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25/10/2012 | FRANCE | N°10VE02980

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 25 octobre 2012, 10VE02980


Vu la requête, enregistrée le 6 septembre 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour l'ASSOCIATION POUR LE DEVELOPPEMENT DE L'INSERTION PROFESSIONNELLE, dont le siège social est situé 12, rue Alexandre Parodi à Paris (75010), par Me Bellanger, avocat à la Cour ; l'ASSOCIATION POUR LE DEVELOPPEMENT DE L'INSERTION PROFESSIONNELLE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903999 du 8 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation du lot n° 1 " Bilan de compétences

approfondi " d'un marché d'insertion professionnelle auprès des dem...

Vu la requête, enregistrée le 6 septembre 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour l'ASSOCIATION POUR LE DEVELOPPEMENT DE L'INSERTION PROFESSIONNELLE, dont le siège social est situé 12, rue Alexandre Parodi à Paris (75010), par Me Bellanger, avocat à la Cour ; l'ASSOCIATION POUR LE DEVELOPPEMENT DE L'INSERTION PROFESSIONNELLE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903999 du 8 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation du lot n° 1 " Bilan de compétences approfondi " d'un marché d'insertion professionnelle auprès des demandeurs d'emploi de la région d'Ile-de-France, passé entre l'Agence nationale pour l'emploi et la société ADF Emploi et, d'autre part, à ce que le défendeur soit condamné à lui verser la somme de 122 000 euros avec les intérêts au taux légal ;

2°) d'annuler le lot n° 1 du marché d'insertion professionnelle auprès des demandeurs d'emploi de la région d'Ile-de-France ;

3°) de condamner Pôle emploi Ile-de-France, venant aux droits de l'Agence nationale pour l'emploi, à lui verser la somme de 122 000 euros assortie des intérêts au taux légal, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés ;

4°) de mettre à la charge de Pôle emploi Ile-de-France la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

L'association soutient que les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de ce que la pondération des critères a été remise en cause par les modifications apportées par rapport au règlement de consultation et sur le moyen tiré de la non communication des motifs et ont entaché leur jugement d'une insuffisance de motivation ; que c'est à tort qu'ils ont considéré que n'avait pas été pris en compte un nouveau critère de sélection des offres ; que la commission d'appel d'offres a modifié les notes de pondération entre critères ; que le critère relatif à " l'expérience, la formation et le nombre d'intervenants affectés à l'exécution du marché et la présentation des curriculum vitae fournis " était insuffisamment précis ce qui a été de nature à porter atteinte aux principes d'égalité de traitement, de non-discrimination et de transparence ; que la commission d'appel d'offres a commis une erreur manifeste d'appréciation en évaluant son offre ; que le tribunal aurait dû condamner l'Agence nationale pour l'emploi à réparer le dommage qu'elle a subi, dès lors qu'elle avait une chance très sérieuse d'obtenir le marché ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 octobre 2012 :

- le rapport de Mme Megret, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Courault, rapporteur public,

- et les observations de Me de Bailliencourt substituant Me Bellanger pour l'ASSOCIATION POUR LE DEVELOPPEMENT DE L'INSERTION PROFESSIONNELLE et de Me Abbal pour Pôle emploi Ile-de-France ;

Considérant que l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) a engagé en 2007 une procédure de passation d'un marché pour la réalisation d'actions d'insertion professionnelle et de formation sociale en Ile-de-France dans le cadre juridique d'une " procédure adaptée " soumise aux dispositions de l'article 30 du code des marchés publics ; que cette procédure ayant donné lieu à des déclarations d'infructuosité pour deux lots, l'ANPE a organisé pour ces deux lots le lancement d'une nouvelle procédure de publicité et de mise en concurrence par un avis d'appel public publié au bulletin officiel d'annonces des marchés publics (BOAMP) le 9 août 2008 et au journal officiel de l'union européenne (JOUE) le 8 août 2008 ; que l'ASSOCIATION POUR LE DEVELOPPEMENT DE L'INSERTION PROFESSIONNELLE (ADIP), en qualité de mandataire d'un groupement d'opérateurs économiques, a déposé une offre pour le lot n° 1 se rapportant à la prestation " bilan de compétences approfondi " (BCA) ; que cette offre ayant été rejetée, l'ADIP a saisi le juge des référés d'une demande d'annulation de l'ensemble de la procédure de passation dudit marché public qui a été rejetée le 12 janvier 2009, puis le Tribunal administratif de Montreuil, qui a rejeté par un jugement en date du 8 juin 2010 sa demande d'annulation du marché et celle tendant à la condamnation de Pôle emploi Ile-de-France, venant aux droits de l'Agence nationale pour l'emploi, à réparer le préjudice qu'elle estimait avoir subi du fait des irrégularités ayant entaché la passation de ce marché ; que l'ADIP relève régulièrement appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que les premiers juges, en considérant que " le moyen tiré d'une insuffisante motivation du rejet de l'offre de l'association requérante manque en fait " sans répondre au moyen tiré de la méconnaissance de l'obligation faite au pouvoir adjudicateur d'informer les candidats évincés de façon complète et détaillée conformément aux dispositions de l'article 83 du code des marchés publics, ont omis de statuer sur un moyen ; que, par suite et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens tirés de l'irrégularité du jugement, le jugement du Tribunal administratif de Montreuil doit être annulé ; qu'il y a lieu d'évoquer et statuer immédiatement sur la demande présentée par l'ADIP devant le tribunal administratif ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par Pôle emploi :

