La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/10/2012 | FRANCE | N°10VE03167

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 18 octobre 2012, 10VE03167


Vu la requête, enregistrée le 21 septembre 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société ALTAÏR SÉCURITÉ, dont le siège est 277 rue du Faubourg Saint Antoine à Paris (75011), représentée par son président directeur général en exercice, par Me Violette, avocat à la Cour ; la société ALTAÏR SÉCURITÉ demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0803968 du 15 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation de la décision en date du 11 février

2008 par laquelle le ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement d...

Vu la requête, enregistrée le 21 septembre 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société ALTAÏR SÉCURITÉ, dont le siège est 277 rue du Faubourg Saint Antoine à Paris (75011), représentée par son président directeur général en exercice, par Me Violette, avocat à la Cour ; la société ALTAÏR SÉCURITÉ demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0803968 du 15 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation de la décision en date du 11 février 2008 par laquelle le ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables a décidé de ne pas reconduire le marché public dont elle était attributaire, et, d'autre part, à l'indemnisation du préjudice qu'elle a subi du fait du non renouvellement dudit marché ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 394 670,37 € correspondant à ce préjudice ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 € en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société ALTAÏR SÉCURITÉ soutient :

- que le tribunal administratif a commis une erreur de droit en jugeant que l'accord du 5 mars 2002 n'a pas valeur contractuelle alors qu'il est expressément cité et visé dans le cahier des clauses techniques particulières applicables au marché, au titre des dispositions devant être respectées ;

- que le tribunal administratif a commis une erreur manifeste d'appréciation et une erreur de qualification juridique des faits en jugeant que le comportement du ministre chargé de l'écologie n'est pas fautif, alors qu'un délai de prévenance de 60 jours devait être respecté entre l'annonce de la décision de changement de prestataire et sa mise en application ; que l'administration a entretenu une attitude ambiguë quant à un éventuel renouvellement du marché ;

- que les conclusions indemnitaires présentées devant les premiers juges sont fondées ;

......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le décret n° 2008-680 du 9 juillet 2008 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 13 septembre 2012 :

- le rapport de M. Diémert, président assesseur,

- les conclusions de Mme Courault, rapporteur public,

- et les observations de Me Violette, pour la société ALTAÏR SÉCURITÉ ;

Considérant que, le 21 février 2006, le ministre de l'écologie et du développement durable a confié à la société ALTAÏR SÉCURITÉ un marché à bon de commandes pour effectuer des prestations de surveillance, de gardiennage, de télésurveillance et d'intervention dans les locaux du ministère des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, d'une durée de douze mois, reconductible trois fois, sans que cette durée ne puisse dépasser quarante-huit mois ; que ce marché, qui a pris effet le 22 février 2006, a été reconduit une première fois, soit jusqu'au 21 février 2007, puis une seconde fois, soit jusqu'au 21 février 2008 ; que par lettre, en date du 11 février 2008, le ministre a informé la requérante de ce que ce marché ne serait pas reconduit et prendrait fin en conséquence le 21 février 2008 ; que la société ALTAÏR SÉCURITÉ a formé un recours gracieux contre cette décision, qui a été rejeté par une décision explicite en date du 5 mars 2008 ; que l'intéressée s'est ensuite pourvue devant le Tribunal administratif de Versailles pour contester ces décisions et pour obtenir le dédommagement du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison du non renouvellement du marché ; que, par un jugement en date du 15 juillet 2010, dont la société relève régulièrement appel, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;

Sur l'étendue du litige :

