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06/11/2012 | FRANCE | N°11VE02036

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 06 novembre 2012, 11VE02036


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 7 juin 2011, présentée pour la S.A CANNES BALNEAIRE PALM BEACH CASINO, dont le siège est situé place Franklin Roosevelt à Cannes (06400), par le cabinet CMS Bureau Francis Lefebvre, avocat à la Cour; la S.A. CANNES BALNEAIRE PALM BEACH CASINO demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0705905 en date du 27 avril 2011 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant au remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée afférent au troisième

trimestre de l'année 1998, d'un montant de 236 295,98 euros, majoré d...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 7 juin 2011, présentée pour la S.A CANNES BALNEAIRE PALM BEACH CASINO, dont le siège est situé place Franklin Roosevelt à Cannes (06400), par le cabinet CMS Bureau Francis Lefebvre, avocat à la Cour; la S.A. CANNES BALNEAIRE PALM BEACH CASINO demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0705905 en date du 27 avril 2011 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant au remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée afférent au troisième trimestre de l'année 1998, d'un montant de 236 295,98 euros, majoré des intérêts moratoires ;

2°) d'ordonner le remboursement par l'Etat du crédit de taxe en litige, assorti des intérêts moratoires ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- qu'elle a justifié avoir déposé une demande de remboursement en octobre 1998 ; que le tribunal administratif a méconnu la charge de la preuve en exigeant qu'elle démontre avoir envoyé cette demande alors que s'applique en la matière un régime de preuve objective ; que c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur le silence qu'elle a gardé entre 1998 et 2006 pour inférer que sa déclaration de chiffre d'affaires adressée à l'administration fiscale le 23 octobre 1998 ne contenait pas sa demande de remboursement ;

- que c'est également à tort que le tribunal a estimé que la mention du montant chiffré de sa demande de remboursement figurant sur la ligne 23 de sa déclaration de chiffre d'affaires du mois de septembre 1998 ne valait pas demande de remboursement, dès lors qu'une demande de remboursement n'est soumise à aucun formalisme ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 octobre 2012 :

- le rapport de M. Guiard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Locatelli, rapporteur public,

- et les observations de Me Aldebert, pour la S.A. CANNES BALNEAIRE PALM BEACH CASINO ;

1. Considérant que, pour rejeter la demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée présentée par la S.A. CANNES BALNEAIRE PALM BEACH CASINO au titre du troisième trimestre de l'année 1998, l'administration fiscale a considéré que la demande de la société formée le 20 septembre 2006 était entachée de tardiveté ; que la S.A. CANNES BALNEAIRE PALM BEACH CASINO, qui soutient que son courrier du 20 septembre 2006 n'avait pour objet que d'attirer l'attention de l'administration sur sa réclamation initiale du 23 octobre 1998, laquelle a été formée en temps utile, fait appel du jugement du 27 avril 2011 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a confirmé la tardiveté opposée à sa demande de remboursement ;

Sur le remboursement du crédit de TVA :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, dans sa déclaration de taxe sur la valeur ajoutée du 23 octobre 1998, la S.A. CANNES BALNEAIRE PALM BEACH CASINO a fait apparaître, à la ligne 23 comportant la mention " Remboursement demandé sur formulaire n° 3519 joint ", le montant de crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont elle souhaitait obtenir le remboursement au titre du troisième trimestre de l'année 1998, soit 1 550 000 francs ; que la société requérante soutient que, conformément à cette indication, sa déclaration du 23 octobre 1998 était accompagnée d'une demande de remboursement établie sur le formulaire n° 3519 dont elle produit la copie ; que, si l'administration fiscale soutient pour sa part que le formulaire n° 3519 n'était pas joint à cette déclaration et se prévaut de ce que la société requérante s'est abstenue de toute relance entre cette date et le 20 septembre 2006, il est toutefois constant qu'en dépit de la mention manuscrite portée sur la ligne 23 de la déclaration du 23 octobre 1998, le service n'a entrepris aucune démarche pour inviter la société requérante à régulariser sa réclamation ; que, dans ces conditions, l'administration n'est pas fondée à remettre en cause l'existence de la demande de remboursement de crédit de TVA formée le 23 octobre 1998 par la S.A. CANNES BALNEAIRE PALM BEACH CASINO au motif que celle-ci n'aurait pas joint le formulaire n° 3519 à sa déclaration du 23 octobre 1998, que le service ne conteste pas avoir reçue ; qu'il suit de là que c'est à tort que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'est fondé sur le motif que la société requérante n'établissait pas avoir adressé aux services fiscaux une demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée le 23 octobre 1998, pour rejeter sa demande ;

3. Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés en défense à titre subsidiaire par le ministre chargé du budget ;

