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11/09/2012 | FRANCE | N°11VE00348

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 11 septembre 2012, 11VE00348


Vu la requête, enregistrée le 31 janvier 2011 au greffe de la cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Florent A, demeurant ..., Belgique, par Me Noël, avocat à la Cour ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0906808 du 19 novembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant au remboursement d'un trop-perçu de retenue à la source à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2006 ;

2°) de lui accorder le remboursement de ce trop-perçu ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme

de 890,70 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de ju...

Vu la requête, enregistrée le 31 janvier 2011 au greffe de la cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Florent A, demeurant ..., Belgique, par Me Noël, avocat à la Cour ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0906808 du 19 novembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant au remboursement d'un trop-perçu de retenue à la source à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2006 ;

2°) de lui accorder le remboursement de ce trop-perçu ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 890,70 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. A soutient que son domicile est fixé à Tournai en Belgique mais qu'il travaille en France, à Villeneuve d'Ascq, en qualité de chef de projet au sein de la société Generix ; qu'il dépose tous les ans une déclaration d'impôts auprès du centre des non-résidents ; qu'il a déclaré pour 2006 ses salaires et ses dons aux oeuvres de l'association Greenpeace France dont il joint les justificatifs ; qu'il apparaît, sur ses bulletins de paie ainsi que sur son avis d'imposition, que ses salaires déclarés en France donnent lieu à une retenue à la source prélevée et payée par la société employeur ; qu'il dépose une déclaration d'impôts au titre de ses revenus auprès des services fiscaux belges ; que, dès lors que ses revenus sont constitués uniquement de salaires versés par la société Generix, il doit être regardé comme ayant son domicile fiscal en France, en application des dispositions des paragraphes b et c de l'article 4 B du code général des impôts ; qu'en outre, en application du c de l'article 1er--2 de la convention conclue en 1964 entre la France et la Belgique, il doit être considéré comme résident de l'Etat contractant dont il possède la nationalité soit la France ; qu'il tire ses uniques revenus d'une société qui le salarie en France ; qu'il a en France ses liens personnels et économiques puisque l'ensemble de sa famille, et notamment ses parents, y réside ; qu'ainsi, il a un foyer permanent d'habitation dans chacun de ces deux Etats ; qu'en outre, il est de nationalité française ; qu'en conséquence, ses dons aux oeuvres au profit de l'association Greenpeace doivent être pris en compte ; que, s'il était regardé comme résident fiscal en Belgique, il y aurait lieu de prendre en compte le taux moyen qui résulterait de son imposition en France en tenant compte de ses dons aux oeuvres, soit un taux moyen de zéro ; qu'en tout état de cause, il demande le bénéfice des stipulations de l'article 25-2 de la convention fiscale intervenue entre la France et la Belgique ; qu'il demande également le bénéfice des dispositions de l'article 197 B du code général des impôts ; qu'il subit en l'espèce une discrimination dépourvue de justification juridique ainsi que le rappelle la Cour de justice des communautés européennes dans une affaire du 14 février 1995, 279/93 Schumacker ; que selon cet arrêt, des avantages fiscaux réservés aux seuls résidents d'un Etat membre sont susceptibles de constituer une discrimination indirecte, selon la nationalité ;

......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu la convention signée le 10 mars 1964 entre la France et la Belgique, tendant à éviter les doubles impositions et à établir les règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 août 2012 :

- le rapport de Mme Belle, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public ;

Considérant que M. A, qui réside à Tournai en Belgique, a fait l'objet d'une retenue à la source en France en qualité de non résident, sur le salaire qui lui est versé par son employeur, à Villeneuve d'Ascq, dans le département du Nord en France ; que, par une réclamation présentée le 15 septembre 2008, il a contesté le montant de la retenue à la source prélevée au titre de l'année 2006, estimant avoir acquitté une somme excessive au regard de la déduction à laquelle il aurait droit au titre des sommes qu'il a versées à l'association Greenpeace pour un montant de 3 475 euros, en application de l'article 200 du code général des impôts ; que sa demande ayant été rejetée devant le tribunal administratif de Montreuil, il relève régulièrement appel de ce jugement ;

Sur la territorialité de l'impôt :

Considérant que si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition ; que, par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification ; qu'il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale ;

Considérant qu'aux termes de l'article 4 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à compter du 1er janvier 1977 : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 B du même code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; b. celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; c. celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques (...) " ; que la notion de domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A précité est fonction du champ d'application territorial du code général des impôts ; que, pour l'application des dispositions du paragraphe a du 1 de l'article 4 B précité, le foyer s'entend du lieu où le contribuable habite normalement et a le centre de ses intérêts familiaux, sans qu'il soit tenu compte des séjours effectués temporairement dans un autre Etat en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles, et que le lieu du séjour principal du contribuable ne peut déterminer son domicile fiscal que dans l'hypothèse où celui-ci ne dispose pas de foyer ; qu'aux termes de l'article 4 bis du code général des impôts : " Sont également passibles de l'impôt sur le revenu : 2° Les personnes de nationalité française ou étrangère, ayant ou non leur domicile fiscal en France, qui recueillent des bénéfices ou revenus dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions " ; qu'aux termes de l'article 200 du code général des impôts : " Ouvrent droit à une réduction d'impôt sur le revenu égale à 66 % de leur montant les sommes prises dans la limite de 20 % du revenu imposable qui correspondent à des dons et versements, y compris l'abandon exprès de revenus ou produits, effectués par les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B, au profit : a) De fondations ou associations reconnues d'utilité publique et, pour les seuls salariés des entreprises fondatrices ou des entreprises du groupe, au sens de l'article 223 A, auquel appartient l'entreprise fondatrice, de fondations d'entreprise, lorsque ces organismes répondent aux conditions fixées au b ; (...) " ;

