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25/09/2012 | FRANCE | N°10VE01944

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 25 septembre 2012, 10VE01944


Vu la décision n° 313638 en date du 7 juin 2010, enregistrée le 14 juin 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, par laquelle le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi en cassation par la COMMUNE DE MANTES-LA-JOLIE, a annulé l'arrêt n° 05VE02179 en date du 11 décembre 2007 par lequel la Cour administrative d'appel de Versailles a rejeté sa requête tendant à l'annulation partielle du jugement n° 0403241 en date du 30 septembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la Société centrale pour l'équ

ipement du territoire (SCET) à lui verser une somme de 1 691 72...

Vu la décision n° 313638 en date du 7 juin 2010, enregistrée le 14 juin 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, par laquelle le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi en cassation par la COMMUNE DE MANTES-LA-JOLIE, a annulé l'arrêt n° 05VE02179 en date du 11 décembre 2007 par lequel la Cour administrative d'appel de Versailles a rejeté sa requête tendant à l'annulation partielle du jugement n° 0403241 en date du 30 septembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la Société centrale pour l'équipement du territoire (SCET) à lui verser une somme de 1 691 727,52 euros en réparation des différents préjudices subis du fait des fautes commises par cette société dans sa mission de maître d'ouvrage délégué dans le cadre de la réalisation d'un centre technique municipal, à la condamnation de la société SCET à la garantir de l'intégralité des sommes qui seraient mises à sa charge au titre des travaux nécessaires à la levée des réserves, des travaux exécutés par les sociétés sous-traitantes et en raison de l'intervention irrégulière d'une entreprise, à la condamnation de la société SCET à lui verser une somme de 1 271 424 euros à raison des pénalités non réclamées au titulaire du marché, une somme de 144 860,94 euros au titre de la caution non recouvrée, une somme de 120 993,45 euros au titre des travaux nécessaires à la levée des réserves et non effectués par le titulaire du marché, les sommes de 89 756,13 euros au titre des travaux effectués directement par la commune dans le cadre de la levée des réserves, de 14 693 euros, à parfaire, au titre des frais de justice mis à sa charge et de 50 000 euros au titre du préjudice d'image, enfin une somme de 5 980 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à la garantir des frais de même nature auxquelles elle serait condamnée ;

Vu la requête, enregistrée le 5 décembre 2005, présentée pour la COMMUNE DE MANTES-LA-JOLIE, représentée par son maire en exercice, par Me Cazin, avocat ; la COMMUNE DE MANTES-LA-JOLIE demande à la Cour :

1°) d'annuler partiellement le jugement n° 0403241 en date du 30 septembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la Société centrale pour l'équipement du territoire (SCET) à lui verser une somme de 1 691 727,52 euros en réparation des différents préjudices subis du fait des fautes commises par cette société dans sa mission de maître d'ouvrage délégué dans le cadre de la réalisation du centre technique municipal ;

2°) de condamner la société SCET à la garantir de l'intégralité des sommes qui seraient mises à sa charge au titre des travaux nécessaires à la levée des réserves, des travaux exécutés par les sociétés sous-traitantes et en raison de l'intervention irrégulière d'une entreprise ;

3°) de condamner la société SCET à lui verser les sommes de 1 271 424 euros à raison des pénalités non réclamées au titulaire du marché, de 144 860,94 euros au titre de la caution non recouvrée, de 120 993,45 euros au titre des travaux nécessaires à la levée des réserves et non effectués par le titulaire du marché, de 89 756,13 euros au titre des travaux effectués directement par la commune dans le cadre de la levée des réserves, de 14 693 euros, à parfaire, au titre des frais de justice mis à sa charge et de 50 000 euros au titre du préjudice d'image avec intérêt de droit ;

4°) de condamner la société SCET à lui verser une somme de 5 980 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à la garantir des frais de même nature auxquels elle serait condamnée ;

La commune soutient que :

- la société SCET a failli dans la mission de maîtrise d'ouvrage déléguée qui lui avait été confiée par convention de mandat conclue le 13 janvier 2000 dans la mesure où elle n'a effectué aucune démarche pour recouvrer la caution bancaire due par la banque BTP à la suite de la défaillance de la société Etis, membre du groupement conjoint chargé de la réalisation du centre technique ; elle a également failli dans sa mission de maîtrise d'ouvrage déléguée en ce qui concerne le traitement des contestations des sous-traitants ;

