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18/12/2012 | FRANCE | N°10VE02802

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 18 décembre 2012, 10VE02802


Vu la requête, enregistrée le 23 août 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. E...C..., en son nom propre et agissant en tant que représentant légal de son fils mineur D...C..., et M. B...C..., demeurant..., par Me Granier, avocat ; les consorts C...demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0805032 en date du 22 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a condamné le Centre hospitalier de Versailles à verser à M. E...C...la somme de 22 500 euros et à M. B...C...la somme de 7 500 euros ;

2°) de

condamner le Centre hospitalier de Versailles à verser à M. E...C...une so...

Vu la requête, enregistrée le 23 août 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. E...C..., en son nom propre et agissant en tant que représentant légal de son fils mineur D...C..., et M. B...C..., demeurant..., par Me Granier, avocat ; les consorts C...demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0805032 en date du 22 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a condamné le Centre hospitalier de Versailles à verser à M. E...C...la somme de 22 500 euros et à M. B...C...la somme de 7 500 euros ;

2°) de condamner le Centre hospitalier de Versailles à verser à M. E...C...une somme de 30 000 euros ainsi qu'une somme de 28 000 euros à chacun de ses deux enfants ;

3°) de mettre à la charge du Centre hospitalier de Versailles la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que les expertises judiciaires ont établi le caractère fautif de la prise en charge de la compagne de M. E...C..., MmeA..., par le Centre hospitalier André Mignot ; que le préjudice économique est justifié à hauteur de 39 600 euros par le relevé de carrière de MmeA... ; que le préjudice personnel de M. E...C...et celui de ses deux enfants s'élèvent respectivement à 30 000 euros et 28 000 euros pour chacun d'eux ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 septembre 2010, présenté par la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Yvelines ; la CPAM informe la Cour qu'elle n'entend pas intervenir dans la présente instance ; elle fait valoir qu'elle est dans l'impossibilité de faire état d'une créance quelconque au titre de cet accident médical en raison de l'archivage des documents ;

Vu le mémoire en défense et le recours incident, enregistrés le 27 décembre 2010, présentés pour le Centre hospitalier André Mignot de Versailles par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; il conclut à l'annulation du jugement attaqué, au rejet des demandes des consorts C...et subsidiairement au rejet de l'appel principal des consortsC... ;

Il soutient que MmeA..., âgée de 35 ans, était a priori peu sujette à un infarctus ; que l'interne de garde a eu les bons réflexes ; que le cardiologue libéral consulté le lendemain de son admission aux urgences de l'hôpital André Mignot n'a pas davantage diagnostiqué de menace d'infarctus du myocarde ; qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la demande d'avis à un cardiologue lors du séjour de Mme A...aux urgences aurait permis d'éviter la survenue de l'infarctus du myocarde dont elle est décédée cinq jours plus tard ; que la perte de chance de Mme A...de survivre si elle avait été examinée par un cardiologue et /ou hospitalisée ne saurait excéder 30 % ; que les préjudices subis par M. C...et ses enfants ont été surévalués par le Tribunal administratif de Versailles au regard de la jurisprudence ; que les pièces du dossier ne permettent pas de déterminer avec précision les revenus de MmeA... ;

Vu la lettre en date du 23 septembre 2011 de Me Mandicas, avocat, informant la Cour qu'il succède à Me Granier pour défendre les intérêts des consortsC... ;

Vu la lettre en date du 17 février 2012 de Me Mandicas, informant la Cour que Me Nizou-Lesaffre, avocat, lui succède dans cette affaire ;

Vu les mémoires, enregistrés les 18 mai 2012 et 4 juillet 2012, présentés pour les consorts C...par Me Nizou-Lesaffre, avocat, tendant à ce que le Centre hospitalier de Versailles soit condamné à verser au titre de leur préjudice moral 30 000 euros à M. E...C...et 28 000 euros chacun à MM. B...et D...C...et au titre de leur préjudice économique 73 395 euros à M. E...C..., 13 840,20 euros à M. D...C...et 10 065,60 euros à M. B...C... ; ils demandent en outre que le Centre hospitalier de Versailles soit condamné à leur verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; ils soutiennent que le Centre hospitalier est responsable d'une erreur de diagnostic et d'une erreur d'organisation du service des urgences ; qu'ils justifient de leur préjudice économique ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 juin 2012, présenté pour le Centre hospitalier André Mignot de Versailles tendant aux mêmes fins que précédemment et en outre à ce que les conclusions des requérants tendant à l'augmentation de l'indemnisation de leur préjudice économique soient déclarées irrecevables ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 novembre 2012 :

- le rapport de Mme Colrat, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public ;

