Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 22 mars 2012, présentée pour M. Saïd A, demeurant chez M. El B, ..., par Me Alleg, avocat ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1106749 du 21 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 24 octobre 2011 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de départ volontaire de trente jours à compter de sa notification, et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office ;
2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;
3°) d'enjoindre au préfet des Yvelines de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative et, dans l'attente, de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour ou une autorisation provisoire de séjour dans le même délai et sous la même astreinte ;
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé au regard des dispositions de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 et de celles des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; en se bornant à rejeter sa demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié au motif que l'emploi auquel il postule ne figure pas sur la liste des métiers annexée à l'arrêté du 11 août 2011, le préfet des Yvelines n'a pas suffisamment motivé sa décision ;
- le préfet des Yvelines n'a pas transmis sa demande pour avis à la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle et a ainsi méconnu les dispositions de l'article L. 5221-2 du code du travail ;
- en lui refusant la délivrance du titre de séjour qu'il sollicitait, le préfet des Yvelines a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus et a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il vit continuellement en France depuis 1991 où il a développé des attaches personnelles et familiales ; ses liens avec le pays dont il est originaire sont aujourd'hui distendus ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 modifié ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu l'arrêté du 11 août 2011 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 septembre 2012 le rapport de M. Brumeaux, président assesseur ;
Considérant que M. A, ressortissant marocain entré en France en 1998 selon ses déclarations, à l'âge de trente et un ans, a sollicité, le 7 janvier 2010, son admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié, sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet des Yvelines lui a refusée par un arrêté en date du 24 octobre 2011, lui faisant obligation de quitter le territoire français, dans le délai de départ volontaire de trente jours à compter de sa notification, et fixant le pays de destination ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 24 octobre 2011 du préfet des Yvelines refusant la délivrance d'un titre de séjour :
Sur la légalité externe :
Considérant, en premier lieu, qu'en vertu de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs, les décisions individuelles défavorables doivent comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent leur fondement ; que l'arrêté contesté vise les textes dont il fait application et mentionne les faits qui en constituent le fondement ; qu'ainsi, et alors même que ces motifs ne reprennent pas l'ensemble des éléments caractérisant la situation professionnelle du requérant, ledit arrêté répond aux exigences de motivation posées par la loi susvisée du 11 juillet 1979 ;
Considérant, en second lieu, que le moyen tiré du défaut de saisine du directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle par le préfet des Yvelines ne comporte aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée par M. A devant le tribunal administratif ; qu'il y a ainsi lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;
Sur la légalité interne :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
Considérant que si M. A soutient qu'il réside continuellement en France depuis 1991 où il a noué des attaches personnelles et familiales et que ses liens avec le pays dont il est originaire sont aujourd'hui distendus, il n'établit toutefois pas le caractère continu de sa présence sur le territoire français au titre des années 1999 à 2008, pour lesquelles sont seulement produits quelques attestations de consultations, au demeurant non datées, et des avis d'imposition pour 2006 et 2007 qui ne comportent aucun revenu ; qu'en outre, il ressort des pièces du dossier que le requérant a été condamné, le 12 août 1997, par le Tribunal correctionnel de Versailles à une interdiction du territoire national de trois ans et à une peine d'emprisonnement de trois mois pour " entrée ou séjour irrégulier d'un étranger en France " et que l'intéressé a été reconduit au Maroc le 28 octobre 1997 ; qu'enfin, M. A, célibataire et sans charge de famille en France, ne démontre pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de trente et un ans au moins et où résident ses parents et quatre de ses frères et soeurs, selon les affirmations non contredites du préfet des Yvelines ; que, par suite, et compte tenu notamment des conditions d'entrée et de séjour de l'intéressé sur le territoire français, l'arrêté attaqué n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, en second lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article 9 de l'accord franco-marocain susvisé : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. / Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation " et qu'aux termes de l'article 3 du même accord : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles (...) " et, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code de travail. / Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2 (...) " et qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d 'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;
Considérant qu'il résulte de la combinaison des textes ci-dessus rappelés que la situation des ressortissants marocains souhaitant bénéficier d'un titre de séjour portant la mention " salarié " est exclusivement régie par les stipulations de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, et que, dans cette mesure, ces stipulations font obstacle à l'application aux ressortissants marocains de celles des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ont le même objet ; qu'il suit de là que le préfet des Yvelines ne pouvait, sans commettre une erreur de droit, opposer les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à M. A pour rejeter sa demande de carte de séjour temporaire présentée en qualité de " salarié ", sans l'examiner sur le fondement des stipulations précitées de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 modifié ; qu'ainsi, son arrêté en date du 24 octobre 2011 doit être annulé ; que, par voie de conséquence, ses décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination doivent être également annulées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 octobre 2011 du préfet des Yvelines refusant de lui délivrer un titre de séjour " salarié ", lui faisant obligation de quitter le territoire français, dans le délai de départ volontaire de trente jours à compter de sa notification, et fixant le pays de destination ;
Sur les conclusions présentées aux fins d'injonction et d'astreinte :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé " ;
Considérant qu'eu égard aux motifs du présent arrêt, il y a lieu seulement d'enjoindre au préfet des Yvelines de réexaminer la demande de M. A dans un délai d'un mois à compter de sa notification, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1106749 du 21 février 2012 du Tribunal administratif de Versailles et l'arrêté du préfet des Yvelines du 24 octobre 2011 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Yvelines, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, de réexaminer la demande de M. A.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. A est rejeté.
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N° 12VE01107 2