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20/11/2012 | FRANCE | N°11VE01673

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 20 novembre 2012, 11VE01673


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 6 mai 2011, présentée pour la SOCIETE ALWI, dont le siège est situé 6, impasse des Garennes à Chatou (78400), par Me Desbois, avocat à la Cour ; la SOCIETE ALWI demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0705246 du 10 mars 2011 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la restitution des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la contribution à cet impôt, auxquelles elle a été assujettie au titr

e des exercices clos les 31 décembre 2002, 2003 et 2004, ainsi que des intér...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 6 mai 2011, présentée pour la SOCIETE ALWI, dont le siège est situé 6, impasse des Garennes à Chatou (78400), par Me Desbois, avocat à la Cour ; la SOCIETE ALWI demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0705246 du 10 mars 2011 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la restitution des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la contribution à cet impôt, auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2002, 2003 et 2004, ainsi que des intérêts de retard et des pénalités correspondants ;

2°) d'ordonner les restitutions demandées ;

3°) de condamner l'Etat au paiement d'intérêts moratoires ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu'en offrant des cadeaux, en engageant des frais de séjour en Afrique du Sud et en consentant une avance à M. dans le but de rapatrier en France un patrimoine de 80 millions d'euros et de gérer ses fonds moyennant une rémunération correspondant à 15 % des sommes placées, son dirigeant n'a pas pris un risque excessif et n'a commis aucun acte anormal de gestion ;

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 novembre 2012 :

- le rapport de M. Guiard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Locatelli, rapporteur public,

- et les observations de Me Desbois, pour la SOCIETE ALWI ;

1. Considérant que M. B, gérant de la SOCIETE ALWI, a reçu au cours du mois de mars 2002 plusieurs courriels par lesquels M. David , qui se présentait comme le fils du chef décédé de la rébellion angolaise, indiquait souhaiter rapatrier d'Afrique du Sud vers la France une somme de 80 millions de dollars ; que, dans le but de confier à la SOCIETE ALWI la gestion de ces fonds moyennant une rémunération correspondant à 15 % des sommes placées, M. B s'est rendu en Afrique du Sud le 20 mars 2002 ; que, pour mener cette opération, la SOCIETE ALWI a déclaré au titre de l'année 2002 avoir engagé des frais de séjour pour un montant de 10 114 €, avoir offert des cadeaux à la famille pour un montant de 1 465 € et avoir consenti à M. David une avance de 280 000 dollars, afin de régler diverses commissions en Afrique du Sud ; qu'après avoir découvert qu'elle était victime d'une escroquerie, la SOCIETE ALWI a inscrit dans sa comptabilité une provision d'un montant de 239 800 € correspondant à 75 % de l'avance consentie à M. ; que l'administration fiscale, à l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur les périodes du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2004, a remis en cause la déductibilité de ces différentes dépenses et provision, au motif que l'opération menée par M. B ne constituait pas un acte normal de gestion ; que, s'agissant des frais de séjour engagés en Afrique du Sud, leur réintégration était également justifiée par l'absence de justificatifs, par leur caractère excessif et par une erreur concernant le taux de change applicable ; que la SOCIETE ALWI, qui conteste la qualification d'acte anormal de gestion retenue par l'administration, fait appel du jugement du 10 mars 2011 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la contribution à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2002, 2003 et 2004, ainsi que des intérêts de retard et des pénalités correspondants ;

Sur les conclusions tendant au paiement d'intérêts moratoires :

2. Considérant que, par un mémoire du 17 octobre 2012, la société requérante a déclaré se désister de ses conclusions tendant au versement d'intérêts moratoires en application des articles L. 208 et R. 208-1 du livre des procédures fiscales ; que ce désistement est pur est simple ; que rien ne fait obstacle à ce qu'il en soit donné acte ;

Sur les conclusions aux fins de décharge des impositions :

3. Considérant qu'il résulte des articles 38 et 39 du code général des impôts, dont les dispositions sont applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code, que le bénéfice net est établi sous déduction des charges, comprenant notamment des provisions, supportées dans l'intérêt de l'entreprise ; que ne peuvent être déduits du bénéfice net passible de l'impôt sur les sociétés les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges qui sont étrangers à une gestion commerciale normale ; que c'est au regard du seul intérêt propre de l'entreprise que l'administration, à qui il n'appartient toutefois pas de se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion arrêtés par une entreprise, doit apprécier si les avances que celle-ci a consenties correspondent à des actes de gestion commerciale normale ; que cet intérêt n'est pas méconnu lorsqu'une entreprise se livre à des opérations dans des conditions présentant pour elle un caractère avantageux ; qu'il en va autrement si, compte tenu des circonstances dans lesquelles elles interviennent et de l'objet qu'elles poursuivent, les avances excèdent manifestement les risques qu'un chef d'entreprise peut, eu égard aux informations dont il dispose, être conduit à prendre, dans une situation normale, pour améliorer les résultats de son entreprise ;

