchets en cause au sens des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 541-2 du code de l'environnement ; que, par suite, le préfet aurait dû, sur le fondement des dispositions de l'article L. 541-3 du code de l'environnement, en se substituant au maire défaillant, imposer à la société Modev l'élimination des déchets et la remise en état du site, qui était d'ailleurs indispensable à la réalisation du projet d'aménagement de logements et d'une école ; que cette circonstance est de nature à écarter l'engagement de la responsabilité de l'Etat dès lors que l'illégalité fautive de l'arrêté du 2 octobre 2001 ne peut être regardée comme étant à l'origine des préjudices subis par la société Modev ; que par suite le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné l'Etat à verser à la société Montreuil Développement (Modev) la somme de 423 385,59 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 26 octobre 2004, en réparation du préjudice résultant de l'illégalité de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 2 octobre 2001 lui imposant de remettre en état le terrain situé 34, rue de la République à Montreuil ;

Sur le recours n° 08VE01127 :

Considérant que, par le présent arrêt, la Cour statue au fond sur l'appel formé par le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE à l'encontre du jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 21 février 2008 ; que, dès lors, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions du recours n° 08VE01127 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce même jugement ;

Sur les conclusions présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Modev demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur le recours n° 08VE01127.

Article 2 : Le jugement n° 0501699 en date du 21 février 2008 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 3 : La demande présentée par la société Montreuil Développement (Modev) devant le tribunal administratif est rejetée.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Montreuil venant aux droits de la société Montreuil Développement (Modev) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 11VE03939 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 11VE03939
Date de la décision : 28/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

44-02-02-01 Nature et environnement. Installations classées pour la protection de l'environnement. Régime juridique. Pouvoirs du préfet.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Michel BRUMEAUX
Rapporteur public ?: Mme ROLLET-PERRAUD
Avocat(s) : SEBAN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-12-28;11ve03939 ?
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