Considérant qu'au regard de la loi fiscale M. A est réputé ne pas avoir son domicile fiscal en France, le critère du foyer étant prioritaire au regard des autres critères, qui n'interviennent qu'à titre subsidiaire ; que, dès lors que son foyer fiscal était en Belgique, il ne pouvait bénéficier des dispositions de l'article 200 du code général des impôts qui s'appliquent aux contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts ; que s'il demande le bénéfice des dispositions de l'article 197 B du même code relatives au calcul de l'impôt, il n'apporte aucune précision à l'appui de ce moyen permettant d'en apprécier la portée ou le bien-fondé ; que les dispositions précitées s'appliquent, toutefois, sous réserve des stipulations de la convention fiscale franco-belge destinée à prévenir les doubles impositions ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la convention entre la France et la Belgique signée le 10 mars 1964 dont la ratification a été autorisée par la loi du 26 décembre 1964 publiée au journal officiel du 11 août 1965 : " une personne physique est réputée résident de l'Etat contractant où elle dispose d'un foyer permanent d'habitation " ; qu'aux termes de l'article 25-2 de la même convention : " (...) 2. Nonobstant les dispositions du paragraphe 1, les personnes physiques qui sont les résidents d'un Etat contractant et qui exercent un emploi salarié dans l'autre Etat contractant ne sont soumises dans cet autre Etat, au titre des revenus de cette activité, à aucune imposition ou obligation y relative, qui est plus lourde que celle auxquelles sont ou pourront être assujetties les personnes physiques qui sont des résidents de cet autre Etat et qui y exercent un emploi salarié. Les déductions personnelles, abattements et réductions d'impôt en fonction de la situation ou des charges de famille que cet autre Etat accorde à ses propres résidents sont accordés aux personnes visées à la phrase précédente mais ils sont réduits au prorata des rémunérations provenant de cet autre Etat par rapport au total des revenus professionnels, d'où qu'ils proviennent, dont ces personnes sont les bénéficiaires " ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que durant l'année 2006, M. A, qui était logé à Tournai en Belgique, y a résidé de manière permanente et que ce logement était son foyer ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait disposé en France d'un autre foyer d'habitation et qu'il ne soutient, ni n'allègue, qu'il aurait séjourné au sens de la convention, de manière habituelle, sur le territoire d'un autre Etat alors que l'administration fiscale lui oppose ses fiches de paie qui mentionnent sa résidence en Belgique à Tournai et l'attestation de son employeur ; que si M. A demande à bénéficier, sans autre précision, des stipulations ci-dessus rappelées de l'article 25-2 de la convention franco-belge, il ne peut, en tout état de cause, s'en prévaloir puisque la déduction d'une somme pour versement à une association n'entre pas dans les prévisions dudit article, qui ne vise que les réductions d'impôt accordées en fonction de la situation ou des charges de famille ; que, dès lors, le requérant ne peut se prévaloir de ces stipulations au soutien de ses conclusions tendant à ce que la retenue à la source qui lui a été appliquée lui soit remboursée ;

Sur la discrimination :

Considérant que M. A fait valoir qu'il fait l'objet d'une discrimination au sens de la jurisprudence communautaire puisque, n'étant pas résident fiscal en France, il n'est pas traité de manière équivalente aux contribuables qui ont la qualité de résident fiscal en France et peuvent pratiquer la déduction dont il demande le bénéfice, alors qu'il a pourtant la nationalité française ;

Considérant, en premier lieu, que, d'une part, la qualité de résident au sens de la loi fiscale interne et de la convention fiscale bilatérale est indépendante du critère de la nationalité ; que, dès lors, M A n'est pas fondé à soutenir qu'il subirait une discrimination dépourvue de fondement juridique au motif que les avantages fiscaux réservés aux seuls résidents seraient susceptibles de constituer une discrimination indirecte suivant la nationalité ; que, d'autre part, si les stipulations de cette convention interdisent à la France de faire peser sur les ressortissants d'un autre Etat des obligations plus lourdes que celles qui pèsent sur les Français placés dans la même situation, M. A, ressortissant français, ne peut utilement s'en prévaloir ;

Considérant, en second lieu, que M. A soutient que son droit à la libre circulation qui résulte du Traité de l'Union européenne aurait été méconnu du fait de sa qualité de Français non résident ; que, toutefois, le fait pour un Etat membre de ne pas faire bénéficier un non-résident national des avantages fiscaux qu'il réserve aux résidents nationaux n'est pas discriminatoire, les dispositions relatives à la libre circulation des ressortissants communautaires ne faisant pas obstacle à ce qu'un Etat soumette ceux de ses ressortissants qui exercent leur activité professionnelle sur son territoire à une charge fiscale plus lourde lorsqu'ils ne résident pas dans cet Etat que lorsqu'ils y résident ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

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N° 11VE00348 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 11VE00348
Date de la décision : 11/09/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Conventions internationales.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Traitements - salaires et rentes viagères.


Composition du Tribunal
Président : M. SOUMET
Rapporteur ?: Mme Laurence BELLE VANDERCRUYSSEN
Rapporteur public ?: Mme DIOUX-MOEBS
Avocat(s) : NOEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-09-11;11ve00348 ?
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