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06/11/2012 | FRANCE | N°10VE03020

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 06 novembre 2012, 10VE03020


Vu la requête, enregistrée le 10 septembre 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la SA NATIXIS, dont le siège social est 30, avenue Pierre Mendès France à Paris (75013), par Me de Boynes, avocat à la Cour ; la SA NATIXIS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601113 en date du 13 juillet 2010 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, en tant qu'il a rejeté ses conclusions aux fins de réduction et restitution partielle des cotisations d'impôt sur les sociétés acquittées au titre de l'année 1999 du fait de l'intégra

tion, dans ses bases d'imposition, des dividendes versés par la société ...

Vu la requête, enregistrée le 10 septembre 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la SA NATIXIS, dont le siège social est 30, avenue Pierre Mendès France à Paris (75013), par Me de Boynes, avocat à la Cour ; la SA NATIXIS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601113 en date du 13 juillet 2010 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, en tant qu'il a rejeté ses conclusions aux fins de réduction et restitution partielle des cotisations d'impôt sur les sociétés acquittées au titre de l'année 1999 du fait de l'intégration, dans ses bases d'imposition, des dividendes versés par la société Audley finance BV ;

2°) de prononcer la restitution des impositions contestées, à titre principal, à hauteur d'un montant de 1 515 969 euros et, à titre subsidiaire, à hauteur de 1 077 243 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 17 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que c'est à tort que l'administration fiscale, qui cherche à l'imposer comme si elle détenait directement les titres de créance détenus par la société Audley finance BV, lui a refusé le bénéfice du régime mère-fille alors que, conformément à l'ensemble des dispositions et actes de droit privé applicables aux relations qu'elle entretient avec cette société, elle détient des titres de capital qui produisent des dividendes, lesquels se distinguent tant par leur origine, laquelle peut correspondre aussi bien aux intérêts versés qu'à une plus-value, que par leur montant et leurs modalités de versement, des sommes qu'elle aurait perçues si elle avait détenu directement les titres de créance détenus par la société Audley finance BV ; qu'en particulier, c'est à tort que le tribunal administratif a considéré qu'elle avait perçu les revenus des obligations détenues par la société Audley finance BV alors que les intérêts correspondants étaient versés sur le compte bancaire de la société Audley finance BV ;

- que c'est également à tort que l'administration lui a refusé le bénéfice du régime mère-fille au motif que la société Audley finance BV n'était pas soumise à l'impôt sur les sociétés au taux normal dès lors que les dispositions de l'article 145 du code général des impôts ne prévoient aucune condition tenant à l'imposition de la société distributrice, mais uniquement la condition que la société bénéficiaire du dividende soit soumise à l'impôt sur les sociétés au taux normal, ce qui est son cas ;

- que, dans la mesure où la société Audley finance BV a subi une imposition normale aux Pays-Bas et en Suisse, il y a bien une double imposition, situation qui emporte l'application du régime des sociétés mère-fille ;

- qu'à titre subsidiaire, elle est fondée à demander le bénéfice de l'avoir fiscal, auquel sont éligibles les distributions émanant de sociétés situées dans l'Union européenne, dès lors, d'une part, que les distributions en litige, qui ont la nature d'un dividende, résultent d'une décision régulière des organes compétents de la société Audley finance BV, d'autre part, que l'opération n'est pas abusive puisqu'elle supportait l'intégralité du risque d'actionnaire sur son investissement dans la société Audley finance BV et qu'enfin, l'octroi de l'avoir fiscal répond à un objectif d'élimination de double imposition puisqu'elle fournit la preuve de l'imposition aux Pays-Bas et en Suisse avec, de surcroît, application d'une retenue à la source sur les dividendes au taux de 5 %, alors que le crédit d'impôt d'égal montant qui a été déduit en France en application de l'article 10 (a) de la convention fiscale franco-néerlandaise n'élimine pas la double imposition en matière d'impôt sur les sociétés ;

......................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 octobre 2012 :

- le rapport de M. Tar, premier conseiller,

- les conclusions de M. Locatelli, rapporteur public,

- et les observations de Me de Boynes, pour la SA NATIXIS ;

1. Considérant que la SA NATIXIS, qui a succédé à la SA Natexis banques populaires, fait appel du jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 13 juillet 2010 en tant que, par ce jugement, le tribunal a rejeté sa demande aux fins de réduction et de restitution partielle des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt qu'elle a acquittées au titre de l'année 1999 du fait de l'inclusion dans ses bases d'imposition des dividendes qui lui ont été versés par sa filiale néerlandaise, la société Audley finance BV ; qu'elle soutient, à titre principal, qu'elle devait bénéficier du régime des sociétés mères défini aux articles 145 et 216 du code général des impôts et, à titre subsidiaire, de l'avoir fiscal prévu par l'article 209 bis, alors en vigueur, du même code ;

Sur l'application du régime mère-fille :