4. Considérant que, pour rejeter la déductibilité des dépenses engagées dans le cadre de l'opération de rapatriement des fonds de la famille , et de l'avance consentie dans ce cadre pour un montant de 280 000 dollars, l'administration fiscale a estimé que cette opération ne constituait pas un acte de gestion normale, dès lors que l'engagement de la SOCIETE ALWI dans cette opération, dont il est apparu postérieurement qu'il s'agissait d'une escroquerie, avait été précipité, décidé sur la base de simples courriels, sans contrat ni garantie préalables, et excédait manifestement les capacités financières de la société requérante ; qu'en outre, l'administration a fait valoir, d'une part, que la SOCIETE ALWI exerçait des missions d'assistance technique, informatique, comptable et, ponctuellement, un service de domiciliation, mais n'avait aucune compétence dans la gestion de patrimoines privés et, s'est prévalue d'autre part, d'un arrêt du 16 juin 2005 opposant la SOCIETE ALWI à M. et l'Intercity Bank, par lequel la Cour d'appel de Versailles a jugé que la prise de risque inconsidérée et fautive, dans le contexte d'une opération irrégulière, était la seule cause du préjudice subi par la société requérante ;

5. Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction que l'opération tendant au rapatriement en France des fonds de la famille présentait un intérêt pour la SOCIETE ALWI, laquelle aurait dû être chargée de la gestion du patrimoine rapatrié, d'un montant de 80 millions de dollars, moyennant une rémunération de 15 % sur les sommes effectivement placées ; que les sommes engagées par la société, qui correspondent environ à trois années de son résultat d'exploitation, étaient relativement faibles au regard des bénéfices escomptés de l'opération ; que, dans un délai très contraint, la SOCIETE ALWI a été en mesure d'obtenir un prêt consenti par une amie de M. B pour financer l'avance exigée par M. ; qu'ayant perdu deux de ses principaux clients, il était dans l'intérêt de la SOCIETE ALWI de chercher à renforcer et renouveler son activité alors que, par ailleurs, les statuts de la société prévoient que son principal objet est la prise de participation dans d'autres sociétés et accessoirement les transactions immobilières, ce qui apparaît compatible avec la gestion d'un patrimoine de plusieurs millions d'euros ; qu'il résulte également de l'instruction que le gérant de la SOCIETE ALWI ne s'est pas engagé dans l'opération litigieuse au vu de simples courriels, mais s'est rendu lui-même en Afrique du Sud où ses interlocuteurs avaient usurpé leurs identités ; qu'enfin et en tout état de cause, l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles du 16 juin 2005 a été cassé par la Cour de cassation le 6 mars 2007, laquelle a renvoyé le jugement de l'affaire opposant la SOCIETE ALWI à M. et l'Intercity Bank devant la cour d'appel de Paris ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que, lorsque la société requérante s'est engagée dans l'opération litigieuse, celle-ci pouvait être regardée pour elle comme présentant un intérêt conforme à son objet social et n'excédait pas manifestement les risques que M. B pouvait être conduit à prendre eu égard aux informations dont il disposait ; que, par suite, la SOCIETE ALWI est fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a rejeté, en qualifiant cette opération d'acte anormal de gestion, la déductibilité de la provision inscrite dans ses comptes pour un montant de 239 800 € ; que, pour les mêmes motifs, l'administration n'était pas fondée à remettre en cause la déductibilité des cadeaux évalués à 1 465 € offerts dans le cadre de cette opération par M. B ;

6. Considérant, en revanche, que dès lors que la société requérante ne conteste pas les autres motifs sus rappelés justifiant la réintégration dans son bénéfice imposable des frais de séjour estimés à 10 114 €, celle-ci n'est pas fondée à demander la restitution des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la contribution à cet impôt correspondant à ce rehaussement ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE ALWI est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires, intérêts et pénalités mis à sa charge au titre des années 2002 à 2004, en raison de la réintégration dans son bénéfice imposable de l'année 2002 de la somme de 1 465 € et de la provision inscrite dans sa comptabilité pour un montant de 239 800 € ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SOCIETE ALWI et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Il est donné acte à la SOCIETE ALWI du désistement de ses conclusions tendant au versement d'intérêts moratoires en application des articles L. 208 et R. 208-1 du livre des procédures fiscales.

Article 2 : Les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés et à la contribution à cet impôt, au titre de l'année 2002, sont réduites des montants de 1 465 et 239 800 euros correspondants aux cadeaux et à la provision réintégrés dans le bénéfice imposable de la SOCIETE ALWI.

Article 3 : Il est accordé à la SOCIETE ALWI la décharge d'un montant d'impôt sur les sociétés, de contribution à cet impôt, d'intérêts de retard et de pénalités correspondant à la réduction des bases d'imposition définie à l'article 2.

Article 4 : Le jugement du Tribunal administratif de Versailles du 10 mars 2011 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : L'Etat versera à la SOCIETE ALWI une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 11VE01673
Date de la décision : 20/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04-082 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Détermination du bénéfice net. Acte anormal de gestion.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Olivier GUIARD
Rapporteur public ?: M. LOCATELLI
Avocat(s) : DESBOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-11-20;11ve01673 ?
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