- la société SCET a omis d'infliger les pénalités de retard prévues par le marché à raison des défaillances et malfaçons constatées lors de la réception de l'ouvrage ;

- c'est à tort que le tribunal a rejeté comme irrecevables ses conclusions tendant à la condamnation de la société SCET à la garantir de l'intégralité des sommes qui seraient mises à sa charge à raison des travaux effectués pour la levée des réserves, des travaux effectués par les sociétés sous-traitantes ou des travaux effectués dans le cadre d'une intervention irrégulière d'une entreprise extérieure dans la mesure où le caractère éventuel des condamnations à intervenir ne saurait être une condition de recevabilité de son action en garantie ;

- le tribunal a également commis une erreur de fait en jugeant qu'elle n'avait pas chiffré son préjudice alors qu'elle avait été condamnée à verser à la société Malingue une somme de 29 552,59 euros majorée des intérêts moratoires et que les créances des autres sous-traitants avaient été chiffrées dans leurs réclamations ;

- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de l'appel en garantie du maître d'ouvrage délégué en ce qui concerne les sommes qu'elle a été condamnée à verser aux sociétés sous-traitantes ;

- si c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que la société SCET avait commis une faute en établissant tardivement un deuxième décompte général, c'est à tort qu'ils ont estimé que la commune ne justifiait pas du préjudice subi du fait de cette notification tardive ;

- de même, les premiers juges ont dénaturé l'ordonnance de référé du 12 février 2003 en estimant qu'il n'était pas établi que la production du décompte aurait abouti à une condamnation de la banque BTP et en déniant le lien de causalité entre défaut de production du décompte et rejet de demande de référé provision ; en effet, le décompte en question est faussement créditeur en faveur d'Etis dans la mesure où la société SCET a omis d'y inscrire la somme de 120 993,45 euros correspondant aux travaux nécessités par la levée des réserves ainsi que les dommages et intérêts auxquels le maître d'ouvrage pouvait prétendre en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation du marché au cours des opérations ;

- c'est également à tort que les premiers juges ont estimé que la société SCET n'avait commis aucune faute en ce qui concerne l'application des pénalités dès lors que la résiliation du marché n'était pas acquise le 24 août 2001 ;

- si c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la société SCET a commis une faute en ne faisant pas inscrire au passif de la société Etis la créance de dommages et intérêts prévus à l'article L. 621-28 du code de commerce, c'est à tort qu'ils ont estimé que la commune n'avait produit aucun élément permettant d'évaluer le préjudice subi ;

- il n'est pas établi que la société SCET a effectivement déduit du montant dû à Etis les sommes versées aux sous-traitants dans le cadre du paiement direct ;

- s'agissant des sous-traitants, les premiers juges ont également entaché leur décision d'une erreur de fait en considérant que la commune ne démontrait pas avoir subi un préjudice alors qu'elle a été condamnée à leur verser les sommes demandées au titre du paiement direct et que la société SCET a commis une faute en procédant à la régularisation abusive de la situation des sous-traitants ;

- la société SCET a commis une faute en s'abstenant de mettre en demeure le titulaire du marché d'établir un projet de décompte final ;

- la société SCET a également commis une faute en s'abstenant de communiquer à la commune le décompte général définitif et en ne le notifiant pas régulièrement au titulaire du marché ;

- c'est enfin à tort que le jugement met à sa charge le paiement des frais irrépétibles au profit des sociétés Eurovia, Malingue, Lizsol et Lagrange alors que leurs conclusions avaient été déclarées irrecevables ;

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 septembre 2012 :

- le rapport de M. Brumeaux, président assesseur,

- les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public,

- et les observations de Me Theobald, substituant Me Cazin, pour la COMMUNE DE MANTES-LA-JOLIE, et de Me Bloch, pour la Société centrale pour l'équipement du territoire (SCET) ;