Considérant, en premier lieu, que les conclusions de la requête d'appel de la société ALTAÏR SÉCURITÉ, enregistrée le 21 septembre 2010, se bornaient à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il rejetait sa demande à fin d'indemnisation ; que les conclusions présentées par la société ALTAÏR SÉCURITÉ dans son mémoire enregistré le 10 février 2012, et tendant à ce que soit ordonnée au ministre chargé de l'écologie la reprise des relations contractuelles avec la requérante, ont ainsi été enregistrées postérieurement à l'expiration du délai d'appel et constituent, dès lors, une demande nouvelle ; qu'elles sont, par suite, irrecevables ; qu'il en va de même des conclusions présentées par la requérante dans ses mémoires enregistrés les 23 mars et 4 septembre 2012, et qui tendent à contester la régularité du jugement attaqué en tant que les premiers juges auraient méconnu leur office en ne faisant pas application des principes jurisprudentiels relatifs aux pouvoirs du juge de plein contentieux saisi d'un litige relatif à des mesures d'exécution d'un contrat ;

Considérant, en second lieu, que la présentation de conclusions à fin indemnitaire par l'entreprise qui entend, dans le cadre d'un recours de pleine juridiction engagé devant le juge du contrat, seulement obtenir réparation du préjudice par elle subi du fait d'une mesure d'exécution d'un marché public, n'est pas soumise au respect du délai de droit commun de deux mois instauré par l'article R. 421-1 du code de justice administrative, ni au respect du même délai de deux mois applicable à l'action en contestation de la validité d'un contrat ; que, par suite, les conclusions indemnitaires de la société ALTAÏR SÉCURITÉ, qui ont été présentées devant le tribunal administratif le 10 avril 2008, après que la décision du ministre informant la requérante de sa volonté de ne pas reconduire le marché lui eut été notifiée le 14 février 2008, n'étaient pas irrecevables ; que la fin de non-recevoir opposée par le ministre sur ce point ne peut donc qu'être écartée ;

Au fond :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 15 du code des marchés publics dans sa rédaction applicable en l'espèce : " (...) La durée d'un marché est fixée en tenant compte de la nature des prestations et de la nécessité d'une remise en concurrence périodique. Un marché peut prévoir une ou plusieurs reconductions à condition que ses caractéristiques restent inchangées et que la mise en concurrence ait été réalisée en prenant en compte la durée totale du marché, période de reconduction comprise. / Le nombre des reconductions doit être indiqué dans le marché. Il est fixé en tenant compte de la nature des prestations et de la nécessité d'une remise en concurrence périodique. La personne responsable du marché prend par écrit la décision de reconduire ou non le marché. Le titulaire du marché ne peut refuser sa reconduction sauf stipulation contraire dans le marché. " ; qu'en décidant de ne pas reconduire un marché après l'une des dates fixées par les stipulations du contrat, la personne responsable du marché met fin à son exécution avant le terme de la période totale d'exécution ; qu'en revanche, lorsqu'elle reconduit ce marché, elle prend simplement la décision de poursuivre son exécution qui ne fait pas naître un nouveau marché par application d'une clause de reconduction ; qu'en l'espèce, l'acte d'engagement du marché en cause et l'article 5 du cahier des clauses techniques particulières stipulaient que ledit marché était conclu pour une période de douze mois, décomptée à partir de sa date de prise d'effet, avec la possibilité d'une reconduction par période de douze mois, sans que la durée de validité totale ne dépasse quarante-huit mois ; que ce marché a pris effet le 22 février 2006 et a été reconduit deux fois, soit jusqu'au 21 février 2008 ; que, par une lettre en date du 11 février 2008, le ministre a informé la requérante de ce que le marché ne serait pas reconduit et prendrait fin en conséquence le 21 février 2008 ; que, dès lors, la décision de mettre fin aux relations contractuelles entre l'Etat et la requérante doit être regardée, non comme une mesure de résiliation intervenue avant le terme normal de la période d'exécution, mais comme une décision de non-renouvellement intervenue à l'occasion à l'une des échéances prévues à cet effet dans l'acte d'engagement ; qu'il s'ensuit que, en l'absence de tout droit, pour un cocontractant, au renouvellement d'un marché, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle devrait être indemnisée du préjudice résultant, selon elle, de la décision de ne pas renouveler le marché en cause ;