Considérant que MmeA..., alors âgée de 35 ans, a été admise en urgence le 27 février 1999 au Centre hospitalier André Mignot pour de violentes douleurs thoraciques ; que l'interne de garde a autorisé Mme A...à quitter le Centre hospitalier à 22 heures après avoir procédé à un électrocardiogramme et à un bilan enzymatique en lui recommandant de consulter un cardiologue et de faire pratiquer un test d'efforts ; que le lendemain, Mme A...a consulté un cardiologue qui a procédé à un électrocardiogramme et à une échographie qui se sont révélés satisfaisants, qui a programmé un test d'efforts pour le 10 mars suivant et lui a prescrit un traitement en cas de récidive des douleurs ; que, dans la nuit du 3 au 4 mars suivant, Mme A...a connu un nouvel épisode de douleurs thoraciques ; que le SAMU appelé par téléphone l'a renvoyée sur le médecin de garde ; que celui-ci s'étant rendu au domicile de Mme A...où il a pris connaissance des examens pratiqués par le cardiologue et constaté que Mme A...avait été prise de vomissements a conclu à un problème gastrique ; que Mme A...est décédée une heure plus tard d'un infarctus du myocarde massif ;

Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a considéré que la prise en charge de Mme A...au Centre hospitalier André Mignot de Versailles était constitutive d'une faute de nature à engager sa responsabilité et estimé que Mme A...avait de ce fait perdu une chance évaluée à 50 % de survivre à l'accident cardiaque dont elle a été victime ; qu'il a condamné le Centre hospitalier à verser au compagnon de la victime, en son nom propre et en qualité de représentant de leur fils mineur, la somme de 22 500 euros et à leur fils majeur la somme de 7 500 euros ; que M. C...et son fils B...font appel de ce jugement en tant qu'il a sous-estimé leurs préjudices ; que, par la voie de l'appel incident, le Centre hospitalier André Mignot conteste les condamnations prononcées à son encontre ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise rédigé par le Docteur Labbé, que l'interne de garde qui a pris en charge Mme A...le 27 février 1999 au soir aurait dû, compte tenu des douleurs caractéristiques d'angor qu'elle présentait, du caractère anormal de l'électrocardiogramme pratiqué ainsi que de son surpoids, de son tabagisme et de ses antécédents familiaux, faire examiner la patiente par un cardiologue et faire pratiquer un dosage de troponine, enzyme caractéristique d'un infarctus du myocarde ; que, par suite, le Centre hospitalier n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les conditions de prise en charge de Mme A...étaient constitutives d'une faute de nature à engager sa responsabilité ; que, toutefois, dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'être sauvé ou d'obtenir une amélioration de son état de santé ou encore d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter ce dommage ; que la réparation qui incombe à l'établissement public hospitalier doit être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'en estimant à 50 % des préjudices indemnisables la perte de chance de Mme A...de survivre à l'accident cardiaque dont elle a été victime plusieurs jours après son séjour au Centre hospitalier André Mignot, le Tribunal aurait fait une appréciation erronée des faits de l'espèce ;

Sur les préjudices :

Considérant que, si les consorts C...se prévalent d'un préjudice économique, la seule production d'un relevé de carrière et de bulletins de paie épars et n'attestant pas de revenus réguliers de MmeA..., agent contractuel d'entretien à la mairie de Guyancourt, ne peut suffire à démontrer l'existence d'un préjudice économique et à permettre à la Cour d'en apprécier éventuellement le montant ; que les conclusions sur ce point des requérants doivent donc être rejetées ;

Considérant qu'en estimant les troubles dans les conditions d'existence et le préjudice moral du compagnon de Mme A...et de leurs deux enfants respectivement à 30 000 euros et 15 000 euros chacun, le Tribunal administratif de Versailles a procédé à une évaluation suffisante de ces préjudices ;

Considérant que les consorts C...sont fondés à demander le remboursement des frais d'obsèques à hauteur de 1 500 euros ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les consorts C...sont fondés à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles a limité à 22 500 euros la somme due à M. E...C...et à demander que cette somme soit portée à 24 000 euros ; que les conclusions incidentes du Centre hospitalier André Mignot doivent être rejetées ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge du Centre hospitalier André Mignot la somme de 1 500 euros au profit des consorts C...au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La somme de 22 500 euros que le Centre hospitalier de Versailles a été condamné à verser à M. E...C...par le jugement en date du 22 juin 2010 du Tribunal administratif de Versailles est portée à 24 000 euros.

Article 2 : Le jugement en date du 22 juin 2010 du Tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le Centre hospitalier de Versailles versera la somme de 1500 euros aux consorts C...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des consorts C...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C..., à M. B... C..., à M. D...C..., au Centre hospitalier André Mignot et à la Caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines.

Délibéré après l'audience du 20 novembre 2012, où siégeaient :

M. BRUMEAUX, président ;

Mme BORET, premier conseiller ;

Mme COLRAT, premier conseiller ;

Lu en audience publique, le 18 décembre 2012.

Le rapporteur,

S. COLRATLe président,

M. BRUMEAUXLe greffier,

C. YARDE

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier,

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N° 10VE02802 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 10VE02802
Date de la décision : 18/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

61-06 Santé publique. Établissements publics de santé.


Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: Mme Sophie COLRAT
Rapporteur public ?: Mme ROLLET-PERRAUD
Avocat(s) : GRANIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-12-18;10ve02802 ?
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