Considérant que la COMMUNE DE MANTES-LA-JOLIE a conclu le 13 janvier 2000, avec la Société centrale pour l'équipement du territoire (SCET), une convention de mandat confiant à cette société une mission de maître d'ouvrage délégué pour la construction d'un centre technique municipal ; que, par un marché passé le 7 décembre 2000, les lots numéros 1 à 10 de ce chantier ont été dévolus au groupement Etis-TPOP représenté par la société Etis en qualité de mandataire ; que la Banque du bâtiment et des travaux publics (BTP) s'est portée caution personnelle et solidaire de la société Etis, par acte du 19 mars 2001, en remplacement de la retenue de garantie ; que par jugement du Tribunal de commerce de Nanterre du 19 juillet 2001, la société Etis a été placée en redressement judiciaire ; que la SCET a mis la société en demeure d'achever le chantier le 24 juillet 2011 ; qu'en l'absence de réponse du mandataire, les travaux ont été achevés par les sous-traitants ainsi que par les services techniques de la commune ; que la réception des travaux a été prononcée avec réserves le 24 août 2001 ; que la COMMUNE DE MANTES-LA-JOLIE estime avoir subi divers préjudices du fait du manquement de la SCET à ses obligations d'assistance aux plans administratif et financier au stade de l'achèvement des travaux et du traitement de la défaillance de la société Etis ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que si la COMMUNE DE MANTES-LA-JOLIE soutient que le jugement contesté serait entaché d'un défaut de motivation en ce qui concerne le rejet de ses conclusions tendant à ce que la société SCET soit appelée à la garantir du montant des sommes qu'elle a été condamnée à payer aux sous-traitants, ce moyen manque en fait dès lors qu'il ressort de la lecture du jugement attaqué que les premiers juges ont relevé que le préjudice allégué à ce titre présentait un caractère éventuel et qu'il n'était pas chiffré ;

Sur la recevabilité en première instance de la demande de la COMMUNE DE MANTES-LA-JOLIE :

Considérant qu'aux termes de l'article 16-2 de la convention de mandat du 13 janvier 2000 : " L'acceptation par la collectivité de la reddition définitive des comptes vaut constatation de l'achèvement de la mission de la société sur le plan financier et quitus global de sa mission (...) la collectivité notifiera son acceptation de cette reddition dans les trois mois, cette acceptation étant réputée acquise à défaut de réponse dans ce délai " ; que, saisi par la société SCET, le 16 décembre 2003, du bilan financier de l'opération de réalisation du centre technique, le conseil municipal de Mantes-la-Jolie a, par délibération en date du 12 février 2004, expressément différé la délivrance du quitus jusqu'à la résolution des litiges liés à la liquidation de la société Etis et a donc, en conséquence, refusé d'accepter la reddition définitive des comptes de l'opération prévue par les stipulations précitées ; que, par suite, la société SCET n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que sa responsabilité contractuelle pouvait être engagée sur le fondement des stipulations de la convention susmentionnée du 13 janvier 2000 et ont, en conséquence, rejeté l'exception d'irrecevabilité soulevée en première instance ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article 3.2 de la convention de mandat du 13 janvier 2000 : " Après l'expiration de sa mission, la société aura encore qualité pour, le cas échéant : - notifier les DGD et liquider les marchés - exiger des entreprises l'exécution des travaux nécessaires à la levée des réserves et à la réparation des désordres apparus pendant la période de garantie de parfait achèvement (...) " ; qu'aux termes de l'article 5 de ce même texte : " (...) la collectivité donne mandat à la société pour exercer, en son nom et pour son compte, les attributions suivantes qui seront ci-après précisées : (...) suivi du chantier sur les plans techniques, financiers et administratifs...réception des ouvrages et des différents travaux liés au réaménagement effectués sur les ouvrages puis levée des réserves et mise en place des garanties légales et contractuelles (voir article 12) (...) actions en justice pour les seuls litiges d'ordre contractuels (voir article 17) sous réserve de l'accord exprès de la collectivité (...) " ; qu'aux termes de l'article 6 de ladite convention : " (...) la société veillera à ce que la coordination des entreprises et des techniciens aboutisse dans les délais dans le respect de l'enveloppe financière et conformément au programme arrêté par la collectivité. Elle signalera à la collectivité les anomalies qui pourraient survenir et lui proposera toutes mesures destinées à les redresser - elle représentera la collectivité maître de l'ouvrage à l'égard des tiers dans l'exercice des attributions définies à l'article 5 ci-dessus. Il est précisé que les attributions confiées à la société constituent une partie des attributions du maître de l'ouvrage. En conséquence, la mission de la société ne constitue pas, même partiellement, une mission de maîtrise d'oeuvre, laquelle est assurée par l'architecte, le bureau d'études et/ou l'économiste de la construction, qui en assument toutes les attributions et responsabilités (...) " ; qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 12 de cette même convention : " (...) Cependant, jusqu'à l'achèvement de la mission du mandataire sur le plan technique, entrent dans sa mission la levée des réserves de réception et la mise en jeu éventuelle des garanties légales définies à l'article 1792-1 et suivants du Code Civil (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article 17 de la convention précitée : " Sauf en cas d'urgence pour les actions conservatoires et interruptives de déchéance relatives aux missions confiées, la société n'est pas autorisée à agir en justice, tant en demande qu'en défense, pour le compte de la collectivité mandante. Pour les actions contractuelles qui sont du ressort de la société conformément aux stipulations de l'article 6, la société s'oblige à demander l'accord exprès de la Collectivité préalablement à toute action, sauf cas d'urgence ci-dessus évoqué. Dans ces cas d'urgence, la société informera immédiatement la Collectivité des actions qu'elle aura engagées (...) En outre, la société assistera la Collectivité pour lui fournir tous éléments utiles aux actions en justice menées par elle (...) En cours de mission, elle rendra compte à la collectivité de toute difficulté présentant un risque de contentieux. " ;

