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25/09/2012 | FRANCE | N°12VE00699

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 25 septembre 2012, 12VE00699


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 15 février 2012, présentée pour M. Mohamed A, demeurant chez Mme B, ..., par Me Giudicelli-Jahn, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1105718 du 12 janvier 2012 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 7 juin 2011 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français à destination du pays d

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2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) d'enj...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 15 février 2012, présentée pour M. Mohamed A, demeurant chez Mme B, ..., par Me Giudicelli-Jahn, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1105718 du 12 janvier 2012 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 7 juin 2011 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français à destination du pays dont il a la nationalité ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens ;

Il soutient que :

- en refusant son admission exceptionnelle au séjour, le préfet des Hauts-de-Seine a méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a commis une erreur manifeste d'appréciation ; l'autorité préfectorale n'a pas pris en considération les motifs exceptionnels qu'il invoquait à l'appui de sa demande de régularisation ; il réside continuellement en France depuis 2002, date de son entrée sur le territoire national, où il a fixé durablement le centre de ses intérêts privés et familiaux ; il dispose d'une promesse d'embauche en date du 21 janvier 2010 en qualité de " commis de cuisine " et justifie, par les pièces versées au dossier, de son expérience et de sa qualification professionnelles ; le métier auquel il entend postuler relève d'un secteur d'activité caractérisé par des difficultés de recrutement ; il témoigne d'une volonté d'intégration sociale et professionnelle ;

- l'arrêté attaqué a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus et a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il vit en France depuis neuf années et s'est marié, le 22 juin 2009, au Consulat général du Royaume du Maroc à Colombes avec Mme Bouchra B, ressortissante marocaine titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; il justifie, en France, de l'existence et de l'ancienneté de liens privés et familiaux ; il est père d'un enfant né sur le territoire français le 10 août 2010 ; les services de la préfecture ont été informés, par courrier reçu le 18 février 2011, de sa situation familiale en France ;

- le préfet des Hauts-de-Seine a également méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; la mesure d'éloignement prise à son encontre est contraire à l'intérêt de son enfant âgé d'un an ; il participe à l'entretien et à l'éducation de ce dernier ;

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code du travail ;

Vu l'arrêté du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 septembre 2012 le rapport de M. Brumeaux, président assesseur ;

Considérant que M. A, ressortissant marocain entré en France en 2002 selon ses déclarations, à l'âge de trente et un ans, a sollicité, le 11 mars 2010, son admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié, sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet des Hauts-de-Seine lui a refusée par un arrêté en date du 7 juin 2011, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 7 juin 2011 du préfet des Hauts-de-Seine refusant la délivrance d'un titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

Considérant que M. A soutient qu'il réside continuellement en France depuis neuf années à la date de la décision contestée et qu'il s'est marié, le 22 juin 2009, au consulat général du Maroc à Colombes, avec une compatriote en situation régulière ; que l'intéressé fait également valoir qu'il est père d'un enfant né sur le territoire français le 10 août 2010 ; que cependant, il ressort des pièces du dossier que le requérant, qui a fait l'objet d'un arrêté du 27 juin 2007 du préfet de police de Paris ordonnant son éloignement, décision confirmée par un jugement du 2 juillet 2007 du Tribunal administratif de Paris, a été remis le 9 juillet 2007 aux autorités compétentes de l'Italie, pays pour lequel il disposait d'un visa long séjour à territorialité limitée valable jusqu'au 30 avril 2008, et qu'il n'est entré en France pour la dernière fois que le 17 août 2009, à l'âge de trente-sept ans ; que l'intéressé ne produit au demeurant aucun élément permettant d'établir le caractère continu de sa présence sur le territoire français entre 2002 et juin 2009 ; qu'en outre, l'intéressé ne démontre pas la réalité et la stabilité de la communauté de vie avec sa compatriote ; qu'enfin, le requérant n'établit pas davantage être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où réside notamment son père, selon ses déclarations, et ne fait état d'aucun obstacle à la reconstitution de sa cellule familiale au Maroc ; que, par suite, et compte tenu notamment des conditions d'entrée et de séjour de l'intéressé sur le territoire français et du caractère récent de sa vie maritale, l'arrêté attaqué n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d' institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en prenant l'arrêté litigieux du 7 juin 2011, le préfet des Hauts-de-Seine n'aurait pas accordé une importance primordiale à l'intérêt supérieur du jeune enfant de M. A né le 10 août 2010 sur le territoire français ; que cet arrêté n'a lui-même ni pour objet ni pour effet de séparer durablement le requérant de son enfant dès lors que, d'une part, l'intéressé n'établit pas l'impossibilité de reconstituer sa cellule familiale dans le pays dont il est originaire et, d'autre part, il est susceptible de bénéficier de la procédure de regroupement familial dans la mesure où son épouse de nationalité marocaine vit en situation régulière en France ; qu'en outre, les pièces versées au dossier ne permettent pas de démontrer que M. A contribuerait effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance, par le préfet des Hauts-de-Seine, des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 doit être écarté ;

Considérant, en dernier lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article 9 de l'accord franco-marocain susvisé : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. / Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation " et qu'aux termes de l'article 3 du même accord : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles (...) " et, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code de travail. / Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2 (...) " et qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d 'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;

Considérant qu'il résulte de la combinaison des textes ci-dessus rappelés que la situation des ressortissants marocains souhaitant bénéficier d'un titre de séjour portant la mention " salarié " est exclusivement régie par les stipulations de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, et que, dans cette mesure, ces stipulations font obstacle à l'application aux ressortissants marocains de celles des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ont le même objet ; qu'il suit de là que le préfet des Hauts-de-Seine ne pouvait, sans commettre une erreur de droit, opposer les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à M. A pour rejeter sa demande de carte de séjour temporaire présentée en qualité de " salarié ", sans l'examiner sur le fondement des stipulations précitées de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 modifié ; qu'ainsi, son arrêté en date du 7 juin 2011 doit être annulé ; que par voie de conséquence ses décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination doivent être également annulées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 juin 2011 du préfet des Hauts-de-Seine refusant de lui délivrer un titre de séjour " salarié ", lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

Sur les conclusions présentées aux fins d'injonction et d'astreinte :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé " ;

Considérant qu'eu égard aux motifs du présent arrêt, il y a lieu seulement d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de réexaminer la demande de M. A dans un délai d'un mois à compter de sa notification, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. A sur ce fondement ;

Sur les conclusions tendant au remboursement des dépens :

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que des dépens auraient été exposés dans la présente instance ; que M. A n'est pas, en tout état de cause, fondé à en demander le remboursement ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1105718 du 12 janvier 2012 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 7 juin 2011 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Hauts-de-Seine, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, de réexaminer la demande de M. A.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. A est rejeté.

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N° 12VE00699 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 12VE00699
Date de la décision : 25/09/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Michel BRUMEAUX
Rapporteur public ?: Mme ROLLET-PERRAUD
Avocat(s) : GIUDICELLI-JAHN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-09-25;12ve00699 ?
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