2. Considérant que, pour rejeter la réclamation de la SA Natexis banques populaires tendant au bénéfice du régime des sociétés mères pour les revenus perçus en 1999 de la société Audley finance BV, l'administration a considéré, d'une part, que la création, en 1989, de la société Audley finance BV constituait un montage à but exclusivement fiscal visant à donner à des revenus de prêts l'apparence de dividendes, ce qui avait d'ailleurs conduit le service à remettre en cause, selon la procédure de répression des abus de droit, l'application de ce régime aux dividendes perçus au titre des exercices 1990 à 1995, d'autre part, que les conditions de fonctionnement de la société Audley finance BV, qui caractérisaient l'existence de ce montage, étaient inchangées en 1999 et qu'enfin, les modifications de la loi fiscale néerlandaise invoquées par la SA Natexis banques populaires étaient sans incidence à cet égard ; qu'elle doit ainsi être regardée comme ayant écarté comme ne lui étant pas opposable l'ensemble des actes de droit privé par lesquels la SA Natexis banques populaires détenait des participations dans la société de droit néerlandais Audley finance BV ;

3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 145 du code général des impôts, dans sa version applicable au présent litige : " 1. Le régime fiscal des sociétés mères, tel qu'il est défini aux articles 146 et 216, est applicable aux sociétés et autres organismes soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal qui détiennent des participations satisfaisant aux conditions ci-après : a. Les titres de participations doivent revêtir la forme nominative ou être déposés dans un établissement désigné par l'administration ; b. Lorsque le prix de revient de la participation détenue dans la société émettrice est inférieur à 150 millions de francs, les titres de participation doivent représenter au moins 10 p. 100 du capital de la société émettrice ; ce prix de revient et ce pourcentage s'apprécient à la date de mise en paiement des produits de la participation. (...) c. Les titres de participation doivent avoir été souscrits à l'émission. A défaut, la personne morale participante doit avoir pris l'engagement de les conserver pendant un délai de deux ans. " ; qu'aux termes de l'article 216 du même code : " I. Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères et visées à l'article 145, touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d'une quote-part de frais et charges " ; qu'il résulte de ces dispositions combinées que les produits nets de participations mentionnés à l'article 216 précité doivent trouver leur origine dans les résultats que dégagent les filiales et dont le versement à leur société mère procède des droits attachés aux participations de celle-ci dans lesdites filiales ;

4. Considérant, d'autre part, que si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé ; que ce principe peut conduire l'administration à ne pas tenir compte d'actes de droit privé opposables aux tiers ; que ce principe s'applique également en matière fiscale, dès lors que le litige n'entre pas dans le champ d'application des dispositions particulières de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, qui, lorsqu'elles sont applicables, font obligation à l'administration fiscale de suivre la procédure qu'elles prévoient ; qu'ainsi, hors du champ de ces dispositions, le service, qui peut toujours écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors qu'il établit que ces actes ont un caractère fictif, peut également se fonder sur le principe sus rappelé pour écarter les actes qui, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, d'une part, qu'au cours de l'année 1989, le Crédit national, qui avait bénéficié de la rétrocession du produit d'une émission de titres de la part de l'une de ses filiales, domiciliée dans les Antilles néerlandaises, à laquelle il devait en conséquence verser, jusqu'en 2004, des intérêts les 25 février et 25 août de chaque année, a acquis par souscription en capital et versement d'une prime d'émission la quasi-totalité des titres de la société de droit néerlandais Audley finance BV, d'autre part, que la totalité des sommes ainsi mises à la disposition de la société Audley finance BV, diminuées des frais de constitution, a été consacrée par cette dernière à l'acquisition d'obligations américaines à échéance du 24 février 2004 remboursables les 25 février et 25 août de chaque année ; que, pour soutenir que la société Audley finance BV a été créée dans le but exclusivement fiscal de permettre au Crédit national de bénéficier du régime de faveur applicable aux sociétés mères à raison de sommes qui, sans l'interposition de cette société, auraient été imposables en France, l'administration relève à bon droit, d'une part, que la société Audley finance BV, dont l'actif était ainsi constitué de ces obligations, avait pour seule activité leur gestion patrimoniale, alors que la totalité de ses recettes provenaient des intérêts qu'ils généraient et des plus-values produites par leur cession, d'autre part, que le Crédit national, puis la SA Natexis banques populaires n'exerçaient pas de véritable contrôle de la gestion de la filiale, dont la politique de placement avait été définie une fois pour toutes lors de sa création, et qu'ainsi, ces sociétés ne se trouvaient pas dans la situation d'un actionnaire supportant un risque relatif à sa participation dans la mesure où le dividende versé était seulement fonction des revenus du placement en obligations, et qu'enfin, les bénéfices de la société Audley finance BV n'étaient pas imposables aux Pays-Bas du fait du régime particulier de société d'investissement auquel elle était soumise jusqu'à l'exercice correspondant à l'année 1999 ; que l'administration fait valoir, en outre, sans être pertinemment contestée, que ce montage a perduré en 1999 dès lors que les conditions de fonctionnement de la société néerlandaise sont demeurées inchangées tant en ce qui concerne son objet, son actif et son actionnariat que la nature de ses charges et produits ; que, pour sa part, la SA NATIXIS ne fait état d'aucun intérêt pour elle d'avoir acquis la société Audley finance BV aux Pays-Bas autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales qu'elle aurait supportées si elle avait acquis ces obligations sans passer par son intermédiaire, et n'établit pas, ni même n'allègue, que les conditions de fonctionnement de la société néerlandaise auraient été modifiées de sorte que celle-ci ne pouvait, en 1999, être regardée comme une structure dépourvue de toute substance économique ;