Considérant qu'un maître d'ouvrage délégué doit, dans l'exercice de sa mission définie par la convention de mandat qui le lie au maître d'ouvrage, accomplir les diligences que son mandant est en droit d'attendre d'un professionnel ayant accepté cette mission ; qu'il lui appartient en particulier, quand il approuve le décompte général et définitif, de s'assurer que ce document n'est pas entaché d'erreurs ou d'omissions qui ne devraient pas échapper à un professionnel ;

Considérant en premier lieu que la société SCET, à qui cette mission incombait en application des dispositions précitées de l'article 3.2 de la convention de mandat, a approuvé et notifié le 15 novembre 2002 un décompte général et définitif qui faisait apparaître un solde positif en faveur du groupement titulaire du marché ; que toutefois, et cela n'est pas contesté, ce décompte n'a pas pris en compte le coût des travaux entrepris et nécessaires pour la levée des réserves émises lors de la réception des travaux prononcée le 24 août 2001 et son montant, qui s'élève à 120 993,45 euros, n'a pas été déduit des sommes dues à l'entreprise Etis ; que, de même, le coût des travaux conduits par la commune pour la levée des réserves n'a été pris en compte qu'à hauteur de 43 716 euros alors qu'il résulte de l'instruction qu'il doit être évalué à 89 756,13 euros ; qu'ainsi le décompte était entaché d'erreurs de nature à engager la responsabilité du maître d'ouvrage délégué et le préjudice en résultant doit être évalué à 167 033,58 euros ;

Considérant, en deuxième lieu, que la COMMUNE DE MANTES-LA-JOLIE soutient que la société SCET aurait manqué à ses obligations contractuelles telles qu'elles sont définies par les articles 5 et 17 de la convention susmentionnée du 13 janvier 2000 en omettant, pour obtenir la levée des réserves émises lors de la réception des travaux intervenue le 24 août 2001, d'infliger à la société Etis les pénalités de retard prévues tant à l'article 20 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux publics qu'à l'article 4-3 du cahier des clauses administratives particulières du marché ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'après avoir pris connaissance de ce que la société Etis faisait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire ouverte par jugement du tribunal du commerce du 19 juillet 2001, la société SCET a saisi, par une correspondance du 24 juillet 2001, l'administrateur judiciaire en vue d'une éventuelle poursuite de l'exécution du marché ; qu'en raison du silence gardé par ce dernier, en application des dispositions de l'article L. 621-28 du code de commerce auxquelles renvoie l'article 47.3 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux publics, le marché passé le 7 décembre 2000 doit être regardé comme ayant été résilié de plein droit, le 24 août 2001 ; que par suite la société SCET n'a pas manqué à ses obligations contractuelles d'une part en n'infligeant pas à la société Etis des pénalités pour des retards relatifs à des travaux nécessairement postérieurs à la rupture des relations contractuelles, s'agissant des levées des réserves formulées lors de la réception des travaux le 24 août 2001, d'autre part en ne portant pas de telles pénalités de retard au débit de la société Etis dans le décompte général et définitif ;

