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25/09/2012 | FRANCE | N°12VE00043

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 25 septembre 2012, 12VE00043


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 4 janvier 2012, présentée pour M. Mohamed A, demeurant chez Mlle Khadidja B, ..., par Me Lévy, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1105227 du 5 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 12 juillet 2011 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français à destination du pays dont il

a la nationalité ;

2°) à titre principal d'annuler la décision de refus...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 4 janvier 2012, présentée pour M. Mohamed A, demeurant chez Mlle Khadidja B, ..., par Me Lévy, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1105227 du 5 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 12 juillet 2011 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français à destination du pays dont il a la nationalité ;

2°) à titre principal d'annuler la décision de refus de titre de séjour, et à titre subsidiaire la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

3°) d'enjoindre au préfet des Yvelines, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le préfet était tenu de soumettre son dossier à la commission du titre de séjour ;

- en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, le préfet des Yvelines a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il est père d'un enfant de 18 mois né en France ; il vit avec sa concubine, titulaire d'une carte de résident de dix ans, depuis mars 2009 ; son frère réside régulièrement en France ;

- l'article 3-1 de la convention de New York a été violé par ce refus de titre de séjour ;

- le préfet de la Seine-Saint-Denis a également méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le refus de titre de séjour est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur sa situation personnelle ;

- il peut se prévaloir de motifs exceptionnels justifiant l'octroi d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; en ne le régularisant pas, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ; il est titulaire d'une promesse d'embauche ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité entachant le refus de titre de séjour ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui n'est pas motivée, a été prise sur le fondement de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont les dispositions sont incompatibles avec celles de l'article 12 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 qui imposent que les décisions de retour soient motivées ; la décision obligeant un étranger à quitter le territoire national constitue bien une " décision de retour " au sens des dispositions des articles 3 et 6 de la directive précitée ; la motivation de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour ne saurait être confondue avec celle de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- le préfet des Yvelines, afin de déterminer le délai de départ volontaire, devait prendre en considération sa vie privée et familiale en France conformément aux dispositions des articles 5, 7 et 14 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ; en application de ces dernières dispositions, la décision prononçant ou refusant le délai de départ volontaire doit être motivée au regard des éléments liés à la situation particulière de l'étranger et doit être prise au terme d'une procédure contradictoire ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'article 3-1 de la convention de New York a été violé par la mesure d'éloignement litigieuse ;

- le refus de titre de séjour est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur sa situation personnelle ;

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi, du 9 octobre 1987 ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 septembre 2012 :

- le rapport de M. Brumeaux, président assesseur,

- et les observations de Me Lévy, pour M. A ;

Considérant que M. A, ressortissant marocain, qui serait entré sur le territoire français à l'âge de trente-six ans, et qui a fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière le 16 avril 2009, a sollicité le 30 juin 2011 la délivrance d'un titre de séjour mention " salarié " sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet des Yvelines a refusée par un arrêté en date du 12 juillet 2011, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 12 juillet 2011 du préfet des Yvelines refusant la délivrance d'un titre de séjour :

Sur la légalité externe :

Considérant que le moyen tiré de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ne comporte aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée par M. A devant le tribunal administratif ; qu'il y a ainsi lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;

Sur sa légalité interne :

Considérant, en premier lieu, que lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code ; qu'il ressort des pièces du dossier que le requérant a présenté sa demande de titre de séjour sur le seul fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11 7° de ce code est inopérant ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

Considérant que si M. A fait valoir qu'il est entré en France en mai 2007, qu'il vit maritalement avec une compatriote en situation régulière depuis mars 2009, qu'un enfant est né de cette union le 14 janvier 2010 et qu'un de ses frères réside régulièrement en France, il ressort toutefois des pièces du dossier que la date de sa venue en France est incertaine et qu'il n'est pas démuni de toute attache familiale dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-six ans et où résident ses parents et trois de ses frères et soeurs ; que dans ces circonstances, et compte tenu notamment des conditions et de la durée du séjour de l'intéressé sur le territoire français, l'arrêté attaqué en date du 12 juillet 2011 du préfet des Yvelines lui refusant la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté, dans ces circonstances, à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel il a été pris ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet des Yvelines aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être qu'écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que compte tenu des éléments qui viennent d'être exposés, le préfet des Yvelines n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur la situation personnelle et familiale du requérant ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en prenant l'arrêté litigieux en date du 12 juillet 2011, le préfet des Yvelines n'aurait pas accordé une importance primordiale à l'intérêt supérieur de l'enfant de M. A et de son épouse ; que cet arrêté n'a par lui-même ni pour objet, ni pour effet de séparer durablement M. MANSOURI de son enfant ; qu'en outre, le requérant n'établit aucunement qu'il contribuerait effectivement à l'entretien et à l'éducation de ce dernier et ne fait par ailleurs état d'aucune circonstance particulière qui ferait obstacle à la reconstitution de sa cellule familiale au Maroc, pays dont est également originaire sa compagne ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance, par le préfet des Yvelines des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 doit être écarté ;

Considérant, enfin, que, d'une part, aux termes de l'article 9 de l'accord franco-marocain susvisé : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. / Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation " et qu'aux termes de l'article 3 du même accord : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles (...) " et d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code de travail. / Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2 (...) " et qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;

Considérant qu'il résulte de la combinaison des textes ci-dessus rappelés que la situation des ressortissants marocains souhaitant bénéficier d'un titre de séjour portant la mention " salarié " est exclusivement régie par les stipulations de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 et que, dans cette mesure, ces stipulations font obstacle à l'application aux ressortissants marocains de celles des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ont le même objet ; qu'il suit de là que le préfet des Yvelines ne pouvait, sans commettre une erreur de droit, opposer les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à M. A pour rejeter sa demande de carte de séjour temporaire mention " salarié " ; qu'ainsi, son arrêté en date du 12 juillet 2011 doit être annulé en tant qu'il a rejeté la demande de titre de séjour mention " salarié " sur ce fondement ; que par voie de conséquence ses décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination doivent être également annulées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 juillet 2011 du préfet des Yvelines refusant de lui délivrer un titre de séjour mention " salarié ", lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d 'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé " ;

Considérant qu'eu égard aux motifs du présent arrêt, il y a lieu seulement d'enjoindre au préfet des Yvelines de réexaminer la demande de M. A dans un délai d'un mois à compter de sa notification, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. A sur ce fondement ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1105227 du 5 décembre 2011 du Tribunal administratif de Versailles et l'arrêté du préfet des Yvelines du 12 juillet 2011sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Yvelines de réexaminer la demande de titre de séjour de M. A dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A est rejeté.

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N° 12VE00043 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 12VE00043
Date de la décision : 25/09/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Michel BRUMEAUX
Rapporteur public ?: Mme ROLLET-PERRAUD
Avocat(s) : LEVY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-09-25;12ve00043 ?
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