6. Considérant, en second lieu, que la circonstance qu'à compter de l'exercice correspondant à l'année 1999, la société Audley finance BV, en raison d'un changement des règles fiscales néerlandaises indépendante de sa volonté comme de celle de la SA Natexis banques populaires, a dû verser un impôt sur ses bénéfices qui représentait un montant global de 21,5 % desdits bénéfices, si elle a réduit l'intérêt fiscal du montage litigieux pour la SA Natexis banques populaires, n'a pas eu pour effet de donner à ce montage, qui trouve son origine dans la recherche d'une application littérale des articles 145 et 216 du code général des impôts à l'encontre des objectifs du législateur, un but autre que fiscal, alors que, ainsi qu'il a été dit, la SA NATIXIS ne démontre nullement que la société Audley finance BV ne serait pas demeurée en 1999 une structure dépourvue de toute substance économique ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'administration fiscale était en droit, pour rejeter la réclamation présentée par la SA NATIXIS, d'écarter comme ne lui étant pas opposable l'ensemble des actes de droit privé par lesquels cette société détenait des participations dans la société de droit néerlandais Audley finance BV dans des conditions qui auraient donné droit, en cas d'application littérale des dispositions précitées des articles 145 et 216 du code général des impôts, à ce que les sommes versées par cette société néerlandaise à la SA NATIXIS soient retranchées, à l'exception d'une quote-part pour frais et charges, du bénéfice imposable de cette dernière ;

Sur l'avoir fiscal :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 158 bis du code général des impôts, alors en vigueur : " I. Les personnes qui perçoivent des dividendes distribués par des sociétés françaises disposent à ce titre d'un revenu constitué : a) par les sommes qu'elles reçoivent de la société ; b) par un avoir fiscal représenté par un crédit ouvert sur le Trésor. Ce crédit d'impôt est égal à la moitié des sommes effectivement versées par la société. Il ne peut être utilisé que dans la mesure où le revenu est compris dans la base de l'impôt sur le revenu dû par le bénéficiaire. Il est reçu en paiement de cet impôt (...) II. Par exception aux dispositions prévues au I, ce crédit d'impôt est égal à 45 % des sommes effectivement versées par la société lorsque la personne susceptible d'utiliser ce crédit n'est pas une personne physique (...) " ; qu'aux termes du I de l'article 158 du même code, alors en vigueur : " Les dispositions de l'article 158 bis s'appliquent exclusivement aux produits d'actions, de parts sociales ou de parts bénéficiaires dont la distribution est postérieure au 31 décembre 1965 et résulte d'une décision régulière des organes compétents de la société " ; et qu'aux termes de l'article 209 bis du même code, alors en vigueur : " 1. Les dispositions des articles 158 bis et 158 ter sont applicables aux personnes morales ayant leur siège social en France, dans la mesure où le revenu distribué est compris dans la base de l'impôt sur les sociétés dû par le bénéficiaire. Le crédit d'impôt est reçu en paiement de cet impôt. Il n'est pas restituable (...) " ;

9. Considérant que, pour les mêmes raisons tenant à l'absence de substance de la société Audley finance BV et à la motivation exclusivement fiscale du montage résultant de l'acquisition de cette société par le Crédit national, et alors que, contrairement à ce qu'affirme la SA NATIXIS, la banque française propriétaire de cette société ne supportait aucun risque d'actionnaire qui se serait distingué du risque de défaut sur les obligations détenues par la société néerlandaise, l'administration fiscale était en droit, pour rejeter la réclamation présentée, à titre subsidiaire, par la SA NATIXIS, d'écarter comme ne lui étant pas opposable l'ensemble des actes de droit privé par lesquels cette société a donné aux sommes qu'elle recevait de la société de droit néerlandais Audley finance BV une forme qui était susceptible de donner lieu, en cas d'application littérale des dispositions précitées des articles, 158, 158 bis et 209 bis du code général des impôts, à ce que la SA NATIXIS bénéficie de l'avoir fiscal prévu par ces dispositions ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA NATIXIS n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse une somme au titre des frais exposés par la SA NATIXIS et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SA NATIXIS est rejetée.

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