Considérant, en troisième lieu, que si la société SCET n'a pas fait parvenir le 30 août 2011 au représentant des créanciers un courrier accompagné des précisions et justificatifs de nature à permettre l'inscription effective de la créance de la commune sur la société Etis, conformément aux termes de l'article L. 621-44 du code de commerce, le préjudice qui en découle a été, en tout état de cause et compte tenu de ce qui précède, identique à celui résultant des inexactitudes du décompte général et définitif ;

Considérant, en quatrième lieu, que, par un acte signé le 19 mars 2001, la Banque du bâtiment et des travaux publics (BTP) s'est portée, en remplacement de la retenue de garantie prévue par l'article 99 du code des marchés publics, caution personnelle et solidaire du marché signé le 7 décembre 2000 pour le versement des sommes dont le titulaire du marché serait débiteur pendant le délai de garantie, à hauteur de 950 225,45 F TTC (144 860,94 euros) ; que dès lors il ne saurait être reproché au maître d'ouvrage délégué de ne pas avoir appliqué une retenue de garantie sur les acomptes versés à la société Etis ; que si la COMMUNE DE MANTES-LA-JOLIE soutient enfin, sans toutefois l'établir, que la caution personnelle et solidaire à laquelle la Banque du bâtiment et des travaux publics s'est engagée au profit de la société Etis, par acte du 19 mars 2001, n'aurait pas été constituée régulièrement dans le délai prescrit par les dispositions de l'article 131 du code des marchés publics, elle ne justifie cependant pas, en tout état de cause, d'un préjudice spécifique résultant de cette carence supposée du maître d'ouvrage délégué ;

Considérant, en cinquième lieu, que si la COMMUNE DE MANTES-LA-JOLIE soutient que la société SCET a procédé tardivement à l'agrément des sous-traitants de la société Etis et qu'elle l'a ainsi exposée à des actions contentieuses de ces derniers tendant au paiement direct de leurs travaux, il résulte de l'instruction, d'une part, que les sociétés Lagrange, Malingue, Cotra et Lizsol ont été agréées comme sous-traitants respectivement le 28 mars 2001, le 3 avril 2001, le 24 avril 2001 et le 20 juin 2001, soit antérieurement à la date à laquelle la société Etis a renoncé à exécuter le marché, et, d'autre part, que la société SCET a déduit des décomptes présentés initialement par les sociétés sous-traitantes, les sommes qu'elle estimait ne pas être dues et soutient, sans être contredite, que les sommes dues à certains sous-traitants étaient incluses dans le solde de trésorerie reversé à la commune ; que, par suite, la COMMUNE DE MANTES-LA-JOLIE n'est pas fondée à demander la condamnation de la société SCET à lui verser les sommes auxquelles elle a été condamnée dans le cadre des litiges avec les sous-traitants et les frais de justice correspondants ;

Considérant, enfin, que le préjudice d'image invoqué n'est pas établi ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE MANTES-LA-JOLIE est seulement fondée à demander la condamnation de la société SCET à lui verser une indemnité de 167 033,58 euros ; que, par suite, le jugement attaqué doit être réformé en ce sens ;

Sur les appels en garantie formés par la société SCET :

Considérant, en premier lieu, que, comme il a été plus haut, la caution de la Banque du bâtiment et des travaux publics ne peut être mise en oeuvre qu'à hauteur des créances de la société Etis et que le décompte général et définitif, approuvé par la SCET, a établi un solde excédentaire à son profit ; que, par suite, l'appel en garantie formé contre la Banque du bâtiment et des travaux publics, qui n'a pas commis de faute par ailleurs de nature à engager sa responsabilité, doit être rejeté ;

Considérant, en second lieu, que même si les conditions d'établissement du projet de décompte ont été particulièrement difficiles, en raison de l'abandon du marché par la société Etis, des retards du commissaire à l'exécution du plan de cession de cette société pour se prononcer sur le projet de décompte et des difficultés à obtenir les éléments nécessaires pour établir la situation des entreprises sous-traitantes et justifient le retard avec lequel le décompte final a été établi, l'architecte mandataire du groupement solidaire de maîtrise d'oeuvre, M. A, et son cotraitant, le bureau d'études techniques CTC, ont cependant manqué à leurs obligations contractuelles, rappelées à l'article 19.2 du cahier des clauses administratives particulières applicable au marché de maîtrise d'oeuvre notifié le 5 janvier 2000, en n'intégrant pas dans le projet de décompte général soumis à l'approbation du maître d'ouvrage délégué le coût des travaux nécessaires pour la levée des réserves ; que leur part de responsabilité doit être fixée à 50 % ;