Considérant qu'aucune fin de non-recevoir tirée du défaut de décision préalable ne peut être opposée à un requérant ayant introduit devant le juge administratif un contentieux indemnitaire à une date où il n'avait présenté aucune demande en ce sens devant l'administration lorsqu'il a formé, postérieurement à l'introduction de son recours juridictionnel, une demande auprès de l'administration sur laquelle le silence gardé par celle-ci a fait naître une décision implicite de rejet avant que le juge de première instance ne statue, et ce, quelles que soient les conclusions du mémoire en défense de l'administration ; que lorsque ce mémoire en défense conclut, à titre principal, à l'irrecevabilité faute de décision préalable et, à titre subsidiaire seulement, au rejet au fond, ces conclusions font seulement obstacle à ce que le contentieux soit lié par ce mémoire lui-même ;

Considérant, en l'espèce, qu'il ressort des pièces du dossier que l'ADIP a formulé en cours d'instance de première instance, le 19 mai 2010, des conclusions tendant à la condamnation de l'Agence nationale pour l'emploi à réparer le préjudice qu'elle estimait avoir subi du fait des irrégularités ayant entaché la passation du marché contesté ; que la demande présentée par l'ADIP a été appelée à une audience du 25 mai 2010 et a donné lieu à un jugement lu le 8 juin 2010 ; qu'à cette date, l'ANPE n'avait pas pris de décision de rejet et aucune décision implicite de rejet n'était née du silence gardé par l'administration ; que, dès lors, les conclusions indemnitaires de l'ADIP étaient irrecevables et ne pouvaient qu'être rejetées ;

Sur la demande de nullité du marché :

Considérant qu'aux termes de l'article 30 du code des marchés publics : " I. - Les marchés et les accords-cadres ayant pour objet des prestations de services qui ne sont pas mentionnés à l'article 29 peuvent être passés, quel que soit leur montant, selon une procédure adaptée, dans les conditions prévues à l'article 28. II Toutefois (...) 2° lorsque le montant estimé des prestations demandées est égal ou supérieur à 210 000 euros Hors Taxes, elles sont définies conformément aux dispositions de l'article 6 et le marché fait l'objet d'un avis d'attribution dans les conditions fixées à l'article 85 (...) " ;