Considérant, en deuxième lieu, que le non-renouvellement du marché ne pouvant être regardé comme une résiliation, la société ALTAÏR SÉCURITÉ n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de l'Etat sur le fondement de l'article 31 du cahier des clauses administratives générales, dont les stipulations, ne sont applicables que dans une telle occurrence ;

Considérant, en troisième lieu, que si la société ALTAÏR SÉCURITÉ soutient que la décision de non-reconduction aurait dû intervenir dans le délai de deux mois prévu par l'accord du 5 mars 2002 sur la reprise de personnel qui complète la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité, l'article 2 dudit accord stipulant notamment que : " le client doit être informé contractuellement de son obligation, lors du changement de prestataire, d'indiquer à l'entreprise entrante et à l'entreprise sortante, par lettre recommandée avec accusé de réception, sa décision effective de changer de prestataire, en respectant un délai minimum de prévenance de 60 jours. ", il ne résulte pas de l'instruction, faute pour la requérante d'avoir déféré sur ce point à la mesure d'instruction décidée par la Cour et d'avoir fourni les stipulations du cahier des clauses administratives particulières qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, que cette convention collective et les accords qui lui sont associés auraient reçu valeur contractuelle dans le cadre du marché signé entre les parties ; qu'en outre, aucune stipulation dudit marché ne prévoyait de délai de préavis ; qu'il s'ensuit que l'Etat n'a pas méconnu ses obligations contractuelles en prenant la décision contestée sans la faire précéder d'un délai de préavis ;

Considérant, enfin, qu'il résulte de l'instruction que l'administration a, au cours du mois de décembre 2007, étendu les prestations du marché par un avenant, puis a ensuite pris, le 11 février 2008, la décision de ne pas reconduire le marché au motif du recours à une convention avec l'UGAP, sans informer la requérante du changement de prestataire qui résultait de cette convention, et alors qu'elle ne pouvait ignorer que la non-reconduction du marché emporterait pour cette société d'importantes conséquences en matière de transfert de personnel ; que cependant, et en admettant même que, dans ces circonstances, l'Etat puisse être regardé comme ayant commis une faute à l'égard de la société ALTAÏR SÉCURITÉ au regard du principe de loyauté des relations contractuelles, la société ALTAÏR SÉCURITÉ n'établit pas la réalité du préjudice qu'elle allègue avoir subi ; qu'elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que l'administration doit être condamnée à en assurer la réparation ; que ses conclusions en ce sens ne peuvent ainsi qu'être rejetées ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions s'opposent à ce que la société ALTAÏR SÉCURITÉ, qui succombe dans la présente instance, puisse en invoquer le bénéfice ; que si ces mêmes dispositions ne font pas en principe obstacle à ce que soit mise à la charge de la partie perdante une somme demandée par une personne publique, au titre des frais exposés dans l'instance et non compris dans les dépens, alors même qu'elle n'a pas été représentée par un avocat, toutefois, les services du ministère chargé de l'écologie et du développement durable comprennent au sein du secrétariat général une direction des affaires juridiques, laquelle, conformément aux dispositions du II de l'article 2 du décret du 9 juillet 2008 portant organisation de l'administration centrale de ce ministère, " traite le contentieux de niveau central du ministère et représente le ministre devant les juridictions compétentes " ; que, si le ministre soutient que la présente instance a provoqué pour ses services des dépenses supplémentaires, il ne démontre pas que ces dernières ont été d'une ampleur telle qu'elles auraient excédé la mission normalement confiée auxdits services par les dispositions susrappelées ; que les conclusions du ministre ne peuvent donc être que rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société ALTAÏR SÉCURITÉ est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'Etat fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

''

''

''

''

N° 10VE03167 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 10VE03167
Date de la décision : 18/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

39-04 Marchés et contrats administratifs. Fin des contrats.


Composition du Tribunal
Président : Mme COËNT-BOCHARD
Rapporteur ?: M. Stéphane DIÉMERT
Rapporteur public ?: Mme COURAULT
Avocat(s) : VIOLETTE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-10-18;10ve03167 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award