Sur les conclusions de la COMMUNE DE MANTES-LA-JOLIE tendant à ce que la société SCET la garantisse des condamnations prononcées à son encontre par les sous-traitants :

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que la société SCET aurait, en sa qualité de maître d'ouvrage délégué, commis des erreurs dans le suivi des sous-traitants, notamment en ne déduisant pas des sommes dues à la société Etis les acomptes versés directement aux sous-traitants agréés ; qu'il ne saurait davantage être reproché au maître d'ouvrage délégué de ne pas avoir opposé à un sous-traitant, la société Malingue, le projet de décompte du 19 avril 2002 qui était dépourvu de toute valeur juridique, ni d'être la cause de la notification tardive du décompte général et définitif du 15 novembre 2002, ni enfin de ne l'avoir transmis que le 15 juin 2003 à la COMMUNE DE MANTES-LA-JOLIE qui n'en avait pas fait la demande ; que dans ces circonstances l'appel en garantie de la COMMUNE DE MANTES-LA-JOLIE ne peut être que rejeté ;

Sur les intérêts et leur capitalisation :

Considérant que la COMMUNE DE MANTES-LA-JOLIE a droit aux intérêts au taux légal afférents à la somme de 167 033,58 euros à compter du 25 juin 2004, date d'enregistrement de sa demande de première instance ; qu'elle a demandé la capitalisation des intérêts dans un mémoire enregistré le 30 mars 2012 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; qu'il y a lieu, par suite, en application de l'article 1154 du code civil, de faire droit à cette demande à cette date ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de celle-ci ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Banque du bâtiment et des travaux publics la somme demandée par la société SCET dès lors qu'elle n'est pas vis-à-vis d'elle la partie perdante ; que, pour le même motif, les conclusions présentées par M. A à l'encontre de la société SCET doivent être rejetées ; qu'en revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire droit aux conclusions présentées par la COMMUNE DE MANTES-LA-JOLIE et de mettre une somme de 4 000 euros à la charge de la société SCET et, à la demande de cette dernière, de mettre une somme de 1 000 euros chacun à la charge de M. A et du bureau d'études techniques CTC au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'enfin, il y a lieu de faire droit aux conclusions de la Banque du bâtiment et des travaux publics dirigées contre la société SCET et mettre à la charge de cette dernière une somme de 1 500 euros et de rejeter ses conclusions dirigées contre les autres parties succombantes ;

DECIDE :

Article 1er : La Société centrale pour l'équipement du territoire (SCET) est condamnée à verser à la COMMUNE DE MANTES-LA-JOLIE une somme de 167 033,58 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 25 juin 2004. Les intérêts échus le 30 mars 2012 seront capitalisés à cette date ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de celle-ci.

Article 2 : L'article 1er du jugement susvisé du 30 septembre 2005 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : M. A et le bureau d'études techniques CTC garantiront solidairement la Société centrale pour l'équipement du territoire (SCET) des condamnations mises à sa charge à hauteur de 50 %.

Article 4 : La Société centrale pour l'équipement du territoire (SCET) versera une somme de 4 000 euros à la COMMUNE DE MANTES-LA-JOLIE et une somme de 1 500 euros à la Banque du bâtiment et des travaux publics en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Sur le même fondement, M. A et le cabinet CTC verseront une somme de 1 000 euros chacun à la société SCET.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la COMMUNE DE MANTES-LA-JOLIE est rejeté.

Article 6 : L'appel en garantie de la société SCET dirigé contre la Banque du bâtiment et des travaux publics est rejeté.

Article 7 : Le surplus des conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la Société centrale pour l'équipement du territoire (SCET) et la Banque du bâtiment et des travaux publics et les conclusions présentées sur le même fondement par M. A sont rejetés.

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N° 10VE01944 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 10VE01944
Date de la décision : 25/09/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-07 Marchés et contrats administratifs. Responsabilité du maître de l'ouvrage délégué à l'égard du maître de l'ouvrage.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Michel BRUMEAUX
Rapporteur public ?: Mme ROLLET-PERRAUD
Avocat(s) : BOULLOCHE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-09-25;10ve01944 ?
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