4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 224 de l'annexe II au code général des impôts, alors applicable : " 1. Les entreprises doivent mentionner le montant de la taxe dont la déduction leur est ouverte sur les déclarations qu'elles déposent pour le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée. Cette mention doit figurer sur la déclaration afférente au mois qui est désigné à l'article 208. Toutefois, à condition qu'elle fasse l'objet d'une inscription distincte, la taxe dont la déduction a été omise sur cette déclaration peut figurer sur les déclarations ultérieures déposées avant le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l'omission. 2. Lorsque le montant de la taxe déductible ainsi mentionné sur une déclaration excède le montant de la taxe due d'après les éléments qui figurent sur cette déclaration, l'excédent de taxe dont l'imputation ne peut être faite est reporté, jusqu'à épuisement, sur la ou les déclarations suivantes. Toutefois, cet excédent peut faire l'objet de remboursements dans les conditions fixées par les articles 242-0 A à 242-0 K et par le V de l'article 271 du code général des impôts. (...) " ; qu'aux termes de l'article 242-0 A de ladite annexe : " Le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée déductible dont l'imputation n'a pu être opérée doit faire l'objet d'une demande des assujettis. (...) " ; que selon l'article 242-0 C de la même annexe, dans sa rédaction alors applicable : " I. 1. Les demandes de remboursement doivent être déposées au cours du mois de janvier (...) II. 1. Par dérogation aux dispositions du I, une demande de remboursement peut être déposée au titre de chaque trimestre civil lorsque chacune des déclarations de ce trimestre fait apparaître un crédit de taxe déductible. La demande de remboursement est déposée au cours du mois suivant le trimestre considéré. (...) " ;

5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : (...) c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation. (...) " ;

6. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article R. 199-1 du même livre : " L'action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception de l'avis par lequel l'administration notifie au contribuable la décision prise sur la réclamation, que cette notification soit faite avant ou après l'expiration du délai de six mois prévu à l'article R. 198-10. / Toutefois, le contribuable qui n'a pas reçu la décision de l'administration dans un délai de six mois mentionné au premier alinéa peut saisir le tribunal dès l'expiration de ce délai (...) " ;

7. Considérant, en premier lieu, que la S.A. CANNES BALNEAIRE PALM BEACH CASINO doit, comme il vient d'être dit, être regardée comme ayant réclamé le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont elle était titulaire au titre du troisième trimestre de l'année 1998 par une demande formée le 23 octobre 1998, c'est-à-dire dans le délai prévu par les dispositions précitées de l'article 242-0 C de l'annexe II du code général des impôts ; qu'il résulte de l'instruction que, par son courrier du 20 septembre 2006, la requérante s'est bornée à rappeler au service l'existence de cette demande de remboursement ; que, dans ces conditions, l'administration n'est pas fondée à soutenir que la demande de remboursement du crédit en litige serait tardive au motif que la demande du 20 septembre 2006 n'a pas été faite dans le délai prévu par l'article 242-0 C de l'annexe II du code général des impôts ou qu'elle aurait méconnu les délais de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que s'il était loisible à la S.A. CANNES BALNEAIRE PALM BEACH CASINO de saisir le tribunal administratif du rejet implicite opposé à sa demande formée le 23 octobre 1998, aucune disposition ne lui impartissait un délai pour agir, le délai de recours contentieux ne pouvant courir à son encontre tant qu'une décision expresse ne lui avait pas été notifiée ; que, par ailleurs, il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas contesté que la S.A. CANNES BALNEAIRE PALM BEACH CASINO a, conformément aux dispositions précitées de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales, saisi le tribunal administratif dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception de l'avis par lequel l'administration lui a notifié la décision expresse de rejet du 21 mars 2007 ; qu'il suit de là que l'administration n'est pas fondée à soutenir que l'action de la société requérante n'aurait pas été introduite dans le délai de recours contentieux ;

9. Considérant, enfin, que si, ainsi qu'il vient d'être dit, l'administration a rejeté la demande de remboursement du 23 octobre 1998, d'abord par une décision implicite puis par une décision explicite du 21 mars 2007, aucune de ces deux décisions n'a revêtu un caractère définitif, de sorte que la S.A. CANNES BALNEAIRE PALM BEACH CASINO n'avait pas l'obligation de déclarer à nouveau, dans les conditions fixées par l'article 224 de l'annexe II au code général des impôts, le crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont le remboursement lui avait été refusé et qui n'avait pas été annulé ; que, dès lors, l'administration n'est pas fondée à soutenir que la société requérante n'est plus en mesure de réclamer le remboursement de ce crédit de taxe faute de l'avoir reporté sur ses déclarations postérieurement au rejet implicite de sa réclamation ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la S.A. CANNES BALNEAIRE PALM BEACH CASINO est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;

Sur les intérêts :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés. (...) " ;

12. Considérant qu'en application de ces dispositions, la S.A. CANNES BALNEAIRE PALM BEACH CASINO est fondée à obtenir le paiement de ces intérêts à compter du 23 octobre 1998, date de sa réclamation en vue d'obtenir le remboursement du crédit de taxe litigieux, jusqu'à la date du règlement effectif de la somme remboursée ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la S.A. CANNES BALNEAIRE PALM BEACH CASINO d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0705905 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 27 avril 2011 est annulé.

Article 2 : Le crédit de taxe sur la valeur ajoutée constaté au troisième trimestre de l'année 1998 pour un montant de 236 295,98 euros sera remboursé à la S.A. CANNES BALNEAIRE PALM BEACH CASINO.

Article 3 : La somme mentionnée à l'article 2 portera intérêts au taux légal à compter du 23 octobre 1998.

Article 4 : L'Etat versera à la S.A. CANNES BALNEAIRE PALM BEACH CASINO une somme de 2 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la S.A CANNES BALNEAIRE PALM BEACH CASINO tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

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N° 11VE02036 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 11VE02036
Date de la décision : 06/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-03-06 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Liquidation de la taxe. Déductions. Remboursements de TVA.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Olivier GUIARD
Rapporteur public ?: M. LOCATELLI
Avocat(s) : C/M/S/ BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-11-06;11ve02036 ?
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