Considérant que les marchés passés en application du code des marchés publics sont soumis aux principes qui découlent de l'exigence d'égal accès à la commande publique, rappelés par le II de l'article 1er de ce code ; que les marchés passés selon la procédure adaptée prévue à l'article 28 du même code sont soumis aux dispositions de son article 1er, comme tous les contrats entrant dans le champ d'application de celui-ci ; que, pour assurer le respect des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, l'information appropriée des candidats sur les critères d'attribution d'un marché public est nécessaire dès l'engagement de la procédure d'attribution du marché, dans l'avis d'appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats ; que, dans le cas où le pouvoir adjudicateur souhaite retenir d'autres critères que celui du prix, l'information appropriée des candidats doit alors également porter sur les conditions de mise en oeuvre de ces critères ; qu'il appartient au pouvoir adjudicateur d'indiquer les critères d'attribution du marché et les conditions de leur mise en oeuvre selon les modalités appropriées à l'objet, aux caractéristiques et au montant du marché concerné ; que, lorsque le pouvoir adjudicateur décide de limiter le nombre des candidats admis à présenter une offre, il lui appartient, y compris lorsqu'il met en oeuvre une procédure adaptée sur le fondement de l'article 28 du code des marchés publics, d'assurer l'information appropriée des candidats sur les critères de sélection de ces candidatures dès l'engagement de la procédure d'attribution du marché, dans l'avis d'appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats ; que cette information appropriée suppose que le pouvoir adjudicateur indique aussi les documents ou renseignements au vu desquels il entend opérer la sélection des candidatures ; que, par ailleurs, si le pouvoir adjudicateur entend fixer des niveaux minimaux de capacité, ces derniers doivent aussi être portés à la connaissance des candidats ; que cette information appropriée des candidats n'implique en revanche pas que le pouvoir adjudicateur indique les conditions de mise en oeuvre des critères de sélection des candidatures ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par une lettre en date du 19 décembre 2008, la direction régionale de l'ANPE d'Ile-de-France a informé l'ADIP du rejet de son offre en indiquant la note totale obtenue de 78 sur 100 ainsi que la décomposition de sa note par sous-critères ; que cette lettre faisait état d'un critère " proposition pédagogique et démarche qualité associée " doté de 17 points alors que le règlement de la consultation ne faisait état que d'un critère relatif à une " proposition pédagogique " dotée de 16 points ; qu'un autre critère lié notamment aux locaux proposés pour l'exécution du marché était doté de 10 points alors qu'il était doté de 11 points dans le règlement précité ; que, toutefois, par une lettre du 5 janvier 2009, Pôle emploi a précisé à l'association que la lettre de rejet du 19 décembre 2008 comportait une erreur matérielle et a joint une lettre en date du 30 décembre 2008 l'informant des motifs détaillés du rejet de son offre, des éléments d'appréciation et des critères de notation de son offre lesquels étaient conformes au règlement de la consultation ; que, dès lors et contrairement à ce que soutient l'association requérante, il est établi que l'Agence nationale pour l'emploi n'avait pas modifié les critères ou sous-critères d'attribution, ni la notation des éléments de la valeur technique lors de l'examen des offres ; que, par suite, et en supposant même que l'erreur commise dans la lettre du 19 décembre 2008 a pu léser ou risqué de léser l'association requérante, les moyens tirés de ce que l'Agence nationale pour l'emploi aurait manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence en utilisant un nouveau critère de sélection des offres et en modifiant la grille de notation initialement prévue manquent en fait ;

Considérant qu'en déterminant le critère relatif à " l'expérience, la formation et le nombre des intervenants affectés à l'exécution du marché et la présentation des curriculum vitae fournis " au regard de la formation et du nombre des intervenants affectés à l'exécution du marché et de la présentation des curriculum vitae fournis, le règlement de consultation du marché permettait de prendre en considération l'expérience des candidats ; que ce critère suffisamment précis n'avait pas, contrairement à ce que soutient la requérante, d'effet discriminatoire ;

Considérant que si l'ADIP fait valoir que la commission d'appel d'offres a commis une erreur manifeste d'appréciation en évaluant son offre notamment sur le critère " l'expérience, la formation et le nombre des intervenants affectés à l'exécution du marché et la présentation des curriculum vitae fournis " en ne lui attribuant que la note de 9/17, Pôle emploi, sans être contredit, soutient que cette note résulte du manque d'expérience de certains intervenants affectés à l'exécution du contrat ; qu'ainsi, l'erreur d'appréciation alléguée n'est pas établie ;

Considérant, enfin, que si l'ADIP soutient que la commission d'appel d'offres ne pouvait siéger faute de quorum suffisant, il résulte, toutefois, de l'instruction que deux des membres ayant voix délibérative sur trois étaient présents, soit plus de la moitié des membres à voix délibérative ; qu'ainsi le moyen manque en fait ; qu'en tout état de cause, il résulte de l'article 30 du code des marchés publics applicables au marché que Pôle emploi, établissement public de l'Etat, n'était pas tenu de consulter une commission d'appel d'offres ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Pôle emploi, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'ADIP demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'ADIP une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par Pôle emploi et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Montreuil n° 0903999 en date du 8 juin 2010 est annulé.

Article 2 : La demande de l'ASSOCIATION POUR LE DEVELOPPEMENT DE L'INSERTION PROFESSIONNELLE est rejetée.

Article 3 : L'ASSOCIATION POUR LE DEVELOPPEMENT DE L'INSERTION PROFESSIONNELLE versera à Pôle emploi une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 10VE02980


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 10VE02980
Date de la décision : 25/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Fin des contrats - Nullité.

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Rémunération du co-contractant - Indemnités.


Composition du Tribunal
Président : Mme COËNT-BOCHARD
Rapporteur ?: Mme Sylvie MEGRET
Rapporteur public ?: Mme COURAULT
Avocat(s) : BELLANGER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-10-25;10ve02980 ?
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